dimanche 29 septembre 2013

La Générale Pompidou ou la vraie fausse histoire des premières dames de France - Christophe Guichet

Alors que tout le monde semble se précipiter voir le majordome, nous avons fait le choix de nous intéresser à Linotte, gouvernante de la première dame de France et personnage de la pièce "la générale Pompidou" qui nous raconte sur le mode comédie l'histoire pimentée de la V° République. Si le film de Lee Daniels a arraché une larme à Barak Obama, la pièce de Christophe Guichet est plutôt du genre à faire rire aux larmes.
La gouvernante n'est qu'un témoin fictif du passage des épouses de Président, tout commence en mai 81, Anne-Aymone va devoir laisser sa place à Danielle, elle est effrayée à l'idée de rencontrer cette "rouge". Claude et Bernadette viennent la soutenir. Nous retrouverons ainsi les quatre femmes à chaque élection avec pour témoin l'inoxydable Linotte, la gouvernante d'origine bretonne engagée par Yvonne au début du régime présidentiel.
Les échanges sont savoureux, piquants, Anne-Aymone fait rire par son coté potiche, mais elle est aussi touchante par sa fragilité, elle se distingue des autres par le fait qu'elle n'ait jamais désiré ce rôle de première dame. Danielle est la plus intéressante, parce qu'elle est la plus militante et  refuse de se limiter à un simple rôle de faire valoir.
Ce comédie qui joue sur la caricature n'est pas qu'une simple guignolade qui se serait nourri des bons mots, des petites phrases, c'est aussi un portrait plus large de l'évolution du rôle de la femme dans la société au cours de ces dernières décennies. Le regard est plutôt subtil. Aucune n'est épargnée même si Danielle s'en sort mieux que les autres, le propos ne sombre jamais dans le poujadisme souvent de mise dans ce genre de comédie . Si l'auteur ne se refuse aucune folie, notamment à travers le personnage de Linotte, il ne tombe jamais dans le rire facile.
Ce qui nous a poussé à aller voir ce spectacle, c'est la présence de Anne Cantineau dans le rôle de Danielle. C'était pour elle une retrouvaille avec l'histoire mitterrandienne après avoir participé au film de Robert Guediguian "le promeneur du champ de Mars". Elle tient parfaitement son rôle comme ses collègues c'est aussi là une clé de la réussite de cette joyeuse comédie !

Vu au théâtre des Béliers Parisiens

L'homme à la caméra - Dziga Vertov

Nous avions découvert récemment l'homme à la caméra de Dziga Vertov, nous avions été particulièrement  impressionnés par la beauté de ses images, nous ne voulions pas rater sa projection sur l'écran géant du cinéma l'Arlequin en ce dimanche matin, lors de la séance du ciné club de Claude Jean Philippe.
Réalisé en 1929, l'auteur ne cache pas la radicalité de son oeuvre, l'affichant clairement dés le générique: Pas d'intertitre, pas de scénario, pas d'acteurs... A travers l'histoire d'une journée dans une ville soviétique, Dziga Vertov invente le concept de ciné-oeil qu'il oppose au ciné-drame, une volonté de capter la vérité, d'inventer un nouveau langage narratif qui se distingue clairement du théâtre et de la littérature. Un cinéma révolutionnaire qui multiplie les effets techniques, mais dans une subtile mise en abyme, le cinéaste révèle tous les tours de passe passe. Il revient à l'essence cinéma, "écrire par l'image"
Ce qui reste passionnant  en dehors de la virtuosité technique du cinéaste, c'est le témoignage qu'est ce film tourné à Odessa, sur l'Union soviétique naissante. Il se dégage une véritable sincérité sur ce que filme le cinéaste, nous voyons un peuple heureux, convaincu des bienfaits de la révolution, les femmes participent à la vie autant que les hommes sans distinction.
Tout le monde participe à la production industrielle, Vertov filme les usines, les travailleurs... Nous découvrons une ville moderne traversée par des tramways. Mais ce ne sont pas que des forçats du travail, il existe des temps de joie, où l'on pratique le sport, on se rend à la mer...
Nous ne voyons pas pour autant un film de propagande, mais l'expression d'une vision positive de la révolution, d'un espoir assouvi de justice que pouvaient encore ressentir quelques optimistes. Surement un court instant idyllique, le pays allait connaitre le grand tournant Stalinien.

Nous sommes heureux d'avoir pu voir ce joyau du septième art dans des conditions optimales !

Shadow Theater - Tigran

Il était seul au piano pour son précédent album "a fable",Tigran est de retour à la tête d'un quintet audacieux pour nous offrir un album de jazz enrichi des sonorités de musique arménienne absolument merveilleux et sensuel. Un mélange de compositions personnelles et d'air traditionnels de son pays d'origine, cet album fascinant et envoutant est une invitation vers l'orient !

Un pur dépaysement, Shadow Theater est notre album de la semaine !


samedi 28 septembre 2013

On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.





Roman


I

On n'est pas sérieux, quand on dix-sept ans.
- Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants!
-On va sous les tilleuls verts de la promenade.

Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière;
Le vent chargé de bruits, - la ville n'est pas loin, -
A des parfums de vigne et des parfums de bière...

II

- Voila qu'on aperçoit un tout petit chiffon
D'azur sombre, encadré d'une petite branche,
Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche.

Nuit de juin! Dix sept ans! - On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête...
On divague; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête...

III

Le coeur fou Robinsonne à travers les romans,
-Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère ,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l'ombre du faux col effrayant de son père...

Et, comme elle vous trouve immensément naïf,
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif...
-Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...

IV

Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août.
Vous êtes amoureux. - Vos sonnets La font rire.
Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût.
- Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire... !

-Ce soir là,... -vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade...
-On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade.


29 sept[embre 18]70
Arthur Rimbaud

vendredi 27 septembre 2013

Blue Jasmine - Woody Allen

Jasmine mariée à un riche milliardaire, voit sa vie s'écrouler lorsque le FBI vient mettre un terme à la carrière de son époux dont les activités financières n'étaient pas bien claires. Madoff était le nom cité aux quatre coins de la salle une fois le film terminé...
La chute est vertigineuse, violente, elle se termine pour Jasmine chez sa sœur caissière à San Francisco qu'elle avait eu tendance à oublier lors de ses années de bonne fortune... Arrivera t-elle à se reconstruire? Telle est la question...

On rit  mais jamais très longtemps, finalement, c'est un Woody Allen totalement désabusé qui nous offre un film sombre, envoutant par la présence sublime de Cate Blanchett et par un récit mené de main de maitre où l'auteur se promène avec virtuosité entre passé et présent... Il fuit New-York, surement pour s'éloigner du monde de la finance responsable de tous les maux pour se réfugier à San Francisco, la ville du Vertigo de Hitchcock.
Nous retrouvons la facétie du cinéaste le temps d'une scène où un dentiste tente de séduire Jasmine, employée comme secrétaire d'accueil qui le dépasse d'une tête mais le rire s’efface sous la comédie grinçante. Peut être ce film est il à monter aux jeunes filles, il rappelle qu'être épouse d'un milliardaire n'est pas une vocation sans risques, mieux vaut compter sur soi pour mener sa propre vie.

Il y a toujours eu un fond de misanthropie chez Woody Allen, sa détestation était souvent joyeuse, elle est devenue sombre et désespérée.

Blue Jasmine est un grand Woody Allen.

jeudi 26 septembre 2013

Le quatrième Mur - Sorj Chalandon

Nous avions beaucoup aimé son précédent ouvrage Retour à KillyBegs où à travers un personnage, Sorj Chalandon faisait l'histoire de la guerre civile en Irlande du Nord. Il reprend ici le même procédé pour faire le récit  de la guerre civile libanaise des années 60.
Sam metteur en scène de théâtre de nationalité grecque  a trouvé refuge dans les années 70 en France, fuyant le régime des colonels pour sauver sa peau. Il s'est rapproché des milieux autonomes, après avoir notamment témoigné de la situation grecque dans les amphithéâtres universitaires. Il fait la connaissance de Georges, un militant actif qui a déjà laissé un genou dans les bagarres d'une rare violence avec les groupuscules d'extrême droite.
Sam a projeté l'idée folle de monter Antigone de Jean Anouilh  en plein cœur de Beyrouth dévasté par la guerre, avec des comédiens venus des différentes communautés. Malade, condamné par un cancer, il est coincé sur son lit d’hôpital parisien, il demande à Georges de reprendre son projet.
George se rend dans la capitale libanaise, accompagné par un chauffeur druze il passe d'un secteur à l'autre pour tenter d'organiser une première répétition... George se retrouve dans le viseur des snipers en plein coeur du conflit  qui connait son paroxysme avec le massacre de réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila. Impossible de garder sa neutralité dans ce monde de fou, de rester indemne face à tant de folie, Antigone ne peut finalement pas grand chose
Le roman de Sorj Chalandon, est une parfaite leçon de l'histoire contemporaine du Liban, une histoire complexe où toutes les communautés vivaient dans la détestation, avec peut être pour seul point d"accord celui de voir dans l'afflux des réfugiés palestiniens la cause de tous leurs maux. Une histoire nourrie de son travail de grand reporter de guerre du temps où il était journaliste à Libération.
Mais notre emballement est cette fois ci, plus mesuré, nous n'avons pas été convaincus par la partie romanesque qui nous est apparue comme artificielle, peut être parce chaque personnage est l'incarnation à lui seul de toute une communauté lui donnant ainsi un aspect quelque peu caricatural. La trame du récit nous semble être un simple prétexte, une technique narrative  pour faire le tableau de la guerre civile libanaise, alors nous avons fini par nous ennuyer en tournant les pages de ce roman sombre ...

mardi 24 septembre 2013

Elle s'en va - Emmanuelle Bercot

Alain Juppé parlait de "la tentation de Venise", chez Betty l'ambition est moins grande quand elle quitte son restaurant  en plein service. Juste faire un tour de quartier, se changer les idées alors qu'elle vient d’être plaquée par son amant et que son établissement est au bord de la faillite, s'échapper le temps d"un instant du carcan maternel chez qui elle est revenue vivre. Mais ce petit tour de Concarneau se transforme vite en road movie où Betty se retrouve à traverser la France avec son petit fils qu'elle connait si peu et qu'elle doit aller déposer chez son grand-père dans l'Ain...
Un long voyage qui nous permet de découvrir la vie de Betty, son passé de Miss Bretagne, et la perte de son amoureux dans un accident de voiture alors qu'elle se rendait au concours de Miss France. Puis son mariage raté, ses relations compliquées avec sa fille qui lui reproche de ne pas avoir aimé son père... Ce voyage est aussi une occasion  unique pour elle de découvrir ce petit fils , ce dernier, peu enclin à rejoindre la maison de son grand-père n'a rien contre l'idée de faire durer le trajet...
Ce film est aussi un portrait de la France et de ses multiples facettes, difficile de ne pas penser à Raymond Depardon lorsque Betty au début de son périple se fait rouler une cigarette par un vieux paysan ou plus tard lorsqu'elle se rend dans un dancing "le Ranch". Nous passons de la France moche, celle des entrées de ville, celle  chantée par Dominique A dans "Rendez nous la lumière" aux paysages magnifiques du lac d'Annecy où les anciennes candidates du concours Miss France 69 se sont retrouvées.
Catherine Deneuve est absolument merveilleuse, elle irradie le film de sa présence, pas effrayée de se retrouver confrontée avec sa propre image de jeune fille, elle fait fi des années passées . La caméra d'Emmanuelle Bercot est délicate, elle nous montre l'amour des sexagénaires avec une véritable sensualité et elle filme la province en cassant l'image caricaturale qu'à pu en donner un présentateur du JT.
"Elle s'en va", portrait de la France, portrait d'une femme, est un film magnifique qui se clôt sur un "dimanche à la campagne" plein de promesse .

lundi 23 septembre 2013

La Musique principale des troupes de Marine


Nous n'avions pas prévu de faire un billet sur ce concert de musique philharmonique organisé dans notre cité célèbre pour son hôpital militaire, cela en faveur des soldats blessés au combat, principalement en Afghanistan. Nous comprendrons bien vite que le rôle premier de nos militaires n'est pas de jouer de la musique, notamment à travers un Boléro de Ravel laborieux où le tromboniste a perdu le nord le temps de son solo.
Mais passons, bien que nous n'ayons pas la fibre très militaire, ce qui nous a le plus interpellé c'est finalement le discours du Général nous présentant l'action de l'association Terre Fraternité qui nous fit découvrir avec effroi que notre République n'était pas vraiment à la hauteur:

Ainsi un soldat blessé en Afghanistan qui se voit amputer d'une jambe n'a pas droit à une prise en charge totale d'une prothèse haut de gamme de type bionique. L'Etat ne finance que le tiers du prix d'environ 70000 euros. La République ne paye pas le nec plus ultra à ses soldats mutilés.

Ou un autre cas, celui d'un soldat blessé de trois balles dans le ventre, condamné à garder le lit plusieurs mois dans un hôpital parisien. Lorsque son épouse installée à Bayonne, veut lui rendre visite avec ses enfants, c'est à ses frais.

Nous ne nous imaginions pas un jour faire la promotion d'une association militaire, vouée à se substituer aux manquements de  l'Etat. La question n'est pas ici de savoir si l'intervention française était justifiée, ce débat a eu lieu en son temps et c'est une chose normale dans un pays démocratique. Mais lorsque la décision d'envoyer des soldats au front est prise, nous pensions simplement que l'Etat ne chipotait pas sur la dépense pour ceux qui auraient le malheur d'être blessés et assumait ses responsabilités.

dimanche 22 septembre 2013

Haute Pegre - Ernst Lubitsch

Gaston Monescu est un voleur de haut vol, il sévit dans les grands palaces européens...où il finit par croiser Lily de Vautier une redoutable Pickpocket. Les deux font rapidement équipe, leur prochaine proie: la riche Madame Colet.... Petit problème Gaston qui s'est fait engager comme secrétaire auprès de la jeune veuve n'est pas insensible à son charme, déclenchant le courroux de Lily...
L'utilisation élégante de la super plaisanterie,est la  définition donnée par Billy Wilder de la Lubitsch touch. Haute pègre est à ce point de vue une parfaite illustration du génie de Lubitsch, le scénario est millimétré, les dialogues ciselés, et la mise en scène est tout aussi soignée. Les mouvements de caméra, les travellings n'ont rien à envier à ceux de Max Ophuls. Chaque montée d'escalier est unique, il utilise avec un génie incomparable les hors champs, les miroirs... C'est un cinéma raffiné, toute l’élégance de la mitteleuropa se retrouve dans le cinéma de Lubitsch.
Cette virtuosité n'est pas mise exclusivement au service du plaisir du rire gratuit, même si Lubitsch exigeait de ses scénaristes d'être hilarants, les remettant sans cesse à la tâche.Si le couple de gentleman cambrioleur attire la sympathie le cinéaste a un regard incisif et particulièrement corrosif sur les classes privilégiées, le ridicule est de leur coté !

Film vu dans le cadre du Ciné Club de Claude Jean Philippe au cinéma l'Arlequin

Fantaisie Militaire - Alain Bashung

Il n'est pas peu dire qu'Alain Bashung nous manque tant  nous avons traversé ces vingt dernières années au rythme de ses albums.  Il cesse de nous accompagner, au gré de nos humeurs, nous passons d'un album à un autre sans aucune lassitude. De Gaby à Joséphine, ses tubes restent indémodables, notre préféré restant peut être La nuit je mens.
Fantaisie Militaire, sublime oxymore nous séduit rien que par son titre, il fut l'album de la reconnaissance celui qui lui valut ses premières victoires de la musique.

Fantaisie Militaire est notre album de la semaine !


samedi 21 septembre 2013

La bataille de Solferino - Justine Triet

La bataille de Solferino fut particulièrement  sanglante, Henri Dunant fut témoin de cette barbarie ... à l'origine de la création de la croix rouge. Mais ici il n'est pas question de la bataille napoléonienne  mais de l'élection de François Hollande que Lætitia journaliste pour une chaine d'info couvre en direct depuis la rue qui abrite le siège du parti socialiste.
Une journée galère pour elle, son ex mari  ayant par le passé des accès de violence fait sa réapparition avec le désir de voir ses deux enfants  laissées à la garde d'un jeune baby-sitter quelque peu dépassé. Selon un jugement, Vincent ne peut voir ses enfants en l'absence de leur mère... Tous, l'ex mari, le baby sitter , les deux fillettes  et la maman journaliste se retrouvent au milieu de la foule des militants venus fêter la victoire du candidat socialiste. La soirée s'annonce particulièrement compliquée pour Laetitia qui doit assurer le direct au milieu de tous ses soucis.
Petit miracle cinématographique que la réalisation de cette fiction au coeur de l'actualité, une banale histoire de garde d'enfants entre deux parents qui n'arrivent plus à dialoguer, il nous est difficile de deviner ce qui est écrit de ce qui est spontané, les micro trottoirs des militants ont-ils été captés le soir même ou sont-ils le fait de comédiens... Le drame familial vire à la comédie, dans une dernière scène où l'ex mari fait connaissance avec le nouveau compagnon de son ex-épouse nous pourrions nous croire devant un documentaire de striptease ...un cinéma qui n'est pas sans rappeler celui de Sophie Letourneur. Un premier film, une réussite !

P.S: Nous recommandons ce film à tous les jeunes  qui veulent se faire Baby sitter pour gagner un peu d'argent de poche, parfois c'est un métier compliqué !

Ilo Ilo - Antony Chen

Par un simple plan sur les poignets de Teresa une jeune philippine venue à Singapour pour être la nounou de Jiale, enfant unique particulièrement insupportable, Antony Chen nous fait comprendre ses fêlures .
La mère du jeune garçon est dépassée, fatiguée par son travail et l'attente d'un deuxième enfant. C'est la justesse et la sensibilité du regard du cinéaste qui fait toute la beauté de ce film,  évitant toute forme de mièvrerie.
Au delà de la chronique familiale, c'est aussi le portrait d'un pays déprimé, rongé par la crise, un homme se jette du haut d'un immeuble, d'autres sont licenciés tel le père de Jiale qui cache sa situation à sa femme, cette dernière ne va pas mieux se faisant allègrement gruger par le bonimenteur d'une secte ...
L'argent se fait rare, mais on cherche à sauver les apparences. Térésa, elle , résiste aux humiliations que lui fait subir Jiale, un vrai tyran. Elle est prisonnière de cette famille, s’échappant le soir pour aller téléphoner dans une cabine téléphonique à sa sœur , on découvre alors qu'elle a laissé son jeune fils au pays.
Mais jamais elle ne se laisse accabler par son désespoir, elle finit par amadouer le jeune Jiale touché par l'affection que lui donne la jeune femme, une complicité s'installe entre eux... mais la situation se désagrège la famille n'a plus les moyens de supporter les frais d'une nounou. Jiale est inconsolable.

Nous avons été émus comme Agnès Varda qui a présidé le jury qui a donné la caméra d'or à Antony Chen, un premier film totalement maitrisé qui ne se laisse pas déborder par les sentiments. Superbe !

vendredi 20 septembre 2013

J'entends plus la guitare - Philippe Garrel

Puisque nous traversons cette semaine au son du chant de Nico, c'était pour nous l'occasion rêvée de découvrir le film de Philippe Garrel dédié à la chanteuse allemande décédée quelques mois avant le tournage et qui fut des années auparavant la compagne du cinéaste.
Après une longue période consacrée à la recherche de nouvelles formes cinématographiques, Philippe Garrel est revenu au milieu des années 80 à un cinéma plus narratif. J'entends plus la guitare est un récit d'inspiration autobiographique où le cinéaste se replonge dans les années partagées avec la chanteuse.
Tout commence en bord de mer, où Gérard et Marianne se retrouvent avec un couple d'ami, suite de dialogues autour de l'amour. Nous retrouvons le couple seul à Paris , Marianne est de plus en plus accroc à l’héroïne plongeant le couple dans une impasse, c'est le temps de la séparation....
Gérard rencontre Aline, il se reconstruit avec cette femme amoureuse , elle tombe rapidement enceinte donnant un fils à Gérard... Ce dernier revoit parfois Marianne, il a une aventure avec une jeune fille, mais il reste avec celle qu"il appelle sa bourgeoise, Aline. Il apprend la mort subite  de Marianne à Marbella alors qu'elle se promenait à vélo...Le film se clôt sur une porte cochère qui se referme, tel un cercueil, noir complet!
C'est un film particulièrement émouvant, Philippe Garrel clôt à travers son duo de personnages, Gérard et Marianne  son histoire, un couple qui se sépare non parce qu'il ne s'aime plus mais pour sauver sa peau. Dans une scène, peut être la plus belle du film , Marianne se confie à Aline, la nouvelle compagne de Gerard: "on voulait être des héros." Aline répond du tac au tac : "salut l'héroïne".
Il y a toujours quelque chose d'aride dans les films de Garrel où se mélangent les dialogues théoriques sur l'amour avec des scènes de vie, mais  "j'entends plus la guitare" dégage un charme hypnotique, la fiction est intimement liée au réel ne serait ce que par la présence de Brigitte Sy la compagne du cinéaste qui incarne son propre rôle. Nous avons également eu un plaisir à retrouver Mireille Perrier, sublime une actrice devenue trop rare à notre goût,  Benoit Régent un acteur toujours juste et Anouk Grinerg d'une beauté fatale.

mardi 17 septembre 2013

Nue - Jean-Philippe Toussaint

C'est avec une impatience certaine que nous attendions ce nouveau roman de Jean-Philippe Toussaint, dernier épisode annoncé d'une histoire d'amour pas banale entre le narrateur et Marie. Nous pouvions espérer retrouver nos deux amoureux réconciliés à la fin du précédent "la vérité sur Marie", après un séjour sur l'ile d'Elbe .
Le nouveau roman, s'ouvre sur leur retour à Paris,  ils partagent le même taxi, mais Marie laisse seul notre narrateur au pied de son immeuble. Ce dernier attend désespérément son appel, mais rien ne vient, ce silence devient alors un temps de réminiscence qui renvoie notre héros à Tokyo où Marie, créatrice de Haute couture se partageait entre défilé et exposition d'art contemporain.
Le fil semble définitivement rompu entre nos deux anciens amants, mais à chaque fois que tout va mal pour Marie, c'est son vieil amoureux qu'elle appelle au secours, c'est lui qui doit l'accompagner encore une fois à l'ile d'Elbe pour assister aux obsèques d'un vieil ami de la famille.
Marie Madeleine Marguerite de Montalte est au cœur de ces quatre romans, elle fait tourbillonner notre narrateur, le fait chavirer dans la mélancolie,mais il demeure son appui le plus solide, parce qu'il est peut être tout simplement l'homme de sa vie...Mais sa vie professionnelle intense, son insouciance ne lui ont pas fait prendre conscience de son importance... Quatre épisodes majestueux qui ne seraient rien sans la langue merveilleuse de Jean-Philippe Toussaint qui ensorcelle à chaque épisode de ce que les mauvais esprits chafouins pourraient qualifier de feux de l'amour pour bobos parisiens.
Parce que bien loin des niaiseries télévisuelles, la tétralogie de Jean-Philippe Toussaint au rythme toujours haletant est un portrait de notre temps, d'une manière d'aimer différente des siècles passées, parce que Marie dont la beauté ne nous est jamais décrite mais toujours ressentie est une figure universelle de la femme comme pouvait l'être en son temps et dans un registre totalement différent Emma Bovary.

lundi 16 septembre 2013

Il faut beaucoup aimer les hommes - Marie Darrieusecq

"Une femme rencontre un homme. Coup de foudre. L'homme est noir, la femme est blanche. Et alors?"
Et alors c'était formidable! aurions-nous envie de dire après avoir lu ce roman, notre première rencontre avec Marie Darrieusecq. Une histoire qui commence à Hollywood, où Solange actrice française habituée aux seconds rôles rencontre lors d'une soirée chez George,  Kouhouesso un acteur canadien d'origine camerounaise.
C'est le coup de foudre pour Solange, mais après une nuit traversée ensemble, Kouhouesso disparait sans laisser de nouvelles, il est obnubilé par son projet: d'adapter la nouvelle de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres. Il veut réaliser son film au Congo, être fidèle au texte qui avait inspiré Apocalypse Now à Francis Ford Coppola.
Solange se plie au rythme de Kouhessou totalement accaparé par son projet, il peut rester sans donner de nouvelles durant une dizaine de jours, sa vie se partage entre angoisse et étreinte. Elle est passionnée, il semble plus froid, distant... Le projet se précise, Kouhessou  peine à convaincre les producteurs peu enthousiastes de financer un tournage  dans la jungle africaine, le soutien de George s’avère décisif
Il accompagne tout de même Solange à Paris pour les fêtes de fin d'année, occasion pour lui de terminer le bouclage financier de son tournage, et d'engager Vincent Cassel...
Il doit néanmoins renoncer à tourner au Congo du fait de la  situation politique, il se rabat sur le Cameroun voisin. Solange qui a obtenu un rôle, le rejoint rapidement pour être à ses cotés lors d'un tournage complexe aux conditions particulièrement difficiles. Le film se termine, son réalisateur disparait, pour le montage, envoyant un dernier SMS sec et cruel : "il faut tourner la page  Solange."
Elle viendra aà la soirée de la première avec ses parents et son fils, pour découvrir que ses scènes ont toutes été coupées.
Plus qu'une simple histoire d'amour, un couple mixte où chacun s'interroge sur cette différence de peau qui rend parfois paranoïaque: "Ce que tu réclames, c'est un certificat. un certificat de non-racisme. Aussi bien tu ne couches avec moi que pour l'obtenir." Le roman de Marie Darrieussecq est un portrait d'Hollywood, une réflexion sur l'Afrique, une réponse au discours de Dakar prononcée par Nicolas Sarkozy qui fut un moment de honte.C'est un grand roman de cette rentrée littéraire qui nous donne l'envie de remonter à rebours l’œuvre de l'écrivain d'origine basque. Ce fut une belle rencontre !
 
Le titre du roman est tiré d'un texte de Marguerite Duras: "Il faut beaucoup aimer les hommes. Beaucoup, beaucoup. Beaucoup les aimer pour les aimer. Sans cela, ce n'est pas possible, on ne peut pas les supporter."

dimanche 15 septembre 2013

Monsieur Smith au sénat - Frank Capra

Nous n'avions vu qu'une fois Monsieur Smith au sénat, et nous avions tendance de ne pas le mettre dans le haut de la filmographie exceptionnelle de Frank Capra. Le ciné club de Claude Jean-Philippe  du cinéma l'Arlequin nous a permis ce matin de revoir notre jugement et d'apprécier à sa juste valeur ce film tourné en 1938.
Jefferson Smith est nommé sénateur du Montana par le gouverneur de l'état jusqu'aux prochaines élections à la suite du décès du sénateur en place. Jefferson est épaulé par Joseph Paine, le deuxième sénateur de l'Etat, qui fut un avocat des causes désespérées et un ami proche de son père.
Jefferson Smith est emerveillé par Washington, son capitole, il marche avec respect dans les pas des grands fondateurs du pays: Abraham Lincoln, George Washington. Il ne se révéle pas aussi naif que prévu et s'oppose au projet d'un barrage prévu au coeur du Montana voulu par Jim Taylor, homme puissant propriétaire de nombreux journaux.
Furieux, Taylor avec l'aide de Joseph Paine monte un complot contre le jeune sénateur pour obtenir son renvoi, ce dernier avec l'aide de sa secrétaire va se défendre seul contre tous; il prend la parole devant ses collègues incrédules pour ne plus la rendre...
Capra s'attaque à un de ses thèmes les plus chers, la défense de la démocratie américaine, celle voulue par ses pères fondateurs. Il rappelle le poison que représente pour les institutions la corruption dans une période aussi troublée que celle des années trente. Comme John Ford, il est toujours à la limite de sombrer dans un sentimentalisme débordant, notamment lorsqu'il filme les grands lieux monumentaux de la capitale américaine à la gloire de Lincoln, mais il trouve en James Stewart l'acteur idéal pour donner à son film toute sa dimension.
Jean Artur est toute aussi parfaite dans son rôle, avec son sens de la comédie, son charisme, elle donne la légèreté indispensable au film... Monsieur Smith au sénat est un film épatant. Comme Akira Kurozawa, Frank Capra fait des films pour rendre le monde meilleur.
Sorti en 1939, le film fut alors contesté parce qu'il présentait une Amérique corrompue, Joseph Kennedy le père du futur président des Etats unis alors ambassadeur à Londres voulut même empêcher sa diffusion à l'étranger , il ne fut pas écouté. Ce film fut le dernier film américain diffusé en france pendant l'occupation, il rencontra un grand succès, il était régulièrement applaudi. La polémique apparait bien ridicule aujourd'hui tant le film est une défense des institutions, de la liberté d'expression et une condamnation sans ambages des dictatures européennes.
God Bless Frank Capra !

Chelsea Girl - Nico

Pour prolonger un beau souvenir de cet été, où nous étions partis à la recherche de la tombe de Nico  au cœur de la forêt de Grunewald  par des chemins quelque peu approximatifs, nous avons décidé de traverser cette semaine en compagnie de son album Chelsea Girl.
Hommage à cet hôtel mythique de New-York habité un temps par tous les beatniks célèbres  de la fin des années 60, Patti Smith en parle brillamment dans son merveilleux livre souvenir, Just Kids. Chelsea Girl est aussi le titre du premier film tourné par Andy Warhol en compagnie de Paul Morrissey, où la jeune femme apparait en larmes.
Premier album de la berlinoise entourée ici de ses acolytes du Velvet Underground, Chelsea Girl reste un album incontournable de l'année 1967.

C'est notre album de la semaine !




samedi 14 septembre 2013

Tip Top - Serge Bozon

Assurément le film le plus déjanté de l'année que la comédie débridée de Serge Bozon. Une comédie policière où Isabelle Huppert et Sandrine Kiberlain incarnent un savoureux duo de policiers de l'IGS venu enquêter dans un commissariat du nord de la France à la suite de l'assassinat d'un indicateur. Si l'une incarnée par Sandrine Kiberlain est sortie pour l'occasion d'un placard de l'IGS où elle fut placée pour un comportement privé contraire à l'éthique de la police, comme elle le reconnait c'est une grosse mateuse, l'autre incarnée par Isabelle Huppert aime à se frapper avec son compagnon joué par Sami Naceri  , ce qui fait un peu désordre dans un hôtel élégant d'une ville provinciale. Cela ne ressemble à aucun film policier que nous avons pu voir, il se termine d'ailleurs bien avant l'enquête.
Si le film fait évidemment penser au cinéma de Jean-Pierre Mocky, il convient de relever la qualité d'écriture du scénario du cinéaste aidé dans ce travail par Axelle Ropert où tout semble avoir été millimétré et notamment le jeu des acteurs qui ne tombe jamais dans l'outrance malgré les situation les plus improbables.
L'histoire des comédies dans le cinéma français est faite de duo d'acteurs, de mémoire nous n'avions jamais vu un tel duo d'actrices... Isabelle Huppert et Sandrine Kiberlain sont époustouflantes et parfaitement soutenues par un François Damiens d'une drôlerie irrésistible.
Un savoureux moment !

Jimmy P (Psychothérapie d'un indien des plaines ) - Arnaud Desplechin

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, Jimmy Picard, un indien Blackfoot, est retourné vivre chez sa sœur ainée après avoir combattu en France. Blessé à la tête, Jimmy souffre de maux de têtes, de vertiges, de troubles de la vision. Inquiète sa sœur l'accompagne dans un hôpital militaire. Jimmy subit une batterie d'examen qui ne révèle aucun problème physiologique, les médecins suspectent une schizophrénie, mais l'un d'entre eux souhaite faire appel à Georges Devereux , Ethnologue psychanalyste grand spécialiste de la culture amérindienne.
Dés la première rencontre le courant passe entre les deux hommes, Devereux conteste immédiatement le diagnostic de schizophrénie. Il se lance dans une longue psychothérapie de Jimmy, décryptant ses rêves, son enfance, il démêle petit à petit l'écheveau de ses sombres pensées, de cet esprit toujours en guerre. A force d'écoute, de compréhension, de réflexion mais aussi grâce à sa connaissance de la culture amérindienne, le médecin français permet à Jimmy de se libérer de ses vieux fantômes, de soigner son âme et de retrouver un esprit en paix.
C'est une rencontre entre deux parias, Jimmy P se retrouve à la marge de sa communauté parce qu'il n'a pas voulu épouser celle qu'il avait mis enceinte, abandonné de son épouse volage, seul sans foyer il est rentré chez sa sœur au retour de la guerre. Devereux voit son travail contesté, son statut de psychanalyste n'est pas reconnu, juif originaire d'Europe centrale, son parcours familial est  par l'histoire européenne chaotique, il s'est converti au christianisme par volonté d'assimilation à son arrivée en France. Si Arnaud Desplechin a voulu un film au plus prés des textes laissés par le scientifique français, il n'en reste pas moins que ce film s’intègre parfaitement dans sa filmographie comme si le texte de Devereux avait longtemps inspiré son travail.
On retrouve  sa fascination pour l'acte médical, comme on avait déjà pu le voir dans Un conte de Noël, une passion pour la psychanalyse déjà entrevue dans Rois et Reines où nous assistions aux séances du héros qui se rendait chez une psychanalyste Madame Devereux, nous nous sommes également rappelés lorsque Jimmy est revenu sur son enfance cette scène de réminiscence où un personnage  de "comment je me suis disputé" se rappelait  comment enfant il bravait les autres contant comment son père mort venait lui rendre visite. Nous retrouvons également ses personnages de "mères au cœur viril" et son goût pour les lettres manuscrites qui sont toujours chez l'auteur d'Esther Kahn un grand moment de cinéma.

Ce film est une évidence dans la filmographie de Desplechin, qui  s'approprie avec naturel les comptes rendus de Georges Devereux, il est servi par un duo d'acteurs absolument époustouflants, Benecio Del Toro incarne à la perfection Jimmy P, il dégage une vraie présence physique, il révèle à travers un regard, un tremblement toutes les fêlures de son personnage, Mathieu Amalric est tout aussi impressionnant dans le rôle du scientifique iconoclaste que pouvait être George Devereux.

Arnaud Desplechin signe un film magnifique empreint d'une grande humanité, un regard sensible sur la communauté indienne qui n'est pas sans rappeler celui de John Ford explicitement cité par un extrait du remarquable "Young Mister Lincoln".
Définitivement Arnaud Desplechin est un cinéaste majeur de notre temps.

jeudi 12 septembre 2013

Albert Jacquard (23/12/1925 - 11/09/2013)

Nous dirons peu de choses sur Albert Jacquard, il convient d'écrire "humaniste" et tout est dit, tant sa vie fut un engagement perpétuel pour rendre le monde meilleur, moins fou, se refusant d'accepter les injustices comme une fatalité. 
Il disparait un 11 septembre, 40 ans après la mort de Salvador Allende, 12 ans après les attentats du World Trade Center et du Pentagone sans oublier les passagers du vol 93, un jour de colère pour cet homme de paix!

Requiescat in Pace Albert Jacquart .

mercredi 11 septembre 2013

Salvador Allende vu par Pablo Neruda

Voila quarante ans qu'eut lieu le coup d'Etat militaire qui renversa le gouvernement démocratique chilien présidé par Salvador Allende. Les Etats unis eurent un rôle prépondérant dans cette opération qui reste une des taches les plus sombres de notre histoire contemporaine.

Pour marquer ce triste anniversaire, nous avons repris deux extraits du  dernier chapitre des mémoires de Pablo Neruda, j'avoue que j'ai vécu. Douze jours après ce coup de force, le poète succombait officiellement d'un cancer à la prostate. Son décès pour cause naturelle a depuis été remis en question.


"Allende

Mon peuple a été le peuple le plus trahi de notre temps. Du fond des déserts du salpêtre, des mines du charbon creusées sous la mer, des hauteurs terribles où git le cuivre qu’extraient en un labeur inhumain les mains de mon peuple, avait surgi un mouvement libérateur, grandiose et noble. Ce mouvement avait porté à la présidence du Chili un homme appelé Salvador Allende, pour qu'il réalise des réformes, prenne des mesures de justice urgentes et arrache nos richesses nationales des griffes étrangères.
Partout où je suis allé dans les pays les plus lointains, les peuples admiraient Allende et vantaient l'extraordinaire pluralisme de notre gouvernement. Jamais, au siège des Nations unies à New York, on n'avait entendu une ovation comparable à celle que firent au président du Chili les délégués du monde entier. Dans ce pays, dans son pays, on était en train de construire, au milieu de difficultés immenses une société vraiment équitable, élevée sur la base de notre indépendance, de notre fierté nationale, de l'héroïsme des meilleurs d'entre nous. De notre côté, du côté de la révolution chilienne, se trouvaient la constitution et la loi, la démocratie et l'espoir.

[...]

L'occasion était belle et il fallait en profiter. Il fallait mitrailler l'homme qui ne renoncerait pas à son devoir. Ce corps fut enterré secrètement dans un endroit quelconque. Ce cadavre qui partit vers sa tombe accompagné par une femme seule et qui portait toute la douleur du monde, cette glorieuse figure défunte s'en allait criblée, déchiquetée par les balles des mitrailleuses. Une nouvelle fois les soldats du Chili avait trahi leur patrie. 

mardi 10 septembre 2013

Train de nuit pour Munich - Carol Reed

Disons le tout de suite Train de nuit pour Munich n'est assurément pas un très grand film, mais une sympathique comédie qui dans la lignée d'une femme disparait d'Alfred Hitchcock, traite d'une histoire d'espionnage avec les nazis. Les scénaristes Sidney Gilliat et Frank Launder sont également ceux du film d'Hitchcock
A la différence du film d'Hitchcock, l'ennemi est ici  identifié,  l'action est clairement située au moment de l'invasion de la Tchécoslovaquie par les forces nazies, le cinéaste insérant des images d'actualité pour illustrer son propos. L'enjeu de l'affaire d'espionnage est un scientifique tchèque qui a mis au point un  blindage redoutable. Réfugié en Angleterre , il est enlevé par les nazis avec l'aide bien involontaire de sa fille. Un agent du contre-espionnage britannique  tenace, part en terre allemande pour soustraire le scientifique  qui n'a aucune sympathie pour les hommes d'Hitler des griffes des nazis. Et comme dans une femme disparait, nous avons droit à un voyage en train plutôt rocambolesque...
Le scénario est assez improbable,  l'anglais est toujours flegmatique et l'allemand pas toujours très futé, nous retrouvons avec bonheur  le duo de touristes anglais fans de Cricket déjà présent dans le film Hitchcock ainsi que la charmante Margaret Lockwood, ...
Ce qui fait l'interet de ce film mineur  tourné en 1940, est la vision du soldat nazi où pour la dernière fois dans l'histoire du cinéma il est doté  d'un certain esprit chevaleresque, le cinéaste et ses scènaristes n'ont pas encore mesuré l'horreur du régime et son niveau de barbarie.

dimanche 8 septembre 2013

Cali en concert

Nous n'avons pas une grande passion pour le chanteur catalan Cali, personnage sympathique attachant, mais aussi agaçant  avec ses chansons d’éternel adolescent pensant naïvement pouvoir rendre le monde meilleur.  Nous avons eu l'occasion de le découvrir sur scène dans le cadre d' un concert gratuit offert par notre municipalité.
Pantalon de cuir rouge et chemise noire, Cali a montré deux heures durant une fougue certaine, s'inspirant assurément de deux héros de ses jeunes années: Leo Ferré et Jim Morrison. 
Deux figures tutélaires encombrantes qui poussent le chanteur vers une certaine forme de grandiloquence, Cali s'aime bien cela est une évidence, il frise parfois le ridicule quand il s'amuse à se faire porter par le public avec un manque évident de spontanéité. le répertoire manque un peu d’épaisseur où derrière les deux tubes "c'est quand le bonheur" et "elle m'a dit" , il n'a pas beaucoup de titres fédérateurs. Pour autant le chanteur est d'une vraie générosité se démenant  pour essayer de réveiller un public quelque peu atone.
Sympathique et agaçant c'est un Cali égal à lui même que nous avons découvert sur la pelouse du stade de Rugby.

Ormuz - Jean Rolin

Le détroit d'Ormuz, c'est la porte d'entrée du golfe persique, le trait d'union avec la mer d'Arabie. Wax a le projet d'en faire la traversée à la nage.  Le narrateur l'accompagne dans ce projet difficile à mettre en place.
De Wax, nous ne saurons pas grand chose tant tout ce qui le concerne est sujet à caution, mais très rapidement nous comprenons que ce projet est trop grand, lui-même prévoit de se faire aider, n'ayant aucun scrupule à programmer la tricherie.
Wax est avant tout un MacGuffin, pour notre narrateur curieux de se promener dans cette région du monde plutôt hostile par ses conditions météorologiques et géopolitiques.
C'est l'endroit où se croisent toutes les tensions, où les chiites et les sunnites se font face, où le monde vient s'approvisionner en pétrole,  un véritable paradis pour les marchands d'armes qui sous prétexte de dangers imminents vendent leurs derniers joujoux à des clients au compte en banque illimité.
Le passage est étroit, mais toutes les flottes du monde s'y retrouvent, bateaux de guerre, sous-marins, pétroliers, porte-containers, bateaux de pèches, vedettes rapides... ils se surveillent tous sous le regard des dauphins et autres cétacés.
Jean Rolin a fait du monde son quartier, il se promène aussi bien sur les boulevards périphériques de la capitale, qu'aux quatre coins du monde faire un inventaire des chiens errants, ou encore traverser l’Afrique en voiture. Il poursuit cette grande tradition où le journalisme devient littérature. Le golfe persique ne pouvait que le fasciner,  partir dans les pays des Emirats arabes unis où les buildings émergent en plein cœur du désert avec leurs abominables centres commerciaux temples d'un luxe  sans limite. Mais il n'omet pas également d'aller l'autre coté du golfe en Iran, malgré la peur est de se faire accuser à tort d'espionnage, la curiosité de Jean Rolin a ses limites , les geôles iraniennes ne sont pas inscrites dans son programme.
Il nous perd facilement entre toutes les iles, il convient d'avoir un atlas détaillé pour profiter pleinement de cette lecture, pour nous un vrai plaisir tant nous aimons nous plonger dans les cartes. Le ton rempli d'humour, nous permet de profiter pleinement des longues phrases de l'auteur, spectateur attentif de ce coin du monde où tous les margoulins semblent s'être donné rendez vous pour essayer de gratter sa part du pactole ... On y croise des marchands d'armes, des militaires, des espions, des industriels, des politiciens, des salafistes, ce n'est plus vraiment un désert...
Une lecture passionnante, un voyage à prix imbattable !

Parquet Courts - Light Up Gold

L'envie d'un pur moment de Rock'n roll, des accords simples, des chansons courtes remplies d’énergie, en même temps quelque chose de juvénile et frais, tout cela nous l'avons trouvé dans Light Up Gold l'album de Parquet courts, un groupe de texans installés à New-York, devenus dingue de cette dernière.

"Je pense que de façon inconsciente, notre groupe a vraiment quelque chose de new-yorkais. Pour Parquet Courts, New York est une figure impérative, une trajectoire évidente que nous avons suivie."

Extrait d'une interview - www.telerama.fr

Light Up Gold de Parquet Courts est notre albume de la semaine !


samedi 7 septembre 2013

Une femme disparait - Alfred Hitchcock

Une histoire d'espionnage improbable qui met un peu de temps à se mettre en place mais dés que nous montons dans le train, Alfred Hitchcock nous offre un vrai suspens haletant, avec une once d'humour britannique.
Iris Henderson en voyage en Europe centrale quitte ses deux amies pour retourner en Angleterre où elle doit se marier. Avant de monter dans le train, un pot lui tombe sur la tête. Elle est secourue par une vieille anglaise Madame Froy, une gouvernante de retour aussi dans son pays. Les deux femmes sympathisent autour d'un thé. De retour dans son compartiment, la jeune femme encore marquée par le choc reçue sur la tête s'endort, à son réveil la vieille femme a disparu. Elle s'en inquiète, mais ses voisins lui indiquent qu'ils n'ont jamais vu sa compagne...Comme si elle avait rêvé.
Iris ne trouve du soutien qu'auprès du musicien anglais qui étudie les  mélodies  populaires avec qui elle s'est disputée la veille à l’hôtel . Le jeune homme surtout charmé par la jeune fille la suit dans son enquête pas vraiment convaincu, jusqu'au moment où le duo découvre des preuves irréfutables de l'existence de la vieille dame qui se révèle être une agent du foreign office, porteuse d'un message de la plus haute importance... Les affaires se compliquent
Ce film n'a pas la puissance narrative des productions hollywoodiennes à venir,  les moyens de productions y sont évidemment beaucoup plus modestes, Hitchcock révèle néanmoins tout son sens du récit, cette capacité à captiver le spectateur lui révélant juste les informations nécessaires pour qu'il s’inquiète du sort des héros.Il révèle cette capacité extraordinaire à créer un véritable suspens avec trois bouts de ficelles.
Ce film surprend par ces notes d'humour tout britannique notamment à travers deux personnages totalement caricaturaux . Ils incarnent dans un premier temps l'esprit munichois de l'époque, refusant de voir qui ce trame pour ne pas compromettre leur retour rapide et pouvoir assister à une rencontre essentielle de cricket, avant de s'engager avec un flegme tout britannique dans le conflit lorsqu'ils finissent par comprendre l'enjeu de ce qui se trame. Il convient de ne pas douter  de leur patriotisme et de leur courage.
Margaret Lockwood qui tient le premier rôle est absolument irrésistible, elle forme un duo épatant avec Michael Redgrave. Paul Lukas est particulièrement convainquant dans son rôle de méchant

mercredi 4 septembre 2013

Tirez la langue Mademoiselle - Axelle Ropert

Deux frères Boris et Dimitri Pizarnik forment un duo improbable de médecins recevant conjointement leurs clients. Exerçant en plein cœur du XIII ° arrondissement, les deux hommes sont totalement voués à leur profession, ils sont les dignes héritiers de Barberousse le médecin humaniste du film de Akira Kurozawa. Un soir, prévenus par le concierge d'un immeuble, ils se rendent chez une petite fille restée seule,sa mère est serveuse dans un bar de nuit. La petite fille diabétique fait des malaises.Les frères Pizarnik deviennent ses médecins , mais ils ont la mauvaise idée de tomber tous les deux amoureux de la mère Judith... cela devient un peu plus compliqué .
Tout semble idyllique en ce début de film, aucun problème pour croire à ce duo de médecin, mais très vite on devine les craquelures derrière cette première image quelque peu lisse notamment lorsque nous suivons Dimitri se rendant à une réunion des alcooliques anonymes... très vite il se dégage une douce mélancolie de ce film, au fur et à mesure que nous découvrons les fêlures de ses personnages.
Sobriété dans la mise en scène, l'écriture est absolument remarquable, chaque personnage est d"une justesse incroyable... Nous pourrions avoir une petite réserve sur le jeu de Louise Bourgoin un peu trop monocorde, il lui manque cette petit étincelle qui ferait d'elle une grande dame du cinéma français. Nous ne voudrions pas être injuste avec Cedric Kahn qui est formidable, il révèle une vraie présence mais dans ce rôle il nous fut difficile à ne pas penser à Vincent Lindon qui reste sans égal.
Mais ne boudons pas notre plaisir pour ces peccadilles, le film humaniste de Axelle Ropert est formidable!
Une petite mention pour la bande son qui nous permet d'entendre Barbara Carlotti merveilleuse en duo avec Philippe Katherine...

lundi 2 septembre 2013

Une enfance de Jésus - J-M Coetzee

Une histoire déroutante, fascinante que le dernier roman de J.M Coetzee, notre première rencontre avec cet auteur sud africain, alors même que Disgrâce son œuvre majeure nous attend depuis de  nombreux mois sur le coin d'une étagère.
Un homme, Simon accompagné d'un enfant de 5 ans David débarque dans un centre d'hébergement à Novillo, on ignore tout de ce pays. Nous savons juste qu'ils ont étudié avant d'effectuer la traversée l'espagnol, langue officielle de cette cité. Simon a pris en charge David, ce dernier a perdu la feuille qui donnait des indications sur ses parents...
Novillo est une cité qui semble tout droit sortie d'un livre de Kafka, ville froide dont les habitants ne semblent pas avoir un grand humour, mais une sorte de cité idéale où chacun a du travail, un domicile, où les ouvriers peuvent assister gratuitement au match de foot ou assister à des cours de philosophie le soir après le travail... La nourriture est sommaire, les passions amoureuses ne semblent pas avoir place, il en ressort une tristesse infinie, l'angoisse d'un monde parfait où personne ne remet en question le fonctionnement de la collectivité. 
Aussitôt arrivés, nos deux personnages se voient attribuer une nouvelle identité,  un appartement. Simon trouve immédiatement un emploi de Docker sur le quai N°2 , il porte des sacs de grains sous les ordres de Alvaro avec qui lui et l'enfant sympathisent rapidement. Dés qu'il a du temps de libre, Simon cherche à retrouver la mère de l'enfant qui montre une intelligence singulière.Il porte son choix sur la première jeune femme croisée en dehors de son quartier, Inès qu'il voit jouer au tennis dans une résidence privée en compagnie de ses deux frères...
Cette dernière prend au sérieux son nouveau rôle de mère, elle engage une relation exclusive avec l'enfant, Simon se retrouve à l'écart, il abandonne son appartement à David et sa mère. Il part vivre secrètement dans un local sur les quais...
Nous ne raconterons pas en détail l'histoire, mais une fois le livre refermé il garde tout son mystère. Un regard sombre que celui de Coetzee qui ne cherche pas apporter des réponses mais plus à partager ses interrogations sur le sens des choses, de la maternité, du progrès...A travers les yeux de cet enfant, il met en exergue l'absurdité du monde, son regard nous a semblé particulièrement désespérant.
Une étrange lecture qui ne cesse de vous poursuivre après l'avoir terminée. Un roman envoutant qui nous encourage à découvrir plus largement l’œuvre de cet écrivain majeur.

dimanche 1 septembre 2013

Alela Diane - About Farewell

Nous avions découvert Alela  Diane avec son premier album Pirate's Gospel qui lui avait valu un sacré succès ... Nous avions été moins enchantés par ses productions suivantes, peut être parce que la chanteuse voulait éviter cet écueil des artistes Folk de refaire toujours le même album.
Son dernier album si il est un retour aux sources musical est également l'écriture d'une nouvelle page, puisque l'écriture est nourrie de sa séparation avec son compagnon qui était aussi le guitariste de son groupe.
Album autoproduit après avoir été virée par sa maison de disque, About Farewell signe le grand retour de Alela Diane. Nous aimons passionnément la mélancolie de ce dernier album.

About Farewell, est notre album de la semaine !


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