mardi 29 novembre 2011

Berenice - Jean Racine Mise en Scène Laurent Brethome - Théâtre Jean Arp

Titus aime profondément Bérénice, il s'est même engagé à l’épouser au désespoir de leur ami Antiochus roi de Comagène  amoureux désespéré de la reine de Palestine. Mais à la mort de son père Vespasien, il devient César, la Loi romaine est implacable Titus ne peut épouser une reine, aucun de ces prédécesseurs n'est allé contre cette loi. La raison d'Etat l'emporte, il doit renoncer à son amour...
Le fait remarquable dans cette pièce de Racine, c'est l'absence de  bassesse et de médiocrité, les personnages frolent le désespoir mais ils restent dignes . .. Les trois héros font le choix de contenir leur chagrin et de vivre avec le souvenir de leurs amours impossibles.

Ce texte d'une poésie absolue est un sommet de la littérature Française.

Sublime tel est l'adjectif qui nous vient à l'esprit après ce "Hélas" dernier mot d'Antiochus qui clot le spectacle, nous sommes tenus de bout en bout par la mise en scène magistrale de Laurent Brethome, sachant user à merveille des lumières, de l'espace pour donner à chaque scène la dimension qu'elle mérite, nous pensons notamment à ce sublime passage où la scène se retrécit par un jeu de lumière maitrisé pour donner une intimité nécessaire au dernier échange entre Titus et Bérénice dans l'acte IV, un très grand moment de théâtre .
Bérénice (extraordinaire Julie Recoing) n'est pas une douce femme qui accepte avec fatalité son sort, elle se révolte contre la raison d'Etat qu'on lui impose, elle hurle sa colère contre Titus, incapable de changer les lois romaines, de rester fidèle à ses engagements . La raison d'Etat l'emporte, les mots de Titus sont sans équivoque:

"Je sens bien que sans vous je ne saurai plus vivre,
Que mon coeur de moi-même est prêt de s'éloigner,
Mais il ne s'agit plus de vivre; il faut régner."

La langue est sublime, rien ne nous échappe, le texte est clair les mots sonnent justes nous ne tombons jamais dans une mécanique de l'alexandrin, pour autant la poésie de Racine n'est jamais trahie. Citons les acteurs remarquables: Thomas Blanchard (Titus), Julie Recoing (Berenice), Fabien Albanese (Paulin), François Jaulin(Rutile), Philipe Sire (Antiochus), Sophie Mourousi (Phenice) et Thierry Jolivet (Arsace)

Dans les notes d'intention du metteur en scène il est écrit: "Pour moi monter une pièce classique aujourd'hui, c'est avoir comme constante priorité la notion d’accessibilité et de compréhension pour le spectateur. Nous avons donc fait un travail important pour rendre le texte accessible à tous, sans le banaliser, sans en perdre la poésie, mais sans le chanter ni le rendre obscur." Le défi est relevé sans aucun doute.

Un Bérénice d'une totale modernité, cet "exercice de l'Etat" du XVII° a gardé toute sa vigueur!

C'est au théâtre Jean ARP  à Clamart jusqu'au Samedi 10 décembre, pour en savoir plus cliquez ICI





lundi 28 novembre 2011

L'exercice de l'Etat - Pierre Scholler

Bertrand  Saint-Jean, Ministre des transports est réveillé en pleine nuit par son directeur de cabinet, un car est tombé dans un ravin au fin fond des Ardennes, il y a de nombreuses victimes notamment des enfants. Il doit se rendre immédiatement sur place. Ainsi commence cette chronique de la vie d'un cabinet ministériel dont  les deux principaux protagonistes avec le ministre sont le directeur de cabinet  et la chargée de communication toujours à la recherche de la petite phrase, la formule choc qui sera reprise en boucle dans les médias. 
Nous suivons  la vie de ce ministre toujours entouré des membres de son cabinet, il en oublie toute forme de pudeur, se déshabillant et se rhabillant sans gêne devant ses collaborateurs.  Il passe des lambris dorés des palais de la République au bord de routes hostiles où il doit se coltiner les représentants syndicaux remontés contre la politique gouvernementale mais finalement cette violence du peuple n'est rien à coté de celle que lui imposent  ces collègues de sa majorité....
Ce n'est pas un mauvais bougre pour autant ce ministre, il a même des convictions affichées mais il finit par avaler les couleuvres de son premier ministre qui lui impose de se renier et de défendre la privatisation des gares dont il a été l'adversaire. Seul son directeur de cabinet véritable républicain dans l'âme, nourri des discours de Malraux finit par quitter le navire. 
Une des scènes les plus intéressantes est le diner partagé par le directeur de cabinet  avec son collègue du budget. Ce dernier (joué par l'excellent Didier Bezace)  l'informe qu'il quitte son poste pour rejoindre le monde de l'entreprise privée, lui expliquant que l'Etat ne peut plus rien puisqu'il n'a plus d'argent, plus aucune marge de manœuvre, véritable réflexion sur notre monde en crise d'un cynisme effrayant...
C'est l'histoire d'un homme, membre du gouvernement qui découvre  la solitude du pouvoir, il en fait l'amer constat en faisant défiler le carnet d'adresse de  son portable: des milliers de contacts mais pas un ami.
Comme dans le cinéma des frères Dardennes producteurs de ce film, Pierre Scholler suit au plus près  ces personnages, il ne porte aucun jugement, il filme leur quotidien, il ne veut surtout pas être un moraliste. Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou, chacun dans leur registre sont toujours justes. Et que dire de ce personnage extraordinaire de chômeur longue durée, engagé comme chauffeur dans le cadre d'une opération de communication gouvernementale qui découvre les rouages de l'Etat , mais qui sagement préfère rester emmuré dans son silence...
C'est un très grand film sur le monde politique sans équivalent dans le paysage cinématographique, nous aurions presque eu le désir de voir le film se prolonger tant il est passionnant et qu'il nourrit nos réflexions sur notre époque.
Si on devait faire un rapprochement se serait avec la Bande dessinée Quay D'Orsay de Blain et Lanzac qui décrit également la vie d'un cabinet ministériel dont le deuxième opus doit sortir la semaine prochaine, que du bonheur!

samedi 26 novembre 2011

Með suð í eyrum við spilum endalaus - Sigur Ros

Sigur Ros est un groupe islandais unique en son genre, nous dirons pas grand chose sur eux car mieux vaut les écouter, c'est de la pure poésie...une influence majeure de la musique Pop de ce début du siècle.


Með suð í eyrum við spilum endalaus (vive les copier coller),  est notre album de la semaine!


Les Fidéles - Histoire d'Anne Rozier - Texte et mise en scène Anna Nozière - Théâtre Jean Arp

Hier soir nous sommes allés au théâtre, voir une pièce dont nous ignorions tout, l'auteur et le texte. Nous savions juste ce que nous en disait le programme:

"Annie Rozier vient de naître. On la baptise. On lui offre des casseroles et toutes sortes de gamelles, le portrait d'un aïeul atteint de la gangrène, sa jambe de bois, et Petit Jacques, enfant momifié, mort à la naissance et que l'on se passe d'une génération à l'autre. Annie découvre sa famille: des personnages "fidèles" (à eux-mêmes, à leurs croyances, à l'histoire et aux injonctions familiales...) qui se refourguent des fantômes et se cherchent des poux jusqu'à la mort entre deux prières pour conjurer le destin. Annie trouve les moyens de sa survie dans des fantasmes et d'étranges rêves.
Dans une pièce à la fois intime et burlesque, l'auteur et metteur en scène convoque au théâtre des figures de la mémoire. La mére, le père, l'oncle, la grand mère, la soeur,etc. L'histoire d'Annie Rozier et de sa famille, racontée dans une suite de scène brèves où accouchement, baptême et veillée mortuaire ressemblent à d'absurdes cauchemars autant qu'ils sont jubilatoires...."

Si nous avons repris telle quelle la présentation du spectacle, c'est certes par fainéantise mais aussi parce qu'elle est le reflet exact de ce que nous avons vu. Nous avons plongé dans un cauchemar familial, c'est drôle car les cauchemars des autres font toujours rire. Mais parfois ils finissent par rejoindre les vôtres, vous vous retrouvez alors saisi d'effroi sur votre fauteuil, certains préférant quitter la scène et surement pas par ennui.... Le texte est dense et  poétique,  chacun se l'approprie selon son propre vécu... Nous restons émerveillés par la beauté de la scénographie, l'espace est occupé en permanence, la mise en scène est magistrale... un spectacle rare!

mardi 22 novembre 2011

Danielle Mitterrand (29/10/1924 - 22/11/2011)

Danielle Mitterrand est née à Verdun. Voila qui est un signe pour celle qui fit de sa vie un combat. Elle choisit le camp de la Résistance durant les années d'occupation. Résistante, elle le resta toute sa vie!
Devenue première Dame de France, elle garda sa liberté de parole et fit passer parfois de mauvaises nuits aux diplomates du Quai d'Orsay. On se souvient notamment de son engagement en faveur des Kurdes massacrés par les troupes de Saddam Hussein ... 
A la tête de sa Fondation France Libertés, elle mena de nombreux combats en faveur des opprimés, militant inlassablement pour le droit à l'éducation, pour l'accès universel à l'eau... Si nous n'avons jamais vraiment compris son soutien indéfectible à Fidel Castro, nous restons admiratifs  par  sa fidélité à ses idéaux de jeunesse.

Danielle Mitterand était une grande dame, elle mérite bien que nous chantions pour elle, le chant des partisans!

dimanche 20 novembre 2011

Le jardin du Luxembourg et Gérard Philippe

Il faisait fort beau ce jour et étonnamment doux pour un mois de Novembre, nous avons profité de cette métèo particulièrement clémente pour aller nous promener dans les allées du Jardin du Luxembourg. Nous nous sommes assis sur un banc, et nous avons lu ce passage du livre hommage à Gérard Philippe "le temps d'un soupir"  d' Anne Philippe son épouse:

"Il était minuit. Nous étions sortis les  derniers du théâtre. Il neigeait. Nous marchions en nous tenant par la main. Nous n'avions ni envie, ni besoin de parler. Nous allions au hasard mais sans hésitation. Les rares voitures roulaient lentement et sans bruit. Les rues, me semble-t-il, étaient désertes mais peut être était ce notre amour, qui, ce soir-là, nous isolait. Nous étions proches de la nuit et du ciel, loin de Paris. Sortant de la rue Vavin, nous avons débouché sur le Luxembourg. Tu as dit " si nous entrions?"
Nous avons escaladé les grilles et pénétré dans un paysage parfait. Nos pas soulevaient la neige. Nous étions heureux et conscients de l'être. C'était une joie pure, calme, faite de la conviction que tout ne pouvait être que bien. Tu as enlevé ton manteau et nous nous sommes assis dessus. Nous nous regardions dans la nuit. Je voyais tes yeux clairs et tes cils mouillés de neige. La ville était à deux pas, au-delà des grilles, elle nous entourait. Trois heures sonnèrent. Pourquoi ai-je tout à coup pensé au malheur? Pas au notre, qui à cette minute là me paraissait impossible à imaginer, mais à celui des autres. A ce moment précis des gens mourraient, d'autres tuaient, des couples se déchiraient, des enfants pleuraient sur leur solitude, des hommes et des femmes étendus sur leur lit faisaient le compte de leurs misères. Très loin d'ici, en Indochine, des hommes agonisaient ou torturaient. Pas une seconde, depuis que la vie existe, le jeu de la joie et de la souffrance, de la naissance et de la mort ne s'était arrêté et il durerait aussi longtemps que le monde. Nous restions immobiles, nos bras enlacés, nos têtes proches. L'un de nous dit: " Nous essaierons d'être élégants si un jour nous sommes malheureux." L'autre répondit: "Je te le promets."
Nous sommes repartis avec les premiers bruits de la ville. En rentrant, nous n'avons pas cherché le sommeil. J'aimais cette nuit blanche, blanche comme neige et si belle que je ne voulais pas en perdre un instant."

Extrait de "le temps d'un soupir" Anne Philippe - Livre de poche - Une lecture indispensable!


Janis Joplin - Pearl (1971)

Il faut être con comme un texan pour élire Janis Joplin "garçon le plus laid" du campus alors qu'elle était étudiante à l'université d'Austin. Janis Joplin lorsqu'elle montait sur les planches pour chanter devant les foules, elle était une reine. L'héroïne eut raison d'elle, elle rejoignit le sinistre club des 27, mais sa voix ne cesse de raisonner... Si elle n'a jamais pu entendre son enregistrement de Me and Bobby McGee effectué la veille de son décès, nous à chaque écoute nous restons bouleversés.

Pearl de Janis Joplin est notre album de la semaine!

samedi 19 novembre 2011

Hubert Nyssen (11/04/1925 - 12/11/2011)

*
Hubert Nyssen, fondateur des édition Actes Sud, est mort la semaine  où Télérama s'interrogeait sur l'avenir des Librairies. Nous sommes allés voir dans notre bibliothèque, et nous avons trouvé des livres de Paul Auster, Nina Berberova, Mathias Enard, Russel Banks,  W.G Sebald ou Imre Kertesz.

Mais  Actes Sud, c'est aussi une grande maison d'édition d'auteur de théâtre contemporain, nous retrouvons ainsi parmi nos étagères : Wadji Mouawad, Joël Pommerat, Carole Fréchette, Ahmed Madani, Eugène Durif ou Matei Visniec.

Merci Monsieur, pour ces belles découvertes, ces beaux moments de lecture!


mercredi 16 novembre 2011

Cet Enfant - Joel Pommerat au Théâtre Jean ARP (Mise en Scène Solène Briquet)

Cet enfant est une suite de petits textes qui relatent différentes relations parents enfants,. Dans le cadre d'une commande passée par la caisse d'Allocations Familiales et le Centre Dramatique National de Caen, Joël Pommerat et son équipe de comédiens sont partis à la rencontre des femmes d'une cité de Hérouville-Saint-Clair, de cet échange est né ce texte. A travers des situations particulières, Joel Pommerat qui ne porte jamais aucun jugement sur ses personnages atteint une forme d'universel, à un moment ou à un autre nous finissons par nous retrouver dans les mots des personnages même si les situations différent. Difficultés de dialogues, incompréhension de l'autre, les situations sont parfois dures, éprouvantes mais les mots de Pommerat sonnent juste, on est bien loin des reportages télévisés moralisateurs, le regard est ici rempli d'humanité, il n'y a pas de vérité à ces situations.

La gageure est de faire vivre ces textes sur scène, Solène Briquet a eu l'intelligence de faire appel au théâtre d'objet , d'ombres et à la vidéo pour donner vie aux différentes situations, les personnages sont incarnés par des Playmobils symbolisant parfaitement l'universalité du propos, entre chaque scène un intermède musical dû au contrebassiste Bastien Lambert. Intermèdes qui se révèlent une respiration nécessaire, le temps de digérer cette fille qui ne veut plus voir son père, cette mère qui veut donner son enfant à des voisins, cet enfant qui méprise son père usé par son travail et qui se refuse de devenir à son tour un esclave des temps modernes... le regard  de Solène Briquet comme la plume de l'auteur ne porte aucun jugement, les scènes sont conçues comme des tranches de vie, peut être pourrions nous reprocher au tout d'être un peu monocorde. 

Allez ne chipotons pas, "cet enfant" est un beau spectacle qui mérite d'être vu! Il se joue jusqu'au 20 septembre au théâtre de Clamart dans le cadre du festival MARTO (Voir ici)

Le texte remarquable de "cet enfant" de Joél Pommerat est édité chez Actes Sud. Il mérite d'être lu!

mardi 15 novembre 2011

Dario Fo et les mots croisés

C'est un morceau de conversation entre deux "mamies", volé  à l'issue de la représentation ""Klaxon, trompettes ...et pétarades"  de Dario Fo :

"- C'était drôlement bien, mais je ne connaissais pas du tout cet auteur!

- Mais si voyons, tu le connais il est tout le temps dans les mots croisés, Fo en deux lettre F-O!

-Ah oui, tu as peut être raison, dans les mots croisés...."

Pas sûr, qu'elles connaissent Evgueni Grichkovets!

dimanche 13 novembre 2011

Bad As Me - Tom Waits

He's back, le chanteur californien à la voix rocailleuse inimitable, surement le fruit d'un long travail issu d'un savant mélange de bourbon  et de cigarettes. L'album s'ouvre sur un "Chicago" rempli d'énergie, avec de bout en bout, Marc Ribot à la guitare, c'est un très grand cru , avec évidemment une sublime ballade "Last Leaf" ...

Tom Waits a toujours refusé de voir sa musique utilisée par des publicitaires, faisant un procès immédiat à ceux qui s"y sont essayés. Nous nous faisons juste la pub du dernier album de Tom Waits!

Bad As Me est notre album de la semaine!


samedi 12 novembre 2011

Le héron de Guernica - Antoine Choplin

1937, Basilio jeune peintre autodidacte passe son temps dans les marais à peindre un héron cendré. Le dimanche, il aime à se rendre au bal pour y croiser Celestina une jeune fille pour qui il en pince. La guerre civile il a bien cherché à y participer, mais les républicains ont refusé de l'enrôler, trop tendre assurément. Puis un beau jour d'avril, le 26 avril 1937 exactement, alors qu'il est dans les marais pour peindre, comme à son habitude, un héron qu'il a promis à Celestina, un bruit de moteur vient du ciel, les bombardiers allemands de la légion Condor vont se déchainer en ce jour de marché. La ville bascule dans le drame et la barbarie...
Lecture agréable, c'est joliment écrit cela s'apparente à un roman jeunesse rempli de bons sentiments, une excellente littérature de salle d'attente!

jeudi 10 novembre 2011

Klaxon, Trompettes.... et pétarades - Dario Fo

 Un ouvrier de chez Fiat assiste à un accident, va secourir les victimes, mais lorsqu'il se retrouve avec le passager de  devant défiguré il se fait tirer dessus par les autres, il comprend que l'affaire n'est pas simple. Il se débarasse vite fait de son blessé aux urgences mais il oublie de récupérer sa veste et ses papiers ce qui va créer une confusion sur l'identité de la victime qui se trouve être en vérité Agnelli, le patron de Fiat.... les quiproquos ne font que démarrer...

Un vrai vaudeville, des portes qui claquent, une épouse, des maitresses, des confusions d'identités nous avons ici tous les élèments de la comédie. On rit sans cesse de bon coeur dans cette mise en scéne  de Marc Prin pleine de rythme digne des comédies de Howard Hawks, les acteurs sont tous à l'unisson, c'est fou fou fou, nous retrouvons les joies du burlesque... Mais derrière cette farce, il y a un vrai regard incisif sur la société italienne des années 70, Dario Fo met le doigt sur toutes les formes de corruption dans ce texte écrit en 1980 juste après l'assassinat d'Aldo Moro. Son coeur est sans conteste du coté des ouvriers, mais ce n'est pas une simple charge contre le patronat italien c'est un grand texte libertaire,  si le rire est gros le texte est d'une rare subtilité, il n'a pas pris une ride et c'est un vrai plaisir d'assister à ce spectacle au moment de la chute de Berlusconi. Dario Fo est un digne héritier de la commedia dell'Arte.

 Marc Prin dans l'édition du texte de l'avant scène se rappelle les mots de Warren Buffet : "Je pense à ce mot du milliardaire Warren Buffet qui explique que la lutte des classes existe et que c'est la sienne qui est en train de gagner:" 

Ou dans une interview de Dario Fo: "Comme disait Molière, c'est une tragédie qui génère comédie absurdité et ricanement. C'est la base fondamentale de tout le théâtre politique de haut niveau."

Voir la programmation du Théâtre des sources, cliquez ici

Loulou de la Falaise (04/05/1947 - 05/11/2011)

"Avec son goût si français, Yves ne peut qu'être estomaqué par le phénomène Loulou de la Falaise, cette tornade de couleurs et d'audace dont il perçoit aussitôt la grande originalité. Il n'en perd pas un détail, le motif de faune inspiré de Bakst sur sa tunique, la manière dont elle se tient adossée au chambranle de la porte avec un bras rejeté en arrière; ses yeux bleus très écartés, la finesse der son ossature, le bracelet tel qu'elle arbore à son poignet filiforme et qui, jurerait-il, a tout l'air d'être l'une de ces pinces en métal avec lesquelles les garçons de café fixent les nappes sur les tables par les journées venteuses. Et il ne croit pas si bien dire: Loulou l'a prise à la terrasse du Petit Saint-Benoît, un bistrot Germano-pratin, et en a fait son talisman parisien."
....
"Loulou elle-même le dit: " C'était l'époque où la mode connaissait le plus grand changement de son histoire et où les mentalités changeaient énormément, aussi. Pour les premières fois, les femmes n'étaient plus forcées d'avoir l'air de "dames", elles pouvaient avoir l'air qui leur chantait. Je crois qu'Yves a été frappé par la liberté du Londres des années soixante qu'il a vue en moi tout de suite. Il voulait aussi gouter à cette friandise là..."


Deux extraits du merveilleux livre à lire de Alicia Drake "Beautiful People" - Ed Denoël

Pour plus d'information, voir le sitre de la fondation Bergé Yves Saint-Laurent, cliquez ici

mardi 8 novembre 2011

Retour à Killybegs - Sorj Chalandon

Retour à Killybegs, c'est l'histoire de Tyrone Meehan combattant de l'IRA qui finit par trahir les siens et devenir un agent de renseignement du MI5, parce que sa vie de combattant, les années de prison sont devenues insupportables. Il finit par ceder au chantage des autorités pour protéger sa femme et son fils. Ou tout simplement finit-il par trahir pour sauver des vies parce qu'il ne croit plus à son combat, qu'il sait la victoire de l'IRA impossible, et qu'il est fatigué de voir ses copains mourir au combat. C'est aussi l'histoire d'un homme considéré comme un héros par les siens pour un exploit militaire qu'il n'a jamais réalisé et qu'il n'a jamais voulu démentir, un mensonge devenu pesant avec le temps...

Retour à Killybegs, c'est aussi un livre formidable sur l'histoire contemporaine de l'Irlande du Nord, un livre qui vient en complément des films de Ken Loach et du merveilleux roman de Dermot Bolger "Toute la famille sur la jetée du paradis".
On replonge ici dans l'épisode des grévistes de la faim où Bobby Sands trouve la mort ainsi que neuf autres de ses compagnons au début des années 80, le sujet du premier film de Steve McQueen "Hunger"... Les conditions d’emprisonnement sont épouvantables, il n'y a aucune raison de douter de la sincérité de l'amitié du premier ministre anglais pour le dictateur chilien Augusto Pinochet. Margaret Thatcher est un monstre.
Histoire terrible, totalement maitrisée par Sorj Chalandon, spécialiste de la région pour y avoir travaillé comme journaliste, son travail fut reconnu alors par  le prix Albert Londres...
Une histoire de trahison qui nous renvoie aux mots d'André Malraux lors de l'entrée des cendres de Jean Moulin au panthéon en  1954 qui n'oublia pas de rendre hommage même à ceux qui ne surent garder le silence :

"Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique et les combats d'Alsace, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres. Entre, avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle - nos frères dans l'ordre de la Nuit...  Commémorant l'anniversaire de la Libération de Paris, je disais : « Ecoute ce soir, jeunesse de mon pays, ces cloches d'anniversaire qui sonneront comme celles d'il y a quatorze ans. Puisses-tu, cette fois, les entendre : elles vont sonner pour toi."

dimanche 6 novembre 2011

Grand Lièvre - Jean-Louis Murat

Jean louis Murat a tout du troubadour, il convient de ne pas le réduire au statut de chanteur auvergnat, il est bien plus que cela, il est un homme libre jamais avare de sa parole, un citoyen du monde... Nous l'aurions bien vu dans le rôle de l'homme des bois de Lady Chatterley. Mais son goût va à la chanson, nous l'aimons depuis "Cheyenne Autumn", cet amour n'a jamais été déçu, la sortie de chaque album est une fête!

Grand Lièvre est notre album de la semaine!

samedi 5 novembre 2011

The Artist - Michel Hazanavicius

Dés les premiers plans, nous avons l'impression de replonger dans "Singing in the rain", à cette période  où le cinéma connait la révolution du parlant laissant sur le carreau de nombreux acteurs. Georges Valentin fait partie de ceux là. Après avoir connu la gloire, il ne veut croire à l’avènement du parlant, il engage ses fonds dans une  dernière production qui va entrainer sa ruine et sa chute. Dans le même temps, une jeune actrice Peppy Miller admiratrice de George Valentin connait la trajectoire inverse, figurante à l'époque du muet elle devient une star du parlant tel Kathy Selden (Debbie Reynolds) du Singin'in the rain. Mais elle n'oublie pour autant sa première rencontre avec l'ancienne star et son admiration passée...

Quelle gageure, que de se lancer dans un tel pari celui de replonger dans le cinéma muet, mais assurément si Michel Hazanavicius s'est lancé dans cette aventure, c'est parce qu'il avait une relation privilégiée Jean Dujardin acteur idéal du muet. Une vraie présence physique, des mimiques expressives, Jean Dujardin excelle dans ce registre là,  Berenice Bejo qui l'accompagne n'a rien à lui envier, le duo clôture le film sur une scène réjouissante de claquettes. Mais il ne faut pas réduire ce film à une performance d'acteur, la mise en scène est absolument remarquable, Michel Hazanicius use de toutes les codes du cinéma muet nourri par le cinéma de Chaplin ou de Douglas Fairbanks mais il ne faut pas pour autant réduire ce film à un simple pastiche.  Nous avons envie de retenir ici une scène admirable où la jeune actrice entre dans la loge de la star, seule elle glisse sa main dans la manche du costume de son héros, elle mime l'acteur la caressant. A n'en pas douter une grande scène de l'histoire du cinéma.

The Artist, un grand film muet !

vendredi 4 novembre 2011

As you like it - William Shakespeare au théâtre Jean Arp

Un vieux duc chassé de son trône par son jeune frère est parti vivre dans la forêt des ardennes suivi par des seigneurs qui lui sont restés  fidèles. Bientôt rejoint par sa fille Rosalinde et sa nièce Célia, cette derniére préférant suivre sa cousine ne supportant plus la tyrannie paternelle. Orlando, un jeune noble matraité par son frère ainé part rejoindre également les bannis après avoir tué lors d'un combat le lutteur du duc. Il rencontre Rosalinde avant son départ, les deux se séduisent. Mais dans la forêt, Rosalinde déguisée en homme pour échapper au danger est méconnaissable, il s'engage entre eux un jeu de séduction....
Choix fort de mise en scène où Cendre Chassane fait de Shakespeare un grand père des Beatles et du Flower Power, la communauté des bannis de la forêt des Ardennes n'est pas sans nous rappeler  les communautés hippies, on fume on boit on fait l'amour on chante loin des contraintes du monde économique, mais cela sans renoncer à la tradition du théâtre élizabethien comme il est défini dans la présentation : "l'engagement au présent dans un rapport au réel au public". Si les parties déclamées au micro ont pu nous faire parfois penser aux aboyeurs de supermarché où la voix se fait forte au détriment  du texte devenu en partie inaudible et une partie de lutte prenant la forme d'un combat agaçant de catch américain,  nous oublions bien vite ces faiblesses. Servi par une distribution remarquable avec notamment une merveilleuse Agnes Fabre en Rosalinde et Stéphane Szestak en Orlando, ce spectacle est jubilatoire et truculent!
Nous n'oublions pas que lors de son précédent spectacle "l'histoire du communisme raconté aux malades mentaux" de Matei Visniec, satire féroce dénonçant le stalinisme, la pièce se terminait sur un épilogue qui appelait à ne pas renoncer à l'idée d'un monde meilleur. Nous sommes ici dans la continuité de ce message, la forêt des Ardennes est le lieu des utopies. Cendre Chassane fait assurément partie des indignés, elle nous le fait savoir!

 Un très beau moment de théâtre!

As you like it de William Shakespeare - Mis en scène de Cendre Chassane de la compagnie Barbes 35

mardi 1 novembre 2011

Du domaine des Murmures - Carole Martinez

Il était une fois, c’est ainsi que pourrait s'ouvrir ce roman tant il nous renvoie aux contes de notre enfance. En 1187, Esclarmonde  jeune fille de 15 ans a fait le choix de vivre en recluse, de se donner au Christ:  elle refuse la main de Lothaire de Monfaucon que son père veut lui imposer pour mari allant jusqu'à se mutiler lors de la cérémonie du mariage.
Face à une telle détermination, son père n'a pas d'autre choix que de  bâtir la chapelle de ses vœux où une cellule fermée fera office de tombe avec une simple ouverture pour communiquer avec l'extérieur... Esclarmonde est violée le matin même du jour où elle doit entamer sa vie de recluse, elle garde le silence... Enfermée dans sa cellule, elle découvre son corps qui va donner vie à un enfant dont l'arrivée ébranle son mysticisme mais elle est prise au piège de son engagement.
En outre cette naissance est vue comme un miracle par son entourage . La chapelle devient un lieu de pèlerinage où elle reçoit les confessions de tous. La mort a cessé de frapper dans  le comté, du fond de sa cellule Esclarmonde finit par diriger la vie du domaine, par organiser le départ de son père aux croisades.... mais en ce temps là, il est très rapide de basculer du statut de Sainte à celui d'hérétique...

Nous avons ici un univers romanesque remarquable, un récit de légende tel qui devait en exister au Moyen Age, quand le dogme chrétien mêlait mysticisme et superstition  .  Le style est parfait, le texte glisse c'est une lecture sans difficulté, la langue est admirable. Les personnages secondaires ont une vraie épaisseur ,  nous pensons notamment ici au couple Bérengère et Martin. Il y a  de vrais morceaux de bravoure comme les scènes de vision d' Esclarmonde: dans son sommeil elle voit avec précision son père aux croisades...

Mais ce roman reste un mystère; malgré toutes ces qualités,  nous n'avons pas été saisis, nous avons gardé une distance parce que nous n'avons finalement pas cru au personnage d'Esclarmonde, les scènes de dialogues  nous sont apparus comme la partie faible de ce texte. C'est un bel ouvrage, mais  nous avons l'impression d'être restés à quai, de ne pas participer au voyage. Une sacrée plume que Carole Martinez mais elle n'a pas la magie de Séhérazade, la conteuse ne nous a pas transportés, nous refermons ce livre sans émotion avec une certaine froideur.

Mais nous conseillons cette lecture aux jeunes gens, car s'il y a un message c'est à eux qu'il s'adresse: Méfiez-vous de vos certitudes!

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