mercredi 30 mai 2012

Citizen Kane - Orson Welles

"Rosebud" est le dernier mot prononcé par Charles Foster Kane, une des plus grandes fortunes au monde. Alors qu'il a été un des hommes les plus puissants du pays, Charles Foster Kane est mort seul, victime de sa mégalomanie dans son immense palais baroque "Xanadu" . Un journaliste va chercher à comprendre la signification de ce dernier mot prononcé, il rencontre ceux qui furent ses proches... Le destin de Charles Foster Kane bascule le jour où sa mère tenancière d'une auberge accepte pour paiement la concession d'une mine qui se révèle être un véritable trésor, elle confie sa fortune et l'éducation de son fils à un banquier. Dans une scène déchirante, on voit l'enfant laissé choir son traineau en bois pour suivre le banquier et quitter définitivement la maison familiale. L'enquêteur découvre la vie de Kane, sa carrière de journaliste, d'homme politique, sa volonté de faire de sa deuxième épouse une cantatrice, ses brouilles avec ses amis...  le mystère reste néanmoins entier, le reporter finit par abandonner sa quête pensant qu'un seul mot ne peut expliquer à lui seul un homme, comme si ici le "Rosebud" n'était qu'un "MacGuffin". A tort... 
Sublime procédé narratif pour faire la biographie d'un milliardaire, Orson Welles révolutionne le langage cinématographique avec une utilisation extraordinaire de l'espace, des perspectives, des plafonds bas, des effets de miroir, chaque plan est totalement maitrisé... Inlassablement nous pouvons revoir Citizen Kane

François Truffaut écrivait au sujet de ce film:

"Citizen Kane est en même temps un premier film fourre tout expérimental et un film testamentaire par sa peinture globale du monde.
Je n'ai compris que longtemps après ce grand choc de juillet 1946, pourquoi Citizen Kane est le film qu'il est et en quoi il est unique; c'est qu'il est le seul premier film réalisé par un homme célèbre. Chaplin n'était qu'un petit mime émigré quand il débuta devant la caméra; Renoir, n'était aux yeux de la profession, qu'un fils à papa s'occupant de cinéma en amateur en dilapidant l'argent de sa famille lorsqu'il tournait Nana; Hitchcock n'était qu'un dessinateur de génériques qui montait en grade lorsqu'il réalisa Blackmail; Orson Welles, lui, avant de commencer Citizen Kane, était connu de toute l'Amérique - et pas seulement par son émission sur les martiens. Il était un homme déjà fameux et que l'on attendait au tournant: "Silence, un génie travaille", ironisaient les journaux corporatifs d'Hollywood. "

Les journalistes se voulaient ironiques, ils étaient prémonitoires!

Film vu au Champo !

lundi 28 mai 2012

The Days He arrives, Matins calmes à Séoul - Hong Sangsoo

Seungjun, professeur en province, vient passer quelques jours à Séoul. Retour qui lui permet de renouer des liens avec le temps passé, une époque où il était cinéaste, auteur de quatre longs métrages. Il retrouve pour une nuit son ancienne fiancée avant de la quitter définitivement, mais c'est surtout avec son ami Yungho qui a la fâcheuse manie de garder son téléphone coupé qu' il cherche à renouer le contact. Les deux compères finissent par se retrouver, ils passent leurs soirées dans un bar "le roman" avec Boram l'amie de Yungho, soirées alcoolisées faites de digressions verbales. Seugjun passe une nuit avec la patronne de l'établissement, mais au petit matin il la quitte...
Portrait d'un homme en pleins doutes, fuyant toute sorte d'attachement sentimental, il est en permanence dans l'indécision. L'inspiration l'a quitté, son séjour à Séoul lui renvoie en permanence l'image d'un cinéaste du passé, le séjour est un échec, une longue errance. Hong Sangsoo nous offre une variation d'une même scène autour d'une table de bar qui se renouvelle chaque soir, invariablement filmée selon le même plan avec des dialogues qui ne sont pas sans rappeler le cinéma de Rohmer.Un des plus beaux moments du film. Une image sublime d'une grande douceur, un film d'une douce mélancolie, un très beau moment de cinéma. Nous avons aimé Séoul sous la neige.

Film vu au Champo !

New-York - Miami - Frank Capra

Elli Andrews (Clodette Colbert) est retenue sur un yacht par son père, un riche financier de Wall Street qui refuse son union avec un pilote d'avion King Westley. Elle fugue en plongeant dans l'eau, puis met sa montre au clou pour s'acheter des vêtements et un billet de bus et rejoindre son mari à New-York. Dans le bus elle se retrouve à coté d'un journaliste au chômage Peter Warne(Clark Gable), ils commencent par se chamailler mais celui ci se révèle un excellent allié pour passer à travers les mailles du filet tendu par les détectives engagés par son père. Après bien des péripéties, New-York s'approche, Elli Andrews a t-elle toujours le désir de retrouver son pilote d'avion?

Le prototype de la comédie romantique, un road movie de plus de 2000 km qui laisse largement le temps à nos deux acolytes de se découvrir,et à l'enfant gâtée d'appréhender les difficultés du quotidien  c'est plein de rebondissements, seul le bus s'enlise dans la boue, le film garde le rythme. Capra trouve évidemment le temps d'une traversée de rivière par le  journaliste et  la belle fugueuse sur son dos, de rappeler que Wall Street ce n'est pas l’Amérique. C'est plutôt du coté de Lincoln qu'on  trouve ses racines...
Film maudit au départ,  le tournage a épuisé son auteur. Les producteurs n'étaient pas convaincus par cette histoire, Claudette Colbert et Clark Gable ont été contraints de le tourner  par leurs studios, le tournage fut rapide, la sortie confidentielle et le succès totalement inattendu. Récompensé par cinq oscars, les deux "grognons" ont été honorés par l'académie, Frank Capra fut enfin reconnu à la hauteur de son talent, sa carrière était définitivement lancée!

Pour l'anecdote, nous venons de découvrir que ce film où Gable retire sa chemise sans tricot de peau fut un désastre pour l'industrie du sous-vêtement.

Film vu à la filmothèque du Quartier Latin!

dimanche 27 mai 2012

Cosmopolis - David Cronenberg

Eric Paker, jeune financier n'a qu'une obsession, traverser New-York dans sa limousine pour aller chez son coiffeur. Son garde du corps cherche à l'en dissuader, le Président des Etats Unis présent ce jour là, Manhattan n'est qu'un magnifique embouteillage, la traversée par les rues interdites à la circulation et les diverses manifestations semble impossible. Impassible le trader s'enferme dans sa limousine où il semble totalement coupé du monde, il reçoit à tour de rôles conseiller, maitresse, épouse avec qui le mariage récent semble déjà mort ou son médecin pour son Chek Up quotidien... La limousine est prise d'assaut par des manifestants, les panneaux publicitaires de Time Square affichent l'incipit du manifeste du parti communiste de Karl Marx "Un spectre hante le monde: le capitalisme..." mais rien ne semble perturber Eric toujours fixé sur son objectif de départ, pourtant son garde du corps ne cesse de le mettre en garde sur un complot qui semble le viser... Nous apprenons qu'il s'est trompé sur son analyse du Yuan , erreur qui entraine sa faillite, il est enfermé dans sa bulle traversant New-York nous assistons à son éclatement...
Personnage froid, rempli de certitudes, surdoué des chiffres il pense avoir mis en place un système infaillible qui doit lui permettre d'avoir un coup d'avance... La chute est pour lui incompréhensible, nous le voyons avancer au pas dans New-york, fasciné par cette ville en effervescence, sublime passage où il baisse la vitre pour entendre la rumeur et ensuite la remonter et se renfermer dans le silence... Cet homme plonge vers son enfance car c'est son vieux coiffeur celui où son père l'emmenait qu'il veut revoir, avant de se confronter avec celui qui veut sa peau!

Métaphore d'un capitalisme de plus en plus abstrait qui semble créer sa propre perte,coupé des réalités du monde, Cosmopolis filme cette dichotomie entre le monde réel et celui de la finance. Cronenberg signe une fable captivante d'une noirceur totale, un grand film sur la crise financière!

Sur la route - Walter Salles

En adaptant le roman de Jack Kerouac, Walter Salles se lance dans un défi que personne jusqu'ici n'est arrivé à relever. Des projets il y en a eu plusieurs, aucun n'est arrivé à son terme...
Reconnaissons tout de suite un casting sans faille, car c'est assurément le seul mérite de ce film qui se révèle être une déception, et sans le charisme de Garett Hedlund parfait en Dean Moriarty et de Kristen Stewart en Marylou, il eut été une "purge". La route fut longue, nous avons suivi sans passion les pérégrinations de Sal Paradise inspiré par sa rencontre avec Dan Moriarty qui joue le rôle de compagnon et de muse ici... Cette rencontre peu après le décès de son père le pousse à réaliser ses rêves de voyages et de grands espaces, de vivre librement, d'aimer, de boire, de fumer de la Marijuana ou d'ingurgiter des amphétamines. Entre ces périodes de voyage, Sal retourne se réfugier dans la petite chambre qu'il a gardé chez sa mère à New-York...  De l'Amérique nous en voyons finalement peu , ici ou là quand l'écrivain voyageur trouve des boulots de saisonnier pour remplir son portefeuille à sec...
Ce qui nous pose problème ici c'est le coté convenu et formaté du film qui donne une impression de reconstitution très "vintage" des années d’après-guerre.  L'écriture de Kerouac inspirée par le jazz bebop laissait libre cours à l'improvisation où la liberté était avant tout  une affaire de forme, l'inspiration académique du cinéaste est à ce titre  une trahison. Terrible contraste lorsque des passages du roman sont lus, la poésie est dans les mots, la platitude est à l'écran...

Tramp - Sharon Van Etten


Tramp troisième album de Sharon Van Etten, originaire du New Jersey, est une petite merveille. Après une séparation , elle s'est lancée dans la chanson avec une simple guitare pour accompagnement, sa déception sentimentale  fut  sa source d'inspirtation. Ce nouvel opus voit son registre s'enrichir. Entre rock et folk, son dernier album produit par le guitariste Bryce Dessner de The National , est rempli de sensibilité, il s'écoute en boucle. Nous vous laissons découvrir Sharon Van Etten qui par certains cotés n'est pas sans nous rappeler l'immense Cat Power. 

Un mini concert acoustique, cliquez ici

samedi 26 mai 2012

La Quermesse de Menetreux - La compagnie O.P.U.S

C'était le bouquet final ce soir. 2H30 de spectacle de rue avec la Quermesse de Menetreux, installée dans une cour d'école. Des objets improbables, tout l'univers singulier venu de l'imaginaire d'un petit village du fin fond du Jura pour animer les 12 stands... Esprit de fête qui se termine avec un étonnant lancer de frigo, un feu d'artifice un peu pitoyable, l'inévitable bagarre et la traditionnelle tombola. Evidemment tout se termine en chanson !
Un grand moment de bonne humeur, un sommet du théâtre de rue !

Les Chaussons Rouges - Michael Powell & Emeric Pressburger

Les chaussons rouges est le titre du nouveau ballet créé par Boris Lermontov qui dirige une compagnie à son nom. Inspiré par un conte de Andersen, une danseuse porte des chaussons rouges qu'elle ne peut plus quitter et l'obligent à danser jusqu'à la mort.
Danser et uniquement danser c'est ce qu'attend Lermontov de ses danseuses, une exclusivité totale de leur part, et le mariage de sa soliste Irina Boronskaja entraine immédiatement son départ. Ce vide lui permet de lancer Victoria Page une danseuse inconnue à la chevelure d'un roux flamboyant qui fait merveille dans ce nouveau ballet, elle triomphe!
Mais elle finit par tomber amoureuse du prometteur musicien Julian Craster qui a composé le livret du ballet. Dés qu'il découvre cette liaison Boris Lermontov est furieux, emporté par sa jalousie il se sépare du musicien. Victoria choisit de le suivre, elle quitte le ballet... Le directeur espère son retour, certain que son amour du ballet est le  plus fort . Quand il apprend le passage à Monaco de son ancienne danseuse, il part à sa rencontre pour la convaincre de regagner la troupe... Victoria saura-t-elle choisir entre ses deux passions?

Assurément le titre le plus connu du duo britannique, un film  d'un total romanesque  où la réalité se mêle parfaitement au conte... La représentation du ballet est absolument extraordinaire, c'est assurément un très grand moment de cinéma, un sommet. Mais au delà de l'aspect flamboyant servi par un technicolor d'une qualité incroyable,  le duo Powell-Pressburger a assurément un temps d'avance sur leurs collègues cinéastes, le film est d'une noirceur totale. Boris Lermontov personnage méphistophélique cache derrière un raffinement certain une âme sombre dévorée par la jalousie.

Fabuleux film, qui quitte cette semaine l'affiche de la filmothèque du Quartier latin, il était temps pour nous de le découvrir sur grand écran!

vendredi 25 mai 2012

Y revenir - Dominique Ané

Dominique Ané est plus connu sous le nom de Dominique A, il est assurément à l'heure actuelle le plus grand chanteur de langue française. Au vu de ces textes poétiques, nous ne doutions pas un instant que son ouvrage  nourri de souvenirs d'enfance ne serait autre chose qu'un objet littéraire. Il ne ressemble en rien aux  ouvrages de ses collègues à moindre talent qui inondent régulièrement les têtes de gondole.
Dominique Ané nous l'avions toujours cru nantais,  l'erreur n'était pas totalement de notre le fait, tant le chanteur n'a rien fait pour démentir cette légende. C'est à Provins que Dominique a grandi:
"La première image qui me vient: une allée qui conduit à une pente terreuse, où je m'embourbe quand il pleut, et il pleut souvent ici. Des ruines de remparts délimitent, un décor gothique que je côtoie tous les jours sans y prêter attention, accaparé par l'effort. Car la pente est raide, et arrivé en haut , je suis en nage ,même en hiver."
C'est un regard d'une douce mélancolie sur ses jeunes années passées à Provins que vient poser Dominique A. Ville de tous les conservatismes où il ne sent pas à son aise. Il y grandit entre son père enseignant et sa mère qui garde le foyer; enfant atypique il finit par se construire un petit cercle qui partage un même goût pour la musique... Partir  à Nantes au moment de l'adolescence est vécu comme une libération, pour autant c'est bien à Provins que Dominique A eut ses premières vibrations de chanteur. Il finit par retourner dans cette ville  retrouver les traces du passé car c'est ainsi que l'on va à Provins. Il finit même par se produire sur scène, et chanter les deux sublimes textes consacrés à cette terre: Rue des marais, Les terres brunes...

Provins est une ville que nous connaissons et que nous n'aimons pas, nous avons très peu de goût pour ces villes musées qui vivent recroquevillées sur leur passé faisant des temps anciens leur fonds de commerce, se glorifiant de pseudo fêtes médiévales...Provins après avoir été dirigée par Alain Peyreffite, a le bonheur d'être dirigé par Christian Jacob. Provins, ville réactionnaire? Assurément et définitivement !

Nous avons aimé ce premier livre de Dominique Ané, un livre où il se réconcilie avec ses jeunes années  nous espérons une récidive !

mercredi 23 mai 2012

Les dangers du fromage - La compagnie O.P.U.S

S'attaquer aux dangers du fromage dans notre cher pays, c'est un peu comme les Sex Pistols reprenant God Save The Queen en Angleterre, une provocation... Citant Alain Bompart* "Le fromage est au terrien ce que le naufrage est au marin", M Grappin, vacataire à l'observatoire des risques alimentaires expose à l'aide d'un ancestral appareil à diapositives toutes les menaces pesant sur nous.  "Le Fromage au lait cru est comme une hydre sournoise et l'épicentre de sa dangerosité se tapit sous la mamelle de chaque vache". Il n'a  peur de rien notre conférencier nous promettant surcharge pondérale, attaques bactériologiques et bien d'autres malheurs...Étonnamment le public rit, personne ne tremble, il n'y aurait qu'un commissaire européen pour prendre au sérieux ces menaces.
Il finit même par emporter une adhésion totale en attaquant dans la partie finale notre voisin suisse, concurrent sur le marché des produits fromagers, dont Jean Luc Godard traduisait ainsi le drapeau national "sur le sang des autres, je fais une croix". 
Définitivement, le succès est garanti !

*Nous ne garantissons pas la véracité de la citation de Alain Bompard, nous avons un énorme doute à vrai dire


mardi 22 mai 2012

Du coté de chez Malaparte - Raymond Guerin

"Venez, m'avait écrit Malaparte.
C'est l'hiver qu'il faut voir Capri. L'été, l'ile est envahie par toute la saleté de Rome et de Naples. Venez donc, vous passerez chez moi des jours formidables et vous pourrez travailler en toute tranquillité. "

Ainsi durant trois semaines Raymond Guérin et son épouse Sonia partent passer trois semaines dans la maison de Malaparte, celle là même où plus tard  fut tourné en partie "le mépris" de Jean-Luc Godard.  

Occasion pour lui de nous offrir un portrait intime de l'auteur de Kapput et de La peau alors qu'il est en pleine préparation du film Le Christ interdit.
 Une vie tumultueuse, engagé volontaire dans l'armée française dés 1914 trichant sur son âge alors qu'il n'a que seize ans, Malaparte est blessé aux poumons au chemin des dames.
Il s'engage dans le parti fasciste dés 1920, mais il finit par dénoncer  les dérives autoritaires de Mussolini, et la montée au pouvoir d'Adolf Hitler dans le livre "Technique d'un coup d'Etat" qui lui vaut d'être placé en résidence surveillée. Durant la seconde guerre mondiale il part sur le front de l'est comme correspondant de guerre, ses articles déplaisent aux nazis qui le placent  nouveau  en résidence surveillée, il arrive néanmoins à sauver ses articles qui feront le corps de son ouvrage Kapput, il rompt définitivement avec le fascisme. Il participe à la libération de son pays !
Si Raymond Guérin ne vient pas nous donner des clés pour comprendre ce personnage plein de contradictions, il nous en montre son coté attachant, celui d'un être plein de charmes qui fascine, qui n'a jamais renoncé à sa liberté, c'est peut être ça la clé de Malaparte, c'est un homme libre!
Aux textes sont joints des photos de ce séjour... Ils parlent de tout, de leur jeunesse, de leur travail d'écrivain, des femmes... Passionnante rencontre !

lundi 21 mai 2012

De Rouille et d'os - Jacques Audiard

Ali débarque avec son fils Sam sans un sou à Antibes chez sa sœur. Son physique impressionnant malgré sa personnalité frustre lui permet de trouver un emploi de "videur" dans une discothèque. Lors d'une bagarre il croise Stéphanie, il raccompagne la jeune fille blessée à son domicile où l'attend son amoureux, il lui laisse néanmoins son numéro de téléphone. Tout semble opposer ces deux êtres.
Stéphanie est dresseuse d'orques au Marineland, suite à accident elle perd ses deux jambes. Seule, abandonnée par son amoureux, elle reprend contact avec Ali. Il va lui venir en aide sans compassion, il la pousse à sortir, à aller se baigner dans la mer, il lui fait redécouvrir des plaisirs de la vie. Elle va jusqu'à le suivre sur les lieux de combats clandestins où tous les coups sont permis, c'est violent, mais pour Ali c'est une source de revenu substantiel... Finissant par causer de leur vie intime, Ali propose sans détour à Stéphanie de baiser pour voir si tout fonctionne pour elle, proposition qu'elle finit par accepter... Ali semble se contenter de cette relation et garde toujours une distance avec Stéphanie, il semble incapable de sentiments, une vraie brute. 
Ali a rendu Stéphanie à la vie, elle va chercher à son tour à l'ouvrir à la vie, mais cet homme là semble plus coriace à dresser que les orques... La glace est difficile à briser !

C'est avec un sentiment mitigé que nous avons quitté la salle, comme une impression de montagnes russes, une première partie longue à se mettre en place avant d'atteindre le sublime, pour trainer un petit peu sur le fin. Un duo d'acteur remarquable, Marion Cotillard est particulièrement convaincante, nous pourrions dire que c'est ici sa meilleure prestation depuis "comment je me suis disputé ma vie sexuelle" de Arnaud Desplechin. Matthias Schoenaerts qui nous avait déjà fait forte impression dans le remarquable Bullhead est extraordinaire mais nous nous inquiétons pour lui de le voir s'enfermer dans ce type de rôle et nous aimerions le voir rapidement dans un autre registre pour mesurer toute la palette de son jeu. Car nous n'en doutons pas cet homme est rempli de talent. Jacques Audiard impressionne sur sa façon de filmer les corps meurtris qui sont  un élément essentiel de ce film, il colle à ses personnages, il est toujours au plus prés, mais cette manière systématique de filmer finit par user comme si l'auteur devenait sa propre caricature... Impression étonnante de sortir sans enthousiasme d'une salle de cinéma tout en étant convaincus d'avoir vu un film important !
Nous n'avons toujours pas vu intouchables mais c'est peut être ici que nous tenons le grand film sur le handicap...

Margin Call - J.C Chandor

Exercice de la finance pourrions nous écrire  tant le film de J.C Chandor  qui nous plonge dans ce milieu au cœur de Wall Street nous rappelle l'Exercice de l'Etat, description de la vie interne d'un cabinet ministériel. Comme le film de Pierre Scholler, tout commence par une crise, ici elle est sociale c'est un plan de licenciement d'une grande  brutalité  qui se déroule sous nos yeux. Une petite tape sur l'épaule de l'employé assis à son bureau pour convocation,  un protocole d'accord proposé, pas vraiment d'alternative à moins de vouloir engager le combat contre un bataillon d'avocat, et cinq minutes plus tard le licencié se retrouve sur le trottoir avec un carton sur les bras contenant ses effets personnels. Que vous ayez 10, 20 ou 30 ans de carrière, le sort est le même. C'est brutal, c'est l'Amérique!
On explique aux survivants que si ils sont là c'est parce qu'ils sont les meilleurs... le boulot reprend. Le soir venu alors que ses collègues sont partis hantés les bars de Manhattan un des employés particulièrement consencieux regarde une clé USB que lui a remis son ancien supérieur  avant de se retrouver sur le trottoir avec son petit carton... Il découvre le désastre, la boite est menacée par les actifs qu'elle détient, il déclenche l'alarme une réunion de crise s'organise avec tous les chefs au cœur de la nuit... Le dilemme est simple vendre tous les actifs sous 24 heures  pour sauver les meubles en prenant le risque de déclencher une crise beaucoup plus violente qui fera assurément des dégâts humains ou tout perdre... John Tuld, le Big Boss n'hésite pas une demi seconde, il demande à Sam Rogers d’exécuter la vente. Celui ci, plus sensible que son patron (le matin même il pleurait la maladie de son chien, pas le départ de ses collègues tout de même), exécute l'ordre qui lui est donné mais avec mauvaise conscience...
Eric Rheinardt dans son roman "Cendrillon" avait déjà longuement écrit sur les dangers des produits financiers et le monde des traders, décrivant avec prémonition les phénomènes de crises. Un monde sans pitié que celui des traders venus d'horizons différents, ils ont tous en commun d'être des surdoués en mathématiques, d'aimer l'argent et  les décharges d'adrénaline, ils vivent dans un monde virtuel où l'humain a peu de place. Si chez certains on entrevoit la carapace se fendre, très vite le besoin d'argent reprend le dessus.
C'est un film passionnant, captivant voire effrayant, ces gens travaillent sur des produits dérivés qui n'ont finalement pas grand chose à voir avec le monde concret de la vie économique, ils financent sur du vide, et si des vies s'écroulent par leur faute cela ne semble pas les atteindre... Kevin Spacey, Paul Bettany, Jeremy Irons, Demi Moore...  ils sont tous parfaits dans ce grand  film.

dimanche 20 mai 2012

Moonrise Kingdom - Wes Anderson

L'enfance n'est pas toujours un age doré, pour certains cette période de la vie peut être un véritable enfer. Le cinéma français a souvent traité ce sujet, il nous vient immédiatement à l'esprit les 400 coups de François Truffaut ou l'enfance nue de Maurice Pialat. Le film de Wes Anderson aborde ce thème grave de main de maître .... 
Sur une île proche de la Nouvelle Angleterre, Sam enfant atypique, orphelin élevé par une famille d'accueil fait partie d'un camp scout où il ne s'est jamais vraiment adapté, toujours à l'écart, il est la tête de turc du groupe, il choisit de se faire la belle suivant un plan qu'il a finement concocté depuis un an avec la jolie Suzy... Dès leur première rencontre lors d'une soirée théâtre, il a tout de suite reconnu en elle une jeune solitaire qui grandit à l'écart des autres. Les deux jeunes maudits correspondent en secret et planifient leurs retrouvailles. Leur fugue met en émoi les autorités de l'ile, tous se lancent à leur recherche alors que notre duo s'est installé au calme dans une crique et découvre les doux émois des premiers baisers...
 Merveilleux film au ton léger, rien n 'est laissé au hasard chaque plan est millimétré, la bande son est particulièrement soignée, c'est un enchantement permanent, une douce comédie qui ne sombre jamais dans la mièvrerie,  au contraire il  montre toute la détermination de ce jeune duo, prêt à se jeter dans le vide s'ils ne sont pas enfin entendus par les adultes. Les acteurs sont parfaits, Bruce Willis, Bill Murray aucun ne cède au cabotinage, ils laissent toute leur place aux jeunes acteurs... Wes Anderson est un grand auteur !

Film vu au MK2 Odéon

Contrebande - Baltasar Kormakur

C'est une histoire assez classique d'un bandit rangé des affaires qui doit replonger pour un dernier coup... Chris Farraday, contrebandier mythique surnommé Houdini pour sa capacité à passer à travers les mailles des douaniers, s'est rangé, ne voulant pas connaitre le destin de son père qui végète en prison. Il dirige depuis une entreprise de système de sécurité menant une vie de famille tranquille avec son épouse et ses deux enfants. Tout s'écroule par la faute de son beau-frère qui a voulu marcher sur ses traces.Ce dernier n'a pas son talent et il panique lorsque débarque la douane sur son bateau, et balance sa cargaison de coke par dessus bord. Les commanditaires sont terriblement fâchés par ce désagrément, ils menacent la famille de Chris Farraday, il n'a plus le choix il doit réaliser un dernier coup pour sauver son beau frère, protéger sa famille et dédommager les trafiquants... Il part pour Panama pour une opération qui s'annonce très compliquée. Malin et peut être cinéphile pour passer entre les mailles des douanes, il utilise un truc déjà vu dans il était une fois l’Amérique de Sergio Leone...
C'est un film de genre, un thriller haletant mené de main de maître par le cinéaste islandais Baltasar Kormakur, Mark Wajlberg omniprésent est particulièrement impressionnant. Nous pourrions arguer que les rôles des méchants sont particulièrement caricaturaux mais nous ne boudons pas notre plaisir devant ce film d'action qui a nous tenus en haleine et nous a permis d'aller faire un tour du coté du Panama qui ne nous semble pas être une destination de rêve !

Film vu au MK2 Odéon.

A wasteland companion - M Ward

M Ward est connu pour être le monsieur du duo magique "She & Him" qu'il compose avec Zooey Deschanel, mais il est surtout un des plus grands songwriters de musque américaine. Dans un entretien donné aux Inrockuptibles, il explique joliment la genèse de son dernier album:

J’ai composé ce disque sur la route. C’était la première fois que je quittais mon studio de Portland pour me mettre ainsi en danger. Je voulais un recueil de chansons qui sauraient chacune ressusciter des moments de cette période. Je pense que les chansons sont plus fortes encore que les photographies pour ça, qu’elles racontent et réveillent mieux que toutes les autres formes d’art ce qui a existé. Chacun a déjà expérimenté cette puissance : un morceau arrive à vos oreilles et soudain, c’est un moment très précis de votre existence qui ressurgit dans toute son exactitude. Comme avec un parfum.

A wasteland companion est une merveille, c'est notre album de la semaine.

samedi 19 mai 2012

La ménagerie mécanique de la compagnie O.P.U.S


(Photo copyright  Reynaud-Delage)

Nous sommes allés assister à une nouvelle conférence du conservatoire des curiosités mené par Pascal Rome et l'incomparable Mademoiselle Morot. Conservatoire qui aime à repérer tous ces héritiers du facteur Cheval, ces créateurs anonymes portés par une passion, un élan... Le héros du jour c'est André Durupt qui a laissé en donation son extraordinaire ménagerie mécanique . Inspiré par "les curiosités Vidal" une ménagerie itinérante d'animaux exotiques et savants des années 50, Andre Durupt s'est lancé dans la construction de mobiles motorisés pour nous proposer une série d'animaux exotiques plus ou moins improbables. Ces dernier mots seront:
“L’homme n’invente rien… Il ne fait que découvrir quelque chose qui existe déjà et il le transforme, pour en faire autre chose, pour lui donner une valeur, que ce soit scientifique ou tout ce que vous voulez. Tout est mis à notre disposition, voyez-vous ! ” (André Durupt)

Comme à chaque fois nous retrouvons un spectacle rempli de poésie, de drôlerie, un hommage à tous les iconoclastes de nos provinces qui sont facilement catalogués comme "dingo" par le commun des mortels.  Une leçon d'humanité!

Arsenic et vieilles dentelles - Frank Capra

Juste avant de partir en voyage  de noces, Mortimer Brewster,célèbre critique dramatique  vient informer ses tantes de son mariage avec Elaine, la fille de leur voisin, le pasteur Harper. Mais le malheureux Mortimer a l'idée saugrenue d'ouvrir le coffre où repose un cadavre dont les vieilles dames assument immédiatement la responsabilité ainsi que la présence de onze corps  déjà enterrés dans la cave. Par charité chrétienne assurément, elles ont décidé   d'abréger la vie des personnes âgées qui n'ont pas de famille. Non content de découvrir que ces deux adorables tantes sont des serial killer, il doit gérer ses deux frères, l'un complétement allumé se prend pour le président Théodore Roosevelt, l'autre,portait craché de Frankestein mène une vie de meurtrier, et a la bonne idée de revenir au bercail familial quelque peu en émoi ce jour là,  accompagné de l'inquiétant Docteur Einstein , et d'un cadavre à enterrer... Mortimer Brewster n'est pas encore parti en voyage avec sa belle dulcinée...

Adaptant une pièce de théâtre, Frank Capra réussit la prouesse de tenir  un huis clos.Deux heures durant, le film repose quasi intégralement sur les épaules de Cary Grant qui en fait des tonnes, il n' a pas peur de cabotiner et ça passe, c'est un miracle. L'arrivée du frère, interprété par Raymond Massey excellent en copie conforme de Boris Karloff,  donne un deuxième souffle nécessaire au film. Frank Capra profite de la présence de Peter Lorre pour faire des clins d’œil au cinéma expressionniste allemand dans des plans du muet reposant sur un jeu d'ombres et de lumières... Nous pourrions reprocher à Priscilla Lane déjà vue dans "la cinquième colonne" d' Alfred Hitchcok de ne pas avoir la présence d'une Jean Arthur, mais le rôle n'est finalement que secondaire.

Ce n'est pas le film le plus passionnant de Frank Capra. Moins personnel que d'autres chefs d’œuvre, celui ci relève plutôt d'un exercice de style mais ne boudons pas notre plaisir, c'est une excellente comédie qui  se laisse toujours voir avec un immense plaisir!

Vu à la filmothèque du quartier latin

vendredi 18 mai 2012

Le collier de nouilles de la compagnie O.P.U.S

Nous sommes aller assister à une nouvelle conférence de la compagnie O.P.U.S tenue par Mlle Morot assistée de Kevin un emploi "consolidé", nous reprendrons ici les termes exactes de la présentation:
"Au cours de cette conphérence singulière, nous tenterons d'aborder de façon amusée  les responsabilités éducatives des uns et des autres, nous constaterons ensemble les limites de la créativité en milieu scolaire, réfléchirons à la valeur des preuves d'amour et célèbrerons une fois de plus la poésie brute des imaginaires extravagants."

C'est une conférence d'une totale drôlerie qui parle à chacun  puisque nous avons eu tous à exécuter des cadeaux de la fête des mères durant notre scolarité. Mademoiselle Morot, dans sa tenue de vieille fille réalise une performance de haut vol, elle est d'une justesse absolue. Mais c'est aussi du théâtre d'objets et quels objets! Notamment un crane, réalisé en nouilles par un enfant de Bourgogne qui avait quelques antagonismes à régler avec sa mère.
Une fois la conférence terminée, nous visitons, toujours conduits par Melle Morot,  l'exposition consacrée à l’œuvre de Jean Luc Feretti , une impressionnante  collection d'objets en nouilles, tous offerts pour la fête des mères. Habitant l'île de Molene au large du Finistère, le fils qui souffre de l'absence de son père , marin italien  de passage s'est lancé avec frénésie dans la confection d'objets en pâtes... la plus belle pièce est assurément  un magnifique cercueil  prévu pour les obsèques de sa mère !

C'est un monde extraordinaire dans lequel nous invite à chaque fois la compagnie, curieux de tous ces modestes bâtisseurs, ils proposent un monde finalement plein de poésie, ceux des doux rêveurs, nous sommes quelque part ici dans l'esprit de Frank Capra et de la merveilleuse famille Sycamore de vous ne l'emporterez pas avec vous.

La compagnie O.P.U.S présente des spectacles jusqu'à la fin du mois pour en savoir plus, cliquez ici

La vie est belle - Frank Capra

George Bailey ne quitta jamais sa ville de Bedford Falls, alors qu'enfant il était connu dans toute la ville pour ses rêves de grand voyageur....  Au moment même où il doit partir à la découverte du monde, son père dirigeant  une banque qui finance le logement pour les plus démunis meurt d'une crise cardiaque. Pris au piège, George ne peut refuser de reprendre le poste et éviter la faillite promise depuis toujours par leur puissant concurrent, le sinistre Potter ... 
L’égoïsme est un sentiment qui n'existe pas chez les Bailey, George renonce à tous ses projets et devient le bienfaiteur de la ville...Pour autant il n'a pas tout perdu, Mary une jeune fille amoureuse de lui depuis son plus jeune age devient son épouse  et se lie à sa cause le jour même de leur union donnant l'argent qui doit financer le voyage de noces pour sauver la banque du krach ... 
George et Marie ont quatre enfants, ils s'installent dans une veille maison à forte valeur romantique... Mais un soir de Noël, l'oncle de George perd le dépôt de 8000 dollars qu'il doit effectuer, tout s'écroule la banqueroute est inévitable, c'est la prison qui s'annonce pour George. Désespéré, il s’apprête à se jeter d'un pont et c'est là qu'intervient l'ange le plus improbable de l'histoire du cinéma...

Un sommet d'humanité, on rit, on pleure, c'est du grand cinéma. Ce film est un pur émerveillement, on ne se lasse pas de le revoir, on attend avec impatience la scène du charleston qui se termine dans la piscine, on tremble quand George se fâche avec Mary avant de la serrer dans ses bras, on a envie de croire aux anges surtout à ceux qui n'ont pas d'ailes, on craque devant la petite zuzu ! God Bless Frank Capra !

Vu à la Filmothèque du quartier latin

jeudi 17 mai 2012

Miss Bala - Gerardo Naranjo

"Quand j'étais jeune, je pouvais sortir dans les cafés et les cabarets de Mexico jusqu'à trois heures du matin et rentrer tranquillement chez moi à pied. Aujourd'hui, je ne me risque même plus à m'aventurer tout seul au-delà du coin de la rue. Il nous faut inventer d'urgence une modernité mexicaine où fonctionnent la loi et la justice. Mais ça va nous demander beaucoup de temps et de travail. Je ne serai plus là pour en voir le résultat."
Ainsi se confiait Carlos Fuentes au magazine lire lors de sa venue au salon du livre en 2009.

C'est ce Mexique confronté à la violence qu'est venu nous raconter Gerardo Naranjo à travers le destin terrible d'une jeune fille Laura Guerrero embarquée malgré elle, dans une aventure maffieuse alors qu'elle voulait juste prendre part à un concours de beauté.
Kidnappée parce qu'elle a été témoin d'une fusillade, elle n'a pas d'autres choix notamment pour protéger sa famille que de mener des opérations pour les maffieux. Elle se retrouve  au milieu d'un déchainement de violence, de règlements de comptes où les voyous n'ont aucune crainte, n'hésitant même pas à mener l'assaut contre les forces de police, à exécuter froidement.
Thriller politique qui dénonce la situation de l'Etat mexicain métastasé par la corruption, les narco-trafiquants ne reculent devant rien, ils ont infiltré tous les services de la fonction publique, ils semblent les mieux armés pour mener le combat.
A travers ce personnage de Laura Guerrero il est difficile de pas avoir une pensée pour Florence Cassez retenue derrière les barreaux alors que la procédure qui l'a mise en accusation ne tient pas la route une demi seconde, on retrouve dans cette affaire tous les éléments montrés dans le film de Gerardo Naranjo.
Film noir et sombre, nous avons été happés par ce thriller d'une remarquable tenue , mais désespérés pour l'avenir de ce pays où tous les jours des enfants, des femmes meurent sous les balles. Un désespérant "No Future".

Un film à voir !

Film vu au MK2 Odeon

Dark Shadows - Tim Burton

Pas évident de venir parler du dernier film de Tim Burton inspiré d'une série de la ABC de la fin des années 60 tant il n'en reste rien une fois le générique de fin terminé. Notre plus grand plaisir fut de retrouver Michelle Pfeiffer que nous n'avions pas vue depuis des années, le visage toujours étonnamment frais et juvénile, elle tient bien la route la petite dame. Reconnaissons lui tout de même une certaine tenue au cinéaste américain, lorsqu'il fait évader le vampire "Barnabas Collins" enfermé depuis deux cents ans dans son cercueil, il n'est pas loin de nous ressortir les blagues éculées "des visiteurs" de Jean-Marie Poirée mais il le fait ici avec un peu plus d’élégance.
Pourtant nous n'étions pas loin d'être convaincus par les premiers plans menant une jeune fille, Victoria Winters de New-York au manoir de la famille Collins où elle doit prendre son poste de préceptrice d'un jeune garçon quelque peu perturbé par la mort accidentelle de sa mère. Admirablement interprétée par Bella Heathcote, il ne fait finalement pas grand chose de ce personnage qui nous apparaissait être le plus intéressant du film...
Au delà de la vacuité du scénario, nous avons été quelque peu étonnés par la faiblesse de certains passages, nous pensons notamment à la séquence de remise en état du manoir qui nous est apparue d'une totale laideur... nous ne nous étendrons pas sur l'humour potache qui nous a fait comprendre que nous avons définitivement passé l'âge de nous amuser des blagues des cours d'école... il n'y a plus de poésie chez Tim Burton!

Michelle Pfeiffer va bien, Tim Burton semble un petit peu fatigué !

Film vu à l'UGC Danton

mercredi 16 mai 2012

La lettre de Jean Jaurès aux instituteurs

L'éducation nationale est redevenue la priorité de la nation,  nous retranscrivons la magnifique lettre de Jean Jaurès que nous préférons à Jules Ferry écrite aux Instituteurs et aux institutrices du 15 janvier 1988.

Jean Jaurès - Lettre aux instituteurs et institutrices ( La Dépêche de Toulouse, 15 janvier 1888.)

Vous tenez en vos mains l'intelligence et l'âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie.
Les enfants qui vous sont confiés n'auront pas seulement à écrire, à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d'une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont Français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu'est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin ils seront hommes, et il faut qu'ils aient une idée de l'homme, il faut qu'ils sachent quelle est la racine de nos misères : l'égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur : la fermeté unie à la tendresse. Il faut qu'ils puissent se représenter à grands traits l'espèce humaine domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de l'instinct, et qu'ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre extraordinaire qui s'appelle la civilisation. Il faut leur montrer la grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de l'âme en éveillant en eux le sentiment de l'infini qui est notre joie, et aussi notre force, car c'est par lui que nous triompherons du mal, de l'obscurité et de la mort.
Eh ! Quoi ? Tout cela à des enfants ! - Oui, tout cela, si vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler... J'entends dire : « À quoi bon exiger tant de l'école ? Est-ce que la vie elle-même n'est pas une grande institutrice ? Est-ce que, par exemple, au contact d'une démocratie ardente, l'enfant devenu adulte, ne comprendra pas de lui-même les idées de travail, d'égalité, de justice, de dignité humaine qui sont la démocratie elle-même ? » - Je le veux bien, quoiqu'il y ait encore dans notre société, qu'on dit agitée, bien des épaisseurs dormantes où croupissent les esprits. Mais autre chose est de faire, tout d'abord, amitié avec la démocratie par l'intelligence ou par la passion. La vie peut mêler, dans l'âme de l'homme, à l'idée de justice tardivement éveillée, une saveur amère d'orgueil blessé ou de misère subie, un ressentiment ou une souffrance. Pourquoi ne pas offrir la justice à nos coeurs tout neufs ? Il faut que toutes nos idées soient comme imprégnées d'enfance, c'est-à-dire de générosité pure et de sérénité.
Comment donnerez-vous à l'école primaire l'éducation si haute que j'ai indiquée ? Il y a deux moyens. Tout d'abord que vous appreniez aux enfants à lire avec une facilité absolue, de telle sorte qu'ils ne puissent plus l'oublier de la vie, et que dans n'importe quel livre leur œil ne s'arrête à aucun obstacle. Savoir lire vraiment sans hésitation, comme nous lisons vous et moi, c'est la clef de tout....Sachant bien lire, l'écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée très haute de l'histoire de l'espèce humaine, de la structure du monde, de l'histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la France dans l'humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail de l'esprit ; il n'est pas nécessaire qu'il dise beaucoup, qu'il fasse de longues leçons ; il suffit que tous les détails qu'il leur donnera concourent nettement à un tableau d'ensemble.
De ce que l'on sait de l'homme primitif à l'homme d'aujourd'hui, quelle prodigieuse transformation! Et comme il est aisé à l'instituteur, en quelques traits, de faire, sentir à l'enfant l'effort inouï de la pensée humaine! Seulement, pour cela, il faut que le maître lui-même soit tout pénétré de ce qu'il enseigne. Il ne faut pas qu'il récite le soir ce qu'il a appris le matin ; il faut, par exemple, qu'il se soit fait en silence une idée claire du ciel, du mouvement des astres ; il faut qu'il se soit émerveillé tout bas de l'esprit humain qui, trompé par les yeux, a pris tout d'abord le ciel pour une voûte solide et basse, puis a deviné l'infini de l'espace et a suivi dans cet infini la route précise des planètes et des soleils ; alors, et alors seulement, lorsque par la lecture solitaire et la méditation, il sera tout plein d'une grande idée et tout éclairé intérieurement, il communiquera sans peine aux enfants, à la première occasion, la lumière et l'émotion de son esprit. Ah ! Sans doute, avec la fatigue écrasante de l'école, il est malaisé de vous ressaisir ; mais il suffit d'une demi-heure par jour pour maintenir la pensée à sa hauteur et pour ne pas verser dans l'ornière du métier. Vous serez plus que payés de votre peine, car vous sentirez la vie de l'intelligence s'éveiller autour de vous.
Il ne faut pas croire que ce soit proportionner l'enseignement aux enfants que de le rapetisser. Les enfants ont une curiosité illimitée, et vous pouvez tout doucement les mener au bout du monde. Il y a un fait que les philosophes expliquent différemment suivant les systèmes, mais qui est indéniable : « Les enfants ont en eux des germes de commencements d'idées. » Voyez avec quelle facilité ils distinguent le bien du mal, touchant ainsi aux deux pôles du monde ; leur âme recèle des trésors à fleur de terre ; il suffit de gratter un peu pour les mettre à jour. Il ne faut donc pas craindre de leur parler avec sérieux, simplicité et grandeur.
Je dis donc aux maîtres pour me résumer : lorsque d'une part vous aurez appris aux enfants à lire à fond, et lorsque, d'autre part, en quelques causeries familières et graves, vous leur aurez parlé des grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine, vous aurez fait sans peine en quelques années œuvre complète d'éducateurs. Dans chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses changeront.

mardi 15 mai 2012

Le petit répertoire de la Compagnie O.P.U.S

 Rien ne ressemble à l'univers singulier de la compagnie O.P.U.S (Office des Phabricants d'Univers Singuliers) mélange d'arts plastiques et de théâtre, un univers de rire, de poésie, de burlesque ... La compagnie avait donc logiquement toute sa place au théâtre Jean Arp, scène conventionnée pour le théâtre d'objets et de la marionnette qui lui ouvre sa scène pour ce mois de Mai. La compagnie reprend l'ensemble de ses spectacles, c'est un événement !

Ce soir nous avons assisté à une représentation du " petit répertoire", vous montez sur le plateau  et là, vous vous retrouvez dans une salle de musée "le conservatoire des curiosités" qui fait la part belle à des objets insolites, inventés par des bricoleurs imaginatifs, inspirés surement par le concours Lépine de la foire de Paris. Visite commentée par  Mr Bourdet spécialiste de l'anthropologie de la bricole aidé du taiseux M Chon.Ils nous décryptent ces objets improbables: le fauteuil chauffant fabriqué avec des fers à repasser,  un système de repassage d'une maison de retraite pour bas de pyjama , une machine à plier des chemises, une machine à ouvrir des bouteilles et à transformer une affreuse piquette en" vin honorable" (et nous avons eu le droit de le goûter), et beaucoup d'autres objets extraordinaires, un grand moment de burlesque... "Un hommage à la poétique du dérisoire", peut-on justement lire dans le document de programmation, une heure de total dépaysement...

Si vous avez l'occasion de passer par le théâtre Jean Arp au cours de ce mois de mai, n'hésitez pas à aller assister à un des spectacles de la compagnie O.P.U.S, nous vous garantissons un vrai moment de bonheur, un instant unique de théâtre d'objets... c'est absolument génial !

Pour en savoir plus, cliquez ici 
L'avis de France Inter, cliquez ici

Carlos Fuentes (11/11/1928 - 15/05/2012)

Avouons le, nous n'avons jamais lu de livres à ce jour de l'auteur mexicain Carlos Fuentes, nous avions toujours son nom inscrit dans un coin de la tête nous rappelant les extraits étudiés en classe d'espagnol. Pour autant, il nous apparait triste de voir une voix libre  disparaitre au moment où le Mexique semble plongé dans un processus de violence sans fin. Cette voix manquera assurément à ce pays en souffrance, au régime corrompu.

C'est une conscience qui s'éteint, ce n'est pas une bonne nouvelle pour le peuple mexicain. Nous lirons les livres de Carlos Fuentes !

lundi 14 mai 2012

Représailles - Raymond Guerin

Nous ignorions tout de l’œuvre de Raymond Guérin mais lors d'une émission radiophonique, Jean-Paul Kauffmann biographe passionné de l'écrivain bordelais nous a convaincu de partir à sa rencontre .
Représailles est le court journal tenu durant la période de la libération qui fait suite au temps de la sottise, Raymond Guérin libéré depuis quelques mois du stalag suit en spectateur joyeux la fuite des "barbares" de Périgueux en aout 44.
Prisonnier, ayant une vraie sympathie pour les communistes il a détesté dés le premier jour le Maréchal qu'il nomme "le grand baveux" ,ce qui lui valut dans un premier temps la désapprobation de ses camarades d'infortune. Pour autant de retour au pays, il ne s'est pas engagé dans la résistance par manque de contact et par la nécessité de prendre un temps de repos pour se refaire une santé. Il partage sa vie avec Sonia son épouse.
Le temps de l'euphorie passée, le diariste voit  avec dégout les résistants de  dernière minute se multipliaient, il est aisé de mettre au tour de son bras un bandeau FFI. Puis, il assiste aux procès bâclés de l'épuration, les tribunaux  deviennent un lieu de spectacles des villes de province;  il y découvre avec effroi que l'on a plus de chance de s'attirer l'indulgence du Jury si on passe après deux condamnés à mort que deux acquittés, Il n'est pas surpris par la lâcheté des collabos, pas un seul n'assume son passé, son engagement dans la sinistre milice ...

Bordeaux libéré, il peut retourner dans sa ville et retrouver avec horreur sa maison qui a été occupée par les nazis. Cette ville qu'il considère comme "la plus collaborationniste" le met mal à l'aise. Il est temps pour Raymond Guérin de retrouver sa place dans le monde littéraire mais il a perdu tous ses contacts, son statut de prisonnier de guerre est presque un boulet pour lui qui est resté à l'écart des évènements. Seul Jean Paulhan, connaissant ses convictions pacifistes d'avant guerre lui écrit pour connaitre l'attitude qu'il aurait pu adopter s'il n'avait pas été fait prisonnier. Se serait-il compromis ? Mais Guérin n'est pas Jean Giono:
 
"Pacifiste et antimilitariste, je le suis, plus que jamais. C'est bien pourquoi, quoi qu'il ait pu arriver, je n'aurai que pu être contre la barbarie. La barbarie c'est avant tout et surtout, la soldatesque, la police. Le parti-pris en faveur de l'opprimé contre l'oppresseur me préservera toujours des confusions possibles. Jean Paulhan avait raison de tenir compte de mon autonomie. On ne m'entame facilement.Ma rigueur est suffisamment connue. J'ai l'air comme ça de faire des risettes. Mais je suis plutôt coriace, quant à l'essentiel. Avant 39, j'ai pu pécher par indulgence en faveur de la barbarie. Je ne voulus pas croire , qu'elle fut telle qu'on la dépeignait. Depuis, j'ai vu l'hydre. J'ai souffert dans ses griffes. Je n'oublierai pas son visage".
 
Le journal s'ouvre sur un homme exalté "Se peut-il que je sois là , à ma table, écrivant tranquillement les premiers mots depuis plus de quatre ans, écrits dans la liberté?",  il se referme sur un homme désabusé "Vais-je enfin rétablir l'équilibre? Je n'ai même plus de désirs... Dormir, oublier, oublier..."

Un document rare sur cette époque trouble, un texte à lire ! Nous continuerons à découvrir les écrits de Raymond Guérin.

dimanche 13 mai 2012

La guerre des salamandres - Karel Capek

Jan Van Toch, capitaine alcoolique d'un navire hollandais Kandong Bandoeng , se dirige vers une petite ile inconnue Tana Masa où il espère trouver des perles pour satisfaire la demande de ses commanditaires: les bijoutiers juifs d'Amsterdam. Les autochtones refusent de partir à la pèche du fait de la présence de monstres sous marins... Le capitaine découvre une espèce inconnue de  salamandres de la taille d'un petit enfant, dotées de petites mains, elles viennent en aide au capitaine qui a su les approcher en lui ramenant les perles désirées... Il va jusqu'à leur donner des couteaux pour qu'elles puissent se défendre contre les requins
Travaillant sans relâche, se multipliant de manière exponentielle, les salamandres se révèlent une vraie source de richesse, les grandes nations vont chercher s'accaparer la force de travail de cette nouvelle espèce qui permet de connaitre une période de forte croissance économique... Elles développent leur intelligence, jusqu'à finir par se rebeller contre les humains en revendiquant de nouveaux espaces nécessaires à leur développement, la guerre semble inévitable...
Nous avons eu peur sur les premières pages où s'étale un long dialogue qui s’avère la partie la plus faible de l'ouvrage, mais très vite le récit prend le dessus et nous nous délectons de cette histoire extraordinaire. C'est extrêmement bien construit, d'une grande intelligence, pour autant Karel Capek ne se prend jamais au sérieux nous livrant à travers ce conte fantastique un ouvrage d'une grande drôlerie. Le ton est particulièrement caustique, les puissants de ce monde sont ridiculisés.

Il convient de dire un mot sur ce grand monsieur Karel Capek, connu pour être l'inventeur du mot "robot". Dans la guerre des salamandres, la charge contre les nazis est incontestable. Décédé quelques mois avant l'invasion de la Tchécoslovaquie, les nazis se vengèrent sur son frère qui mourut en camp de concentration.

Ce roman reste d'actualité, une réédition indispensable!

Babycall - Pal Sletaune

Une femme est logée anonymement dans un appartement HLM avec son fils de huit ans, cachés à l'abri du père qui a violenté l'enfant. Stressée, la mère achète un "babycall" pour surveiller le sommeil de son enfant... Elle se réveille en sursaut au cours de la nuit quand elle entend des cris dans son récepteur, elle court dans la chambre de l'enfant qui dort profondément, les bruits viennent d'ailleurs...

Le problème du thriller c'est que lorsque vous ne mordez pas à l’hameçon tout devient rapidement ennuyeux, alors nous sommes restés sur le bord de la route, regardant patiemment Noomi Rapace impeccable sombrant dans la psychose... Nous n'avons pas grand chose à reprocher à la mise en scène toute en fluidité de Pal Sletaune même si les plans de longs couloirs d'immeuble nous semblent quelque peu éculés et n'ont finalement rien d'inquiétant. C'est assurément l'écriture de ce film qui nous perd dans ses méandres qui se révèle être sa grande faiblesse, nous ne croyons pas une demi seconde à ces personnages et nous ne nous laissons pas embarquer dans cette histoire de faux semblants, tout finit par tourner à vide... Même pas peur !

Film vu au MK2 Hautefeuille

La Grande - Laura Gibson en trois lignes

Elle est née à Coquille du coté de Portland au fin fond de l'Oregon, pas loin de Portland. Les chanteuses Folk armées de leur indispensable guitare ont tendance à se multiplier ces derniers temps mais elle a su attirer notre oreille par son chant sensible plein de mélancolie. Nous n'en doutons pas un seul instant, Laura Gibson a tout d'une grande !

"La Grande" de Laura Gibson est notre album de la semaine !

samedi 12 mai 2012

Vous ne l'emporterez pas avec vous - Frank Capra


Vous ne l'emporterez pas avec vous est  le récit d'un fils, héritier d'une grande famille de financiers qui décide d'épouser contre l'avis de ses parents, sa secrétaire issue d'une famille de "doux dingues"!

Nous l'avions vu il y a peu, mais jamais sur grand écran alors nous n'avons pas hésité une seconde pour aller assister à la séance prévue ce jour à la filmothèque du quartier latin . Comme pour tous les grands classiques, revoir cette fable est la garantie d'un plaisir amplifié, nous ne  nous lassons pas de renouer avec l’élégance de James Stewart, un géant capable de se lancer  dans un jardin public pour la plus grande joie de gamins musiciens dans trois pas de danse avec sa belle avant de rejoindre un restaurant de luxe pour une scène d'anthologie ... Nous restons sous le charme du sourire canaille de Jean Artur, irrésistible amoureuse, dopée par la joie de vivre de son grand père !

Nous pourrions reprendre la citation de Flaubert inscrite en exergue de ce blog, "lisez pour vivre", en "regardez Capra pour Vivre". Avant tout le monde, il nous invitait à nous méfier des financiers, Capra aime l'Amérique celle de ses pères fondateurs. C'est absolument génial, totalement réjouissant, nous en oublions la bénédicité en début de chaque repas, mais que voulez-vous God Bless America!

Nous avions déclaré 2012 année de la comédie américaine, quelle belle idée !

mardi 8 mai 2012

Les Buddenbrook - Thomas Mann

"Les Buddenbrook" est la chronique du déclin d'une famille de négociants de Lubeck entre 1835 et 1871. Déclin total puisque le roman s'achève avec la mort du dernier fils Hanno mettant ainsi fin à la dynastie. Thomas son père est la figure centrale de ce roman,  élu sénateur, consul des Pays Bas il reprend avec succès l'affaire familiale c'est un notable reconnu de la cité alors que son jeune frère Christian personnage fantasque, hypocondriaque n'a jamais su intégrer le cercle des notables de la ville menant une vie dissolue.  Thomas prend conscience du déclin familial avant de mourir dans des pages absolument magnifiques.  Il rédige un testament qui prévoit la dissolution de la société, son fils Hanno à la santé fragile  révèle un vrai don pour la musique mais il ne sera jamais à la hauteur pour reprendre l'entreprise familiale,.
Il est facile de voir que cette famille est avant tout victime de ses conservatismes, repliée sur elle-même elle génère ses propres névroses. Antonie, la sœur de Thomas illustre à elle-seule cette déchéance, jeune fille pleine de vie, elle s'oppose à ses parents quand ils veulent la fiancer à un négociant absolument répugnant Bendix Grunlich. Pour réfléchir à sa situation, elle part se reposer  au bord de la mer chez  le commandant Schwarzkopf  où elle tombe amoureuse de son fils Morten, étudiant en médecine sensible aux théories socialistes.Il lui ouvre l'esprit sur la situation sociale du pays, une vraie complicité s'installe entre eux . Mais elle renonce à son amour pour obéir  à ses parents, elle épouse Bendix qui va se révéler être un escroc, un chasseur de dot qui fait sa ruine. Après un divorce, elle retourne vivre dans la demeure familiale avant de connaitre un deuxième mariage tout aussi calamiteux. Elle fut celle qui aurait  pu s'émanciper du cocon familial, sa vie d'une tristesse absolue symbolise tout l'échec de sa famille.
Thomas Mann a vingt six ans lorsque sort ce roman composé de 11 parties, véritable "symphonie" littéraire totalement maitrisée de bout en bout, nous sommes dans un monde fermé même si nous devinons ici ou là, les soubresauts de l'histoire du XIX°  qui n'interfèrent jamais sur la vie familiale. Quoiqu'il arrive on continue à vivre, à se goinfrer, à prier...
Il passe avec aisance d'un personnage à un autre sans jamais nous perdre, c'est une lecture facile tout en nuances au ton parfois ironique que Marguerite Yourcenar qualifie si justement de "classique moderne" , Thomas Mann  puisant assurément dans ses souvenirs personnels pour reconstituer cet univers. Il réalise dès son plus jeune âge un chef d’œuvre d'une extraordinaire maturité. 

dimanche 6 mai 2012

Barbara - Artiste de la Semaine

Il est vingt heures, le visage de François Hollande vient d'apparaître sur l'écran de télévision, il sera notre prochain Président de la République, nos premières pensées vont à Barbara chanteuse magnifique, poétesse du siècle passé, compagnon de route indéfectible du parti socialiste qui avait pleinement participé à la victoire de mai 81.

Ce n'est pas le fait d'avoir eu pendant cinq années un Président de la République venu des rangs de la droite qui nous a posé problème. Nous avions accepté l'élection de son prédécesseur même si la méthode de financement pour accéder au pouvoir nous avait posé problème. Jacques Chirac avait su habiter la fonction, et rassembler le pays à certaines occasions, nous nous rappelons de son discours sur la responsabilité de la France dans la déportation des juifs durant la deuxième guerre mondiale lors de la commémoration de la rafle du Vel d'hiv, ou plus tard celui de Johannesburg au sommet de la terre. A aucun moment son successeur n'a su unir la République, nous n'avons pas aimé son comportement d'enfant gâté, sa désinvolture et sa mauvaise éducation à certaines occasions. Les discours de Dakar, de Latran et de Grenoble où la tradition humaniste de la République Française a été bafouée nous firent honte. C'est une page qui se tourne et nous ne  nous exprimerons plus sur cette période que l'Histoire jugera.

Si nous ne nous attendons pas à des lendemains qui chantent, nous sommes d'humeur joyeuse ce soir et nous chanterons avec plaisir cette semaine tous les grands airs de Barbara: Nantes, Gottingen, Drouot, Remusat, l'aigle noir.... Elle est notre artiste de la semaine!
 
L'air semble plus léger ce soir, nous pouvons ici et maintenant  écrire le mot FIN.

Barbara - Christian Petzold

Si le film n'était pas situé en République Démocratique Allemande en 1980, le portrait fait de Barbara femme médecin n'aurait pas grand intérêt. Ici chacun développe sa propre paranoïa, se méfiant de son voisin, de son collègue ou même de celui ou de celle qui semble vous aimer, toute vie a son propre suspens.
 Le film s'ouvre sur l'arrivée de Barbara dans un hôpital rural où elle doit prendre un nouveau poste, nous comprenons qu'elle sort de prison pour raison politique et qu'elle ne peut se réinstaller à Berlin. Elle se sait sous surveillance, mais elle ne renonce pas pour autant à son projet d'évasion, aidée par son amant un homme de l'ouest qu'elle rencontre clandestinement.
Nous suivons ses journées partagées entre l’hôpital et son domicile, mais la banalité de cette vie a la puissance d'un thriller tant nous sentons les yeux espions peser sur elle. Impression de surveillance confirmée par des descentes à l'improviste à son domicile qui se terminent systématiquement par une humiliante fouille au corps.
Impossible pour Barbara d'entrevoir une fin à cette situation si ce n'est la fuite vers le monde libre. Pour autant, elle n'est pas détachée de la vie quotidienne, nous la voyons passionnée par l'exercice de son métier où elle montre une vraie compétence lui valant la reconnaissance de son collègue, un jeune médecin tout aussi passionné qu'elle qui tente d’exercer au mieux son métier avec des moyens limités. Elle apporte un vrai réconfort à ses malades, Elle en prend conscience. Elle découvre au fil des jours sa propre utilité dans ce coin perdu. Découverte qui rend compliqués ses rêves d'exil , elle se retrouve confrontée à un dilemme à l'heure de son départ...

Merveilleux film récompensé au dernier Festival de Berlin notamment pour sa mise en scène. Prix mérité tant le travail de Christian Petzold, sans aucune dramatisation, maintient l'attention du spectateur durant tout le film uniquement par la grâce de ses images. Il convient de reconnaitre que le charisme de son actrice d'une élégance rare Nina Hoss est un élément essentiel de la réussite de ce film où par un regard, un silence, une certaine forme de distanciation, elle nous fait comprendre l'impossibilité de vivre sous une surveillance permanente. Elle finit par être attirée par son collègue, mais les histoires d'amour qui ne peuvent reposer sur un minimum de confiance mutuelle semblent impossibles au pays de la Stasi.

samedi 5 mai 2012

L'extravagant M Deeds - Frank Capra

Un désir de nous plonger dans une salle obscure de la filmothèque du quartier latin et d'oublier le compte à rebours électoral en nous plongeant dans une comédie américaine réjouissante. Si avec Frank Capra le rire est garantie, le propos politique n'est jamais loin dans une Amérique des années 30 frappée d'une crise "sans précédent" ou d'une crise 'inouïe", à vous de voir!

Longfellow Deeds (Gary Cooper) vit paisiblement dans une bourgade des Etats Unis Mandrake Falks jusqu'au jour où des avocats new-yorkais viennent lui apprendre qu'il est l'héritier d'un oncle qui le laisse à la tête d'un capital de 20 millions de dollars. A cette nouvelle, il se met à jouer de son tuba avant d'indiquer qu'il n'en a pas besoin. Mais il lui faut tout de même aller à New-York où les vautours de la finance comptent profiter de sa naïveté pour mettre la main sur le pactole... Mais leur tort c'est de prendre Longfellow pour un naïf qu'il n'est pas, il est un idéaliste qui ne s'en laisse pas conter inspiré par les pères fondateurs de la nation, Lincoln, Grant .  Même s'il ne possède pas les codes de la société new-yorkaise il n'en reste pas moins un être à l'esprit vif et perspicace. Loin de se faire gruger par les financiers, il fait face à toutes les entourloupes. Il finit cependant par être déstabilisé quand il découvre que celle dont il est amoureux n'est qu'une  journaliste (Jean Arthur) qui a fait usage de subterfuges pour entrer dans son intimité dans le seul but d'écrire des articles qui le ridiculisent et lui valent le surnom de "Cendrillon"... Désemparé, il refuse de se défendre lors du  procès où ses adversaires cherchent à le faire passer pour fou et le faire interner afin de mettre la main sur sa fortune, mais comme dans tout conte, tout finit bien, la journaliste n'était pas une blonde sans cœur...

Ce film est important dans la filmographie de Frank Capra qui intègre pour la première fois une dimension sociale dans son scénario, il fait indirectement l'apologie de Franklin Roosevelt qu'il situe clairement dans la lignée des pères fondateurs de la nation, alors que les financiers sont décrits comme des gens sans scrupule et sans aucune considération pour leur prochain. Cette critique de la société new-yorkaise ne plombe en rien la comédie, nous rions dés les premières scènes où nous retrouvons "les bons new-yorkais" perdus au fin fond du Vermont dans un pays qui semble leur être totalement étranger, la communication n'est pas simple. Ce rire ne nous quitte plus jusqu'au générique de fin. Gary Cooper est absolument remarquable dans un jeu plein de finesse, accompagné ici par une Jean Arthur espiègle qui se voit offrir le premier grand rôle qui va booster sa carrière.

Nous avons vu une comédie qui montre que la meilleure réponse à la crise économique c'est la social démocratie , c'est Frank Capra qui le dit !

Film vu dans le cadre "2012, année de la comédie américaine"

mardi 1 mai 2012

Rêves de femmes - Ingmar Bergman (1955)

Il y avait de l’électricité cette fois au Reflet Médicis et nous avons pu voir Rêves de Femmes de Ingmar Bergman.
Rêves de femmes, où deux femmes Suzanne Franck (Eva Dahlbeck) directrice d'une agence de photographie de mode et Doris (Harriet Anderson) un modèle partent à Goteborg pour une séance de photo. Suzanne espère au cours de ce voyage renouer avec un amant qui n'a pas su quitter sa femme et a rompu les liens , tandis que Doris profite de cet éloignement pour se séparer de Palle son amoureux avec qui elle se chamaille régulièrement.
Durant ces deux jours, elles vont perdre leurs illusions. Suzanne, après une dernière rencontre avec son amant au cours de laquelle la femme de ce dernier fait une visite surprise dans la chambre d'hôtel, comprend que cette histoire n'a plus d'avenir, elle se libère de cet amour. 
Doris rêveuse devant un magasin où est exposée une robe de haute couture est abordée par un homme d'un certain age, un consul (admirable Gunnar Björnstrand) qui lui propose de lui offrir cette sublime robe. Elle se laisse entrainer par ce dernier très prévenant, il lui offre par la suite un collier de perles assorti à la robe. S'imaginant peut être une vie dorée digne "d'une  princesse", elle oublie l'heure de la séance photo provoquant la colère de Suzanne qui la renvoie. Effondrée, elle retrouve le consul qui l'accompagne sur les manèges et autres attractions de forains dans une suite de plans plutôt réussie, un vrai moment de comédie.Le vieil homme cache sa peur à la jeune fille  mais il finit par trébucher. Elle l'aide et le raccompagne dans sa grande demeure où la robe doit être livrée. Chez lui, elle découvre à travers une toile peinte sa ressemblance avec son épouse,   internée depuis 23 ans, juste après la naissance de leur fille qu'elle prenait pour un loup! Doris se laisse griser par le champagne, mais l'arrivée imprévue de la fille du consul qui entretient des relations houleuses avec son père la ramène à la réalité. Elle comprend l'illusion de sa relation et son coté factice, elle part sans robe ni bijou. 
De retour à l’hôtel, elle se raccommode avec sa patronne. Nous les retrouvons dans le studio photo du début du film, Suzanne déchire une lettre de son amant qui l'invite pour un séjour à Oslo, Doris renoue avec Palle le "modeste travailleur"

C'est un film d'une grande simplicité sur des femmes libres, liberté  lourde à assumer comme le remarque  Doris, se plaignant  par moment de la difficulté d'être une femme active. Les hommes sont ici particulièrement faibles, l'amant de Suzanne baisse la tête devant son épouse dans une scène terrible propre au cinéma de Bergman, il rentre piteusement au domicile conjugal, Le riche consul cède devant la colère de sa fille. Parfaitement restauré, le noir et blanc est absolument splendide, les cadrages du cinéaste sont toujours d'une grande justesse, nous gardons en mémoire ces plans où se reflète dans la vitrine le visage de Harriet Andersson contemplant la robe, ou celui sur ses pieds dansants sur une musique jazz dans la demeure du consul... Ingmar Bergman aime les femmes, il les filme merveilleusement!
Ce n'est peut être pas l’œuvre la plus marquante de la filmographie du cinéaste suédois, mais ce film n'a rien perdu de sa modernité, la marque d'un grand auteur !

Tout était bien synchronisé le film s'est terminé juste à temps pour nous permettre de rejoindre les rangs de la manifestation du premier mai. La "vraie" manifestation, celle qui partait de la place Denfert Rochereau pour aller à la Bastille!

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