dimanche 30 septembre 2012

Vous n'avez encore rien vu - Alain Resnais

Un auteur dramatique Antoine Dhantac meurt, il fait convoquer les acteurs qui ont joué dans sa pièce "Eurydice" pour l'ouverture du testament dans sa maison perdue dans un coin de montagne...  Sa dernière volonté est qu'ils regardent sa pièce jouée par une jeune compagnie, la compagnie de la colombe et qu'ils donnent leur avis à l'issue du visionnage. Les "vieux" acteurs retrouvent les mots de la pièce, ils ne peuvent se retenir bien longtemps, ils reprennent leurs rôles... 
Pierre Arditi, Lambert Wilson, Sabine Azema, Anne Consigny, Mathieu Amalric, Michel Piccoli, Annie Duperey, ils sont tous invités à jouer leur propre rôle.... dans le nouveau film du toujours jeune Alain Resnais! (14 ans de moins que Manoel oliveira son ainé portugais)
Quelle fraicheur que le cinéma d'Alain Resnais qui par son idée géniale, nous propose trois versions simultanées de la pièce de Jean Anouilh jouées à des âges différents. Il jongle d'un acteur à l'autre et cela fonctionne, et nous croyons à ce duo de Eurydice et Orphée joué par Pierre Arditi et Sabine Azema  comme si l'amour n'était pas réservée aux jeunes âges... Cette inventivité, ce gout pour l'artifice c'est le coté réjouissant du film de Resnais qui nous a toujours surpris au long de sa carrière.
Mais il y a un hic qui vient plomber le film,  lui donner des longueurs, c'est le texte de Jean Anouilh totalement indigeste, nous avons essayé de nous y plonger avant d'aller voir le film, le livre nous est littéralement tombé des mains, c'est d'un ennui total... l'inventivité du cinéaste n'a pu gommer ces lourdeurs, c'est bien dommage !

A noter que c'est la première fois que  Michel Piccoli (87 ans) joue dans un film de Alain Resnais (90 ans) !

La nuit américaine - François Truffaut

Lorsqu'il commence le tournage de La nuit américaine François Truffaut sort de deux échecs commerciaux. Deux anglaises et le continent , sa deuxième adaptation d'un roman de Henri-Pierre Roché pourtant un des plus beaux films du réalisateur ne trouva pas son public,  "Une belle fille comme moi " le film suivant une comédie avec Bernadette Laffont, Charles Denner et André Dussolier ne permit pas au cinéaste de se relancer.

La nuit américaine est la chronique du tournage d'un mélodrame "Je vous présente Pamela ", histoire d'une femme qui quitte son époux pour son beau-père, tournée aux studios de la Victorine à Nice. François Truffaut joue en personne le metteur en scène, nous le retrouvons confronté aux problèmes inhérents aux tournages.  Toujours calme, serein, il fait face aux contraintes budgétaires, aux imprévus de dernières minutes, aux caprices de ses comédiens, aux trous de mémoire de son actrice qui se motive au champagne, et à la mort tragique de son comédien vedette. Il nous livre des petits tours de passe passe, le cinéma révèle ses artifices.

C'est toujours avec bonheur que nous revoyons ce film, nous ressentons à chaque fois le bonheur de François Truffaut de partager sa passion du cinéma. Il faut aussi saluer la prestation des acteurs, nous avons l'impression que tout le monde est heureux de participer au tournage comme si cela avait été une fête. Saluons notamment Nathalie Baye qui trouve là son premier rôle au cinéma, elle est parfaite, nous offrant même une scène jubilatoire en compagnie de l'indispensable Bernard Menez.

François Truffaut retrouve le succès, remporte l'oscar du meilleur film étranger... Ce film fait également date parce qu'il est à l'origine d'une des plus fameuses brouilles de l'histoire du cinéma français, entre Jean-Luc Godard et François Truffaut.  Le cinéaste de "A bout de souffle" reproche à François Truffaut de mentir dans son film lui reprochant de ne pas faire coucher le metteur en scène avec son actrice, puis il finit par lui demander de participer au financement de son prochain film. Une lettre que pouvons qualifier de dégueulasse.
La réponse ne se fait pas attendre, et c'est peut être là, la seule vertu du courrier de Jean-Luc Godard, c'est d'avoir provoqué le texte remarquable de son ancien acolyte des cahiers du cinéma. Il est très facile de retrouver la trace de cet échange épistolaire dans la correspondance de François Truffaut. Les deux hommes ne se parleront plus.

"Pour Truffaut, La nuit américaine est donc un  film d'amour, un film consacré à l'amour malgré tout du cinéma." J'ai pensé surtout à la chanson Moi, j'aime le Music-hall dans laquelle Charles Trenet énumère avec gentillesse et drôlerie tous les chanteurs en vogue, pourtant ses concurrents. C'est dans cet esprit que j'ai tourné La nuit américaine, avec la volonté de rendre heureux le spectateur face au spectacle d'un film en train de se faire, de faire entrer de la joie et de la légèreté par toutes les perforations de la pellicule: " Moi, j'aime le cinéma."

Extrait de François Truffaut - Antoine De Baecque et Serge Toubiana - Ed Gallimard

Vu au ciné club de Claude Jean Philippe au Cinéma l'Arlequin.

Ascenseur pour l'échafaud - Miles Davis

"Cet enregistrement s'est effectué de nuit au studio du Poste Parisien; dans une atmosphère très détendue. Il y avait là Jeanne Moreau, la principale interprète du film, qui, de façon charmante, accueillait musiciens et techniciens à un bar improvisé. Il y avait la production, la technique et Louis Malle, toutes bretelles dehors, qui tentait d'extraire de Miles tout ce qu'il désirait ajouter à l'image. Les musiciens, totalement détendus, voyaient sur l'écran défiler les scènes principales du film, et, mis ainsi dans l'ambiance, se lançaient aussitôt, en même temps que passait la projection, dans l'improvisation.
On remarquera dans la plage "Diner au motel", la sonorité étrange de la trompette de Miles. Un fragment de peau se détacha à un moment de sa lèvre pour se coincer dans l’embouchure. Pareil à ces peintres qui doivent parfois au hasard la qualité plastique de leur pâte. Miles accueillit volontiers ce nouvel élément d'un jeu "inouï" au sens littéral du mot, jamais entendu. Nul doute, que, même, privé des images, l'auditeur ne soit sensible au climat envoûtant et tragique créé par le grand musicien noir, admirablement soutenu par ses coéquipiers."

Ces mots écrits en 1957 par Boris Vian alors responsable du catalogue Jazz de chez Philipps semblent être sortis tout droit de son imagination, puisqu'il n'était pas présent à l'enregistrement. Ils sont ceux d'un écrivain, figurant sur la pochette de l'album pour rendre cet enregistrement encore plus mythique. Cette anecdote fut d’ailleurs démentie par le pianiste René Utreger qui participa à l'enregistrement.

Mais en "fordiens convaincus" nous respectons cette règle de "L'homme qui tua Liberty Valance": "Quand la légende dépasse la réalité, on imprime la légende". Il n’empêche que les mots de l'auteur de "l'écume des jours" sonnent juste, cet album  au climat "envoûtant et tragique" s'écoute toujours avec le même plaisir,

La bande originale du film "Ascenseur pour l'échafaud" de Miles Davis est notre album de la semaine. N'oubliez pas d'écouter attentivement "Diner au Motel" !


samedi 29 septembre 2012

Il était un père - Yasujiro Ozu

Un homme veuf , professeur de mathématiques, élève seul son fils. Lors d'un voyage scolaire, un élève se noie, le professeur se sent responsable de cet accident, il démissionne. Il repart dans sa province avec son fils, ce dernier finit par le quitter pour poursuivre ses études en internat. Le père et le fils se verront moins souvent....
Des années plus tard, le père travaille à Tokyo alors que son fils enseigne dans un Lycée. Les deux hommes se retrouvent, l'enfant dit à son père sa volonté de quitter son poste pour venir vivre avec lui à Tokyo. Le père se fache il ne veut pas le voir démissionner... Mais son engagement dans l'armée finit malgré tout par le ramener à Tokyo.

Resté inédit en France jusqu'en 2005, un message d'annonce prévient de la qualité médiocre de la copie, notamment au niveau de la bande sonore... Nous retrouvons  cette simplicité dans la mise en scène,  véritable marque du réalisateur, toujours le même refus du spectaculaire.Par une simple scène de pèche, nous comprenons l'attachement qui peut exister entre le père et le fils. Ce film est le premier acte d'une collaboration avec l'acteur Chishu Ryu. Tourné durant la deuxième guerre mondiale, le film d' Ozu se referme sur cette relation filiale qui évolue avec le temps, comme s'il ne voulait pas filmer  son pays qui se perdait dans le fascisme... admirable cinéaste !

Vu à la filmothèque du quartier latin.

jeudi 27 septembre 2012

Lettre d'une inconnue - Max Ophuls

Longtemps considéré comme "infilmable", Lettre d'une inconnue n'a existé que par la volonté de son producteur William Dozier, époux de Joan Fontaine. Impossible à adapter au cinéma du fait de  son style littéraire mais surtout parce l'histoire de Zweig est jugée scandaleuse. Joseph Breen qui dirige le bureau de la censure exprime clairement les raisons: " gross illicit sex, promiscuity, and illegitimacy." (Eléments retrouvés dans un article de Philippe Garnier)

Max Ophuls, exilé depuis la guerre, a du mal à trouver sa place à Hollywood. Ce film même s'il n'en porte pas le projet initial est pour lui une opportunité parfaite de lancer sa carrière américaine. Amoureux de la Mittleuropa, il ne peut qu'être intéressé par la mise en image du livre de Stefan Zweig, et ainsi reconstituer la Vienne des années 1900. Ophuls a souvent traité dans ses films de la femme victime, il trouve sujet à sa taille avec l'histoire de cette jeune fille qui tombe amoureuse de son nouveau voisin , mais ce dernier est un libertin qui l'abandonne sans savoir qu'elle attend un enfant. Dans le livre, il était R... écrivain,  il devient Stefan Strand, pianiste, dans le film. Ce n'est pas là, la seule modification apportée à la nouvelle, nous en trouvons d'autres plus significatives et surement  nécessaires pour satisfaire les exigences de la censure, elles sont des renoncements au texte d'origine.

Pour l'adaptation cinématographique, Lisa la jeune fille , se marie après avoir eu un enfant. Dans le livre elle devenait une cocotte refusant toute demande en mariage pour rester fidèle à celui qu'elle aimait...elle recouchait même avec lui après l'avoir retrouvé par hasard. Scène interdite  par la censure hollywoodienne,   si elle rejoint bien le domicile de son amant, elle reste finalement fidèle à son époux, fuyant Stefan  quand elle se rend compte qu'il ne la reconnait pas et demande , libertin accompli , à son valet de chambre  de préparer un diner "as usual". Meurtrie elle fuit, alors que dans le livre elle acceptait son sort et cédait à nouveau.

La   fin du film est une sorte de rédemption , Lisa meurt du Typhus, et Stefan Brand part pour un duel auquel il avait prévu auparavant de se soustraire, avec le mari de Lisa, un militaire. Nous pouvons penser qu'il a peu de chance de s'en sortir vivant.
Une autre fin avait été tournée où Stefan rejoignait la jeune femme à l’hôpital avant qu'elle ne meure, dans un dernier souffle, elle le remerciait sans un reproche pour les instants de  bonheur qu'il avait pu lui donner. Nous pouvons y voir une forme de masochisme, de bonheur trouvé dans un amour impossible... mais Lisa comme le personnage du roman est aussi l’affirmation d'une femme libre, qui s'émancipe des convenances sociales pour vivre sa passion, elle mène sa vie selon sa propre volonté.

Ce qui rend le texte de Zweig passionnant, c'est justement ce refus de porter un jugement moral sur ces personnages. Le libertin est troublé par la lecture de cette lettre,  troublé par cet amour fou mais aussi par ce texte qui lui raconte sa vie, n'oublions pas que dans le livre il est un écrivain ... mais passé ce trouble rien ne nous indique que sa vie va se transformer.

Pour autant ce film, magnifique mélodrame, est passionnant à regarder, il doit tout au talent de son metteur en scène, qui reconstitue parfaitement l'atmosphère de la capitale de ce qui était alors l'empire austro-hongrois, un monde qui lui était cher. Par de longs plans séquences , une utilisation maitrisée du flash back, Max Ophuls s'empare du caractère littéraire de cette histoire restant en cela fidèle au procédé narratif et à la fluidité du style de Stefan Zweig. Une leçon de cinéma !
Servi par un duo acteur absolument parfait, Louis Jourdan  joue parfaitement  le bellatre veule, ce n'est peut être pas d'ailleurs un rôle de composition; Joan Fontaine illumine le film, elle incarne aussi parfaitement la jeune adolescente que la femme passionnée, déterminée... Elle venait de tourner deux films de Alfred Hitchcock, Rebecca et Soupçons, elle est au sommet de sa carrière, à travers ces trois films elle parvient à créer un personnage à l'innocence ambigüe  ...

lundi 24 septembre 2012

Lettre d'une inconnue - Stefan Zweig

Un écrivain célèbre de retour de vacances ouvre son courrier, une lettre particulièrement épaisse attire son attention. C'est la confession détaillée d'une inconnue qui révèle avant de mourir la vie qui fut la sienne dont il était sans le savoir le centre de gravité.
Adolescente, elle fut sa voisine de palier, elle passa ses journées à l'épier, une surveillance de tous les instants qui lui permettait de s'évader de son quotidien ennuyeux. Plus tard elle fut sa maitresse trois nuits durant, mais connaissant parfaitement sa vie de libertin, elle se doute qu'il ne se rappelle pas cette rencontre, elle n'est qu'une parmi tant d'autres, d'ailleurs quelques années plus tard il repasse une nuit avec elle sans se rappeler les précédentes . De cette rencontre furtive est né un enfant, c'est parce qu'il vient de mourir de la grippe et  parce qu'elle se sait victime du même mal qu'elle se décide à écrire...
Ce qui frappe d'entrée c'est l'ambiance mortifère dans laquelle grandit cette jeune fille qui vit seule avec sa mère.
"Tu ne te souviens  certainement  plus de nous, de la pauvre veuve d'un fonctionnaire des finances (elle était toujours en deuil), et de sa maigre adolescente; nous vivions tout à fait retirées et comme perdues dans notre médiocrité de petits bourgeois"

L'arrivée de ce jeune écrivain, est une illumination pour cette jeune fille, une source inépuisable de rêve, il devient malgré lui l'objet de ses passions...

C'est une nouvelle d'une intensité rare, on ne décroche pas un instant, ce texte écrit dans les années 20 du siècle précédent  n'a rien perdu de sa modernité. Nous avons quitté un instant la rentrée littéraire pour relire cette nouvelle avant de revoir le film de Max Ophuls, à aucun moment nous n'avons eu l'impression de faire un saut dans le passé. Stefan Zweig, un des noms les plus importants de la littérature du XX° siècle n'a pas fini de nous émerveiller!

Un très grand texte !

dimanche 23 septembre 2012

Des hommes sans loi - John Hillcoat

En Virginie, dans les années 30, trois frères Bondurant mènent leur activité de bootlegger sans se préoccuper des interdits de la prohibition. Les deux ainés ont la conviction d'être invincibles, Forrest le plus âgé est le seul survivant de son régiment parti en France durant la première guerre mondiale,  Howard le second a survécu miraculeusement à la grippe espagnole. Le troisième Jack na pas le courage physique des deux ainés, mais il rêve de faire prospérer l'affaire notamment pour séduire la fille du pasteur de la communauté Quacker qui ne voit pas vraiment d'un bon œil cette union...
La confrontation devient inévitable avec la police dirigée par un doux dingue Charlie Rakes qui a décidé de ne pas se laisser impressionner par la réputation d’invincibles des frères Bondurant...

Un film de plus sur la période de la prohibition aux Etats Unis, celui ci n'apporte pas  un regard nouveau sur cette période. Images bien léchées, un coté vintage qui a un certain charme, une bande son plutôt réussie où nous sentons largement la griffe Nick Cave, voila qui permet de ne pas sombrer totalement dans l'ennui.  On ne vibre pas à cette histoire totalement prévisible, John Hillcoat réalise un film de genre entre western et film de gangsters sans jamais renouveler le genre , les scènes de fusillades frisent par moment le ridicule ... Un film mineur que nous aurons vite fait d'oublier !

Monsieur Verdoux - Charlie Chaplin (1947)

A l'origine, c'est Orson Welles qui eut l'idée d'adapter l'affaire Landru au cinéma, pour incarner le célèbre criminel il pense à Charlie Chaplin.Ce dernier est enthousiaste mais il n'imagine personne d'autre que lui-même pour mettre en scène le film. Il rachète l'idée  à Orson Welles 5000 $ et le cite dans son générique.
Au moment où il tourne ce film, Chaplin est en pleine tourmente judiciaire, accusé par l'actrice Joan Barry d'être le père de son enfant. Si le cinéaste confirma la liaison, il nie être le père de l'enfant ce que confirment des tests sanguins. Pour autant, il est injustement condamné, la presse mène une virulente campagne à son encontre.
Monsieur Verdoux signe une rupture totale entre Charlie Chaplin et son personnage Charlot. Le cinéaste choisit de modifier totalement le contexte historique de l'affaire Landru, faisant de Verdoux une victime de la crise de 29. Caissier dans une banque depuis trente ans, Verdoux est licencié du jour au lendemain.... Il monte donc une" petite affaire" pour faire vivre dignement son épouse handicapée et leur enfant. Affaire qui l'amène à supprimer quelques riches veuves après les avoir détroussé.
Mais une nouvelle crise boursière a raison de ses placements, c'est à nouveau la ruine pour Verdoux... Nous comprenons qu'il a supprimé femme et enfant avant de se faire arrêter par la police. Jugé, il est condamné à mort. Il accepte la sentence
Film noir, pour autant Chaplin ne renonce pas à son sens de l'humour, il nous fait toujours rire, se laissant aller ici ou là à des pirouettes nous rappelant les sommets de ses films muets. C'est déja la première réussite du film d'avoir su intégrer des scènes cocasses sans jamais dénaturer le personnage du criminel... Un criminel cynique mais  qui joue un peu les justiciers s'en prenant principalement aux fortunés. D'ailleurs, lorsqu'il découvre qu'une de ses victimes, une jeune fille sur qui il veut essayer un nouveau poison censé ne pas laisser de trace, vient juste de sortir de prison, condamnée à trois mois d'enfermement pour une petite escroquerie réalisée pour subvenir aux besoins de son mari revenu handicapé de la guerre, il  l'épargne. Chaplin reste définitivement du coté des exclus. 
La dernière scène du film montre Verdoux se rendant l'échafaud, il est  filmé de dos et finit par prendre la démarche de Charlot...
Un film sombre où Chaplin semble ne plus croire à la nature humaine. Nous sommes au lendemain de la guerre, le discours qu'il lança à la fin de son précèdent film le dictateur, implorant les peuples à réagir n'a pas été entendu. Le pire a été commis, c'est d'ailleurs cela que rappelle Verdoux à la fin de son procés... On me reproche d'être un petit criminel individuel, alors que les crimes collectifs bien plus affreux ne sont pas punis... Chaplin  porte un regard désabusé sur le monde de l'après guerre.

Ce film fut mal accueilli par la critique américaine définitivement fâchée avec le cinéaste, bientôt chassé du sol américain.

Vu dans le cadre du Ciné club de Claude Jean-Philippe au cinéma l'Arlequin

Algiers - Calexico

C'est Jean-Louis Murat qui nous a fait découvrir Calexico, le groupe originaire de Tucson (Texas). Ils avaient participé à l'enregistrement de "Mustango" peut être le plus bel album du chanteur auvergnat qui leur rendait d'ailleurs hommage à travers le titre "Viva Calexico"...
La musique de Calexico est un melting pot de toutes les musiques américaines, country, mariachi, rock, blues... le tout donne un ensemble harmonieux particulièrement plaisant à écouter qui nous donne une image différente du cliché que nous pouvons avoir du Texas !
Parce qu'on se sent toujours meilleurs après l'écoute d'un album de Calexico, "Algiers" leur dernier opus que nous n'avons pas vraiment eu le temps d 'écouter est notre album de la semaine !

samedi 22 septembre 2012

Les enfants-loups, Ame et Yuki - Mamoru Hosoda

C'est en ce samedi plutôt nuageux que je me suis rendue au cinéma pour voir « Les enfants-loup, Ame & Yuki » de Mamoru Hosoda.
J'avais plusieurs raisons d'aller voir ce film. Tout d'abord je suis une adepte des films d'animations japonais (j'avoue avoir vu et re vu tous les studios Ghibli sans aucune lassitude…). La bande-annonce m'avait particulièrement alléché, en plus les critiques étaient vraiment positives !
Le film raconte l'histoire d'Hana, une jeune femme et de ses deux enfants, Ame et Yuki. Le père de ces derniers est un homme-loup, Ame et Yuki héritent eux aussi de sa particularité. Mais quand il meurt accidentellement, Hana est contrainte de déménager à la campagne avec ses deux enfants, dans un lieu reculé, pour mieux protéger leur secret. S'ensuivront de nombreuses aventures....
C'est un très beau film, mélangeant humour et tristesse,  très "kawaii" (expression japonaise, désignant quelque chose de très mignon). Les dessins sont absolument remarquables, ils sont une ode à la nature et  à la tolérance...   
 Bref, j'ai passé un excellent moment à regarder ce nouveau bijou du cinéma d'animation japonais. J'ai eu la chance de voir une version originale sous titrée, le dépaysement était total.

jeudi 20 septembre 2012

Un flic - Jean-Pierre Melville

Depuis quelques années, les films policiers cherchent à coller à la réalité, à la vérité du terrain.  L627 de Bertrand Tavernier fut peut être celui qui lança ce mouvement. Revoir "Un flic" le dernier film de Jean-Pierre Melville est en cela un vrai dépaysement. 
Ici pas de problèmes budgétaires d'une police sous équipée confrontée à la dure réalité sociale, c'est avant tout une rencontre d'hommes de caractères qui frèquentent finalement les mêmes lieux que filment le cinéaste. Musique Jazz, Plymouth noire, l'Amérique est la source d'inspiration , nous sommes dans un film d'ambiance un peu comme dans un roman de Raymond Chandler, l'enquête n'a que peu d’intérêt, ce sont les personnages qui donnent la densité au film. 
 Pour lui donner du corps, il lui faut des "trognes", des personnalités qui donnent du sens à leur personnage par leur seule présence même si cela peut donner des airs caricaturaux aux bandits. Alain Delon est comme un poisson dans l'eau, il se régale à incarner un flic plutôt taiseux Edouard Coleman. Catherine Deneuve à la fois  maitresse du flic et compagne du cerveau de la bande, maitrise cette double relation sans jamais trahir, nous pourrions juste lui reprocher un manque d’ambiguïté qui aurait certainement enrichi le personnage. Melville a-t-il cherché à reconstituer ici un duo du type Humphrey Bogart, Lauren Bacall? 
Nous pouvons le penser même si nous ne retrouvons pas la même magie que dans les films noirs de Howard Hawks. A aucun moment, nous ne sentons Alain Delon, troublé déstabilisé par Catherine Deneuve, à la différence d'Humphrey Bogart vacillant sous le regard de Lauren Bacall. Il reste froid et implacable, il ne révèle aucune faiblesse. 
Le seul moment où nous voyons le policier exprimer un sentiment est dans une scène de commissariat avec un travesti qui joue les indics, une relation trouble est manifeste entre  eux . Furieux d'avoir vu une affaire capoter, le commissaire s'en prend au travesti avant de le laisser partir, finalement  libre, une scène de toute beauté.
De longs plans séquences, peu de personnage dans le cadre, des plans qui s'étirent avec des silences. Les policiers et les bandits ont leurs codes, ils sont tous élégants, ... Edouard Coleman ne semble pas avoir de vie en dehors de celle de flic, personnage étrange, fasciné par un travesti, violent par moment, il gifle facilement les suspects... Aucun ne semble résister à sa pression,  le grand gaillard qui a tout d'un dur balance bien vite les noms. Nous ressentons parfaitement l'atmosphère violente sans qu'elle ne soit jamais filmée, nous n'assistons pas au tabassage du suspect, juste au dialogue de préambule, la commissaire annonce avec flegme au suspect qu'il va donner les noms, l'autre rigole... Melville filme les regards des deux hommes qui se jaugent, comme dans un Sergio Leone, puis le plan s'arrête. Nous retrouvons la nuit venue le policier dans la ville, le suspect a parlé, il n'a pas tenu bien longtemps!
 Le film policier répond ici à des codes précis, comme à une partie de Tennis à Wimbledon , il faut se plier à un certain rituel, respecter des us et coutumes.  Nous sommes bien loin de la réalité, c'est un monde fantasmé que nous livre le cinéaste.
Cette élégance, cet aspect minéral rend les films de Jean Pierre Melville captivant, on plonge sans retenue dans cette ambiance de bars, de prostituées, de travestis qui jouent les indics, des rues désertes de la capitale. Nous comprenons qu'il soit toujours  une source d'inspiration des jeunes cinéastes de tous les continents. Nous sourions à cette scène ratée d'une scène de vol dans un train où le bandit débarque d'un hélicoptère. Le trucage surement inspiré par "Une femme disparait" de Alfred Hitchcock ne trompe personne, nous regardons amusés la scène tournée avec des maquettes miniatures. Comme il est dit dans les supplèments par Jean Francois Delon, le frère de l'acteur, engagé comme premier réalisateur, c'est un peu long, cela aurait mérité d'être coupé.
 Alain Delon est au sommet de son jeu, silencieux, il incarne parfaitement le personnage melvillien qui derrière un coté dur révèle une faille. Une tristesse décelée dans  un dernier regard, alors qu'il repart au volant de sa voiture laissant Catherine Deneuve seule, au bord du trottoir alors qu'il vient de descendre son compagnon. Un samouraï !

mardi 18 septembre 2012

Viviane Elisabeth Fauville - Julia Deck

De mémoire, c'est la première fois que nous achetons un premier roman le jour même de sa sortie.Le fait que ce soit un ouvrage des éditions de minuit fut un élément essentiel tant notre relation de confiance avec cette maison d'édition est grande, mais il faut bien avouer que  le quatrième de couverture a fini de nous convaincre:

Vous êtes Viviane Elisabeth Fauville. Vous avez quarante deux ans, une enfant, un mari, mais il vient de vous quitter. Et puis hier, vous avez tué votre psychanalyste. Vous auriez sans doute mieux fait de vous abstenir. Heureusement, je suis là pour reprendre la situation en main.

Une lecture impressionnante sur la chute d'une femme, cadre supérieure dans une entreprise du bâtiment,  qui plonge dans la dépression. Le départ de son mari est assurément un élément déclencheur, elle ne semble pas pouvoir  faire face à ce qui ressemble à son premier échec... Nous entrons dans le cerveau de Viviane, fascinée par la mort de son psychanalyste, elle se joue de la police, entre en contact avec les proches de la victime et de celui qui est suspecté du fait de son passé judiciaire. La folie ronge Viviane, qui est finalement hospitalisée aux urgences de l'Hôpital Dieu après avoir avoué son crime...

Une enquête policière, une promenade à travers les rues de Paris, ce premier roman est une vraie gageure, Julia Deck se place au milieu du chaos de son héroïne, ça tangue fort. Une bourgeoise tue son psychanalyste, après que son mari l'eut quittée, avec un couteau, cadeau de mariage offert par sa mère. Même Hitchcock,  n'a pas osé aller aussi loin ,  nous imaginons que cela ne lui aurait pas déplu ! Il ne serait d'ailleurs pas étonnant qu'un cinéaste s'empare de ce roman sombre.

Une vraie découverte de cette rentrée littéraire, nous savons déjà que nous achèterons son deuxième roman!

lundi 17 septembre 2012

Revoir Max Ophuls

 Lola de Jacques Demy dont nous venons de voir la version restaurée est dédié à Max Ophuls. Dédicace qui nous a rappelé l'importance du cinéaste français d'origine allemande dans l'histoire du cinéma. Il fut considéré comme un maitre par la bande de la nouvelle vague. Nous avons donc décidé en cette fin d'année de nous lancer dans un "cycle Max Ophuls", revoir ses films français ainsi que ceux qu'il réalisa durant sa période hollywoodienne, peut être aussi l'occasion de relire Stefan Zweig ou d'Arthur Schnitzler qui inspirèrent le cinéaste...

A sa mort, François Truffaut écrivit un long hommage, que nous retrouvons dans "les films de ma vie" l'indispensable recueil du jeune critique des cahiers du cinéma. Nous en citons trois courts passages:


Il n'était pas le virtuose, l’esthète, le cinéaste décoratif qu'on disait: ce n'est pas pour "faire bien" qu'il cumulait dix ou onze plans en un seul mouvement d'appareil qui traversait tout le décor et ce n'est pas pour épater autrui que sa caméra courait dans les escaliers, le long des façades, sur un quai de gare, à travers les buissons. Max Ophuls, comme son ami Jean Renoir, sacrifiait toujours la technique au jeu de l'acteur; Ophuls avait remarqué qu'un acteur est forcement bon, forcément antithéâtral, lorsqu'il est astreint à un effort physique: monter des escaliers, courir dans la campagne, danser tout au long d'une prise unique.

(...)

La femme est le personnage principal dans l’œuvre d'Ophuls, la femme hyper féminine, victime de toutes les sortes d'hommes: militaires inflexibles, diplomates charmeurs, artistes tyranniques, jeunes garçons exaltés, etc. C'est parce qu'Ophuls ne traitait que des sujets éternels qu'on le disait inactuel, anachronique. Il montrait dans ses films la cruauté du plaisir, les drames de l'amour, les pièges du désir, il était le cinéaste du "triste lendemain que laisse le bal folâtre" (Victor Hugo)

(...)

Max Ophuls était pour quelques-uns d'entre nous le meilleur cinéaste français avec Jean Renoir, la perte est immense d'un artiste balzacien qui s'était fait l'avocat de ses héroïnes, le complice des femmes, notre cinéaste de chevet.

dimanche 16 septembre 2012

Ecrit sur du vent - Douglas Sirk (1956)

Tout commence par un coup de feu, en quelques plans  nous découvrons les visages de ce mélodrame dont celui d' un homme ivre  au volant d'une voiture... mais nous ne savons ni la cause, ni la conséquence de cette explosion...  nous revenons à l'origine de cette chronique familiale

Monsieur Hadley a fait fortune dans le pétrole, mais sa réussite financière ne lui assure pas le bonheur familiale. Sa femme est décédée, son fils Kyle (Robert Stack)  est alcoolique, sa fille Marylee (Dorothy Malone)se perd dans les bars de la ville désespérément amoureuse de Mitch (Rock Hudson), fils d'un fermier voisin élevé avec les enfants Hadley.
Kyle Hadley  vit bien mal sa condition d'héritier, sa mise en concurrence dés le plus jeune âge avec Mitch fut pour lui une épreuve.. Moins fort physiquement que son ami, il est également moins brillant dans ses études.

Le réconfort il finit par le trouver auprès de Lucy Moore Hadley (Lauren Bacall), une jeune secrétaire repérée par Mitch. Pour une fois, il l'emporte sur son ami, il séduit et épouse la jeune fille. Mitch beau joueur s'efface malgré l'attirance qu'il éprouve pour la jeune fille. Le mariage se révèle être une thérapie efficace, Kyle devient sobre... Seule Marylee continue à faire des siennes, Mitch qui la considère comme une sœur continuant à repousser ses avances,
Lorsque Kyle apprend qu'il est certainement stérile, il chute à nouveau dans le démon de l'alcool, entrainant la famille dans le drame.
Monsieur Hadley pour afficher sa fortune et afficher sa puissance a créé un domaine. Cet hôtel particulier devient une prison familiale, il coupe des réalités de la vie, c'est une fabrique à névrose. La caméra de Sirk dans un style flamboyant qui lui valut l'admiration de Rainer Maria Fassbinder ou de Pedro Almodovar nous en révèle toutes les failles, il a une vraie capacité à rendre touchant ces deux enfants gatés en révèlant sans fard leurs faiblesses. Lucy  finit par découvrir le piège de cette maison entre son mari alcoolique et sa belle soeur hostile...heureusement Mitch est là !

Un sommet dans la filmographie de Douglas Sirk.

Vu à la Filmothèque du Quartier Latin

The XX - Coexist

Nous n'avions pas longtemps résisté à l'écoute du premier album de ce trio londonien, nous étions tombés immédiatement sous le charme de cette musique épurée aux sons mélancoliques. Les voix envoutantes de Romy Madley Croft et Olivier Sim vous poursuivent longtemps après leur écoute, ce jeune groupe a crée un son qui lui est propre, reconnaissable entre tous, la marque des grands.
Ils sont de retour, et signent un deuxième album tout aussi hypnotisant que le premier opus. Coexist est l'album de la semaine, et nous savons déja qu'il sera bien plus.

samedi 15 septembre 2012

Camille redouble - Noemie Lvovsky

Actrice dans "la vengeance du boucher" qui a tout de la série Z, Camille rentre chez elle après le tournage et retrouve Eric son compagnon avec qui elle est en phase de séparation. Cela se passe plutôt mal entre eux, surtout quand un inconnu se présente pour visiter l'appartement du couple qui a été mis en vente. Nous sommes le 31 décembre, Camille part seule réveillonner chez des amies du Lycée qu'elle n' a pas vues depuis un certain temps. Elle abuse du whisky, une vieille habitude chez elle, et finit par s'écrouler.Camille se réveille dans ses années Lycée en ayant connaissance de son destin juste au moment où elle allait croiser pour la première fois Eric, son futur compagnon.... 
Retour vers le passé qui sonne ici comme un espoir de pouvoir changer les évènements de sa vie, son histoire d'amour, la mort de sa mère. Mais comme le chante si magnifiquement Barbara:

Dis, quand reviendras-tu,
Dis, au moins le sais-tu,
Que tout le temps qui passe,
Ne se rattrape guère,
Que tout le temps perdu,
Ne se rattrape plus,

Comédie réussie d'une qualité d'écriture plutôt rare, cela fonctionne comme un film de Capra...  On comprend la nostalgie et l'amertume de Camille, actrice de galère qui interprétait au Lycée les amoureux de Goldoni... pas évident de réaliser ses rêves d'adolescence, de contrôler le temps qui passe... On rit, on pleure, impossible de résister à ces passages émouvants où elle fait chanter à ses parents la petite cantate de Barbara ou une autre où elle enregistre la voix de sa mère... Au moment où Camille semble s'enfoncer dans la déprime, elle nous offre un hymne à la vie. La cuite de la Saint Sylvestre fut salutaire !

Jean-Pierre Leaud en vieil horloger est magnifique, nous aimons toujours retrouver l'acteur gouailleur de la nouvelle vague !

Vu au cinéma l'Arlequin

vendredi 14 septembre 2012

Chroniques d'une haine Ordinaire - Textes de Pierre Desproges - Mise en Scène Michel Didym

Les chroniques d'une haine ordinaire de Pierre Desproges étaient une émission diffusée  quotidiennement  sur les ondes de France Inter avant le journal de 19H en 1986. Le style est mordant, virulent,  l'humoriste regarde le monde et en dénonce de sa plume acérée, sa bêtise, son intolérance et ses cotés ridicules. C'était l'époque où le front national faisait son apparition sur la scène nationale, une montée de l'intolérance où l'étranger était montré du doigt. Nous n'en sommes toujours pas sortis...
C'est parce qu'ils dénoncent finalement des travers humains intemporels et universels dans un style très littéraire, que les textes de Pierre Desproges gardent toujours une saveur particulière. Le temps passe, ils ne perdent rien de leur férocité.
Le spectacle conçu par Michel Didym autour de ces chroniques passées, enrichies par des textes inédits ou d'autres pris dans les minutes de Monsieur Cyclopède ou de l'Almanach... nous prouve une fois encore le génie de l'humoriste! Servi par deux comédiennes épatantes, Christine Murillo et Dominique Valadié, anciennes pensionnaires de la comédie française, le spectacle enthousiasme par son rythme, ses mots et les rires qu'il  engendre. On ressent le plaisir immense qu'ont les deux comédiennes à s'approprier les mots de l'auteur qui ont la saveur d'un grand vin, un bonheur sans fin de les avoir en bouche, une complicité évidente à se retrouver ensemble sur scène. Ca cogne, ça grince, c'est du Desproges. Elles sont absolument savoureuses.

Voila 24 ans que Pierre Desproges est mort, ses textes n'ont rien perdu de sa verve, il est toujours aussi présent. Etonnant, non ?

Pour tout savoir sur la suite de la saison, cliquez ici

jeudi 13 septembre 2012

The We and The I - Michel Gondry

Dernier jour de collège dans le Bronx, les adolescents colonisent un bus pour rentrer chez eux. Nous les suivons le temps du trajet retour ...
Coloniser nous a semblé être le terme le plus juste pour définir leur arrivée dans le bus,  ils y débarquent  en masse , ils y font régner leur loi, n'ayant aucun scrupule à se moquer d'une vieille dame ou d'un type à la bouche tordue, ils marquent leur territoire... Les caïds ou soyons plus exact les "petites frappes" de la bande se sont imposés sur la banquette du fond, situation idéale pour dominer l'ensemble et fanfaronner... A dire vrai, nous n'avons pas vraiment eu envie d'y monter dans ce bus qui nous a semblé particulièrement hostile, les dix premières minutes nous ont faire craindre le pire. Ils sont accrochés à leur téléphone portable d'où ils s'échangent des vidéos notamment celle d'un copain chutant lourdement dans une cuisine parce que le sol a  été préalablement tartiné de beurre. Ils s'envoient des vannes grossières sans avoir conscience de la violence des mots. Ils se saoulent le samedi soir, le sexe est consommé , ce sont les films pornos qui ont fait leur éducation...

Ce n'est pas non plus un film simpliste et caricatural, à coté de ces mâles dominateurs, se cachent de vraies sensibilités, un jeune homme aime à  croquer les personnages du bus sur un carnet à dessin, d'autres causent musique la guitare sur le dos, une jeune fille réfléchit à sa liste d'invités pour sa fête... Ils donnent même une leçon de tolérance, acceptant sans aucun problème parmi eux les deux garçons homosexuels !

Au fil des arrêts, certains descendent, de nouvelles personnes montent, les cartes sont ainsi redistribuées à chaque fois, les rapports de force changent, les comportements avec. Au bout de la ligne ils ne sont plus que trois, il n'y a plus d'effet de bande, les masques tombent. Michael a quitté sa banquette du fond, il révèle une vraie sensibilité  et  un besoin d'amitié sincère, son amie Térésa avoue sa dépression, la dernière demi heure du film est absolument remarquable...

Nous sommes montés dans le bus, nous y avons trouvé notre place jusqu'au bout de la ligne... Un excellent film sur l'adolescence ou l'âge ingrat au ton particulièrement juste.

Vu à l'UGC Danton

lundi 10 septembre 2012

Ciseaux - Stephane Michaka

C'est grâce au cinéma et plus précisément au film de Robert Altman "Short Cuts" que nous avons découvert la littérature de Raymond Carver, écrivain majeur de la littérature américaine du siècle dernier. Plus tard nous avons appris les relations compliquées qu'il a partagées avec son éditeur qui  modifia profondément ses textes avant leur édition, usant sans retenue des ciseaux.

Ciseaux est le titre du dernier roman de l'auteur français Stèphane Michaka, un titre inspiré pour nous raconter l'histoire de Raymond Carver vue par quatre personnages, lui-même, ses deux épouses Marianne et Joanne et son éditeur Gordon. Une succession de courts chapitres qui dresse le portrait du nouvelliste. ... La vie de Raymond est compliquée. Alcoolique, il multiplie les petits bouleaux, il finit veilleur de nuit dans un hopital. Pas facile pour celui qui gamin se rêvait en Hemingway, avec ce parcours, sa famille et ses deux enfants de se consacrer à l'écriture.  Pourtant c'est de cette vie chaotique qu'il tire la substance des nouvelles qu'il envoie à Gordon, éditeur influent...Elles paraissent mais après des coupes qui peuvent aller jusqu'au deux tiers du texte.

"Moi aussi, j'ai emprunté la voix d'un autre. Hemingway, Tchekhov... Je me prenais pour un ventriloque. Jusqu'à ce que je devienne une marionnette. Celle de mon éditeur. Il parlait à travers moi. Il avalait mes mots et les recrachait sous une autre forme. Cela m'a rendu prudent. Il faut que je me remette à écrire, mais je ne veux pas finir entre ses mains. Je me sens bloqué. Je n'ose plus mettre un mot sur le papier, de peur qu'il s'en empare."

Un peu plus loin, il dit à son éditeur

"Tes coupes les réduisent de moitié voir des deux tiers. (...) Bref elles ne sont plus de moi.

Le recueil de nouvelles connait un important succès critique, on parle d'un nouveau courant littéraire minimaliste, Raymond Carver est pris dans le piège de son succès qui le mène à donner des cours  à l'université ... . Carver avait su se sortir du piège de l'alcool, c'est la cigarette qui a eu sa peau... Ses nouvelles non coupées ont fini par être éditées grâce à Joanne, sa deuxième épouse. Sont-elles meilleures que la première version?  Le débat reste ouvert...

Le roman de Michaka se dévore, on suit avec intérêt cette histoire littéraire étonnante qui nous invite à revisiter l’œuvre de l'écrivain américain. Assurément un des livres forts de cette rentrée littéraire !


dimanche 9 septembre 2012

Philadelphia Story - George Cukor (2)

En décidant de consacrer l'année 2012, à la comédie américaine, nous savions que nous reverrions Philadelphia Story de George Cukor, sommet du cinéma. Ce que nous n'avions pas prévu c'est que nous le verrions deux fois. Heureux hasard de la programmation du Ciné-Club de Claude Jean-Philippe, pour nous il était impossible de rater cette diffusion sur l'écran géant du cinéma l'Arlequin.
 
Ayant déjà consacré un billet à ce film, nous ne reviendrons que sur deux points évoqués par Claude-Jean Philippe lors de  sa présentation.

Le premier concerne la situation de Katharine Hepburn à qui on colle , à la fin des années 30, une réputation de" box office poison".Victime d'un rejet du public américain, elle part s'isoler dans la propriété familiale  où le dramaturge Philip Barry lui envoie le premier acte d'une nouvelle pièce. Sous le charme, elle presse l'auteur de terminer l'écriture de la comédie. La pièce est rapidement montée, inquiète l'actrice fait les premières représentations en province loin des critiques new-yorkais. Arrivée à Broadway, la pièce qu'elle joue en compagnie de deux jeunes acteurs Joseph Cotten et Van Heflin est un triomphe. Hollywood ne reste pas insensible, Louis B. Mayer se renseigne sur qui possède les droits de cette nouvelle pièce, Katharine Hepburn. Elle est incontournable et peut faire valoir toutes ses exigences: Joseph L. Mankiewicz comme producteur, George Cukor à la réalisation, Cary Grant et James Stewart pour partenaires. Katharine est de retour au premier plan, le film est un triomphe !

Le deuxième point concerne le jeu remarquable de Cary Grant. Dans  "L'impossible Monsieur Bébé" de Howard Hawks, il était totalement exubérant, ne cessant de cabotiner avec un charme irrésistible. Ici, il est tout en retrait même si c'est lui qui tire toutes les ficelles de l'intrigue du remariage.  Il joue parfaitement le rôle de l'alcoolique repenti, condamné a resté à l'écart de la fête pour ne pas sombrer dans les errances du passé. Ainsi, quand James Stewart débarque chez lui au milieu de la nuit totalement soul, Cary Grant reste spectateur de son partenaire irrésistible, dans une scène de soulographie. Non seulement il s'efface devant lui, mais nous voyons à ce moment là dans son regard toute son admiration . Il fait aussi passer dans cette comédie américaine d'une grande drôlerie une  mélancolie qui participe à la beauté du film. C'est aussi le respect entre ces  acteurs mythiques qui permet à ce film de tenir toutes ses promesses. A l'issue du tournage, Cary Grant a reversé l'intégralité de son cachet au Bristish War Relief Found. "Yar".

Philadelphia Story est définitivement le film le plus "yar" de l'histoire du cinéma !

Sun - Cat Power

C'est avec un  plaisir certain, que nous retrouvons Cat Power, Madame Chan Marshall à l'état civil, l'année même où elle fête ses quarante ans. Le titre de son album "Sun" est déjà un signe de renouveau pour cette grande dame de la chanson américaine, qui a longtemps souffert de dépression par le passé...

Ce dernier opus qui vient tout juste sortir dans les bacs regroupent des compositions personnelles, les dernières remontant en 2006 avec l'excellent "The greatest" . Son précédent album "Jukebox" étant uniquement composé de reprises, exercice dans lequel elle excelle.

La première écoute nous a quelque peu surpris par le son "plus pop" de ce nouvel album,  .... Première écoute qui avouons le,  ne nous a pas entièrement emballé. Nous restons marqués par "The greatest", une merveille qui n'a jamais vraiment cessé de tourner sur notre platine et nous avons un peu de mal à nous retrouver dans ce nouvel opus. Peut être nous faut il un peu de temps pour nous y retrouver?

Mais nous ne pouvions pas passer à coté de Cat Power, elle est naturellement notre album de la semaine., Si elle ne signe pas là son meilleur album, il convient également de ne pas bouder notre plaisir de retrouver la magnifique voix de la chanteuse ... Nous vous laissons avec  "Ruin" morceau Techno Pop sur lequel nous pourrions facilement nous laisser aller à quelques pas de danse !



samedi 8 septembre 2012

La servante - Kim Ki-Young (1960)

Nous entrons dans le quotidien d'une famille coréenne, lui est professeur de musique, il donne notamment des cours de chants à des jeunes ouvrières , elle passe ses journées à coudre pour compléter les revenus du ménage. Leur rêve s'accomplit enfin avec l'acquisition d'une grande maison où ils vont pouvoir s'installer avec leurs deux enfants... Pour venir en aide à son épouse épuisée par le travail, le mari engage une servante... fatale erreur !

Voir ce film relève du miracle, sans le travail de restauration de Martin Scorcese et la chance de retrouver deux bobines manquantes il n'existerait plus. Réalisé en 1960, on imagine un réalisateur nourri au cinéma noir américain, impossible de ne pas penser aux films de Hitchcock ou de Fritz Lang. Le film nous permet de découvrir une Corée pudibonde.Ainsi une jeune ouvrière est sanctionnée de trois jours d'exclusion pour avoir écrit une lettre d'amour au professeur de musique qui la dénonce immédiatement. Humiliée elle s'enfuit avant de se suicider.  Puis le film se resserre dans un huis clos angoissant, les différents protagonistes restent enfermés dans la maison, coupés du monde. Nous n'avions pas vu depuis "Soupçons", des montées d'escalier aussi angoissantes. Dans une mise en scène épurée, les coupures entre les plans sont plutôt sèches et abruptes, le réalisateur nous manipule avec un plaisir évident, chaque personnage est susceptible de se transformer en criminel. Un  film inquiétant dans la lignée de "la nuit du chasseur". Le fait de ne pas avoir de personnel de maison nous a permis de profiter pleinement de ce film noir d'une grande habileté....

Vu à la filmothèque du Quartier Latin

vendredi 7 septembre 2012

Cherchez Hortense - Pascal Bonitzer

Damien (Jean-Pierre Bacri), professeur de civilisation chinoise est pressé par sa femme (Kristin Scott -Thomas), metteur en scène de théâtre, pour intervenir auprès de son père (Claude Rich), président du conseil d'Etat  sur un dossier d'une sans papier Zorica ... mais ce n'est pas simple pour Damien qui a toujours eu des rapports compliqués avec son père, il le dit clairement à ses amis de comptoir: "il n'a de rapport  simple avec personne"; et son père, par son comportement déroutant ne lui facilite pas la tache, il se défile dans sa mission sans l'avouer à ses proches... jusqu'au jour où il réalise que  Aurore (Isabelle Carré) la jeune femme sympathique et séduisante qu'il croise dans son quartier, est Zorica .
Cette découverte l'oblige à réagir, au moment même où sa vie de couple semble compromise... Son père ne va pas intervenir, il part donc à la rencontre d'Henri Hortense, le haut fonctionnaire qui a le pouvoir de régulariser la situation d'Aurore...

C'est une comédie remarquable que signe Pascal Bonitzer, assurément son film le plus accompli. Les dialogues sont particulièrement savoureux,servant nombre de scènes désopilantes , une des plus drôles étant celle du restaurant japonais où Damien découvre la sexualité sans tabou de son père...
 Il est solide finalement ce Damien, il devrait s'effondrer, sa femme le trompe, son père le snobe, tout cela sous le regard implacable de son fils qui n'a pas la langue dans sa poche...l’optimisme l'emporte.
C'est aussi une attaque terrible contre les hauts fonctionnaires de l'Etat particulièrement détestables, des hommes assurément brillants mais dont l'humanisme n'est que discussion de salon. Il convient de souligner l'importance des rôles secondaires (merveilleux Jacky Berroyer) parfaitement écrits, les personnages sonnent toujours justes, ils sont un élément essentiel de la réussite de ce film parfait... 
Appeler ce grand commis de l'Etat Hortense s'avère être  un joli clin d’œil à une vieille expression populaire ardennaise connue par un poème de Rimbaud:  "aller chez Hortense" pour signifier "aller au cabinet"....

Vu à l'UGC Montparnasse

jeudi 6 septembre 2012

La théorie de l'information - Aurelien Bellanger

Il y a longtemps que nous ne nous étions pas ennuyés au cours de nos lectures, là avouons le, nous avons été particulièrement gâtés, 487 pages. Un long roman qui à travers un personnage, Patrick Ertanger librement inspiré de Xavier Niel nous raconte en détail l'histoire d'une révolution technologique, du minitel à l'Iphone de Steve Jobs qui allait modifier les rapports humains. C'est d'une platitude absolue et très rapidement nous tournons les pages mécaniquement entre deux bâillements, le personnage est totalement insipide et nous ne lui trouvons aucun intérêt, nous n'avons aucun goût pour ces fortunes rapides de jeunes surdoués des mathématiques qui ont compris avant tout le monde, le potentiel économique du minitel rose... Les chapitres défilent, entrecoupés par des interludes d'une page intitulés "la théorie de l'information", totalement illisibles par que le quidam moyen, nous les avons donc vite zappés...Nous croisons Thierry Breton, Jean-Marie Messier, Nicolas Sarkozy et bien d'autres... Le roman se termine en délire futuriste indigeste, nous ne sommes pas certains que les férus de science fiction y trouvent leur compte...
Débarqué avec une réputation flatteuse Aurélien Bellanger a eu droit à une large exposition pour un premier roman, nous avons entendu parler ici ou là à son sujet de Houellebecq dont il est un fervent admirateur ou Balzac ! Cette lecture s'avère une amère déception, au rythme monocorde qui finalement nous parle très peu de notre monde et de ses évolutions... Pour nous, c'est à priori le piège de cette rentrée littéraire à éviter absolument. Le livre terminé, vous vous retrouvez avec un énorme pavé sans savoir où le poser, encombrant jusqu'au bout !

mercredi 5 septembre 2012

A perdre la raison - Joachim Lafosse

Une femme allongée sur un lit d’hôpital en état de choc, s’inquiète de savoir si ses enfants seront enterrés au Maroc.... nous la retrouvons quelques années plus tôt passionnément amoureuse d'un jeune homme Mounir. Rapidement, ils parlent mariage enfants, mais entre eux vient s'immiscer  un troisième protagoniste le Docteur Pinget,  père adoptif de Mounir. Il gâte les deux tourtereaux, leur offre le voyage de noces et les y accompagne... Il donne même du travail à Mounir au cabinet médical... Et c'est bien là, le problème, il est toujours là, présent, logeant le couple et les quatre enfants qui vont naître de cette union. 
Mireille ne supporte plus cette présence, cette impossibilité de faire des choix, cette absence de liberté lui est intolérable.  Mounir voit bien que son couple se détruit, il propose de s'installer ailleurs, mais il cède rapidement lorsque le médecin le menace de lui couper les vivres... Mireille tombe dans une grave dépression, elle n'est plus apte à travailler, elle se retrouve cloitrée dans une maison qui n'est pas la sienne... Sa vie est une impasse, elle est définitivement rongée par l'angoisse...
Joachim Lafosse s'est inspiré d'un fait divers: une femme a égorgé ses cinq enfants. Il ne s'agit pas d'une reconstitution, il a cherché à comprendre comment une mère aimante pouvait en arriver là, ne pas lui appliquer trop rapidement le qualificatif peut être rassurant de monstre... 
Mireille, jeune femme intelligente, professeur de français est prise dans un piège, d'un homme qui a pris sa famille sous sa tutelle par la dépendance financière. Avouons le, le choix de Niels Aerstrup naturellement inquiétant pour incarner ce personnage manipulateur se révèle judicieux. Etrange personnage qui ne semble avoir aucune vie sociale en dehors de ce jeune couple. Il n'use jamais de violence mais par sa seule présence, filmé au plus près, il rend l'atmosphère oppressante...... Très vite Mireille devine le coté néfaste de cet homme qui veut faire d'elle "une femme sous influence". Mireille est une jeune fille seule, en rupture avec sa famille, elle a juste gardé contact avec une sœur.... la naissance de ses quatre enfants ne fait que la rendre plus dépendante, nous assistons à une chute qui n'est pas sans rappeler celle du film de Claude Chabrol "la cérémonie" ,  à la différence qu'ici la souffrance n'a pas d'origine sociale, c’est bouleversant...
 Joachim Lafosse nous transmet parfaitement l'oppression ressentie par Mireille, sa caméra est toujours juste au plus près des acteurs... Il nous offre  des scènes sans paroles absolument magnifiques, notamment un passage sur une plage marocaine, seul vrai moment de bonheur dans le film  où Mireille part se baigner avec sa belle-mère, la seule à deviner sa souffrance même si elles ne parlent pas la même langue...

L'interprétation d'Emilie Dequenne est absolument remarquable

mardi 4 septembre 2012

Témoignage sur la débâcle - Mai 1940 (4)

 Quatrième et dernière lettre écrite durant les combats de mai 1940. le lieutenant auteur de ces lettres est grièvement blessé deux jours plus tard par un éclat d'obus. Trépané, il gardera une trace toute sa vie de cette blessure qui ne l'a pas empêché de reprendre le combat par la suite dans les rangs des FFI.


La 21 mai 1940, 


Ma Z... chérie. Je suis dans un petit pays de l'oise à la limite de la Seine et Oise où j'essaye de regrouper mon pauvre régiment. Je suis jusqu'ici le seul officier et actuellement j'ai pour tout le régiment 165 hommes, il y en a de tous les bataillons, d'ici peu nous allons embarquer pour aller plus loin. Mon bataillon est pour ainsi dire décimé et je me demande comment je suis encore ici.
Nous étions cernés par les chars, j'ai du à nouveau faire demi tour toujours en utilisant les boyaux jusqu'au pied de la côte que nous avons grimpée avec D... et sa femme, j'étais avec deux hommes. Mon sergent chef C..., quelques hommes des autres sections que j'ai ramassés en route étaient un plus bas. Les chars nous environnaient. Les servants en sont descendus et ont patrouillé sans nous apercevoir. A ce moment, j'ai détruit toutes les marques attestant que j'étais officier, d'un moment à l'autre nous pouvions être faits prisonniers, nous avons détruit et enterré nos armes, munitions et équipements. L'artillerie française  (75 et mortiers) tirait sur nous ce qui est normal puisque les chars allemands étaient sur nous. Je voulais attendre la nuit mais profitant d'une accalmie (au bout de 3heures) nous avons remonté la pente, passé prés du PC du capitaine occupé par les boches ainsi que celui du bataillon. Dans mon repli j'ai détruit toutes les armes abandonnées ainsi que les communications téléphoniques. J'ai pu passer la ligne des chars mais les boches nous talonnaient. J'ai récupéré en cours de route des éléments du 148. Après une marche forcée à la boussole toute la nuit et  avoir par deux fois été coupé par les boches, j'ai réussi à semer cette sale graine. Mais tous les jours c'était les coups de mitrailleuses et les bombes des avions.
S... est certainement tué, B... est blessé d'un éclat d'obus dans le ventre. Bu... à la jambe. Je n'ai toujours rien au sujet d'André. Quant à Roger il a pu réussir à filer.
Je n'ai plus rien, ma cantine est aux mains de l'ennemi ainsi que ma musette, j'ai du abandonner Bobby. Ce matin j'ai acheté une chemise et une paire de chaussettes. J'ai passé la nuit dans un lit, depuis le 9 j'ai dormi sur le sol n'importe où.
Il m'est impossible d'avoir de tes nouvelles, le courrier ne peut venir et je me demande le temps que va mettre ma lettre. Je voudrais te savoir tranquille à mon sujet car tous vous devez vous faire du souci.
je vais te quitter petite Z... chérie, je vais m'occuper du restant de mon malheureux régiment, ce sont des hommes en lambeaux je n'ai plus de capote j'ai trouvé celle d'un chef de bataillon. J'ai enlevé deux galons et elle me rend bien service car les nuits, il fait très froid. Je vous serre tous contre moi mes tout petits, papa a bien pensé à vous pendant cette terrible bataille ainsi qu'à toi ma petite z... je n'ai jamais perdu confiance.
Arrivant à Chateau Porcien les 20 hommes qui étaient avec moi m'ont tous embrassé content d'en être sortis.

dimanche 2 septembre 2012

La rose pourpre du Caire - Woody Allen (1985)

Dans les Etats-Unis, des années 30, Cécilia travaille dans un snack comme serveuse où elle retrouve quotidiennement sa sœur. Maladroite, elle n'est pas très douée pour ce métier mais les temps sont durs, ce travail  lui est indispensable. Son mari est au chômage, il passe sa journée avec des amis à boire et à jouer, il est parfois violent avec elle. La crise économique qui frappe le pays ne laisse pas espérer des lendemains qui chantent...
Ses rares moments de bonheur, elle les trouve dans un cinéma où elle ne rate aucun film, sa préférence allant aux comédies romantiques. C'est aussi pour elle, l'occasion de s’éloigner de son foyer, d’éviter les colères et les humiliations de son époux.  Bouleversée par le dernier film projeté, "La rose pourpre du Caire", elle ne rate aucune séance. Un personnage  du film,Tom Baxter la remarque, il quitte l'écran à la stupéfaction du public pour la rejoindre...C'est le début d'une romance qui n'est pas sans créer un sentiment de panique chez le producteur et le comédien Gil Sheperd qui incarne le personnage, ils arrivent sur place pour essayer de remettre bon ordre à cette situation.... Gil Sheperd manipule Cécilia lui promettant un avenir Hollywoodien pour faire entendre raison à Tom Baxter....  Tout finit par retrouver sa place, Cécilia se retrouve seule, sans travail, trahie par le comédien... Triste, elle retourne sans conviction au cinéma voir une comédie musicale avec Fred Astaire et Ginger Rogers, Top Hat de Mark Sandrich. La magie du cinéma l'emporte, la spectatrice ne résiste pas longtemps à une scène de danse du merveilleux duo, l'émerveillement est de retour sur le doux visage de Cecilia !
Au départ une simple idée géniale, un fantasme de cinéphile autour duquel Woody Allen nous offre une histoire au plus haut point romanesque, inspiré  assurément par Mia Farrow qui était alors sa muse. Elle est tout simplement simplement fabuleuse, nous retrouvons dans son jeu subtil la magie des actrices du muet, par la seule expression de son visage, elle exprime tous les sentiments du personnage. Il montre dans cette comédie fantastique toute la magie du 7eme art qui permet à cette pauvre Cécilia de supporter les épreuves de la vie, mais c'est également une véritable réflexion sur la confusion qui peut exister entre  monde réel et  virtuel...  C'est assurément le film le plus poétique du cinéaste New-Yorkais. Nous nous retrouvons à sa fin en totale harmonie avec Cécilia, dans le même état d’émerveillement... Un film parfait !

Film vu dans le cadre de la séance Ciné Club de Claude Jean-Philippe au cinéma de l'Arlequin. Attention la semaine prochaine, c'est un chef d’œuvre qui est programmé: Philadelphia Story de George Cukor

samedi 1 septembre 2012

Le sermon sur la chute de Rome - Jérôme FERRARI

Mathieu et son ami Libero abandonnent leurs études de philosophie et notamment Leibniz et Saint Augustin leur sujet d'étude, pour reprendre un bar sur le déclin dans un village corse. C'est Marcel qui habite le village corse qui avance les fonds à Mathieu son petit fils. Pourtant il ne l'aime pas trop cet enfant né de l'union qu'il n'a jamais acceptée  de son fils Jacques et de sa nièce Claudie ....Ils n'ont rien d'autre pour ambition que  de récréer "le meilleur des mondes possibles" cher à Leibniz. Pour cela, ils engagent quatre serveuses, un chanteur à guitare, et s'approvisionnent en fromage et charcuterie auprès du frère de Libero producteur local. Cela fonctionne plutôt bien, le monde est présent, les soirées se prolongent jusqu'au bout de la nuit....
Mais plus que Leibniz, c'est le sermon de Saint Augustin, fil conducteur du roman, prononcé à Hippone lors de la chute de l'empire romain en 410 attaqué par les Wisigoth de Alaric 1er où il rappelle pour consoler et rassurer ses fidèles la fragilité des royaumes terrestres qui semble s'imposer ici comme règle universelle... Outre la chute du bar des deux acolytes, nous assistons dans ce roman ambitieux à travers le portrait du grand-père Marcel qui a traversé le siècle précédent au déclin de l'empire colonial français. C'est aussi cela le roman de Jérôme Ferrari , une histoire récente de la France  à travers une chronique familiale. C'est finalement Aurélie, la sœur de Mathieu qui semble gérer au mieux son monde en maitrisant son avenir. Anticipant  la fin de ses relations, elle contrôle la chute inéluctable.
La lecture de ce livre est un pur plaisir où à travers ses deux cents pages l'auteur révèle un talent immense pour y faire vivre un grand nombre de personnages. Chacun porte en lui une dimension tragique pour autant le roman ne sombre pas dans un pessimisme dépressif au contraire il invite à vivre pleinement sa vie, la chute irrémédiable ne doit pas nous faire oublier Leibniz et son "meilleur des mondes possible". 
Le livre se révèle également instructif puisque nous y apprenons  la technique de castration du porc, un passage assurément inoubliable !

Edité chez Actes Sud.

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...