dimanche 31 mars 2013

The Place Beyond The Pines - Derek Cianfrance

Luke, cascadeur motard, tourne dans les villes américaines dans ce qui ressemble à nos fêtes foraines. De passage à Schenectady, il retrouve Romina avec qui il a eu liaison l'année précédente. Il découvre alors qu'elle a eu un enfant de lui qu'elle élève avec son nouveau compagnon. Il abandonne tout pour rester pour son enfant, sans travail il profite de ses talents de motard pour braquer des banques et filer au nez de la police. L'histoire se termine mal, Luke est tué par un policier. Fin de la première partie.
Ryan Gosling époustouflant, remplit l'écran durant tout le début du film, le rythme est haletant, c'est une pure merveille. 
Après cela se gate parce que Ryan Gosling quitte l'écran et qu'il laisse un vide que Bradley Cooper qui joue le flic n'arrive pas à remplir.Le rythme devient plus lent, tout devient prévisible. Nous  suivons le policier après qu'il ait tué le bandit. Blessé à une jambe, il est devenu un héros, son nouveau statut n'empêche pas les états d’âme surtout lorsqu'il découvre que sa victime avait un fils du même âge que le sien. Pour autant il garde une ambition professionnelle, décu lorsqu'il reprend son service de ne pas être promu, il parvient à ses fins en dénonçant les malversations de ses collègues. Il est nommé substitut du procureur...
Puis nous le retrouvons quinze ans plus tard faisant campagne pour le poste de procureur. Séparé de sa femme, leur fils exprime le désir de vivre avec lui mais il n'a pas le temps de s'en occuper. Envoyé dans un nouveau lycée, il sympathise avec Jason le fils de Luke et là cela devient vraiment indigeste, la fin convenue traine en longueur, c'est une épreuve pour le spectateur.

Les aventures de Robinson Crusoé - Luis Bunuel (1952)

Projeté dans le cadre du Ciné Club de Claude Jean-Philippe au cinéma l'Arlequin, nous ignorions tout des aventures de Robinson Crusoé de Luis Bunuel, nous aurions été incapables de le citer dans sa filmographie.
Ce film tourné durant sa période mexicaine est une adaptation fidèle du roman de Daniel Dafoe. Il y a une scène de rêve où Robinson revoit ses parents et une autre allusion de la frustration sexuelle au moment où Robinson prend une robe de femme récupérée sur l'épave avant qu'elle ne disparaisse définitivement dans les fonds marins pour en faire un épouvantail et protéger le blé qu'il fait pousser de l’appétit vorace des oiseaux.
Tourné en couleur, et en langue anglaise , le film est une commande passée à Bunuel, mais il a su s'approprier ce personnage confronté à sa propre solitude pour signer un excellent film, captivant. La copie n'était pas en excellent état, c'est le seul reproche que nous pouvons faire à cette projection.

Nous sommes allés lire l'interview donné par Luis Bunuel à Andre Bazin et Jacques Doniol-Volcroze lors du festival de Cannes , qu'il est possible de retrouver dans le numéro 36 des cahiers du cinéma du mois de Juin 1954, un long entretien passionnant qui trace le portait du cinéaste espagnol. Voila ce qu'il dit au sujet de Robinson:

"Robinson, comme les autres m'a été proposé. Je n'aimais pas le roman, mais j'ai aimé le personnage et j'ai accepté parce qu'il y a en lui quelque chose de pur. D'abord c'est l'homme en face de la nature, pas de romance, de scènes d'amours faciles, de feuilleton ni d'intrigue compliquée. C'est simplement un type qui arrive, se trouve en face de la nature et doit se nourrir. Alors le sujet m'a plu, j'ai accepté et j'ai essayé de faire des choses qui auraient pu être intéressantes. Je crois qu'il en reste encore car on a coupé des passages soi-disant surréalistes et parait-il incompréhensibles. Le film commence par le débarquement de Robinson, les flots jettent un homme dans l'ile, c'est la première image. Pendant sept bobines, il reste dans la solitude la plus grande, avec uniquement son chien. Ensuite, il rencontre Vendredi, mais c'est un cannibale et il ne peut pas parler avec lui. Ils passent encore trois bobines à essayer de se comprendre... et pour finir les pirates emmènent Robinson.. J'ai fait le film comme j'ai pu, voulant surtout montrer la solitude de l'homme, l'angoisse de l'homme sans la société humaine. J'ai voulu aussi traiter le sujet de l'amour... je veux dire du manque d'amour ou d'amitié: l'homme sans la société de l'homme ou de la femme. Tout de même je crois que malgré les coupures les relations de Robinson et de Vendredi demeurent assez claires: celle de la race "supérieure" anglo-saxonne avec la race "inférieure" nègre. C'est à dire qu'au début Robinson se méfie, imbu de sa supériorité, mais à la fin ils en arrivent à la grande fraternité humaine... ils se retrouvent fiers comme des hommes ! J'espère que cette intention sera sensible."

Malgré les coupes, et au-delà de celles subies sur Robinson, tous les films de la période mexicaine du cinéaste ont eu à en subir de nombreuses  c'est un point particulièrement passionnant de cet entretien qui donne une autre vision de l’œuvre de Bunuel, les intentions du cinéastes sont bien palpables.

Jean-louis Murat - Toboggan

Pour nous, la sortie d'un Album de Jean-Louis Murat, c'est toujours un évènement, et ceci depuis le début. Nous aimons ces rendez-vous réguliers avec le chanteur auvergnat. Une première écoute de ce nouvel opus nous a totalement séduit , le chanteur nous semble ici apaisé, il se dégage une certaine forme de lenteur envoutante créant un bien être, un total dépaysement loin des tracas du quotidien. C'est exactement le genre d'album que nous aimons laisser tourner en boucle. Jean-Louis Murat est un de nos plus grands songwriters, dix neuvième album, l'oeuvre commence à devenir conséquente et incontournable. Il a ouvert grand les fenêtres de la chanson française.
Pourtant, l'album se clôt sur une chanson effrayante "j'ai tué parce que je m'ennuyais", le chanteur explique: ""J'avais vu cette phrase dans un prétoire aux États-Unis, il y a quelques années. L'explication donnée à son geste par un criminel.". Une thématique qui nous rappelle l'amour de Jean-Louis Murat pour les chanteurs américains de Folk et de country, une "murder song" qu'on n'aurait pas reniée Johnny Cash

Toboggan est un grand album de Jean-Louis Murat, c'est notre album de la semaine !


samedi 30 mars 2013

Coquillettes - Sophie Letourneur

Camille, Sophie et Carole se retrouvent autour d'une plat de coquillettes, une sorte de rituel pour ses trois copines. Occasion en or pour se remémorer et  confronter leur souvenir de leur dernière virée à un festival de cinéma où Sophie présentait un film.
Sophie persuadée qu'elle est faite pour vivre une grande histoire d'amour avec Louis Garrel, espérait le rencontrer à cette occasion puisqu'il devait être présent pour présenter un film. Camille espérait vivre un amour romantique, alors que Carole espérait juste s'envoyer en l'air, son amoureux dépressif ne l'ayant plus touchée depuis seize mois.
La virée n'avait finalement rien de cinéphile, Camille le reconnait d'ailleurs lorsqu'elle s'est retrouvée seule un aprés midi, elle confessa être allée finalement voir un film faute d'alternative.

Exclusivement féminin, Sophie Letourneur nous offre une soirée entre filles où les hommes n'ont droit qu'au second rôle. Avec une trame documentaire sur la vie des festivals et du milieu cinématographique indépendant, la cinéaste réalise un portrait enjoué de trois jeunes filles confrontées aux tourments amoureux. C'est plutôt sympathique, drôle et sans prétention, elles sont triviales, sincères, reconnaissant  leurs mensonges et faiblesses, elles sont touchantes. Nous avons passé une excellente soirée avec ses trois jeunes filles, tout en ayant conscience que les coquillettes ne figureront jamais à un menu trois étoiles.
Enfin pour les garçons c'est là une occasion rare de plonger dans ce monde qui leur est interdit des soirées entre filles... Si vous vous ennuyez ne vous plaignez pas, les jeunes filles ont eu tellement à subir des films de mecs

Queen Of Montreuil - Solveig Anspach

Queen of Montreuil est l'histoire d'un deuil. Celui d'Agathe rentrée d'un voyage avec dans ses bras l'urne funéraire contenant les cendres de son époux, mort accidentellement. A l'aéroport, elle croise une mère et son fils, islandais en transit à Paris, pris au piège de la crise économique. La compagnie aérienne qui doit les ramener a fait faillite, ils se retrouvent coincés.  Parce qu'elle se rappelle avoir été bien accueillie lors d'un séjour en Islande, Agathe héberge chez elle le duo .
La mère partage sa vie entre l'Islande et la Jamaïque où elle a un autre fils, c'est une irréductible fumeuse de haschich, elle va découvrir la magie de fumer en haut des grues installées sur les chantiers de Montreuil avec une vue imprenable sur Paris, occasion pour elle de sympathiser avec le grutier et de se découvrir une nouvelle vocation. Pendant ce temps, son fils lors d'une de ses pérégrinations dans les environs est tombé par hasard à Vincennes sur un phoque oublié lors du déménagement du zoo.

Agathe reste accrochée à son urne, plongeant dans la déprime, son producteur la juge  incapable de reprendre son travail de réalisatrice de cinéma.
Mais avec ces deux "allumés" et son voisin qui en pince pour elle, elle doit pouvoir arriver au terme de son deuil qui fera d'elle la Reine de Montreuil selon un proverbe islandais.

Comédie mélancolique, où Florence Loiret-Calle illumine le film de sa présence,. Solveig Anspach, raconte avec tendresse Montreuil ville multicolore de la Seine Saint Denis. Nos deux Islandais s'y sentent comme des poissons dans l'eau. Un film rempli de générosité et de tendresse qui a toute notre sympathie. Mais ce n'est pas non plus une carte postale pittoresque de la banlieue nord, c'est également une belle réflexion sur le deuil et de cette difficulté à se relever après la disparition d'un être cher.
A noter, le passage réussi de Sophie Quinton qui nous avait réjouie dans une précédente comédie "Ouf".

vendredi 29 mars 2013

Tartuffe ou l'imposteur - Molière (Mise en scène Monique Hervouët)

Tartuffe n'entre en scène qu'au troisième acte mais il est au cœur de deux premiers, tout tourne autour de lui. Tartuffe le faux dévot, l'imposteur a mis la main sur Orgon le chef de famille et sa mère, Madame Pernelle. Orgon veut lui offrir la main de sa fille Marianne, il est également décidé à lui céder sa fortune après s'être fâché avec son fils. Ils sont tous exaspérés par l'aveuglement d'Orgon, incapable de discerner la véritable nature de Tartuffe.  C'est Elvire sa femme, qui lui permet de découvrir la vérité sur l'usurpateur, quand caché sous une table, il découvre le faux dévot faisant des avances à son épouse. Il est abasourdi,  il chasse l'imposteur mais il est trop tard, il est lié par un contrat qui le dépossède de ses biens. Mais le "bon roi" intervient pour sauver la mise de ce brave Argon.
Un sommet dans l’œuvre de Molière, Tartuffe ne cesse de fasciner rencontrant toujours son public malgré un texte écrit en alexandrins qui demande un certaine concentration d'écoute. Sa fin totalement improbable, assurément la partie la plus faible de son texte lui permit de passer l'épreuve de la censure. Il se fâche avec les dévots de la cour dont il dénonce l'hypocrisie, il lui fallait la protection du roi.
Pour arriver à ses fins, Tartuffe use de la radicalité religieuse, particulièrement habile il obtient tout d'Orgon sans jamais rien demander. Car derrière le mécanisme de la duperie, c'est aussi les ravages du fanatisme religieux dans une société établie que décrypte Molière.
La mise en scène de Monique Hevouet dépouillée laisse toute sa place au texte; le ton des acteurs, la clarté de leur voix rendent la beauté de la langue de Molière et de l'Alexandrin. Elle montre également l'universalité du texte et son caractère actuel, par exemple dans la fameuse scène où Tartuffe demande à Dorine de couvrir son sein, elle prend le voile qu'il lui tend et se couvre le visage, lui renvoyant ses mots:

"Vous êtes donc bien tendre à la tentation,
Et la chair sur vos sens fait grande impression?
Certes je ne sais pas quelle chaleur vous monte:
Mais à convoiter, moi, je ne suis point si prompte,
et je vous verrais nu du haut jusques en bas, 
Que toute votre peau ne me tenterait pas."

Tartuffe est ici d'une rare banalité, il n'a  à priori rien d'inquiétant.  La metteur en scène l'a voulu ainsi: "En observant les ravages du fondamentalisme et du sectarisme, on peut constater combien la posture intégriste s'arme de modestie tapageuse et d'orgueilleuse humilité." L'aspect comédie de la pièce n'a pas été gommé au profit sans pour autant ignoré  la gravité du sujet. Nous rions souvent, mais d'un rire qui n'est pas gratuit, nous n'oublions jamais que c'est d'un mariage forcé dont il est question ici.

C'est un très beau Tartuffe que nous avons pu voir ce soir, les dix acteurs sont d'une énergie folle entrainés par une Dorine extraordinaire, c'est un Molière plein de vie loin de sentir la naphtaline.

Pour en savoir plus, cliquez ici

mercredi 27 mars 2013

Les voisins de dieu - Meni Yaesh


Bat Yam, Israel.  Avi et ses deux amis Kobi et Yaniv ,tout juste la vingtaine, forment à eux trois une sorte de milice pour faire respecter la loi de Dieu dans le quartier. Ils n'ont pas peur faire le coup de poing contre les jeunes ou les commerçants qui ne respectent pas le shabbat, ni de faire pression sur les jeunes filles qu'ils considèrent pas assez vêtues... Le plus insupportable pour eux sont les arabes de Jaffa, la ville voisine, qui traversent leur quartier au volant de leur voiture de marque la musique hurlante
Ces trois là semblent liés à la vie à la mort jusqu'au jour où Avi tombe amoureu.x d'une jeune fille laïque Miri. Cette rencontre va l'amener à réfléchir sur sa foi et la pratique de la religion.
Le sujet est passionnant, cette plongée dans le monde des fanatiques religieux israeliens nous rappelle que la montée des fondamentalismes n'épargnent aucune communauté, et que de la bondieuserie il est rapide de tomber dans le fascisme le plus primaire. Un cocktail de mauvaise lecture de la torah, de Haschich, et de gout pour les combats fait de ce trio, une bande de petits fachos insupportables...
Le problème du film vient de sa mise en scène particulièrement ratée, notamment les scènes d'action qui relévent plus du mauvais clip vidéo que du cinéma. La relation entre Avi et Miri est assez convenue et plutôt cousue de fil blanc. Nous ne comprenons pas vraiment ce qu'a voulu nous dire Meni Yaesh sur cette vie de quartier, peut être qu'il convient de consommer avec modération les textes sacrés. Ceci est bien léger!

Un film qui ne nous laissera pas un grand souvenir

mardi 26 mars 2013

Vernissage - Vaclav Havel - Théâtre des sources (Fontenay aux roses)

Véra et Michael invitent leur ami Ferdinand pour célébrer leur emménagement dans leur nouvel appartement, un vernissage en quelque sorte. Ils n'ont de cesse de lui afficher leur réussite sociale ainsi que la plénitude de leur vie intime, comme pour mieux faire ressortir sa médiocrité. Ferdinand, écrivain censuré est employé dans une brasserie. Il a gardé cette vieille habitude de passer ses soirées dans les bars avec des amis n'ayant jamais vraiment renoncé à l'action politique au contraire de Michel qui se complait dans son confort matériel.
Ferdinand fait face  aux reproches de ses amis , son impassibilité finit par faire craqueler le vernis parfait du couple... Il préfère quitter la soirée sans jamais vraiment dire le fond de sa pensée!
C'était notre première rencontre avec une œuvre de Vaclav Havel, une écriture acide et sans concession, une charge  contre ce couple qui se laisse endormir par le conformisme et le confort matériel, renonçant à l'action collective. Ce qui fait la force de ce texte c'est qu'il n'est pas une simple critique de la dictature et de ceux qui finissent par s'en accommoder, il est plus largement une charge contre l'embourgeoisement et cette capacité insupportable de porter un jugement sur ceux qui ont fait un choix différent.
La mise en scène de Adrien de Van est absolument géniale, spectacle donné au niveau du bar du théâtre dont l'espace détente est transformé en appartement où les spectateurs sont placés aux quatre coins, devenant les voyeurs d'une soirée intime qui vire au cauchemar et au règlement de compte. Rachel Arditi, Bertrand Combe et Mikael Chirinian sont tous parfaits dans leur rôle.
Un texte de Vaclav Havel, une mise en scène audacieuse, des comédiens formidables... une belle soirée de théâtre! Le bonheur est à Fontenay Aux roses
Le spectacle se joue encore au mois d'avril, pour plus de renseignement cliquez ici

lundi 25 mars 2013

Jean-Marc Roberts (03/05/1954 - 25/03/2013)

Editeur, écrivain, Jean-marc Roberts était un personnage majeur de la vie littéraire française, il jouait sans s'en cacher de son influence au moment de la remise des prix littéraires. Il venait de s'offrir un dernier scandale en éditant le dernier roman de Marcela Lacub: "Belle et bête" qui nous devons en convenir n'a pas du tout attisé notre curiosité.
Par un étrange hasard nous avons passé ce matin même commande de son dernier roman aux critiques élogieuses:  "Deux vies valent mieux qu'une".
Nous nous rappelons avoir lu son précédent ouvrage "François-Marie", un portait de celui qui fut son ami proche pendant de longues années François-Marie Banier. Son livre sortait au moment où tout le monde se détournait du photographe, devenu le personnage le plus honni de la république, soupçonné d'avoir profité des largesses de la milliardaire Liliane Betancourt alors qu'elle avait un peu perdu la boule...
La confession de cette amitié nous était alors apparu comme un sommet de l'élégance.

Bebo Valdes - 09/10/1918 - 22/03/2013

Il fut un pionnier du jazz afro cubain dans les années 40 et 50, c'était un pianiste remarquable. Parti vivre en Suède, après l'installation du  régime Castriste, Bebo Valdes est réapparu sur la scène jazz ces dernières années, suite  au film documentaire Calle 54 de Fernando Trueba.  Il signa notamment un album "juntos para siempre" en duo avec son fils Chucho, ce fut son dernier enregistrement.
Installé depuis quelques années en Espagne, Bebo Valdes est retourné en Suède son pays d'accueil et un grand pays de Jazz vivre ses derniers jours.


dimanche 24 mars 2013

La ruée vers l'or - Charlie Chaplin

En Alaska, une file ininterrompue de chercheurs d'or traverse les paysages de neige dans le seul espoir de tomber sur un filon, une mine d'or. Parmi eux, Charlot, maladroit, le personnage est totalement incongru au milieu des aventuriers et des brutes diverses. C'est par le rire que Charlie Chaplin a décidé de nous raconter cette page bien sombre de l'histoire américaine.
Charlot se retrouve enfermé dans une cabane avec un criminel recherché par la police et Big Jim un volumineux chercheur d'or. Le blizzard souffle, ils sont pris au piège, après un tirage au sort le criminel est prié d'aller chercher des vivres. Pour tenir le coup jusqu'au retour du compagnon, Charlot cuisine une de ses chaussures qu'il  partage avec Big Jim, mais rien n'y fait la faim taraude le grand gaillard qui prit d'hallucinations voit en Charlot un énorme poulet qu'il s’apprête à égorger et à cuisiner, l'arrivée miraculeuse d'un ours brun sauve le vagabond. Il rejoint la ville où il croise Georgia une danseuse dont il tombe éperdument amoureux , il l'invite, elle est ses collègues à partager le réveillon de la fin d'année... Il attend en vain les jeunes femmes, il s'endort, il rêve la danse des petits pains...
Ce film est composé de scènes devenues mythiques, chacun les a dans un coin de sa tête. Mais ce film souffre de sa sonorisation, une voix off qui l'accompagne  racontant ce que tout le monde voit. Cette sonorisation menée à bien par Chaplin en 1942 permettant ainsi au film, qui fut à l'occasion raccourci, de connaître une deuxième carrière. Cette sonorisation est une véritable catastrophe, alourdissant terriblement le film, d'autant plus que la version projetée ce matin était une version française tout simplement insupportable.
La mauvaise humeur de Claude Jean-Philippe à la fin de la projection était justifiée, c'est un film mutilé qui nous fut présenté.

" Il semble que les objets n'acceptent d'aider Charlot qu'en marge du sens que la société leur avait assigné. Le plus bel exemple de ces décalages est la fameuse danse des petits pains où la complicité de l'objet éclate dans une chorégraphie gratuite" (André Bazin)

Film vu dans le cadre du Ciné Club de Claude Jean-Philippe

Youn Sun Nah - Lento

C'était avec une certaine impatience que nous attendions le nouvel album de la chanteuse coréenne Youn Sun Nah, tant son précédent opus "Same Girl" nous avait enchanté.  Enchantement confirmé lors d'un concert mémorable, donné dans la petite salle de l'Alhambra.  Nous la retrouvons toujours accompagnée de son ami et complice le guitariste suédois Ulf Wakenius. La première écoute de cet album nous a transporté, elle confirme qu'elle est la plus belle voix actuelle de la scène Jazz, nous offrant des scats absolument incroyables. Lento est notre album de la semaine, mais à vrai dire il nous accompagnera bien plus qu'une semaine.

"L'album s'ouvre sur une plage de pur bonheur alangui, et c'est une mélodie de Scriabine sur laquelle Youn Sun Nah a posé ses paroles d'amour tendre. Mais c'est avec Lament, une chanson à elle, que son style s'affirme en force ; elle y clame qu'elle n'est pas prête aux renoncements, y compris ceux du mariage et de ses sourires obligés. Sous ses airs de geisha, cette femme sait ce qu'elle veut. "

Michel Contat - Télérama 

 

samedi 23 mars 2013

Camille Claudel 1915 - Bruno Dumont

Trois jours de l''attente de Camille Claudel à qui on annonce la visite de son jeune frère Paul, dans un asile de Montdevergues,où elle est enfermée pas très loin d'Avignon, mais bien loin de Paris. La jeune femme souffre de syndrome de persécution, persuadée qu'on cherche à l'empoisonner elle se prépare seule ses repas. Prisonnière, elle affiche sa tristesse, son horreur de vivre avec des malades mentaux à la pathologie lourde. Elle a été écartée du monde par sa famille à la mort de son père parce que son comportement faisait honte... Camille espère de la venue de son frère, la possibilité de sortir de cet enfer, elle prie, en vain... Malgré un avis favorable du médecin psychiatre, Camille n'est jamais sortie de cet établissement psychiatrique, après 28 années d'enfermement, elle meurt en 1943 de faim suite aux restrictions du régime de Vichy.
Bouleversant est le film de Bruno Dumont, Juliette Binoche signe un de ces plus grands rôles. Elle incarne avec une force incroyable Camille Claudel, on est saisi dès les premiers plans, on comprend son ennui, sa répugnance à vivre dans ce lieu, dans cette prison où elle a été enfermée sans pouvoir être défendue par un avocat comme elle le dit au médecin. Car au-delà d'une névrose bien réelle, Camille Claudel est victime de son statut de femme, de femme libre qui plus est qui fait horreur à la société bien-pensante.
Le film a été tourné avec de véritables malades mentaux, ils sont ceux que l'on cache régulièrement, Bruno Dumont les film avec humanité et dignité.
L'arrivée de Paul Claudel donne un deuxième souffle au film, ses dialogues avec un prêtre puis avec sa soeur sont édifiants, on découvre un Claudel mystique, aveugle devant la souffrance de sa soeur, sourd aux conseils du médecin, il repart dans toute sa raideur. Effrayant !

Nous avons été particulièrement impressionnés par le film de Bruno Dumont.

Mistery - Lou Ye

Après avoir été interdit de faire du cinéma par les autorités chinoises pour s'être un peu trop intéressé aux évènements de Tien An Men dans son film Une jeunesse chinoise, Lou Ye est de retour avec un thriller. Histoire d'un homme qui se prend les pieds dans le tapis ou plutôt dans sa double vie, Yongzhao qui derrière une vie apparente de bon père de famille multiplie les rencontres amoureuses et partage sa vie avec une autre femme qui lui a donné un fils... Lorsque Lu Ji découvre la véritable nature de son époux, cet équilibre s'écroule allant jusqu'à causer la mort accidentelle d'une jeune maitresse de Yonghzao. la police enquête...
Nous avons été foncièrement déçus par ce thriller tiré par les cheveux où les scènes de violences sont filmées avec une certaine complaisance notamment celle de  l'accident de voiture où la jeune femme périt. Filmé au plus prés des personnages la caméra passe sans cesse de l'un à l'autre créant rapidement un phénomène de lassitude. Le seul intérêt de ce film est de nous offrir un regard sur la mégalopole de Wuhan et de ses nouveaux riches arrogants.
Une déception!

jeudi 21 mars 2013

Le temps de la sottise - Raymond Guerin

Raymond Guerin a trente quatre ans lorsque commence la guerre en 1939, pas évident pour un homme installé dans la vie bordelaise de se retrouver soldat, commandé parfois par des jeunes hommes qui ne connaissent pas grand chose de la vie. Le temps de la sottise est un recueil de textes, des extraits...Témoignage  de cette période de la drôle de guerre et du temps de la débâcle. Raymond Guerin est fait prisonnier, il restera cinq ans dans un camp de représailles. 
Décédé en 1955, Raymond Guerin n'a pas pu aller au bout de son projet . Le temps de la sottise est celui de la guerre où il lui faut supporter l'incurie des chefs, la brutalité des soldats qui deviennent en un clin d’œil d'affreux pilleurs lorsqu'ils débarquent dans les logements vides, il exprime son horreur de la chose militaire. L'écriture est brillante , le constat est terrible.

Le temps de la sottise édition de la dillettante, est un livre court. C'est un témoignage précis d'un écrivain Raymond Guerin qui mérite d'être lu par le plus grand nombre !

Extrait : 

"Hier nous sommes allés à Sierk. Déjà mes yeux avaient vu le siège de Kerling. Mais Kerling n'était qu'un petit village. Ici, dans la ville abandonnée de Sierk-le-Bains, le spectacle est plus navrant encore. D'admirables maisons anciennes ont été forcées, vidées de leur contenu. Les magasins d'épicerie, de quincaillerie, de papeterie ou de bonneterie offrent des devantures béantes, des intérieurs où de tous les tiroirs arrachés, de tous les comptoirs, de toutes les étagères, les marchandises ont été emportées ou jetées au sol, brisées, souillées, mêlées dans l'affolement du pillage, selon les recherches maniaques de chaque pilleur. Toute la richesse, toute la valeur d'une ville s'en est allée, par les mille plaies des blessures faites à chaque maison. Combien de millions, de dizaines de millions ou de centaines, combien de trésors domestiques, de souvenirs, de vieilles choses précieuses dont la destruction stupide n'aura point eu d'autre bénéfice que de satisfaire pour quelques jours l'instinct de rapine du soldat. Sommes-nous toujours au temps des Huns; des soldats à gages et des Wallenstein? Pis! Car ce ne sont plus seulement les aventuriers du métier qui s'emploient, mais tous les hommes,  mais des millions d'hommes soi-disant civilisés (ayant un "chez soi", des meubles et du linge, du bétail ou de la marchandise, des femmes et des enfants) que leurs maitres ont avilis à ce point. Non ce n'est plus le temps des barbares. Ce n'est plus le temps de l'aventure. Ce n'est plus le temps de la guerre même. C'est le temps de la sottise"

lundi 18 mars 2013

Le monde selon Garp - John Irving

Nous avons eu une période John Irving à la sortie de notre adolescence où nous avons lu avec ferveur tous ses romans avant de l'abandonner après la lecture de veuves en papier qui nous avait fortement déçu, surement le signe d'une certaine lassitude. Peut être parce qu' entre temps nous nous étions lancés dans la lecture des romans de Philip Roth, dont l’œuvre nous apparait plus puissante. Nous avons eu néanmoins le désir de nous replonger dans le monde selon Garp le roman picaresque de John Irving qui fit sa gloire et sa renommée internationale et mesurer ainsi la force de ce roman trente ans après sa sortie.
Oeuvre centrale de l'écrivain qui à travers la biographie de son héros, aborde tous les thèmes qui lui sont chers et que nous retrouvons dans ces autres romans: les combats de lutte, Vienne, les prostituées, la Nouvelle-Angleterre...
Nous n'avions pas oublié la conception rocambolesque de Garp dont la mère Jenny Fields infirmière, refusant toute sexualité s'était accouplée avec un soldat blessé à la guerre, lobotomisé en érection permanente avant qu'il ne décède ... Jenny allait par la suite écrire son autobiographie, sa volonté farouche de vivre en totale indépendance faisant d'elle une égérie des féministes.
Après un voyage en compagnie de sa mère à Vienne, Garp se lance dans la carrière littéraire. Il  épouse à son retour, Helen la fille de son ancien professeur de lutte devenue enseignante en littérature. Il mène une vie  plutôt conventionnelle dans la banlieue d'une ville américaine ... jusqu'à ce qu'une fellation, surement la plus tragique de l'histoire de la littérature, vienne bouleverser son équilibre familial...
Nous avons relu avec sympathie ce gros pavé parfois indigeste et long,  et surement pas aussi génial que cela parce que finalement John Irving et son esprit imaginatif  ne nous disent pas grand chose de l'Amérique.

dimanche 17 mars 2013

Barberousse - Akira Kurozawa

Aprés trois ans d'études à Nagasaki, Le docteur Noboru Yasumoto de retour à Edo se présente dans un dispensaire pour ce qu'il pense être une simple visite. Son désarroi est immense lorsqu'il découvre qu'il est affecté dans ce centre médical ouvert pour les pauvres. Le jeune homme rêvait de gloire et d'argent, il désirait être le médecin du Shogun. Il se dresse contre l'autorité de Barberousse qui dirige le dispensaire. Il vit à l'écart sombrant dans l'alcool.... Barberousse d'une grande patience laisse le temps faire son œuvre, Noboru se retrouve confronté presque contraint à une jeune folle, il retrouve ses gestes de médecin. Il finit par découvrir le vrai sens de son métier, il oublie ses rêves de jeune homme au coté de Barberousse il découvre l'humanisme. Sa vie est bouleversée
Sublime film de trois heures, Kurozawa signe à travers le portrait d'un médecin du début du XIX° un film d'un humanisme rare. La médecine ne peut pas grand chose, mais Barberousse offre une qualité d'écoute rare qui donne au malade sa dignité, il est une source de réconfort... C'est plus par l'exemple que par la parole qu'il transforme son entourage, son autorité naturelle en impose et lorsqu'on cherche à lui résister comme les proxénètes d'une maison close il impose sa force physique. La mise en scène de Kurozawa est exceptionnelle elle évite au film de sombrer dans un sentimentalisme exacerbé notamment dans sa deuxième partie où il introduit dans son récit le destin triste de deux enfants. 
Nous avons été bouleversés par ce film, Kurozawa espérait rendre le monde meilleur à travers ce film exemplaire, il plonge dans le quotidien japonais du XIX, un pays rythmé par les tremblements de terre, il atteint l'universel.  Ce film est sa dernière collaboration avec l'acteur Toshiro Mifune, les deux hommes se sont disputés sur le tournage, ils ne se parleront plus pendant de nombreuses années

Vu dans le cadre du Ciné club de Claude Jean Philippe (Cinema l'Arlequin)

Next day - David Bowie

"La mutation de Bowie entre ces albums est tout simplement vertigineuse, inédite et inégalée. Jamais homme ne fut autant d’hommes, de vies, de destins et de propositions – toutes retenues en plus par la postérité – que l’Anglais en ces années de légende"

JD Beauvallet - Les Inrocks


David Bowie est de retour, ce n'est certainement pas une révolution musicale ni l'album de l'année, mais nous ne cacherons pas notre plaisir de retrouver le chanteur le plus classe de sa génération - The next day est notre album de la semaine.

samedi 16 mars 2013

Milles et une orchidées au jardin des plantes

Nous avions prévu d'aller visiter les grandes serres du jardin des plantes où les orchidées sont mises à l'honneur. Mais parce que nous avions un peu trop trainé dans le remarquable restaurant coréen voisin le bibimbap, nous sommes arrivés à l'heure de pointe et nous n'avons pas eu la patience de piétiner de longues minutes dans le froid, nous avons renoncé à notre visite et nous nous sommes repliés sur la Grande  Mosquée de Paris construite au lendemain de la première guerre mondiale,  en hommage aux victimes musulmanes, plus de 70 000 hommes.
Nous avons ainsi fait le tour du bâtiment d'inspiration marocaine, accompagné d'un guide au discours qui relevait surtout de l’opération de communication, pas très palpitant finalement le bâtiment mérite mieux.

Mais revenons à nos  orchidées que nous n'avons pas vu, nous avons finalement fait le choix d'ouvrir notre précieux dictionnaire historique de la langue française rédigé sous la direction d'Alain Rey (editions Le Robert):

"n.f est dérivé savamment (1766) du latin orchis, -idis, lui même emprunté au grec orkhis, qui, employé surtout au pluriel, signifie "testicules". Le mot a désigné la plante à cause de la forme de sa racine. Il s'agit du nom indo-européen de cette partie de l'anatomie masculine, bien conservé dans diverses langues comme l'irlandais uirgge et, avec le sens d'"étalon", le lituanien erzilas et le lette erzelis.
Le mot est employé comme terme générique pour une famille de plantes bulbeuses dont l'orchis est le type, et en particulier comme nom courant pour désigner diverses espèces (1870) et surtout leur fleur, exotique et coûteuse.

lundi 11 mars 2013

La valise mexicaine - Capa Taro Chim trois photographes dans la guerre d'Espagne

Paris Juin 40, Imre "Csiki" Weisz l'ami de Robert Capa fuit devant l'avancée des nazis; avec lui , une valise remplie des rouleaux de négatifs des clichés pris durant la guerre d'Espagne par Robert Capa, sa compagne Gerda Taro, et leur ami David Szymin dit Chim , un trésor de plus 4000 photos qu'il faut mettre à l'abri. Elles réapparaissent en 2007au Mexique... On ne sait comment elles se retrouvèrent entre les main du consul du Mexique à Vichy qui leur fit traverser l'Atlantique.
 
La plupart de ces clichés exposés aujourd'hui au Musée d'Art et d'Histoire du judaïsme,  sont inédits, la découverte est exceptionnelle, elle permet de mieux éclairer l'histoire de ce conflit. Une guerre civile totale, où plus personne n'est à l'abri...Il n'existe plus de zones de sécurité, le pays est divisé. Toutes les forces sombres de l'Europe se retrouvent sur ce champ de bataille...  Des staliniens, des nazis, des fachistes et au milieu des braves gens, les républicains qui ont le désir de ne pas se voir voler la victoire gagnée dans les urnes. C'est aussi une histoire d'amour et d'amitié entre trois photographes au cœur du combat,témoins directs et engagés, ils sont les précurseurs du photojournalisme, Gerda Taro meurt écrasée accidentellement par un char républicain le 25 juin 1937 la veille de ses Vingt sept ans, Capa est inconsolable. François Maspero lui rend un hommage vibrant dans le magnifique livre, l'ombre d'une photographe, Gerda Taro. Le poète Rafael Alberti disait qu'elle avait le sourire d'une jeunesse immortelle.

On se promène dans l'exposition, on oublie le monde,nombreux, on y croise parfois l'insolite comme la présence d'un ours sur la ligne de front ou des écrivains comme Ernest Hemingway et André Malraux.Si Chim montre sa proximité avec les gens du peuple, les travailleurs, c'est surtout la mort qui est présente tout au long des travaux... Pris sur l'instant, les cadrages sont toujours justes, le regard de ces trois là est celui de trois humanistes.

Expostion vue le dimanche 10 mars au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme

dimanche 10 mars 2013

Nick Cave and the Bad Seeds - Push The sky Away

"A 55 ans, Nick Cave préfère désormais le cash de la rédemption au trash de la pénitence. Accompagné de ses mauvaises graines (The Bad Seeds), l’une des icônes du rock indé vient de sortir un 15e album majeur. A la beauté diaphane, à la fureur cellophane. Délaissant ses habits de prêcheur imprécateur et ses humeurs d’alterspectre."

Push The Sky Away de Nick Cave and the bad seeds est notre album de la semaine.
 

samedi 9 mars 2013

Ouf - Yann Coridian

La bande annonce  loufoque de "Ouf " était trompeuse , le film de Yann Coridian s’avère finalement être une comédie romantique douce amère plutôt subtile. Histoire d'un homme François qui plonge dans la dépression avec des accès de violence, sa compagne Anna n'a pas d'autre choix que de se séparer de lui pour protéger ses enfants et sa propre vie. 
Sorti de l'hôpital psychiatrique, François se retrouve balloté entre le domicile de son père qui le traite comme un gamin et celui de sa mère psychanalyste .. François n'a qu'une idée en tête, reconquérir Anna.
Eric Elmosino est assurément un de nos plus brillants comédiens, il est absolument irrésistible dans cette comédie, drôle, sensible, il montre tout en finesse la complexité de son personnage, Sandrine Quinton qui joue Anna est particulièrement juste dans son rôle, nous comprenons le désarroi de François dans l'idée de la perdre. C'est également avec un grand plaisir que nous retrouvons Luis Rego, bien plus qu'un simple amuseur public, un talent d'acteur entrevu il y a des années dans le film de Philippe Garrel "Le coeur fantôme" et largement sous employé par le cinéma français.

Ce film est une véritable surprise, un vrai coup de cœur!

Au bout du conte - Agnes Jaoui

Après "on connait la chanson", le duo Bacri Jaoui se lance dans un "on connait le conte" marchant dans les traces de leur Maître Alain Resnais... Inspirés par le petit Chaperon Rouge, Cendrillon, ou Blanche neige notre duo ne s'en laisse pas conter, le prince charmant il est préférable de ne pas compter sur lui, dans notre monde c'est plutôt "le méchant loup" que nous sommes enclins à croiser.
Film choral, mais nous ne sommes plus au temps de Claude Sautet, on ne vit plus en bande, chacun se retrouve confronté à sa propre solitude...Le duo ne semble plus habité par des certitudes, il nous offre sans jouer les moralistes un regard délicat et sensible sur notre époque morose où chacun se rattache à ce qu'il peut pour traverser les épreuves de la vie.
Agathe Bonitzer en jeune fille un rien perdue, Benjamin Biolay qui se régale à jouer le méchant loup, les nouveaux venus sont parfaits dans l'univers des duettistes. Jean-Pierre Bacri joue à merveille son rôle de bougon , lui même pas à l'abri de la dépression, il est l'oxygène de ce film lui donnant à lui seul sa dimension de comédie.
Agnés Jaoui signe là son meilleur film.

vendredi 8 mars 2013

Syngué Sabour - Pierre de patience - Atiq Rahimi

Au pied des montagnes ,en Afghanistan, une femme se trouve recluse dans sa maison avec ses deux filles et son mari plongé dans le coma suite à une stupide dispute au cours de laquelle une balle lui fut tirée dans la nuque. La famille de son mari est partie, elle ne peut compter que sur l'aide de sa tante pour faire face à sa situation dramatique
Elle commence alors le récit de sa vie à son époux plongé dans un état végétatif comme on le fait dans la mythologie perse à une pierre de patience. Une pierre magique à qui on peut raconter tous ses secrets, tout ses malheurs tout ce qu'on ose pas dire... La parole est libératrice, c'est la confession intime d'une femme afghane...
Son monologue est parfois interrompu par des scènes de guerres, des roquettes sont tirées sur la ville.  Des soldats débarquent dans la maison, menaçant la jeune femme obligée de cacher son mari pour éviter qu'il soit sommairement exécuté. Elle dit être une prostituée pour ne pas être violée, préférant subir le mépris de soldats à la recherche de jeunes femmes vierges . Pourtant un jeune soldat revient la voir, pour obtenir ses faveurs et perdre son pucelage. Il s'engage entre eux une rencontre sensuelle, où les deux êtres découvrent le plaisir des caresses.
Nous avions lu le livre de Atiq Rahimi, le film n'en est que la juste illustration, il montre toute la limite d'un cinéma reposant uniquement sur le long récit de l'héroïne, la partie la plus passionnante du film étant les scènes dialoguées et notamment les échanges entre l’héroïne et sa tante... Le décor crée le dépaysement, les cadrages sont précis, comme une succession de tableaux, le metteur se laissant aller à copier la sensualité du cinéma de Won Kar Wai lorsque la jeune femme retrouve son jeune amant. La présence de Golshifteh Farahani est exceptionnelle, elle tient le film par sa seule présence le sauve de l'ennui, lui donne tout son sens... elle en fait toute la magie!

jeudi 7 mars 2013

Les 39 marches - Alfred Hitchcock

Les 39 marches, c'est assurément l'affaire d'espionnage la plus improbable de l'histoire du cinéma. Mais qu'importe Hitchcock est aux manettes pour mettre en scène un thème qui lui est cher. Celui d'un homme accusé à tort d"un crime qui va devoir démontrer son innocence.
Le canadien Richard Hannay rencontre au cours d'un spectacle interrompu par deux coups de feu une femme Anabella Smith qui se dit poursuivie, il la recueille à son domicile. Il repère effectivement deux hommes qui semblent surveiller son appartement au coin de la rue. La jeune femme lui parle d'une organisation "les trente neufs marches" qui cherche à sortir des informations confidentielles du pays, elle lui parle d' un lieu un village en Ecosse où elle doit impérativement se rendre et lui précise que celui qui est à la tête du complot est facilement reconnaissable, il a une phalange du petit doigt coupée.... Anabella entre au milieu de la nuit dans sa chambre avant de s'écrouler morte sur son lit un couteau planté entre ses deux omoplates, situation ennuyeuse pour notre canadien... Il ne lui reste plus qu'à partir en Ecosse pour déjouer le complot et prouver son innocence, un voyage pas de tout repos...
Un Hitchcock de la période anglaise encore marqué par le cinéma muet inspiré du cinéma expressionniste allemand, notamment dans un sublime plan où notre héros hébergé dans une ferme écossaise doit fuir dans la nuit, protégée par une jeune fermière mariée à un vieux paysan bigot qui l'avertit de l'arrivée de la police... Il repart le manteau du fermier sur le dos, manteau qui va lui sauver la vie lorsque plus tard on lui tire dessus,la Bible placée dans la poche intérieure arrête la balle qui devait le tuer.
Plus tard nous retrouvons notre pauvre canadien partageant des menottes  avec une charmante britannique qui doit témoigner contre lui. Les deux s'échappent, nous ressentons tout le plaisir qu'a eu le cinéaste à les filmer ainsi liés l'un à l'autre... sublime plan où Madeleine Carrol la blonde hitchcockienne  retire ses bas alors qu'elle est enchainée avec celui qu'elle croit être un criminel, plus tard dans la nuit elle découvre son innocence, elle devient alors son alliée.
Notons que Hitchcock fait des britanniques de vrais gentlemen toujours prêts à venir en aide aux couples adultères.
Un des meilleurs films de la période anglaise où le maitre du suspens aborde de nombreux thèmes, suspens, culpabilité, érotisme.... repris plus tard dans ses chefs d’œuvres de l'époque hollywoodienne.

Vu au desesperado - Rue des écoles - Paris

Madame Chrysanthème - Pierre Loti

Pierre Loti nous poursuit depuis cet été et notre passage par Rochefort où nous avions visité sa maison natale. Maison extraordinaire où il avait ramené des souvenirs des quatre coins du monde. Personnage extravagant, il fit des fêtes extraordinaires dans cette paisible cité des Demoiselles. Ce que nous ignorions alors c'est le succès que put connaître en son temps, l’écrivain voyageur, ses livres furent traduits dans de multiples langues, ses ventes pouvaient alors se rapprocher de celle des livres de Marc Lévy aujourd'hui. Ses ouvrages firent sa fortune.
Pierre Loti nous le retrouvons quelque mois plus tard à l'exposition Hiroshige Van Gogh. Le peintre hollandais a une admiration sans fin pour le Japon. C'est d'ailleurs ce qui le motive à partir dans le sud à Arles où il pense trouver une atmosphére proche de celle du pays du soleil levant. Il lit avec ferveur le roman de Pierre Loti, Madame Chrysanthème, il écrit à son frère Théo:

"Est ce que tu as lu Madame Chrysanthème? Cela m'a bien donné à penser que les vrais japonais n'ont rien sur les murs. La description du cloitre ou de la pagode où il n'y a rien (les dessins et curiosités sont cachés dans les tiroirs). Ah! C'est comme ça qu'il faut regarder une japonaiserie, dans une pièce bien claire, toute nue, ouverte sur le paysage."

Alors nous nous sommes décidés à marcher dans les pas de Van Gogh et nous avons lu Madame Chrysanthème dont le héros et son frère Yves débarquent à Nagasaki .Le narrateur épouse une jeune femme Chrysanthème avec qui il s'installe sur les hauteurs de la ville. Il ne se passe pas grand chose, le roman est une suite d'anecdotes sur la vie quotidienne où l'écrivain ne semble pas être conquis par ce nouveau pays.
Nous pouvons imaginer la curiosité que pouvait procurer les ouvrages de Pierre Loti parlant de terres inaccessibles et inconnues de l'européen. Cette distance s'est aujourd'hui réduite, le Japon fait partie de notre quotidien, le livre n'a plus aucun intérêt il est anecdotique, il se révèle être une niaiserie sentimentale plutôt bien rédigée. Difficile de faire tourner les pages sans se laisser aller au bâillement. Mortel ennui !

mercredi 6 mars 2013

No - Pablo Larrain

Le 11 septembre 1973, Augusto Pinochet avec le soutien de l'armée et de la CIA confisque le pouvoir à Salvador Allende le président du Chili démocratiquement élu qui choisit de se suicider dans le palais présidentiel de la Moneda. Ce coup d'état est suivi de nombreuses exécutions,disparitions, tortures...
Missing le film de Costa Gavras raconte cet épisode tragique de l'histoire chilienne à travers le destin d'un journaliste américain Charles Horman disparu après le coup d'Etat.
15 ans plus tard sous pression de la communauté internationale, la junte militaire doit organiser un référendum pour tenter de donner une légitimité au régime. Une campagne électorale pour donner un aspect démocratique à ce vote est organisée, les partisans du non au régime de Pinochet se voient octroyer un quart d'heure quotidien d'antenne. L'opposition va enfin pouvoir s'exprimer.
Les partisans du Non sont issus de différents partis politiques, le problème pour eux est de s'organiser, de définir le message diffusé sur la chaine nationale. Ils font appel à un jeune publicitaire René Saavedra.
Ce dernier apporte des méthodes nouvelles qui heurtent les vieux caciques des partis qui persuadés de leur défaite veulent utiliser cette campagne pour faire connaître les crimes du dictateur. René les invite à penser à la victoire, pour cela il faut vendre le "non" comme un produit, fabriquer un logo, inventer des jingles, faire une campagne joyeuse, donner  confiance aux électeurs pour ne pas qu'ils cèdent à la peur. La campagne commence, les méthodes de communication du camp du "non" se révèlent payantes créant la panique dans les rangs de la junte qui va tenter d'intimider ses adversaires.
Rien ne peut empêcher la victoire du non , le pouvoir chilien surveillé par la communauté internationale n'a pas d'autre choix que de reconnaitre sa défaite. Un vrai moment de jubilation que de voir une dictature tomber.
Le film tourné avec de la pellicule d'époque fait penser à ces reportages de campagne électorale qui sortent après chaque élection. Une touche vintage qui donne une impression forte de réalisme.  Un film qui donne le bonheur trop rare de voir chuter par les voies démocratiques une des dictatures les plus violentes de la fin du siècle dernier. Mais ici pas de naïveté ,on voit poindre les écueils de la démocratie libérale dont le poids toujours plus grand des communicants où la forme l'emporte sur le fond, où le communicant prédomine sur le militant .
 Un film passionnant!

mardi 5 mars 2013

Hugo Chavez (28/07/1954 - 05/03/2013)

On ne choisit pas la date de sa mort, Hugo Chavez le président du Venezuela est mort un 5 Mars comme Joseph Staline, il aurait certainement préféré un autre jour. Ses adversaires les plus irréductibles verront peut  être là un signe du destin.
Faire de Chavez un dictateur est à notre avis un raccourci rapide auquel nous ne souscrivons pas. Certes le personnage ne nous était pas particulièrement sympathique, nous goutions peu son narcissisme, ses longs discours et ses amitiés plus que douteuses. Et à vrai dire,  nous n'aimons pas beaucoup les militaires reconvertis en chef d'Etat.
Mais il convient de ne pas oublier ce qu'était le Venezuela avant son accession au pouvoir. Un pays où les castes de privilégiés se partageaient les richesses naturelles sans se soucier du sort de la majorité des habitants livrée à la pauvreté, un pays inféodé aux Etats Unis. Nous pourrions reprendre ici une réplique si juste de la porte du paradis de Michael Cimino vu ce même jour dénonçant le conservatisme des classes dominantes: "Les riches, ils ne veulent jamais améliorer les choses".

Alors il faut reconnaitre à Hugo Chavez d'avoir eu cette volonté d'améliorer la situation sociale de son pays, de lui rendre son autonomie, sa dignité. Pour le reste l'histoire jugera

La porte du paradis - Michael Cimino

La porte du paradis de Michael Cimino fut un désastre économique entrainant dans sa chute les studios United Artist condamnés à la faillite. Terrible destin pour un film admirable, véritable épopée dans l'Amérique des émigrants.
La raison principale de cet échec vient surement du contenu du film qui retrace un épisode peu glorieux de l'histoire américaine, Cimino n'écrit pas ici la légende il raconte des faits. Celle de la guerre du comté de Johnson dans le Wyoming où des propriétaires de bétail créèrent une milice avec pour objectif de massacrer 125 émigrants venus de l'Europe de l'Est.. Le film sort au moment même où l'Amérique choisit Ronald Reagan pour Président, une Amérique qui ne veut croire qu'à ses légendes, à sa grandeur qu'elle souhaite retrouver, le film de Cimino ne peut être vu.
Cet épisode peu glorieux de l'histoire américaine,  il le raconte à travers le destin de James Averill interprété par Kriss Kristofferson. Nous le découvrons au moment où il fête la fin de ses études à Harvard en 1870. Scéne d'ouverture prodigieuse qui nous montre toute l'ambition de l'auteur de réaliser une grande fresque, la scène du bal est absolument stupéfiante, C'est un grand moment de cinéma. Nous laissons James Averill, amoureux, épanoui pour le retrouver  vingt ans plus tard, dans le Wyoming. C'est alors  un homme plus sombre,très riche, mais étonnamment seul, il est  devenu shériff du comté. Il vit une histoire d'amour avec Ella Watson admirable Isabelle Huppert, tenancière d'un bordel.  Celle qu'il aimait à Harvard n'est plus qu'une photo posée au coin d'un meuble, nous ne saurons rien de leur passé.
Il vit à côté des pionniers venus d'Europe de l'est en quête d'une terre promise et livrés à la misère. 
Averill découvre que "l'Association", club des riches propriétaires dont il fut exclu dans le temps organise le massacre des émigrants; ils mettent sur pied une milice avec l'assentiment du gouverneur,et le soutien de la cavalerie pour éliminer ceux qu'ils dénoncent comme des voleurs et des anarchistes .
James Averill va tenter d'organiser la résistance, mais le massacre a bien lieu.... Ella est tuée, il échappe de justesse à la mort, nous le retrouvons quelques années plus tard désabusé sur un bateau au large de Newport, avec la jeune femme d'Harvard, celle de la photo.... Clap de fin.

Film épique, cette fresque majestueuse, sombre, offre un regard sans concession sur l'Amérique où le fascisme  n'est jamais loin, une histoire plus proche des livres de Howard Zinn, l'historien américain qui a tenu à casser les légendes de l'Amérique. C'est une leçon magistrale de cinéma; le film de 3h.30 s'ouvre sur un bal parfaitement orchestré et se termine dans le chaos d'une bataille totalement improvisée, où les corps tombent les uns après les autres... Stupidité du genre humain déjà vue la veille dans Ran de Kurozawa!

Ce fut un bonheur de voir ce film sur grand écran dans une version restaurée avec un montage conforme à la volonté de son auteur, ce chef d’œuvre du cinéma semble définitivement sauvé de l'oubli.

Jerome Savary (27/06/1942 - 04/03/2013)

Jérôme Savary, ce nom évoque immédiatement un visage, un franc-parler, un désir insatiable de vie. Cet homme nous le connaissons parce qu'il était incontournable, régulièrement présent dans les médias pour défendre une certaine idée du théâtre, une volonté farouche de le rendre accessible à tous.
Nous ne savons pas grand chose de ses productions, nous n'avons vu aucun de ses spectacles. Mais parce qu'il avait désacralisé les grands noms de la culture, donné l'envie d'aller écouter les textes de Molière, Shakespeare ou la musique d'Offenbach.... à coup sûr il laissera un vide.

Bye bye l'artiste

lundi 4 mars 2013

Jake Bugg en concert au Trianon

Le royaume anglais a cette capacité de produire régulièrement de nouveaux chanteurs , la source semble intarissable. Jake Bugg est le dernier exemple, tout juste âgé de 18 ans ;son premier album ne lui vaut que des louanges amplement méritées.
Sa musique inspirée des grands anciens, influencée par le blues et le folk, sonne comme un retour aux sources. Johnny Cash, Jimi Hendrix, mais aussi les Beatles semblent avoir nourri un premier album d'une étonnante maturité, qui laisse présager un avenir radieux si la tête reste froide.
Tout de noir vêtu, le jeune homme a affiché une étonnante maturité sur la scène du Trianon. Jamais grisé, il reprend avec précision les morceaux de son album qui prennent toute leur ampleur, la musique de Jake Bugg est faite pour être jouée sur scène. Ses tubes trouble Town, ou Lighting Bolt absolument irrésistibles dégagent toute leur puissance.
Le tout se termine sur une sublime reprise de Folsom Prison Blues de Johnny Cash!

Ran - Akira Kurosawa

Dans le Japon du XVI° siècle, un vieil homme, Hidetora Ichimonji décide de partager son fief acquis après bien des batailles et  des trahisons entre ses trois fils afin de passer paisiblement les dernières années de sa vie. Le plus jeune des fils Saburo essaye de dissuader son père, prédisant que ce partage va engendrer des disputes et la fin de la dynastie. Il est renié par son père, il doit quitter le domaine
Le partage n'apporte que conflits mettant  le pays à feu et à sang comme l'avait prédit Saburo.Les vieilles rancunes se réveillent, la femme de Taro le fils ainé de Hidetora dont la famille a été massacrée voit là l'occasion de se venger et de mettre fin à la dynastie des Ichimondji. Un film fait d'intrigues et de batailles...
Librement inspiré par le Roi Lear de William Shakespeare, Akira Kurozawa l'humaniste affiche tout son pessimisme envers une société dont les hommes sont incapables de s'élever au delà des puissances destructrices. Ran signifie chaos en japonais, c'est la désolation d'un monde en folie que filme Kurosawa.
Le film est absolument majestueux, la mise en scène des batailles filmées sans aucune emphase est une véritable leçon de cinéma, c'est d'une beauté étourdissante. Tout a été millimétré, il ne fait aucun doute que cette reconstitution est le fruit d'importantes recherches, mais pour autant le film ne tombe jamais dans la préciosité ou la froideur ...Serge Daney partit à la rencontre du cinéaste japonais avait témoigné de son travail préparatoire dans libération (19 décembre 1982): "Kurosawa travaille depuis 5 ans à une adaptation libre du Roi Lear de Shakespeare. Le film s'appellera Ran, un mot japonais qui signifie "chaos" et en attendant de pouvoir le réaliser, le cinéaste a renoué avec le dessin. Un monde défile pour nous, "plein de bruit et de fureur", avec les yeux rouges des personnages lorsqu'ils sont devenus fous, un bouffon qui danse puis qui pleure auprès d'un roi mort, des femmes qui se jettent du haut de leur château en flammes, une épée dans la bouche, des oriflammes, des chevaux qui se cabrent. Tous les détails"
 On en prend plein les yeux, les dieux sont régulièrement évoqués mais ils restent absents comme impuissants à remédier à la folie destructrice des hommes, c'est à coté d'eux que s'est placé le cinéaste pour filmer ce chaos. L'homme sage est condamné à la solitude, à contempler la nature.

Vu au Grand Action - rue des écoles

L'extrait  de l'article de Serge Daney a été trouvé dans  le recueil de ses articles:  La maison du Cinéma et le monde (2 - Les années Libé 1981-1985) Ed P.O.L Traffic

dimanche 3 mars 2013

Möbius - Eric Rochant

Nous avions beaucoup aimé le précédent film d'Espionnage d'Eric Rochant "Les patriotes", sa seule faiblesse était une histoire sentimentale peu crédible entre le héros du film et une prostituée de luxe, le film se terminant sur un dernier plan ridicule où les deux personnages se retrouvaient. C'est peut être dans ce dernier plan que le cinéma d'Eric Rochant s'est définitivement perdu.
Nous espérions assister à une renaissance du cinéaste qui faisait avec Möbius son retour dans l'univers de l'espionnage. Le film s'ouvre sur un plan magnifique de la cité monégasque, hideuse verrue de la cote méditerranéenne, puis tout s'arrête là.
Le film qui repose sur des affaires de flux financiers, de blanchiment d'argent où les services russes surveillent un oligarque  joué par Tim Roth surement choisi pour sa ressemblance avec Roman Abramovitch sombre rapidement dans une historie romantique entre les deux héros incarnés par Jean Dujardin et Cecile De France... John le Carré est le modèle du cinéaste mais il sombre dans le roman de gare, nous offrant une bluette ridicule et totalement invraisemblable sauf peut être  pour des adolescents immatures... Les scènes d'amours redondantes sont filmées avec pruderie  où la chorégraphie des corps tue toute idée de passion. Nous avons alors droit à une des meilleures répliques du film délivrée par notre héroïne: "tes bras sont concrets"...
Les gros plans se multiplient, cherchant à nous émouvoir par les regards des héros  qui retiennent la larme au coin de l'oeil dans les moments dramatiques, exprimer une émotion pour un espion est une faute professionnelle...
Le film ressemble à un catalogue en papier glacé avec ses publicités pour véhicule, c'est d'une totale vacuité, d'une prétention rare... Le cinéaste continue sa chute, il entraine dans celle ci les deux acteurs dont les répliques sonnent faux, c'est d'un ennui total !

Comment voler un million de dollars? William Wyler

Un génial faussaire Charles Bonnet a prêté pour une exposition, une statuette censée être une sculpture de Cellini, artiste italien de la renaissance. Les assureurs souhaitent expertiser l'objet garanti , une catastrophe pour Charles Bonnet qui sait très bien qu'elle fut réalisée par son père dont il a hérité les talents de faussaire.
Sa fille organise avec l'aide de celui qu'elle croit être un cambrioleur le vol de la statuette...
Lors de sa présentation,  Claude Jean Philippe nous avait prévenu que le film tenait plus pour la prestation éblouissante d'Audrey Hepburn que pour le talent du metteur en scène. Il ne nous avait pas menti, il faut en convenir, cette comédie qui se déroule à Paris tient plus des films de Gérard Oury que de ceux des maitres d'Hollywood: Howard Hawks ou Ernst Lubitsch.
William Wyler, le réalisateur de l'indigeste Ben Hur, né à Mulhouse a dû se rappeler ses origines françaises tant sa comédie a des accents franchouillards, n'évitant aucune caricature, il ne manquait que le béret et le camembert mais la bouteille de vin était bien là.
Audrey Hepburn, habillée magnifiquement par Givenchy, nous fait oublier rapidement les lourdeurs de ce film, elle illumine l'écran. Elle forme un couple convaincant avec Peter O'Toole même si ce dernier n'a pas la grâce d'un Cary Grant...

C'était un joyeux divertissement pour un dimanche matin !

Daniel Darc - Creve Coeur

"Le chemin de cette rédemption n'est pas de tout repos. "Nous avons également connu des moments difficiles, ajoutait Frédéric Lo. Daniel est d'une santé fragile, complètement esquinté par les excès passés. Pendant cette année et demie qu'a duré cette aventure, il a failli mourir trois fois." Miracle de délicatesse et de mélancolie, compensant la densité des blessures par une lumineuse musicalité, l'album Crève cœur récolte, en 2004, un formidable accueil critique et un succès commercial inattendu."

Stphane Davet, Le monde

Crève coeur de Daniel Darc est notre album de la semaine.

samedi 2 mars 2013

Lincoln - Steven Spielberg

Ce film retrace l'histoire du vote du treizième amendement de la constitution des Etats-Unis qui met définitivement fin à l'esclavage. Lincoln a besoin d'une majorité des deux tiers de la chambre des représentants,  il doit convaincre des membres de l'opposition. Il profite de la période transitoire où les nouveaux députés élus ne sont pas encore installés, il a ainsi un moyen de pression sur les membres non réélus de  la chambre à qui il propose des postes contre un vote positif. Parfois la fin nécessite les moyens, Lincoln renonce à certains principes pour tendre vers son idéal. C'est une question de temps, il est impératif que le texte soit voté avant qu'intervienne un accord de paix
C'est une leçon d'Histoire par Maitre Spielberg avec en décor de fond la guerre de sécession, première guerre totale qui annonce le carnage du premier conflit mondial. Le propos peut être parfois simplificateur, faisant de cette guerre civile dont on ne mesure pas assez le massacre qu'elle fut, la seule conséquence de la politique abolitionniste des républicains. La réalité est plus complexe avec notamment une véritable divergence sur la politique économique entre le  nord plus industriel et protectionniste et  le sud et ses plantations ouvert au commerce international.
L'aspect le plus passionnant du film est sa description de l'exercice du pouvoir, les manœuvres de chacun, les mensonges ou les renonciations notamment du leader Thaddeus Stevens leader radical qui veut aller beaucoup plus dans la réforme en donnant une véritable égalité des droits aux populations noires. Lincoln apparait seul par moment,s' il flanche, tout s'écroule. Il donne une véritable leçon de politique sans jamais se départir de son sens de l'humour, ne pouvant s'empêcher de raconter des anecdotes même dans les moments les plus tendus.
C'est parfois long, répétitif, mais ce film mérite d'exister et si parfois il se laisse emporter par son lyrisme, cet exercice de l'Etat ne nous a pas laissé indifférent. Daniel Day-Lewis est parfait, il est Lincoln

Littlematchsceller - La petite marchande - Nicolas Liautard

Deux ans après le magnifique Blanche-neige, Nicolas Liautard continue son travail sur les différentes formes du théâtre visuel en proposant une adaptation du célèbre conte d'Andersen, la petite fille aux allumettes...
Nous sommes le soir du jour de l'an, où la jeune fille seule dans la rue n'arrive pas à vendre ses allumettes aux passants pressés et indifférents. La nuit tombe, les lumières des immeubles s'allument, la petite fille découvre un intérieur bourgeois et la fête qui se prépare...
Comme à chaque spectacle de Nicolas Liautard, la scénographie et les différents tableaux qui composent le spectacle sont de toute beauté. Avec notamment ici, un sublime moment où la dinde déposée sur la table prend vie et vient danser avec la jeune fille qui transie de froid, sombre dans le délire. Nous restons impressionnés par le travail du metteur en scène.
Mais pour autant nous n'avons pas cette fois succombé à ce  nouveau spectacle , peu touchés par cette jeune fille trop propre dont le malheur ne nous a pas convaincu, tels les passants du début, nous avons passé notre chemin.

Mais si nous n'avons pas été conquis par ce spectacle trop froid, trop désincarné à notre goût, nous ne voudrions pas vous décourager de découvrir le travail de Nicolas Liautard, vous pouvez lire une critique enthousiaste de Télérama, en cliquant  ici

Spectacle vu hier soir au théâtre Jean Arp

vendredi 1 mars 2013

Les Vaches et nous

La vache au chien - Brascassat Jean Raymond (musée du Louvre)

Nous avons toujours aimé les vaches, et nous aimons les croiser lors de nos promenades campagnardes. Mais comme la plupart des citadins,  nous sommes particulièrement stupides sur les questions agricoles.
C'est ainsi que nous avons appris; il n'y a pas si longtemps, dans une ferme du fin fond du pays basque, au pied de la forêt d'Iraty, d'un paysan, alors que nous assistions à la traite du soir,  que pour produire du lait une vache doit au préalable avoir un veau. Assez logique, lorsqu'on y réflèchit, mais jusqu'alors, nous avions cru benoitement qu'une vache produisait spontanément du lait. C'est ainsi que nous avons découvert le triste destin d'une vache laitière condamnée à des grossesses successives sans connaitre les joies de l'amour, puisque l’insémination est artificielle. Espérons pour elles le paradis tant leur vie de femme semble conforme aux canons du Vatican...

Nous nous sommes promenés dans les travées du salon de l'agriculture avec un ami agronome, occasion de nous enrichir sur la problématique des questions agricoles,enjeux international de premier plan, ce fut aussi pour nous l'occasion d'approfondir nos connaissances sur les vaches. Leçon 2: la différence morphologique entre une vache à lait et une vache à viande. Cette dernière est pourvue d'un gros cul pour satisfaire le boucher et lui permettre de fabriquer de beaux rôtis, la Blanc bleu belge en est un magnifique exemple, alors que la vache laitière finalement plus fine est  dotée d'un postérieur plus modeste et finalement plus harmonieux.




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