lundi 29 octobre 2012

La réparation - Colombe Schneck

Non seulement il y avait chez les nazis la volonté d'exterminer le peuple juif mais également de nier l'existence même de leurs victimes. Ainsi, la réparation le dernier récit de  Colombe Schneck nous rappelle qu'avant de quitter la Lituanie devant l'avancée l'armée rouge,  les nazis obligèrent les juifs sélectionnés comme esclaves pour les camps de travail, à déterrer les victimes des einsatzgruppen pour les incinérer et ainsi éliminer toutes traces de leurs crimes, en vain . Nous retrouvons cette même volonté à Auschwitz.
Cette volonté de négation se perpétue à travers des pseudo-historiens qui sont la honte de la pensée humaine... alors chaque fois que la littérature s'empare de l'histoire d'une des victimes de la shoah, et inscrit définitivement dans le marbre le parcours de ces noms, elle scelle définitivement la défaite du bourreau. 
Dora Bruder de Patrick Modiano, Les disparus de Daniel Mendelsohn sont à ce titre des œuvres exemplaires.
L'histoire de la famille de Colombe Schneck, des juifs lituaniens est mouvementée, tragique, ancrée dans l'histoire européenne du XX° siècle... Longtemps le choix des survivants fut celui du silence; seule solution trouvée pour avancer après la tragédie, tourner le dos à la mort et reprendre le chemin de la vie, reprendre définitivement ce que l'adversaire avait voulu leur confisquer. C'est lorsque sa mère lui demanda si elle pouvait donner comme deuxième prénom à sa fille, Salomé, en hommage à sa cousine victime des nazis que la journaliste qui entendait pour la première fois ce prénom a éprouvé le désir de connaître son histoire familiale.. Sa seule interrogation, une jeune fille aussi futile qu'elle,  est-elle de taille à se confronter à l'histoire de la Shoah. C'est d'ailleurs ce coté futile qu'elle a voulu rappeler tout le long du récit qui fut notre seule source d'agacement.
Ginda sa grand mère est venue étudiée en France du fait de la politique des quotas imposés aux étudiants juifs en Lituanie. Laissant sa famille , notamment sa mère Marie, ses deux sœurs Raya et Macha et son frère Nahum, elle part découvrir en 1926 la vie parisienne. Elle ne finit pas ses études mais elle rencontre un mari d'origine russe avec qui elle fonde une famille française.Pour autant les liens demeurent avec sa famille lituanienne qui ne voit pas le danger venir.
Obligée de rejoindre le ghetto, la famille essaye de s'organiser, de recréer un semblant de vie, Nahum s'y marie avec Myriam une jeune fille extraordinaire. Les nazis trient les prisonniers entre ceux qui seront esclaves dans les mines et ceux qui seront immédiatement exécutés. Lors de "la sélection", la grand-mère Marie prend la décision  d'être seule à tenir la main de ses deux petits enfants dont Salomé pour sauver la vie de ses filles....
Vivre est alors la seule obsession de deux sœurs Raya et Macha pour donner un sens au choix de leur mère.Sans oublier Nahum, nous avons aimé ce livre, pour ces femmes du siècle dernier, pour leur capacité à se confronter à la vie; à parler différentes langues,  le russe, le lituanien, le yiddish, l'anglais, le français..... des femmes d'une étonnante modernité.
Partie  à la découverte de sa famille, Colombe Schneck se rend aux Etats Unis, en Israël puis en Lituanie à la recherche de témoignages, pas à pas elle reconstruit son histoire qui se révèle être une ode à la vie !

dimanche 28 octobre 2012

Balthazar - Rats

Les semaines défilent finalement à toute vitesse, et nous voila pris de court pour notre album de la semaine, nous avons donc décidé de choisir au hasard. Et au hasard, Balthazar !

C'est donc ce groupe belge  nourri aux chansons de Léonard Cohen que nous avons décidé de mettre en avant cette semaine. Un deuxième album qui confirme tout le talent de la bande, il nous laisse une consigne simple.

"Il faut prendre son temps avec cet album. Il est fait pour accompagner vos plaisirs et vos souffrances au quotidien."

Nous éviterons les souffrances, mais nous aimons prendre le temps, un luxe de nos jours..... Nous nous  laisserons porter avec un vrai plaisir par le charme irrésistible de la pop musique de ces jeunes belges !


mercredi 24 octobre 2012

Némésis - Philip Roth

Nous avons eu à lire la peste à Oran, nous avons maintenant la polio à Newark, le berceau de l’œuvre romanesque de Philippe Roth. L'été1944 alors que les jeunes gars sont partis combattre en Europe ou dans le Pacifique, une épidémie violente de polio se déclenche dans la citée du New Jersey.  Terrible maladie qui peut très rapidement se révéler fatale ou vous laisser avec des séquelles irréversibles, c'est ce mal qui condamna le président Roosevelt à se déplacer dans un fauteuil roulant.
La propagation du virus  était alors un mystère, les rumeurs allaient bon train, chaque communauté ayant tendance à suspecter l'autre d'être à l'origine du mal. L'épidémie ayant d'abord frappé principalement le quartier juif; il n'en fallait pas plus pour revigorer l’antisémitisme ambiant de l'Amérique de ces années là.
Philip Roth resserre sa focale sur un terrain de jeu du quartier juif où les gamins qui n'ont pas eu la chance de partir en vacances se retrouvent pour jouer principalement au Softball autour de l'éducateur sportif, Bucky Cantor personnage principal du livre.
Elevé par ses grands parents, sa mère est morte lors de l'accouchement, son père qui s'est révélé être un escroc a vite disparu, Bucky est un homme de devoir, fidèle aux valeurs transmises par un grand-père lui apprenant à être fort  face à l'adversité. Il encadre les enfants de Newark cet été là, mais son âme est rongée de savoir ses amis à la guerre alors que lui a été réformé du fait d'une myopie trop importante, c'est une humiliation. Homme de devoir, il se sent responsable de ces enfants du terrain de jeu, dès que l'un d'entre eux tombe malade, il prend de ses nouvelles auprès de sa famille, et lorsqu'il le faut il se rend aux obsèques de ceux qui succombent... par son comportement il veut donner courage à la jeunesse, ne pas avoir peur du fléau, il a enfin trouvé son combat !
En quelques lignes, Philip Roth le définit ainsi: "Bucky n'était pas un homme brillant -pas la peine d'en être un pour être prof de gym- et il ne savait pas ce qu'était l'insouciance. Il n'avait pas beaucoup d'humour, sachant s'exprimer mais ne se montrant jamais spirituel ; c'était quelqu'un qui n'avait jamais de sa vie tenu des propos caustiques ou ironiques, à qui il n'arrivait que rarement de faire une plaisanterie ou de dire quelque chose pour rire, quelqu'un, au contraire, qui était hanté par un sens du devoir exacerbé mais n'était pas doué d'une grande puissance de raisonnement ."
Alors lorsqu'un soir, Marcia sa fiancée l'invite à la rejoindre dans un camps de vacances en pleine nature, Bucky se retrouve confronté à un choix cornélien, difficile pour lui de se défiler de Newark au moment même où l'épidémie frappe son voisinage....
C'est avec une certaine émotion que nous avons ouvert ce roman de Philip Roth un de nos auteurs favoris, puisque nous avons lu que ce serait le dernier... Un mélo pour dernier roman , avec pour toile de fond la polio, maladie terrible qui fut un des fléaux du siècle dernier.Comme toujours l'auteur mêle avec génie la grande histoire avec la petite. A travers l'histoire de Bucky Kantor, il nous fait un portrait de l'Amérique des années 40, celle qui l'a vu grandir ... Ou comment les circonstances pèsent sur les vies de chacun.
Nous n'en aurons jamais fini avec ce géant de la littérature, nous continuerons inlassablement à le lire, le relire... chaque année nous revisiterons son œuvre, retournerons à sa source, c'est l'engament que nous avons envie de prendre ce soir.

lundi 22 octobre 2012

Caught - Max Ophuls (1949)

Leonora,  jeune fille de milieu modeste rêve d'une vie de luxe aussi, elle dépense le peu qu'elle gagne pour suivre des cours dans une école de mannequinat à Los Angeles... Sa rencontre avec le milliardaire Smith Olrig va modifier sa vie surtout lorsque ce dernier dans le seul but de contrarier son psychanalyste  décide de l'épouser.
La jeune fille qui croyait naïvement qu'un mariage riche fait une vie heureuse, va rapidement déchanter, devant subir les névroses et la paranoïa de son époux à la froideur insupportable.Elle découvre à ses dépens que les riches héritiers ne sont pas de gentils garçons. Enfermée dans une gigantesque demeure en plein Long Island qui n'est pas sans rappeler le Xanadu de Citizen Kane, elle s'ennuie attendant le retour de son mari qui ne peut s’empêcher de l'humilier devant ses invités ...
Leonora ne peut plus supporter cette vie et préfère renoncer au luxe, elle part à New-York où elle trouve un modeste emploi de secrétaire médicale. Après des débuts difficiles, elle finit par se passionner pour son nouveau métier et son nouvel employeur le docteur Larry Quinada. C'est au moment où elle semble tourner le dos à son ancienne vie qu'elle découvre sa grossesse. Le puissant milliardaire est prêt à tout pour récupérer son futur héritier....
Inspiré par Howard Hugues, Smith Olrig le personnage incarné par le remarquable Robert Ryan est particulièrement inquiétant, on tremble pour la belle Jessica, admirable Barbara Bel Geddes qui interprète à la perfection la naïve jeune fille victime qui finit par se réfugier dans les bras de James Mason, qui pour une fois incarne un héros positif. Max Ophuls, en maitre des travellings, réussit un film qui glisse sans cesse entre le mélodrame et le film noir, seul son génie pouvait donner de l’épaisseur à ce  scénario bien léger. Les conditions difficiles de tournage, peu de temps,  peu de moyens, donnérent finalement une grande liberté à Max Ophuls, comme le rappelle Philippe Garnier dans la présentation du film:

"Ophuls enfreint la règle du mur libre, film ouvertement à travers les cloisons, rattrapant de façon imperceptible un personnage qui vient de sortir de l'enfilade d'un couloir. Jamais la direction ne l'aurait laissé faire en temps normal - la caméra passe-muraille, les plans-réaction acrobatiques, le manque de gros-plan sur la vedette James Mason - anathème absolu pour un studio américain, même à direction éclairée. Lee Games, pourtant pas facile à épater, ne cachait pas son admiration, déclarant plus tard à un colloque de  l'American Film Institute: "C'était comme si la caméra était à une fenêtre et attrapait ce que faisaient les acteurs, pour ainsi dire au vol. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'autre faire ça."

Vu dans le cadre de notre cycle "Max Ophuls"

dimanche 21 octobre 2012

La colline aux coquelicots - Goro Miyazaki

J'avais déjà vu ce film 2 fois, mais ce fut un plaisir de le revoir. Surtout que c'était la première fois que je le voyais en version originale (j'ai vraiment une obsession pour la langue japonaise...)!

J'ai consacré mon dimanche à ce film, (depuis 15h00, je le regarde, et le re-regarde en boucle) et je peux vous dire que je ne m'en lasse pas.
C'est comme une sorte de drogue, et ça c'est pareil pour tous les Ghibli ! J'ai vraiment un grand attachement pour "La colline aux coquelicots". Dans ce film, tout est parfait, l'histoire, les personnages, la musique (♪).... Et j'ai beau le revoir, j'ai toujours les larmes aux yeux à la fin... rhalalalalalala !

Ce que j'aime dans les films des studios Ghibli, c'est que ce sont des films qui conviennent à tous les âges ! Et ça, c'est vraiment cool !

Bref, je suis littéralement séduite par ce petit bijou. 91 minutes de pur bonheur. Rien de mieux que pour finir le week-end. 

(la colline aux coquelicots: film de Goro Miyazaki, scénario de Hayao Miyazaki et de Keiko Niwa -2011)

Bill Fay - Life is people

Voila un retour inattendu du songwriter  et pianiste Bill Fay qui avait disparu de la scène depuis 40 ans, nous avions eu juste droit ces dernières années à  la réédition de vieux enregistrements. Marqué par l'échec commercial de ses deux albums, Bill s'était alors plongé dans le silence...
Merveilleux songwriter dans la lignée des Nick Drake, de Léonard Cohen, nous vous invitons à découvrir son dernier album crépusculaire, où il est accompagné par les musiciens de Noel Gallagher.

Un album à découvrir, notre album de la semaine !

samedi 20 octobre 2012

In another country - Hong Sangsoo

Une jeune fille seule avec sa mère dans une station balnéaire hors saison. Elles se sont peut être isolées et cachées pour s'éloigner des problèmes provoqués par un oncle ripoux pour qui la mère semble s’être portée caution contre l'avis de sa fille. Celle-ci en colère se lance dans l'écriture de trois petits scénarios autour du personnage d'une femme étrangère se retrouvant dans cette même station balnéaire.
Variations autour d'un même thème, la  femme française. Anne,  incarnée par Isabelle Huppert, repasse par les mêmes endroits, rencontre les mêmes personnages, notamment un irrésistible maitre nageur. Au gré de ces histoires, seule sa situation sociale, et les raisons de sa venue dans ce coin perdu évoluent...
Ce film est avant tout un hommage, le témoignage d'une admiration d'un cinéaste Coréen pour une actrice française Isabelle Huppert, mais peut être aussi pour un autre géant Alain Resnais. Un film dû au hasard d'une rencontre où le cinéaste montre le génie de l'actrice .Passant d'un personnage à un autre en nous offrant des variations de jeu subtiles dans des situations équivalentes elle construit ses personnages.L'humour  permet au film de ne pas s'enliser dans un ton trop monocorde . L'actrice dans ce coin perdu devient un objet d'exotisme, c'est exactement cela, qu'a voulu filmer le cinéaste coréen.

"J'ai pensé à l'attitude qu'ont les coréens la première fois qu'ils rencontrent une personne étrangère. Il y a quelques caractéristiques générales. mais bien sur je n'ai pas filmé comme un sociologue, je veux transformer la réalité. J'essaie d'aller au plus profond des choses."

Vu au cinéma "le Saint Germain des Près"

vendredi 19 octobre 2012

Roberto Fonseca en concert

Salvador Dali après "de savants calculs"  avait déclaré la gare de Perpignan comme centre du monde. L'erreur est patente, le centre du monde est  à La Havane, le concert donné ce soir par Roberto Fonseca le prouve définitivement. Le jeu à la fois puissant et subtil du pianiste n'est pas que la simple reproduction de la musique de ses maitres qu'il a un temps accompagné au sein du Buena Vista Social Club, il l'a enrichie de nouvelles sonorités. Accompagnée notamment par le musicien malien, Baba Sissoko, la musique du pianiste cubain est un savant mélange des musiques venues d'Amérique et d'Afrique. Une parfaite synthèse des musiques noires dont témoignait déjà son dernier album YO dont de nombreux morceaux furent repris ce soir. 
 Il nous fut rare d'assister à un concert aussi brillant,  de sentir une salle pleine aussi attentive tout en étant prête à exploser aux moindres variations de rythmes. Les musiciens étaient heureux de jouer, nous offrant un rare de moment de complicité qu'ils avaient décidé de partager avec leur public.
Deux heures de musique qui se terminent sur une Javanaise, un clin d’œil inspiré à notre plus talentueux compositeur de chansons populaires, Serge Gainsbourg.
Plus qu'un simple virtuose du piano, Roberto Fonseca coiffé de son célèbre chapeau révèle sur scène un charisme irrésistible,  il fit lever la salle sans aucune peine, assurément le sommet du premier festival de Jazz in Clamart.

Un concert magique !

Like Someone in Love - Abbas Kiarostami

Un plan fixe sur un bar de Tokyo, on y écoute du jazz en buvant du vin, nous entendons une conversation sans savoir d'où elle vient, nous restons fascinés par cette scène qui s'étire sans fin, séquence propre au travail du cinéaste iranien....Puis un contrechamp révèle le visage qui se cache derrière la voix, une étudiante Akiko qui se chamaille au téléphone avec son ami que l'on comprend suspicieux et foncièrement jaloux. Le bar à l'atmosphère cosy se révèle plutôt louche, le patron est un souteneur, il souhaite que Akiko dont nous découvrons les activités nocturnes rejoigne un client de l'autre coté de la ville. La jeune fille ne le souhaite pas, elle doit préparer un examen pour le lendemain et rendre visite à sa grand mère présente exceptionnellement ce jour là, à Tokyo.

Elle finit par accepter et part rejoindre en taxi son client, juste le temps pour elle d'apercevoir sa grand mère aux abords de la gare à travers la vitre de la voiture. Son client, Takashi un vieux professeur d'Université vivant seul chez lui, est  plutôt enclin à partager avec la jeune fille un repas et une soirée agréable qu'une prestation sexuelle et finalement nous ne saurons jamais vraiment pourquoi il a payé ses services... Le lendemain Takhashi raccompagne la jeune fille à l'université, son petit ami l'attend, il prend le vieux professeur à tort pour son grand père ...ce nouveau rôle le vieil homme va l'incarner à merveille...

C'est un film de toute beauté, nous retrouvons les plans propres au cinéma de Kiarostami filmés à travers les vitres, ils se jouent des lumières de la ville niponne, nous faisons de longs trajets en voiture, plans qui nous rappelle un autre merveilleux film du cinéaste iranien "Et la vie continue..." où il filmait à travers le parcours d'un père et de son enfant partis à la recherche d'amis,  l'Iran dévasté par un  tremblement de terre. Les personnages gardent ici tout leur mystère comme dans un roman de Patrick Modiano, le cinéma de Kiarostami sans aucun jugement moral colle parfaitement à la pudeur japonaise,dans la filiation du cinéaste japonais Yasujiro Ozu!

Un film envoutant d'une grande beauté formelle !

Vu au MK2 Odéon

dimanche 14 octobre 2012

Paris Jazz Big Band en concert

Evènement à Clamart où le Paris jazz Big Band avait l'honneur d'ouvrir le 1er Festival Jazz in Clamart, un évènement encore modeste qui espérons-le prendra de l'importance lors des prochaines éditions. Cinq saxophones, quatre trombones, quatre trompettes, une contrebasse, une batterie avec l'illustre André Ceccarelli et avec pour invité d'honneur le percussionniste argentin Minimo Garay, le Big Band dirigé par Pierre Betrand et Nicolas Folmer avait décidé pour cette première soirée d'honorer la mémoire de Dizzy Gillespie.
Musicien majeur de la scène , Dizzy est célèbre pour ses joues qu'il gonflait d'une manière extraordinaire pour souffler dans sa trompette, mais surtout pour la virtuosité avec laquelle il jouait de son instrument avec une vitesse d’exécution rarement atteinte. Mais il eut une importance capitale pour avoir enrichi la musique jazz des sonorités venues des Caraïbes, et plus particulièrement de Cuba, une histoire racontée en partie par le film d'animation Chico & Rita.
Une musique pleine de rythme qui a enthousiasmé un public venu nombreux, Tin Tin Deo et Manteca les deux "tubes" fut le sommet de cette soirée, surtout que le percussionniste Minimo Garay s'est avéré être un animateur plein de charisme nous offrant une leçon de danse avant d'ouvrir aux percussions un manteca enflammé. Ce premier concert du premier festival fut un succès, la salle debout acclama l'orchestre, nous aurions peut être aimé un deuxième rappel plutôt qu'une invitation à aller acheter un disque proposé à la sortie....  ce manque de "générosité" qui aurait pu faire de cette première soirée un instant mémorable est notre seul regret.

Mais ne boudons pas notre plaisir, cette première soirée fut une réussite musicale, une excellente mise en bouche avant la venue du pianiste Roberto Fonseca.

Le feu follet - Louis Malle

Un homme Alain Leroy, au petit matin se réveille dans les bras de sa maitresse Lydia, dans un hôtel. Nous découvrons très rapidement que Lydia est une amie de Dorothy la femme d'Alain, elle est venue prendre de ses nouvelles. Depuis plusieurs mois, Alain suit une cure de désintoxication dans un institut médical à Versailles pour se libérer d'une addiction à l'alcool. Il ne semble plus avoir de lien avec son épouse restée à New-York, et qui n'a pas répondu à son dernier courrier. Lydia a laissé un chèque à Alain avant de partir, il profite de cet argent pour rejoindre Paris, et renouer le contact avec de vieux camarades, il ne rencontre que des désillusions, il se suicide au petit matin après avoir terminé la lecture de Gatsby de Francis Scott Fitzgerald....

Difficile de revoir ce film sans avoir des réminiscences de  Oslo 31 aout  de Joachim Trier adapté du même roman de Pierre Drieu la Rochelle vu il y a quelques mois , et lorsque nous voyons Maurice Ronet attraper un bus au coeur de la nuit pour , il nous revient en mémoire le visage d'Anders et  cette course à travers Oslo sur le porte bagage d'un vélo. Maurice Ronet donne toute la puissance de ce film, par sa présence, la tristesse de son visage, acteur il est aussi en partie auteur de ce film, par sa prestation il lui donne tout son sens. Louis Malle  a situé l'action dans le présent, on y parle de Françoise Hardy, de l'OAS... Aucune explication sur l'origine du mal dont souffre Alain, nous pouvons suspecter quelques pistes, la guerre d'Algérie qui a largement bousillé tout une génération et à laquelle il a participé, son échec conjugal avec Dorothy à qui il semble encore attaché, ou tout simplement a t-il cette tristesse ancrée en lui depuis son plus jeune âge, un garçon de café qu'il recroise se rappelle les années passées, celles où Alain passait les nuits à festoyer mais connaissait des périodes de grand désarroi...


Alain se sent incapable de participer au monde.Dans une scène impressionnante il explique qu'il a beau toucher il n'a plus de sensation, son charme est toujours aussi fort auprès des femmes mais il ne peut plus vivre, tout lui semble faux... Terrible plongée.Un des plus beaux anti-héros de l'histoire du cinéma, un film bouleversant... Un sommet dans la filmographie de Louis Malle.

Julian Cannonball Adderley - Somethin' Else

Puisque la semaine s'annonce Jazz cette semaine à Clamart pour la première édition d'un festival modestement nommé "Jazz in Clamart", avec notamment en fin de semaine un concert du génial pianiste cubain Roberto Fonseca, nous avons donc été piocher notre album de la semaine dans la partie Jazz de notre discothèque.
Nous avons décidé de mettre en avant l'album de 1958 de Julian Cannonball Adderley "Somethin'Else" où exceptionnellement Miles Davis vient jouer les Sideman pour son ami. A coté du trompettiste, nous retrouvons Art Blakey à la batterie, Hank Jones au piano, et Samuel Jones à la contrebasse pour accompagner le saxophoniste, un quintet de haut vol.
C'est assurément pour le premier morceau "Autumn Leaves" que nous avons choisi cet album, une reprise magnifique de la chanson de Prevert et Kosma qui s'étire sur plus de dix minutes. Un morceau de saison, puisque l'automne est bien présent depuis le mois de septembre sur la région parisienne où nous vivons en permanence sous un couvercle  gris et humide.  La musique seule arrive à egayer notre environnement morose!


vendredi 12 octobre 2012

La villégiature - Carlo Goldoni

Ce spectacle de Thomas Quillardet est adapté des deux premiers volets de  la trilogie de la villégiature de Carlo Goldoni. Deux familles de la bourgeoisie de Livourne se retrouvent enfin en vacances dans la campagne voisine après maintes péripéties, celui-ci tourne au cauchemar. C'est une chronique cruelle de la bourgeoisie italienne dont l'idéal est d'épater le voisin sans avoir peur de vivre au dessus de ses moyens, et si l'action est ici située à Livourne, c'est bien de la bourgeoisie Vénitienne et de son goût immodéré pour les séjours à la campagne que Goldoni se moque . Inspiré par le théâtre de Molière, il fait un portrait sans concession de la bourgeoisie et de ses goûts ridicules pour l'apparence. Ce réalisme lui fut d'ailleurs reproché par son collègue traditionaliste Carlo Gozzi., querelles qui poussèrent Goldoni à quitter Venise pour Paris.
Partir en vacances sans en avoir les moyens, juste pour faire impression, être à la hauteur de son voisin , de son collègue de bureau est un sujet actuel , la pièce  de Goldoni n'a aucunement perdu de sa truculence dans notre société de loisirs. La mise en scène de Thomas Quillardet est pleine de rythme, servie par une troupe de huit acteurs absolument remarquables, c'est jubilatoire . On rit de ces femmes au bord de la crise de nerf pour une robe, d'un insupportable pique assiette qui ne peut s’empêcher de médire de ceux qui le nourrissent, des jeux de l'amour et du hasard . Ici la sagesse vient finalement des domestiques spectateurs lucides du désastre qui s'amorce.  Ce spectacle prouve combien la place de Goldoni est centrale dans la culture italienne, par sa férocité, son réalisme, il est évident qu'il est le père de la comédie italienne moderne celles de Dario Fo ou du cinéaste Dino Risi  .

Une très belle soirée de théâtre!

mercredi 10 octobre 2012

Oh... - Philippe Djian

Jusqu'à ce jour, nous n'étions pas des fans convaincus des romans de Philippe Djian. . Nous avions même la fâcheuse tendance à oublier le contenu de ces livres. Mais parce que le Monsieur a tout de même une solide réputation, nous rechutons régulièrement. Donc Oh... son dernier roman a fini par se retrouver dans notre besace, et ce fut enfin une chouette rencontre.
Nous étions définitivement convaincus après avoir lu Madame Bovary qu'un écrivain pouvait très facilement se glisser dans la peau d'une femme, Philippe Djian relève à son tour le défi, son point de vue est celui de Michèle une femme de notre temps victime d'un viol qui ouvre le roman. Elle ne porte pas plainte, nous comprenons  qu'un trauma venu de l'adolescence pourrait justifier son comportement, son père a réalisé un carton sur des enfants d'un club Mickey faisant soixante dix victimes. Elle fut alors laissée à la vindicte de la foule, insultée , humiliée notamment par son petit ami  qui lui cracha à la figure, elle dut fuir, vivre cachée avec sa mère .
Michèle a su se relever de cette épreuve, elle est devenue une femme d'action qui possède une société de production avec sa meilleure amie Anna. Divorcée, elle doit gérer son fils qui a vingt cinq bosse chez Mac Donald, et s'est mis en couple avec une femme enceinte dont il s’apprête à reconnaitre le futur bébé alors que le père biologique croupit en prison en Thaïlande pour trafic de drogue; et sa mère dont elle subvient à tous les besoins. Cette dernière ne cesse de la pousser à rendre visite à son père toujours derrière les barreaux...
Cela fait beaucoup pour une seule femme, surtout que nous avons omis de vous dire qu'elle a pour amant le mari de son amie Anna , et qu'elle va revoir son violeur avec qui elle engage une relation particulièrement ambigüe.

Il est rare de croiser un personnage aussi chargé, à vrai dire le livre aurait du nous tomber des mains tel un scénario de série Z...Et c'est là le miracle, tout ceci fonctionne, tout passe par le talent incontestable de l'écrivain. Nous allons suivre un mois durant cette cellule familiale en crise où finalement chacun découvre sa vraie nature. C'est un livre rempli d'humanité, nous suivons les personnages dans leur quotidien avec leurs failles... Ce qui fait la force de ce livre, c'est la construction des personnages, ils ne sont jamais une caricature, ils ont tous leur complexité,et le lecteur garde un sentiment ambivalent avec chacun d'eux...Et si ce mois de décembre s'annonce sinistre, un certain sens d'humour noire permet au lecteur de ne pas sombrer, avouons le coté club Mickey  adouci  le crime du père, nous avons honteusement souri...
Il signe ici un magnifique portrait de femme libre qui brille face à la veulerie des hommes. Son mari, son fils, son voisin, son amant, ils sont tous tristes, immatures voire pathétiques... Philippe Djian n'aime pas les ambiances masculines, de celle que l'on retrouve dans les stades, il nous le fait bien comprendre!
 Nous retrouvons son goût pour la littérature américaine, John Cheever est notamment cité. Mais  il ne singe pas ses modèles il s'en nourrit pour renouveler la littérature française.
Nous avons beaucoup aimé ce roman de Philippe Djian, il nous pousserait à revisiter son œuvre! 

dimanche 7 octobre 2012

Despues de Lucia - Michel Franco

Lucia est morte dans un accident de voiture,son mari Roberto et leur fille Alejandra, pour surmonter le drame, partent s'installer à Mexico. La jeune fille découvre un nouveau lycée. Tout commence mal pour elle, l'établissement scolaire lui impose une analyse urinaire pour détecter la consommation de drogue, la jeune fille a malheureusement fumé un joint récemment, elle est déjà sursitaire. Le premier week end arrive, ses nouveaux amis l'invitent à une fête. L'alcool coule à flot, emportée par l'ivresse, Lucia fait l'amour avec un jeune homme qui va filmer la scène, la vidéo est très vite diffusée sur Internet. Alejandra  est alors  prise comme bouc émissaire, son quotidien  bascule très rapidement dans l'humiliation et la torture... Elle n'a personne pour se confier, pas son père qu'elle voit encore trop fragile, alors elle encaisse....
C'est un film particulièrement éprouvant où nous assistons impuissants à une descente aux enfers,  il décrit une réalité bien présente dans nos sociétés. La mise en scène de Michel Franco est absolument remarquable, de longs plans fixes, il ne dit pas grand chose, d'ailleurs les premiers plans sont obscurs nous n'en comprendrons vraiment le sens que par la suite. Par ses choix de mise en scène, il fait face à la violence sans en faire un spectacle, se mettant clairement du coté de la jeune fille. On se prend en pleine figure la perversité de ces adolescents soudés et les jeunes filles surement mises en danger dans leurs certitudes par cette nouvelle arrivante plus jolie, plus brillante ne sont pas en reste pour humilier Alejandra... Le plus effrayant, c'est qu'ils ne sont nourris d'aucune idéologie totalitaire, ils sont d'une banalité confondante, de simples crétins.
Despues de Luccia est un film bouleversant, il est parfois difficile d'y faire face, mais il est totalement indispensable car il dénonce avec vigueur une violence faite à une femme. Cette violence ne sort pas de l'imaginaire d'un créateur, elle est une réalité sordide de nos sociétés.  Les choix du metteur en scène nous apparaissent comme les plus justes, Michel Franco réalise un film essentiel, Tessa Ia l'actrice principale est bouleversante !

Vu au MK2 Hautefeuille

Le cinéma de Max Linder

Il existe des hasards heureux. Après avoir assisté au spectacle de pantomime de Patrice Thibaud, le ciné club de Claude Jean Philippe avait programmé en avant première "Le cinéma de Max Linder", composé de plusieurs œuvres restaurées du cinéaste français. Occasion pour nous replonger aux origines du cinéma burlesque, aux sources même de l'inspiration de Patrice Thibaud. Composé de trois courts métrages, "les débuts de Max au cinéma - 1910", "Max prend un bain - 1910", Max et Jane veulent faire du théâtre - 1912" et d'un moyen métrage de 40 minutes "Sept ans de malheur - 1920", " le cinéma de Max Linder" permet de voir l'influence majeure qu'il a pu avoir en son temps.
Max a tout du dandy, c'est en partie cela qui distingua le cinéma de Max Linder de celui de ses collègues aujourd'hui oubliés qui grimaient leur personnage d'un maquillage outré et de costumes excentriques. Max lui ne diffère en rien de l'homme de son temps, mais il lui arrive un certain nombre de catastrophes. Personnage burlesque d'une grande humanité qui va être la source d'inspiration du cinéma américain et notamment du personnage de Charlot. C'est rempli de trouvailles absolument géniales qui cent ans plus tard emportent toujours le rire spontané du spectateur. On imagine combien au début du siècle dernier un tournage ne devait être qu'une succession de problèmes.Inventer était la seule manière de les résoudre. Max Linder s'avère un maître.
La scène du miroir dans "Sept ans de malheur" est à ce titre exemplaire du génie de Linder . Un miroir a été brisé   par un domestique. Pour que Max, le maître des lieux ne se rende compte de rien,  un membre du personnel qui a une vague ressemblance avec le patron , vient s'assoir en face de lui quand il vient se raser, reproduisant chacun de ses gestes.C'est une scène absolument magnifique, d'un effet comique irrésistible...
Max Linder est un grand nom du cinéma, nous ignorions jusqu'à ce jour l'importance de son influence. La sortie de ces films restaurés est un vrai bonheur, n'hésitez pas !

La restauration est absolument remarquable. Vu au cinéma l'Arlequin !

Hildegard Von Bingen - Les chants de l'extase

Nous allons faire exception et quitter pour une fois le domaine de la pop musique. Nous avons décidé de célébrer une femme hors du commun du XII° siècle, Hildegard Von Bingen qui doit être proclamée aujourd'hui même, Docteur de l'Eglise par le pape Benoit XVI. Après Catherine de Sienne, Thérèse d'Avila et Thérèse de Lisieux, elle ne sera que la quatrième femme à obtenir cette haute reconnaissance de la religion catholique. Eux aussi, ils ont un petit problème de parité...
Dixième et dernier enfant d'une famille noble , Hildegard fut consacrée à l'Eglise, à huit ans elle fut confiée à des bénédictines, pour finir à son apogée par fonder sa propre communauté, celle de Rupersberg sur le Rhin prés de  Bingen . Son activité fut variée: médecine, linguistique, musique,.... elle est à l'image de son époque, un siècle d'éveil nourri par une période d'expansion économique.elle fut en contact avec les personnalités de son époque, son influence fut énorme tant au niveau politique que spirituelle. Mais c'est évidemment ses chants liturgiques que nous avons décidé de mettre à l'honneur cette semaine, écrits pour être chantés par les soeurs de son  couvent...

Nous avons décidé de mettre en avant un album de l'ensemble Sequentia "les chants de l'extase", un ensemble d'une qualité rare, cet enregistrement est le fuit d'un travail de 13 années. Pas besoin d'être un spécialiste de la musique médiévale pour être transporté  par la beauté de ces voix.

Mais si vous souhaitez en savoir plus il convient d'aller faire un tour vers un blog d'une qualité rare "passée des arts", qui consacre un grand nombre d'articles  à la musique médiévale, notamment celle de Hildegard Von Bingen. Nous en sommes des lecteurs réguliers, nous y trouvons notre bonheur et nous aimons y lire silencieusement les différents billets,  son auteur avec grand talent s'adresse aussi bien aux spécialistes qu'aux novices que nous sommes. Il est  heureux de se promener sur des chemins inconnus.

Les chants de l'extase de Hildegard Von Bingen par  l'ensemble Sequentia est un album indispensable !


samedi 6 octobre 2012

Fair Play - Patrice Thibaud

Photo Céline Aubertin.



Pour son troisième spectacle de pantomime , Patrice Thibaud a décidé de s'attaquer à l'univers du sport. Logique en cette année olympique, il lui suffisait d'allumer son petit écran pour relever les tics et défauts de nos chers sportifs. il n'est pas dupe sur l'univers du sport, l'olympisme n'est pas un humanisme... Il décrypte parfaitement les travers de ce milieu, tricherie, dopage, ou narcissisme du sportif dont le corps est devenu le centre des préoccupations. Mais il convient de ne pas réduire ce spectacle à une simple moquerie, il souligne aussi la souffrance du sportif dans la recherche du dépassement de soi, les séances humiliantes d'entrainement à  supporter pour atteindre le meilleur de soi.

Avec son génial comparse Philippe Leygnac pianiste cascadeur , Patrice Thibaud qui a fait ses gammes chez la famille Deschamps Makeieff, emporte le rire par la justesse de ces mouvements qui nous renvoie immédiatement à des choses vues, il ne fait pas toujours dans la finesse, mais le rire n'est jamais indigne, il n'est pas venu se faire la peau des sportifs... Il nous offre notamment une séance de GRS totalement irrésistible, le souvenir de cette scène hilarante pourrait même nous rendre supportable le temps d'un instant une retransmission télévisée de ce sport .
Patrice Thibaud  nous renvoie évidemment par ses gags, sa maladresse maitrisée  aux grandes figures du burlesque que pouvaient être Buster Keaton, et Charlie Chaplin. Mais lui et son acolyte Philippe Leygnac ne se limitent pas à reprendre les gags de ces génies du cinéma muet, ils ouvrent de nouvelles portes, par leur inventivité ils perpétuent et renouvellent un art un peu oublié qui rassemble toutes les générations... Comme eux, au dela du simple gag, ils ouvrent des sujets graves comme l'exploitation du footbaleur africain, ou la fragilité du sportif, pour glisser dans le domaine poétique dans une dernière scène absolument remarquable de boxe où avec un jeu d'ombres, un effet de ralenti, ils nous rappellent ces héros fragiles des rings.

Un spectacle remarquable, une performance de haut vol, un succès amplement mérité!

Une femme est une femme - Jean-Luc Godard

Pour son troisième long métrage Jean-Luc Godard se lance dans la comédie, voire la comédie musicale. L'histoire d'une jeune femme qui désire un enfant mais dont le compagnon lui dit qu'il est encore trop tôt. Pour arriver à ses fins, elle provoque sa jalousie en fricotant avec son ami Alfred. Il lui dit "tu es infâme", elle lui répond "non je suis une femme". 
Le film s'organise autour de scènes de ménage, où Godard se nourrit des disputes qu'il peut avoir avec sa compagne Anna Karina, ce qui provoque selon le cas le rire où la colère de l'actrice. Ce qui ressort de ce film c'est avant tout un sentiment de bonne humeur, le cinéaste est amoureux de son actrice, il semble d'ailleurs avoir multiplié certaines prises juste pour le plaisir de voir jouer la jeune femme d'origine danoise.  Anna Karina chante, se déshabille chastement pour des messieurs, elle illumine le film, le festival de Berlin lui donne un prix pour son interprétation.
C'est rempli de bons mots,  de clins d'oeil aux films de ses amis Truffaut, Demy.... Ainsi nous croisons le temps d'une scène, au comptoir d'un bistrot, Jeanne Moreau , Alfred Lubitsch jouait par Jean ¨Paul Belmondo l'accoste:
- Et vous ça marche avec Jules et Jim?
- Moderato !, qu'elle répond...

Jean Claude Brialy, acteur principal témoigne de l'atmosphère du tournage: "Jean-Luc était amoureux et c'était touchant. Elle, avec sa fragilité, sa voix un peu rauque, ses grands yeux, me faisait penser à une feuille qui se détache de l'arbre. Très vite, ils mélangèrent rapports professionnels et personnels. Ils se déchiraient, s’engueulaient, s'aimaient, se hurlaient dessus... C'était aussi passionné sur le plateau que dans la vie ! Elle partait, il la rattrapait, on attendait, ils revenaient. C'était par moment difficile à suivre. C'était leur façon de s'aimer. J'étais parfois surpris d'entendre cette fille de vingt ans, belle comme le jour, se mettre à l'abreuver de mots très crus. Puis l'orage passait et on continuait à s'amuser. D'habitude, Jean-Luc arrivait à midi moins cinq et nous tournions de midi à dix neuf heures trente. Personne n'avait de scénario, lui seul savait."
Le film n'eut pas un grand succès public. Plus généralement le cinéma est alors en crise, la fréquentation des salles est  en baisse, les jeunes auteurs de la nouvelle vague sont montrés du doigt. Truffaut parle alors du retour de "la vieille vague". Godard reniera plus tard cette comédie, "C'est un film niais, sans vigueur. De la guimauve. Je n'en voulais à personne, je ne recevais pas assez de coups..."

Bien sévère le cinéaste suisse, à revoir ce film, nous lui trouvons un charme certain, nous nous amusons de ses blagues potaches, et finalement nous passons plutôt un bon moment à voir ce film tourné par un homme heureux... Ce premier film en couleur de Jean-Luc Godard est un préambule à des œuvres plus abouties comme Pierrot le Fou ou le Mépris, Roul Coutard le chef opérateur le considère au niveau de sa photo comme le brouillon des oeuvres à venir.

Pour écrire ce billet, la remarquable biographie consacrée à Jean-Luc Godard de Antoine De Baecque nous a été d'une aide précieuse. Elle est éditée chez Grasset.

Film vu à la filmothèque du Quartier Latin.

vendredi 5 octobre 2012

Love me do ! 50 ans !

Voila 50 ans que sortait le premier single des Beatles avec sur la face A Love me Do. A la différence des Rolling Stones où il fallut que le producteur Andrew Oldham enferme dans une cuisine Keith Richards et Mick Jagger pour qu'ils se mettent à composer, les Beatles ont immédiatement écrit leurs propres titres, dont Love me do. Pour autant nous retrouvons dans leurs premiers albums un certain nombre de reprises, ce fut d'ailleurs un événement non négligeable d'assister à des reprises de musiques noires par des musiciens blancs, un progrès pour l'humanité

Pour fêter cet évènement nous avons interrogé un ami anglais pour qui l'année 62 fut particulièrement heureuse . Cette année là, il eut trente ans, il se maria et s'installa définitivement dans le sud du pays pour exercer son métier de professeur.

Il reconnait honnêtement être passé alors à coté de l’événement, il avait grandi en écoutant Frank Sinatra ou Bing Crosby. Le Jazz était plutôt son univers, mais les Beatles finirent par le rattraper, c'est toujours un plaisir immense pour lui de les réécouter. Aujourd'hui âgé de 80 ans, il nous raconte en quelques mots les Beatles, vous entendrez le ton d'un ancien professeur qui n'a finalement jamais perdu pour notre plus grand plaisir le goût de faire la leçon:
Le plaisir d'écouter des Beatles se transmettant de génération en génération, sa petite fille, une collégienne, a pris sa guitare, son piano et son ordinateur, pour nous offrir en un tour de main, sa version de Love me do.





jeudi 4 octobre 2012

14 - Jean Echenoz

Un dimanche d'août en Vendée, Anthime se promène en vélo, il se bagarre contre le vent, lorsque les cloches se mettent à sonner, c'est le début de la "Grande Guerre", la fin d'un monde. Nous allons suivre son destin ainsi que celui de quatre de ses camarades... Charles, le grand frère fait jouer ses relations pour quitter l'infanterie et la promiscuité imposée, ses talents de photographe lui permettent de rejoindre le renseignement; fatale erreur rien n'est plus risqué que d'embarquer dans les airs. De la guerre, ils ne savent rien, au début elle n'est que marches forcées, rumeur lointaine, mais un beau jour ils s'y trouvent en plein cœur, dans une scène improbable où les musiciens jouent la Marseillaise pendant que les soldats partent à l'assaut, des musiciens sont abattus mais la musique continue. Quelle connerie la guerre!
Rien n'est adapté à cette nouvelle guerre, il faut revoir les casques, les costumes trop voyant et abreuver les hommes en eau de vie qui découvrent qu'elle peut être chimique, c'est l'enfer qui s'installe à la frontière belge. Anthime , victime "d'une bonne blessure", il perd un bras, peut retourner à l'arrière, il est le seul survivant de son groupe d'ami. Arcenel le dernier a être debout au combat, s'en va un jour, las sur la route parce qu'il n'a plus ses amis avec lui, sa désertion involontaire le mène au peloton d'exécution...
Comme toujours chez Jean Echenoz, le roman est court, mais rien ne manque... Il utilise avec perfection son sens incomparable de l'énumération pour  faire un tableau précis de cette période de l'Histoire. Cet art de la concision donne son intensité à ce  roman qui se lit d'une traite.
Anthime est le personnage principal, nous avons lu dans une interview croisée entre Jean Echenoz et Patrick Modiano, qu'il avait découvert ce prénom sur un monument aux morts. Nous avons souri car nous avons aussi cette manie d'aller lire les noms  sur ces monuments dans les villages que nous traversons... et souvent nous relevons deux, trois, quatre ... fois le même nom de famille, témoignage de la barbarie de ce conflit et de la saignée qu'elle causa dans la jeunesse française.

Encore une fois, Jean Echenoz nous impressionne.

mercredi 3 octobre 2012

L'herbe des nuits - Patrick Modiano

Un carnet noir, des notes, des noms toujours soigneusement choisis dans des annuaires, des articles de presse, des petites annonces Dannie, Paul Chastagnier, Aghamouri, Duwelz, Gerard Marciano, Georges, un lieu "l'unic Hôtel"... Jean relit les notes de son carnet et replonge dans une période lointaine, quelques mois du début des années 60 qu'il traverse avec Dannie une jeune fille fantasque, mystérieuse.... Nul ne sait vraiment son identité, elle loge à l'Unic Hôtel après avoir habité la cité universitaire internationale sans jamais avoir été étudiante... A l'hôtel lorsqu'il la rejoint, il croise des messieurs louches, notamment "Georges" le plus inquiétant qui semble avoir affaire avec le Maroc et aussi Aghamouri peut être un membre des forces spéciales. Ils ne sont pas étrangers à l'affaire Ben Barka ...Dannie retourne parfois dans un ancien appartement ou une maison de campagne dont elle a gardé les clés... Elle lui confie avoir commis un acte grave, un crime, puis elle finit par disparaitre sans laisser d'indices. 
Un agacement lors des premières pages, une impression de déjà lu puis très vite nous sommes repris par le charme irrésistible de l'écriture de l'auteur de Dora Bruder. Nous replongeons dans cette époque du début des années 60 qui lui semblent si chères, parce qu'elles furent assurément les plus romanesques de son existence où livré à lui-même le jeune adulte fait de drôles de rencontres,c'est aussi les années d'apprentissage de la littérature où il s’émeut de croiser le poète Jacques Audiberti... jamais nostalgique pour autant, peut être mélancolique d'un amour dont il découvre finalement l'ampleur avec le temps. Paris  est alors le lieu de rencontres entre les divers mouvements engagés dans les conflits d'Afrique du Nord où les complots prennent corps, avec des êtres mystérieux qui ont tout pour fasciner le jeune écrivain en herbe.
 Nous aimons ces rendez vous réguliers, avec ce poète du bitume parisien, promeneur inlassable de la capitale, il semble en connaitre tous les  immeubles avec  leurs passages secrets, leurs  cours dérobées,... C'est à Orson son petit fils qu'il dédie ce dernier roman, nous avons eu une pensée pour un autre Orson, le réalisateur de Citize Kane, tant ses romans semblent être la quête d'un improbable Rosebud... 
Si il y a un trésor littéraire caché; ce sont assurément les carnets de Patrick Modiano...

lundi 1 octobre 2012

Home - Toni Morrison

Un homme part à la guerre au terme de laquelle il revient chez lui après un long périple sur sa terre natale, c'est une histoire vieille comme la littérature. 
Si Frank Money est parti rejoindre les rangs de l'armée avec ses deux amis, c'est pour fuir son village, Lotus du sud des Etats-Unis, où la vie est sans avenir pour les jeunes gens noirs.  En partant, Frank laisse seule sa petite sœur Cee qu'il avait pris l'habitude de protéger, notamment des coups de la deuxième épouse de leur grand père qui loge toute la famille dans sa modeste demeure.
L'engagement dans l'armée signifie  un départ vers la Corée où ils vont découvrir l'enfer de la guerre, Frank Money voit mourir ces deux amis. En colère, il commet l' irréparable; il ne se contrôle plus... Il revient, meurtri, rongé par les cauchemars, il connait des accès de violence incontrôlables, il traverse le pays de Seattle à Atlanta aidé par le guide Green qui recensait alors les établissements qui acceptaient les noirs, pour revenir à Lotus où il espère retrouver une forme de sérénité. Auparavant, il doit secourir sa sœur en danger qui n'a fait que des mauvais choix...
Honteusement nous devons confesser que c'est notre première rencontre avec Toni Morrison. Nous plongeons dans le sud américain et son horreur raciste où la vie d'un homme, d'une femme n'a aucune valeur parce que noirs... Frank est confronté dés son plus jeune age à la violence et à la menace du Ku Klux Klan .Dans une des premières scènes, alors gamin, il surprend l'enterrement clandestin d'un homme surement assassiné. A la fin du roman, il découvre le sens de cette scène, et son horreur... Frank avec l'aide de sa sœur va donner une sépulture digne à cet homme. un acte nécessaire pour boucler son passé et enfin échapper à ses fantômes. Le voyage grandit l'homme.

Un ouvrage dense profondément humaniste, qui oblige l'Amérique à regarder son passé pour se guérir de ses cauchemars. Un livre court, dense, qui va droit au but, une pure merveille de cette rentrée littéraire...
Nous avons conscience que l'Amérique d'aujourd'hui est différente de celle d'hier, Barak Obama a été élu président. Mais ce sont toujours les jeunes gens pauvres , issus des minorités qui se retrouvent dans les bourbiers irakiens ou afghans. Nous n'oublions pas l'assassinat odieux de Trayvon Martin, les vieux démons rodent toujours !

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