jeudi 21 mars 2013

Le temps de la sottise - Raymond Guerin

Raymond Guerin a trente quatre ans lorsque commence la guerre en 1939, pas évident pour un homme installé dans la vie bordelaise de se retrouver soldat, commandé parfois par des jeunes hommes qui ne connaissent pas grand chose de la vie. Le temps de la sottise est un recueil de textes, des extraits...Témoignage  de cette période de la drôle de guerre et du temps de la débâcle. Raymond Guerin est fait prisonnier, il restera cinq ans dans un camp de représailles. 
Décédé en 1955, Raymond Guerin n'a pas pu aller au bout de son projet . Le temps de la sottise est celui de la guerre où il lui faut supporter l'incurie des chefs, la brutalité des soldats qui deviennent en un clin d’œil d'affreux pilleurs lorsqu'ils débarquent dans les logements vides, il exprime son horreur de la chose militaire. L'écriture est brillante , le constat est terrible.

Le temps de la sottise édition de la dillettante, est un livre court. C'est un témoignage précis d'un écrivain Raymond Guerin qui mérite d'être lu par le plus grand nombre !

Extrait : 

"Hier nous sommes allés à Sierk. Déjà mes yeux avaient vu le siège de Kerling. Mais Kerling n'était qu'un petit village. Ici, dans la ville abandonnée de Sierk-le-Bains, le spectacle est plus navrant encore. D'admirables maisons anciennes ont été forcées, vidées de leur contenu. Les magasins d'épicerie, de quincaillerie, de papeterie ou de bonneterie offrent des devantures béantes, des intérieurs où de tous les tiroirs arrachés, de tous les comptoirs, de toutes les étagères, les marchandises ont été emportées ou jetées au sol, brisées, souillées, mêlées dans l'affolement du pillage, selon les recherches maniaques de chaque pilleur. Toute la richesse, toute la valeur d'une ville s'en est allée, par les mille plaies des blessures faites à chaque maison. Combien de millions, de dizaines de millions ou de centaines, combien de trésors domestiques, de souvenirs, de vieilles choses précieuses dont la destruction stupide n'aura point eu d'autre bénéfice que de satisfaire pour quelques jours l'instinct de rapine du soldat. Sommes-nous toujours au temps des Huns; des soldats à gages et des Wallenstein? Pis! Car ce ne sont plus seulement les aventuriers du métier qui s'emploient, mais tous les hommes,  mais des millions d'hommes soi-disant civilisés (ayant un "chez soi", des meubles et du linge, du bétail ou de la marchandise, des femmes et des enfants) que leurs maitres ont avilis à ce point. Non ce n'est plus le temps des barbares. Ce n'est plus le temps de l'aventure. Ce n'est plus le temps de la guerre même. C'est le temps de la sottise"

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