Projeté dans le cadre du Ciné Club de Claude Jean-Philippe au cinéma l'Arlequin, nous ignorions tout des aventures de Robinson Crusoé de Luis Bunuel, nous aurions été incapables de le citer dans sa filmographie.
Ce film tourné durant sa période mexicaine est une adaptation fidèle du roman de Daniel Dafoe. Il y a une scène de rêve où Robinson revoit ses parents et une autre allusion de la frustration sexuelle au moment où Robinson prend une robe de femme récupérée sur l'épave avant qu'elle ne disparaisse définitivement dans les fonds marins pour en faire un épouvantail et protéger le blé qu'il fait pousser de l’appétit vorace des oiseaux.
Tourné en couleur, et en langue anglaise , le film est une commande passée à Bunuel, mais il a su s'approprier ce personnage confronté à sa propre solitude pour signer un excellent film, captivant. La copie n'était pas en excellent état, c'est le seul reproche que nous pouvons faire à cette projection.
Nous sommes allés lire l'interview donné par Luis Bunuel à Andre Bazin et Jacques Doniol-Volcroze lors du festival de Cannes , qu'il est possible de retrouver dans le numéro 36 des cahiers du cinéma du mois de Juin 1954, un long entretien passionnant qui trace le portait du cinéaste espagnol. Voila ce qu'il dit au sujet de Robinson:
"Robinson, comme les autres m'a été proposé. Je n'aimais pas le roman, mais j'ai aimé le personnage et j'ai accepté parce qu'il y a en lui quelque chose de pur. D'abord c'est l'homme en face de la nature, pas de romance, de scènes d'amours faciles, de feuilleton ni d'intrigue compliquée. C'est simplement un type qui arrive, se trouve en face de la nature et doit se nourrir. Alors le sujet m'a plu, j'ai accepté et j'ai essayé de faire des choses qui auraient pu être intéressantes. Je crois qu'il en reste encore car on a coupé des passages soi-disant surréalistes et parait-il incompréhensibles. Le film commence par le débarquement de Robinson, les flots jettent un homme dans l'ile, c'est la première image. Pendant sept bobines, il reste dans la solitude la plus grande, avec uniquement son chien. Ensuite, il rencontre Vendredi, mais c'est un cannibale et il ne peut pas parler avec lui. Ils passent encore trois bobines à essayer de se comprendre... et pour finir les pirates emmènent Robinson.. J'ai fait le film comme j'ai pu, voulant surtout montrer la solitude de l'homme, l'angoisse de l'homme sans la société humaine. J'ai voulu aussi traiter le sujet de l'amour... je veux dire du manque d'amour ou d'amitié: l'homme sans la société de l'homme ou de la femme. Tout de même je crois que malgré les coupures les relations de Robinson et de Vendredi demeurent assez claires: celle de la race "supérieure" anglo-saxonne avec la race "inférieure" nègre. C'est à dire qu'au début Robinson se méfie, imbu de sa supériorité, mais à la fin ils en arrivent à la grande fraternité humaine... ils se retrouvent fiers comme des hommes ! J'espère que cette intention sera sensible."
Malgré les coupes, et au-delà de celles subies sur Robinson, tous les films de la période mexicaine du cinéaste ont eu à en subir de nombreuses c'est un point particulièrement passionnant de cet entretien qui donne une autre vision de l’œuvre de Bunuel, les intentions du cinéastes sont bien palpables.
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