vendredi 31 août 2012

La vierge, les coptes et moi - Namir Abdel Messeeh

Parti pour tourner un film en Egypte sur les apparitions de la vierge, phénomènes qui semblent courants lors des rassemblements des chrétiens coptes . Le film de Namir Abdel Messeeh se révèle vite être un échec, il tourne en rond au Caire n’arrivant pas à trouver des témoignages intéressants sur la plus célèbre des apparitions, celle de 1968, peu aidé par les prêtres qui se méfient de lui. Issu lui même, d’une famille de coptes, Namir vit en France où il a grandi, il affirme sans ambages qu’il n’est pas croyant ce qui a le don de fermer définitivement ces interlocuteurs.

Son producteur se rend vite compte que son film est voué à l'échec, il lui intime l’ordre de rentrer à Paris et lui coupe les vivres… Notre cinéaste têtu, reste sur place et décide avec un bout de subvention et l’aide de sa mère, une femme haute en couleur au caractère bien trempé, de poursuivre son film dans son berceau familial, un village de Haute-Egypte où il retrouve sa grand mère, sa tante et  ses cousins qui survivent tant bien que mal  de l’agriculture. Il les invite à participer à son film, en devenant acteurs d’une reconstitution d’une apparition mariale .

Une plongée dans le monde Copte, une minorité religieuse qui a refusé  de se convertir à l’Islam après l'invasion arabe. Victimes de discriminations, leur quotidien n’est pas simple, partageant peu de choses avec leurs compatriotes musulmans si ce n’est une passion commune pour la Vierge Marie et un ennemi commun : Israël… Phénomènes étonnants où une partie de la foule voit apparaître la vierge, sur les vidéos là où nous voyons qu’une lueur d’autres y voient la douce Marie entourée de colombes. L’apparition de 1968 est particulièrement importante parce qu’elle intervient dans un contexte politique particulier. Le pays est encore meurtri par la défaite cinglante et humiliante de la guerre des six jours, et cette apparition est vue comme un soutien de la vierge au peuple égyptien, à se demander si les sbires de Nasser n’ont pas favorisé cette apparition….

Parfois un peu long, cette autofiction qui ne flatte aucunement le  narcissisme de son auteur, emporte néanmoins notre sympathie. Bien loin de l’Egypte carte postale des pyramides, nous découvrons une zone rurale pauvre dotée aléatoirement de l’électricité où la religion quelle qu'elle soit, tient une part prépondérante  Nous sommes juste avant les événements du printemps arabe, nous ne voyons rien venir, les paysans plongés dans leur quotidien semblent ici bien loin des préoccupations de la capitale, accablés par une sorte de fatalisme. Nous aimons le sourire des enfants, les adultes qui retrouvent une forme d'innocence face à la caméra où la grand mère édentée dont le visage à la sagesse d'une vieille tortue... Lorsqu'il s'agit de préparer la scène de l'apparition de la verge, ils sont tous là autour du cinéaste à donner leur avis... ce qui nous a fait pensé à un sketch savoureux  de Fellag décrivant une scène de panne de voiture dans les rues d'Alger, tous les passants accourant autour du véhicule pour donner leur avis.... l'humoriste concluant, que voulez-vous, c'est le seul moment de démocratie que nous avons le droit de vivre !

mercredi 29 août 2012

Témoignage sur la débâcle - Mai 1940 (3)


Retrouvés dans les archives familiale, les lettres d'un aïeul engagé dans les combats en mai 40 comme lieutenant d'infanterie Troisième lettre après 8 jours de combats, une désorganisation totale :

Ma toute chérie,

Aujourd'hui seulement je puis t'écrire. J'ai eu une attaque formidable, j'ai été fait deux fois prisonnier, j'ai réussi à partir avec un de mes groupes. J'ai battu en retraite et avec mes hommes nous venons de faire plus de 120 km à pieds. J'ai été dans un trou avec 2 hommes sous un char boche. Le plus terrible c'est le bombardement aérien. Ensuite étant pris dans les chars boches; j'ai reçu les tirs de notre artillerie et de nos mortiers. B... blessé doit être prisonnier, S... et E.. tués, Be.. et Bi... prisonniers certainement. Roger a pu réussir à passer au travers j'ai su ça par le Lt P... du 1er bat. André est certainement prisonnier aux dernières nouvelles, il était avec les officiers du 1er Bat enfermé dans le château. Il m'est impossible d'avoir des lettres de mon régiment, plus rien, la comptabilité est foutue. Je vais essayer de me reposer, je suis fourbu et fiévreux, pas de médecin et nous pouvons d'un instant à l'autre remettre ça. Je suis écœuré, je ne sais si tu vas recevoir ma lettre car le courrier est très boiteux. Petite Chérie et vous mes petits, j'ai toujours eu vos visages présents devant mes yeux. C'est grâce à vous que je suis encore ici bas, j'ai eu un sacré sang froid et c'est ce qu'il faut. La maison de Madame D... est fichue  et la mienne n'est guère plus belle. Donne de mes nouvelles à ma mère. Tache d'en donner à mon père. Mes petits chéris je vous embrasse tous bien fort. J'espère le faire bientôt petite Z.. je te serre bien fort dans mes bras ainsi que mes deux petits.

Ton petit Mari. Votre petit papa.

Le 18 mai 1940

Pour retrouver la première lettre, cliquez ici
Pour retrouver la deuxième lettre; cliquez ici


Impossible Monsieur Bébé - Howard Hawks (1934)


Dr David Huxley, un zoologiste, est perché sur un échafaudage, un os entre les mains cherchant à lui trouver sa place dans le squelette du brontosaure qu'il reconstitue.
Cette première scène muette révèle toute la puissance comique de Cary Grant qui par sa seule présence emporte la sympathie immédiate du public qui ne peut s'empêcher de rire à le voir plonger dans ses réflexions avec son os dans la main.
Son assistante vient lui annoncer la grande nouvelle, la clavicule tant espérée vient d'être découverte, elle doit être bientôt reçue par le Museum. Nous apprenons par la même occasion que ces deux là doivent se marier le lendemain L'arrivée de cette clavicule bouleverse les projets, la future épouse explique qu'il convient d'annuler le voyage de noces pour se consacrer à la recherche car le mariage sera consacré à la science et uniquement à la science...
Il ne va pas rire notre savant avec cette mégère sur ses talons Il ne reste plus que 24 heures à Katharine Hepburn alias Susan Vance pour entrer dans la vie de Cary Grant et lui épargner un mariage particulièrement ennuyeux.... 
C'est au cours d'une partie de golf où se rend notre cher docteur pour convaincre un avocat influent, de faire obtenir  au Museum  un don important, qu'a lieu le premier imbroglio qui permet la rencontre entre le professeur et Susan Vance, délicieuse héritière un rien kleptomane…
C’est le début d'une folle journée pour le professeur qui va se retrouver confronté à un guépard voire deux, faire un séjour en prison avant de céder à l'irrésistible Katharine Hepburn. Personne ne peut résister à son charme surtout pas le spectateur...
Comme toujours chez Howard Hawks, cette comédie repose sur un rythme fou, associant gags et dialogues éblouissants… c'est toujours aussi irrésistible, 74 ans après sa sortie...

Dans son livre d'entretien avec Joseph Mac Bride, Howard Hawks est interrogé sur les raisons qu'il le pousse à habiller Cary Grant avec des habits de femme, notamment dans cette comédie où il se retrouve en déshabillé:
"La fille jouait le rôle de quelqu'un qui ne se soucie de rien au monde, et tout ce qu'elle faisait lui causait de plus en plus d'ennuis. Il marchait sur sa robe, il sabotait une partie de golf, elle promenait un léopard - elle le mettait simplement dans le pétrin. En toute logique, le point extrême de tout cela consistait à lui faire porter un déshabillé féminin. Tout ce que nous pouvions imaginer pour l'humilier, pour l'abaisser pendant qu'elle folâtrait joyeusement, ça donnait ce que je trouvais amusant. Je pense qu'il est amusant de donner à la femme le rôle dominant et de laisser l'homme être le plus drôle." 

Film vu dans le cadre de notre année de la comédie américaine

mardi 28 août 2012

Peste & Cholera - Patrick Deville

Passionnante lecture que le roman de Patrick Deville qui vient nous conter la vie d'un homme aux multiples facettes: Alexandre Yersin. Rien ne prédestinait à cette vie d'aventurier tout droit sortie d'un roman de Joseph Conrad, ce jeune homme né en Suisse, élevé par sa mère suite au  décès précoce de son père . Sa  famille protestante d'origine française  a fui les Cévennes après la révocation de l'Edit de Nantes. Le jeune homme est brillant, il se destine à l'étude de la médecine. Bilingue, il choisit l'Allemagne (Marbourg) pour étudier avant de rejoindre Paris où il fait une rencontre essentielle, Emile Roux, le bras droit de Joseph Pasteur. Il participe activement au travail de recherche de l'institut qui vient de mettre en place le vaccin contre la rage.
Mais très vite, le jeune homme se lasse de la vie de laboratoire, "ce n'est pas une vie de ne pas bouger". Il ne résiste pas à l'appel du grand air, et s'engage comme médecin dans les Messageries Maritimes. Direction l’Asie et l’Indochine qui devient son nouveau domaine. Même s'il ne coupe jamais les liens avec l'équipe Pasteur, son modèle est plutôt David Livingstone, le célèbre médecin missionnaire anglais parti à la découverte de l'Afrique. Alexandre Yersin s'installe définitivement en Indochine, à Nha Trang. Il étudie profondément ce nouveau pays, mais il ne fait jamais preuve d'esprit colonialiste, il n'y a aucun réflexe raciste chez cet homme. Géographe, cartographe, ethnologue, marin, agriculteur, botaniste... rien ne lui échappe, sa curiosité est sans limite. 
 L'institut Pasteur lui demande de reprendre du service en 1894 pour se rendre à Hong Kong où sévit une épidémie de peste. Il découvre à cette occasion le bacille de la peste: Yersinia Pestis, une étape indispensable pour espérer un vaccin.. La peste ce fut 25 millions de morts en Europe lors de l'épidémie de la grande peste au moyen age, soit la moitié de la population.
Né en 1863, Il meurt dans son domaine indochinois en 1943
Ecrit exclusivement à la troisième personne, Patrick Deville trouve le ton juste pour conter cette vie, parfaitement documenté , il a pu semble-t-il  accéder sans limite aux archives de l'institut Pasteur... Rimbaud, Joseph Conrad, David Livingstone, Brazza traversent ce livre ... on ne s'ennuie pas un instant!

lundi 27 août 2012

La conspiration - Paul Nizan

Il nous fut tout naturel de passer d'un roman de Jean-Paul Sartre à un autre de Paul Nizan tant les deux hommes furent proches. C'est au lycée Henri IV qu'ils firent connaissance, études qui devaient les mener plus tard sur les bancs de Normale Sup. A la différence de son condisciple, Paul Nizan s'est engagé politiquement très jeune, adhérant au parti communiste. Il le quitte au moment du pacte germano-soviétique, ce désistement lui vaut la vindicte des cadres du parti, Aragon étant particulièrement sévère. Paul Nizan est mort au combat en 1940 à l'âge de 35 ans. Jean-Paul Sartre lui resta fidèle.

La "Conspiration" sortie en 1938 a pour sujet un groupe de jeunes gens de l'Ecole Normale Supérieur qui souhaite mener une activité révolutionnaire. Ils décident de créer une revue "la guerre civile" qui connait un certain succès. Mais Rosenthal, le leader du groupe souhaite donner plus d'ampleur à son mouvement, pour cela il entend mener des opérations d'espionnage pour obtenir des informations sur la sécurité intérieure. Il demande ainsi à son ami André Simon, élève à l'école des Chartes qui est en train d'effectuer son service militaire de recopier les plans de défense de Paris en cas de soulèvement populaire... Pas très habile, ce dernier se fait vite attraper... Nos jeunes révolutionnaires ont à vrai dire un petit coté pieds nickelés.

Portrait d'une jeunesse dorée issue de la haute bourgeoisie parisienne, dont on peut voir dans l'engagement un moyen de contrarier leurs parents. Rosenthal est issu d'une famille juive fortunée du XVI° arrondissement, son meilleur ami Laforgue est le fils d'un ingénieur polytechnicien... Mais par ailleurs ces jeunes gens ont bien du mal à se priver de leur confort bourgeois. le mouvement est mis en suspens l'été, il est difficile pour eux de se priver du temps des vancances. Rosenthal  profite d'un séjour en Normandie pour séduire sa belle sœur et se mettre en marge de sa famille..  A la rentrée les deux amis découvrent la trahison de leur camarade Pluvinage issu d'un milieu plus modeste qui a renseigné la police sur la cache d'un militant communiste, recherché pour atteinte à la sécurité nationale.
Rosenthal empêtré dans ses contradictions et son désarroi amoureux est dans une impasse...

Ecriture brillante, le roman de Nizan se lit d'une traite... s'il décrit une réalité propre aux années 30, nous pourrions dire également qu'il est prémonitoire de l'engagement de la jeunesse de la fin des années 60. Sa lecture  nous rappelle d'ailleurs Tigre en papier, récit de Olivier Rolin lui aussi ancien élève de l'ENS qui racontait ses années d'engagement dans la gauche prolétarienne, groupuscule maoïste.

dimanche 26 août 2012

La main au collet - Alfred Hitchcock (1955)


Sur la Riviera française, John Robie (Cary Grant) un américain qui fut un gentleman cambrioleur, a profité des évènements de la guerre pour s'échapper de prison et rejoindre les rangs de la résistance avec ses compagnons de geôle. Depuis la fin de la guerre, il vit paisiblement en honnête homme, célibataire convaincu dans une villa cossue. Il se retrouve soupçonné à tort par la police à la suite d'une série de vols de bijoux . Le mode opératoire est conforme à son ancienne pratique qui lui valut le surnom du  "chat": passer par les toits pour  subtiliser les bijoux au cœur de la nuit. La police  le soupçonne à tort d'avoir repris du service... Il n'a pas d'autres choix que de mettre la main sur l'usurpateur pour prouver son innocence...
Pour se disculper, il se rapproche d'une cible privilégiée, une mère et sa fille (Grace Kelly) , richissimes américaines vivant au Carlton à Cannes.  John Robie fait une rencontre imprévue: l'amour...

Tourné après un drastique régime, Alfred Hitchcock est heureux de retrouver la France, occasion pour lui de s'offrir une tournée des plus belles tables du sud de la France. Si " La main au collet" ne fait assurément pas partie des plus grands films du maître anglais, il est un heureux divertissement, aux dialogues ciselés, une expression du bonheur qui semble avoir régné sur le tournage. Rien d'inquiétant ici, nous ne croisons aucun méchant, Hitchcock ne s'amuse pas à nous inquiéter, il nous divertit, il n'est ici question que  de vols de pierres précieuses sans aucune violence... Il en devient presque franchouillard, arrêtant une poursuite sur la corniche pour une poule, ou s'amusant à faire du policier français un type pas très futé. Pour autant nous retrouvons ici un des thèmes chers au cinéaste de Vertigo, celui du faux semblant. Grace Kelly apparait à l'écran froide et sublime, avant d'embrasser impétueusement et à sa plus grande surprise John Robie... C'est d'ailleurs au sujet de ce film que Alfred Hitchcock développe lors de ses entretiens avec François Truffaut sa théorie sur le sexe évident, n'ayant pas peur de faire usage de clichés éventés pour justifier sa théorie.

A.H: "Quand j'aborde les questions de sexe à l'écran, je n'oublie pas que là encore le suspense commande tout. Si le sexe est trop criard et trop évident, il n'y a plus de suspense. Qu'est ce qui me dicte le choix d'actrices blondes et sophistiquées. Nous cherchons des femmes du monde, de vraies dames qui deviendront des putains dans la chambre à coucher. La pauvre Marilyn Monroe avait le sexe affiché partout sur sa figure, comme Brigitte Bardot, et ce n'est pas très fin.

F.T: C'est à dire que vous tenez avant tout à préserver un certain paradoxe: beaucoup de réserve apparente et beaucoup de tempérament dans l'intimité?

AH: Oui, et je crois que les femmes les plus intéressantes sexuellement parlant sont les femmes britanniques. je crois que les femmes anglaises, les suédoises, les allemandes du nord et les scandinaves sont plus intéressantes que les latines, les italiennes et les françaises. Le sexe ne doit pas s'afficher. Une fille anglaise, avec son air d'institutrice, est capable de monter dans un taxi avec vous et à votre grande surprise, de vous arracher votre braguette."


Servi par un duo de rêves, Alfred Hitchcock nous offre une aimable comédie mélancolique qui vieillit plutôt bien.

Ce film a été vu au cinéma l'Arlequin, dans le cadre de la séance ciné club de  Claude Jean Philippe. Pour en savoir plus la programmation, cliquez ici

samedi 25 août 2012

Neil Armstrong (05/08/1930 - 25/08/2012)

Neil Armstrong, le premier homme qui marcha sur la lune, est parti dans les étoiles . Requiescat in pace !

Femmes entre elles - Michelangelo Antonioni (1955)

Clelia s'installe à Turin, où elle a vécu lors de sa jeunesse, pour ouvrir une succursale d'une maison de couture romaine...  Elle fait connaissance de Cesare un architecte d'intérieur en charge des  travaux du magasin et ne reste pas insensible aux charmes de son second Carlo. Lors de son arrivée sa voisine de chambre d’hôtel, Rosetta fait une tentative de suicide... Cet incident permet à Clélia de faire connaissance avec un groupe de femmes de la haute bourgeoisie turinoise... Rosetta qui connait une nouvelle désillusion amoureuse met définitivement fin à ses jours.
Clelia est amère du comportement des amies de Rosetta, elle renonce à vivre avec Carlo, elle repart à Rome... Elle fait le choix de mener sa vie professionnelle et de garantir son indépendance. Antonioni se place au coté des féministes !

C'est un film d'une force terrible, Antonioni par une mise en scène absolument remarquable ne prend jamais position, ne porte aucun jugement, il filme tel un ethnologue de la bourgeoisie... Il semble être un témoin invisible de ce groupe de femmes bourgeoises dont la fortune semble garantie ne sachant pas vraiment comment occuper leurs journées si ce n'est en babillant, menant une vie absolument superficielle... 

Nous reprendrons ici les mots de Italo Calvino au sujet de ce film:

"C'est la première fois au cinéma que l'on voit la vie des groupes d'amies et d'amis de la bourgeoisie, les hystéries et les acrimonies qui fermentent sous la plaisanterie. Il s'agit d'un monde qui a déjà une tradition littéraire mais que le cinéma n'était pas encore parvenue à effleurer"

Adapté d'une nouvelle de Cesara Pavese, ce film est une merveille !

Vu au Champo.

Bonjour - Yasujiro Ozu

Minoru et Isamu, deux enfants s'échappent le soir de leur maison familiale pour aller chez les voisins, voir les matchs de Sumo à la télévision séchant par la même occasion leur cours d'anglais. Leurs parents leur interdisent l'accès à la maison voisine. Ils exigent alors l'achat d'un poste de télévision. Les parents excédés refusent de céder à l'injonction  et leur demandent de se taire.... ces derniers les prennent au mot et se plongent dans le mutisme le plus total, ne disant même plus bonjour aux voisins... Le rapport de force est engagé...
Magnifique cinéaste d'une simplicité absolue dans sa mise en scène, Ysujiro Ozu est un observateur avisé du quotidien japonais. Nous sommes ici dans la période de l'après guerre, dans un quartier de petites maisons dans la banlieue de Tokyo où  les habitants subissent une proximité insupportable. Nous comprenons sans qu'il n'en soit jamais explicitement question et c'est là tout le génie de Ozu, le problème du logement et de l'emploi dans le Japon de l'après guerre. Nous sommes dans une période charnière de la reconstruction où on voit un pays s’occidentaliser. L'arrivée de l'électroménager (télévision, lave- linge),  si il est assurément une source de développement économique n'est pas sans poser de problèmes de compréhension entre les différentes générations . Avec un vrai sens de la comédie, le réalisateur japonais signe une chronique familiale totalement irrésistible!

Vu à la filmothèque du Quartier Latin

Hold up - Erik Skjoldbjaerg

C'est la reconstitution minutieuse à partir des divers témoignages recueillis au cours de l'enquête du plus grand braquage de l'histoire norvégienne. Le 5 avril 2004 à Stavanger, les gangsters ont  allégé la banque Nokas de 57 millions de Couronnes. Pour arriver à leurs fins, ils ne se sont pas vraiment fatigués le cerveau, pas de coup de génie à la Spaggiari. Ils ont tout simplement pris d'assaut la place centrale en plein jour, usant d'une puissance de feu largement supérieure à celle de la police. Ils étaient armés comme une troupe d'élite militaire. Ils ont quand même pris soin de retarder l'arrivée des forces de l'ordre en faisant brûler un camion devant le commissariat pour empêcher la sortie des véhicules, mais lorsque ceux ci finissent tout de même par arriver sur les lieux, ils ne sont pas vraiment inquiets... 
C'est d'une violence inouïe, pour autant la vie continue sur la place de la ville, les piétons défilent comme  si  de rien n'était, grugés par le costume des gangsters conformes à ceux des forces spéciales de la police. Le tout finit par un échange terrible de coups de feu au cours duquel un policier périt... Les gangsters arrivent à se dégager et à prendre la poudre d'escampette...mais le générique de fin nous apprend que les traces d'ADN ont permis de les retrouver  mais il reste 51 millions dans la nature !

Le film de braquage est un genre propre au cinéma.La plupart du temps, le braqueur attire la sympathie du spectateur, nous pourrions citer à titre d'exemple le héros incarné par Al Pacino dans "un après midi de chien". Mais ici, rien de tel , impossible de trouver un coté  robin des bois à cette équipe qui relève plutôt d'une troupe d'assaut militaire, nous pourrions facilement les cataloguer de fascistes par leur goût de l'organisation, de la hiérarchie, de la violence et les quelques propos racistes que nous avons eu l'occasion de saisir lors de rares dialogues. Il est d'ailleurs frustrant de ne pas avoir plus d’éléments sur la personnalité réelle de ces braqueurs. Les choix de mise en scène sont ici tout aussi radicales et d'une efficacité redoutable.Le metteur en scène se limite uniquement aux faits, à l'action il ne s’arrête sur aucun personnage ou si peu, aucune psychologie, filmant uniquement selon les différents points de vue...  La caméra à l'épaule finit par user sur la longueur, nous ne comprenons pas cette volonté de coller au plus prés des protagonistes comme si cette "maladresse" d'image  était une preuve irréfutable de réalisme. Il nous montre l'impréparation des forces de l'ordre face à un tel assaut, ils improvisent en permanence et la naïveté des passants qui n'ont pas conscience de ce qui se trame dans leur ville. Erik Skjoldbjaerg  rend parfaitement compte du chaos, mais surtout il nous démontre qu'il n'y a aucun romantisme dans une telle attaque qui relève de faits de guerre. C'est inquiétant !

Mais finalement, le plus impressionnant est la capacité de la Norvège de ne jamais renoncer à ses valeurs démocratiques quel que le soit le drame auquel elle se retrouve confrontée. Nous apprenons lors du générique de fin qu'une enquête a été ouverte pour  savoir si le premier policier présent sur la scène était bien autorisé à faire feu sur l'équipe des braqueurs.  Admirable pays !

Vu au MK2 Odéon


jeudi 23 août 2012

Témoignage sur la débâcle - Mai 1940 (2)


Si dans la première lettre datée du 10 mai, le jour même où commencèrent les hostilités, on pouvait relever une certaine forme d'espoir, cette deuxième lettre écrite deux jours plus tard révèle déjà les premières désillusions.
 
"Le 12 mai 1940.

Ma chérie. C'est un sombre dimanche. Il n'y a plus de civils, les bombardements sont faits par vague de 25 avions, il y a des incendies, mon ancien cantonnement est rasé. Les aviateurs boches ont un cran formidable, ils descendent à 30 mêtres et mitraillent. Pour la première fois aujourd’hui, j'ai été sous un feu de mitrailleuses. Ce n'est ni de la guerre ni du sport, c'est de la destruction totale. J'étais en train de recevoir un Dornier lorsque ce salaud lâche deux bombes à 5 mètres sur la voie du chemin de fer, elles étaient en chapelet, mon sergent chef que tu connais, deux hommes et moi étions pleins de terre. Enfin çà va mais deux nuits sans sommeil c'est épouvantable, j'ai les yeux injectés et je dors debout. Si tu avais vu hier le défilé lamentable des réfugiés, les uns portant les autres jusqu'à ce matin 9 heures, mitraillés par les boches, il y a parait-il une cinquantaine de blessés ou tués. Sur l'autre rive des incendies, ça brûle, il n'y a plus personne. 

Aujourd'hui pas de courrier, j'espère qu'il va y en avoir demain, en attendant je t'embrasse bien fort ainsi que les petits, j'ai bien pensé à vous aujourd'hui.
Je t'écris à la lueur d'une lampe tempête. Il y a une chose inimaginable, rien pour combattre les incursions des avions boches, l'aviation française brille par son absence dans notre secteur. Quant à la DCA c'est propre. ce laisser aller est tel qu'il décourage."

mercredi 22 août 2012

Une journée avec Jane Eyre


Après avoir lu le sublime roman de Charlotte Brontë, Jane Eyre, il m’est bien évidemment impossible de ne pas aller voir les adaptations cinématiques sur les écrans cet été.
C’est pour cela que j’ai passé une journée en sa compagnie , allant de cinéma en cinéma.


Au champo, j'ai commencé par la version de Robert Stevenson datant de 1944 avec Joan Fontaine (Jane) et Orson Welles (Rochester).
C’était assez bien même si le film n’était pas toujours fidèle à l’œuvre. Le personnage d’Edward Rochester incarné par Orson Welles est très sombre et inquiétant, il fait presque peur, alors que dans le livre il est quand même plus doux, et semble moins menaçant. Helen Burns la grande amie de Jane à l'institut Lowood est incarnée par la toute jeune Elisabeth Taylor qui irradie l'écran.
 A certains moments, l’ambiance est étouffante, et la mise en scène est parfois excessive même si on reconnait ici ou là la patte de Orson Welles, producteur du film il n'a pu s’empêcher de participer au tournage. Thornfield (Le château où vit M.Rochester et où réside Jane Eyre pendant une grande partie de l’histoire) a tout du château fort renforçant encore l'ambiance gothique.
C’est un très bon film, mais un peu trop sévère avec une atmosphère très sombre. On notera aussi qu’une partie du roman (plutôt importante) a été enlevée et que certains passages ont été déplacés changeant ainsi l’ordre des événements.

J’ai ensuite enchaîné avec la version de Cari Fukunaga ( en 2011) avec Mia Wasikowska (Jane) et Mickaël Fassbender (Rochester)  au cinéma l'Arlequin.
C’est celle que j’ai préférée.
Mia Wasikowska incarne avec perfection Jane Eyre, jeune orpheline déterminée à construire son destin. C’est pareil pour Mickaël Fassbender, mais j’ai lu plusieurs mauvaises critiques à son sujet , ce qui m’étonne un peu… Je trouve son Rochester séduisant,  fidèle au personnage tourmenté du roman.
Ce film-ci est plus complet et plus proche de l’histoire que l’autre. Il paraît aussi moins violent. C’est sans doute grâce au redécoupage du livre qui a été fait : le film commence par la fin du roman, et tout au long de l’histoire, des analepses sont faites. Ce choix donne une liberté au cinéaste qui évite une simple mise en image linéaire du roman.
J’ajoute aussi que les costumes , les décors et les paysages sont magnifiques, nous plongeons dans l'Angleterre du XIXeme !

Bon, une fois rentrée chez moi, installée dans un bon fauteuil, je me mets la version de la BBC de je ne sais pas quelle année et dont j’ignore le  réalisateur. Je préfère oublier tant fut grande ma déception
Déjà, la boîte du film et le menu faisaient un peu peur, par  le côté cucul la praline et à l’eau de rose, mais j’avais confiance car ce film avait reçu de bonnes critiques et des prix.
Je n’ai même pas pu en regarder dix minutes. Tout semble figé, théatralisé, la mise en scène est médiocre et le jeu des acteurs est digne d’un potiron.
Je suis vraiment déçue, car étant une grande fan des films de la BBC (j’ai vu toutes les adaptations des romans de  Jane Austen) j'espérais une conclusion heureuse à ma journée !

En résumé, je conseille vivement la version de Cari Fukunaga, ainsi que celle de Robert Stevenson pour la prestation de  Orson Welles et de Joan Fontaine.

mardi 21 août 2012

Témoignage sur la débacle - Mai 1940 (1)

La lecture récente de "Une suite française" de Irène Némirovsky et "la mort dans l'âme" de Jean-Paul Sartre, nous a rappelé l'existence dans nos archives familiales de lettres écrites par un aïeul à son épouse au  début de la "débâcle". Lieutenant d'infanterie, il se retrouve au cœur de la bataille. Nous diffuserons  quatre lettres en retirant les prénoms cités, elles sont un témoignage de la violence des combats, du désarroi des soldats qui furent parfaitement décrits et analysés par Marc Bloch dans "l'Etrange défaite..."
Ecrites entre le 10 mai et le 21 mai 1940, leur auteur  fut gravement blessé le 23, blessures dont il portera les stigmates le restant de ses jours.

Le 10 mai 1940

Mes chéris,

Je profite d'un instant de calme pour t'écrire un mot. Tu parles d'une journée aujourd'hui. Ces salauds de boches sont venus en plein jour bombarder le triage, tu parles d'une musique mais rien de grave. Alerte depuis cette nuit et évidemment, la date de ma permission est reculée jusqu'à quel moment, je l'ignore?
Je comptais avoir une lettre de toi aujourd'hui pour avoir des nouvelles G... (*), j'ai vu ce matin ta lettre à la famille D...
Je me demande dans quel état est Z... au sujet de R... qui est à Nancy, il y a parait-il des victimes civiles. Je me félicite que tu ne sois plus à Lyon, Bron vient de prendre quelque chose aussi et notre maison n'est guère loin du terrain. La femme à A... ne doit guère s'amuser en ce moment. Il ne faut pas te faire de bile si tu restes quelques jours sans nouvelles, il va y avoir probablement des retards dans le courrier et puis j'ignore ce que nous allons faire. Je passe la nuit dehors, avec ces boches il faut se méfier, les parachutistes sont à craindre. J'espère avoir une lettre demain, je ne suis pas tranquille pour mon petit G... (*). J'ai compté 23 avions boches pendant la deuxième vague, nous allons passer une drôle de nuit. Charleville a pris une sacré sauce, je n'ai pas de nouvelles de mes parents, la ville n'a rien, c'est simplement les points stratégiques (usines, voies etc...). Mais quelle sale race que ces boches, nous allons arriver à dresser tous ces salauds. Je te quitte Z... chérie pour aller manger, il est 20 heures et je n'ai rien dans le ventre depuis 11 heures, nous avons les derniers travaux de défense à faire car s'ils arrivent ils vont avoir une fameuse réception.
Embrasse bien les petits pour moi, je t'embrasse tout fort Z... chérie. Comme il y a quelques jours je me félicite de t'avoir fait venir et je suis content de te savoir à nouveau là-bas, ça devient trop grave maintenant.
Le pauvre R doit râler, il faut qu'il revienne le plus possible. Nous avons une belle chance tous les deux.
Rebaisers petite chéri,e ainsi qu'à, Z..., M..., J..., pépé et mémé.
Ton petit mari tout à toi, confiance, courage et surtout tachez tous d'être gais, il est inutile d'avoir mauvais moral.

 (*) son fils

dimanche 19 août 2012

La mort dans l'âme - Jean-Paul Sartre

Après "l'Age de raison" et le "Sursis", "La mort dans l'âme" est le troisième roman "Des chemins de la liberté". Composé en deux parties, il se déroule sur trois mois entre juin et août 1940. Nous retrouvons dans une première partie Mathieu, personnage central des deux présents épisodes, engagé dans le conflit sans avoir à combattre, il se retrouve dans une période d'attente sans savoir si l'armistice est signé ou non. Dans un dernier baroud d'honneur, il mène enfin sa première attaque contre l'armée allemande, nous le laissons pour mort... Dans la deuxième partie, nous nous retrouvons avec Brunet, qui se retrouve prisonnier, enfermé dans un camp. Lui et ses camarades espèrent être libérés après la signature de l'armistice, ils sont embarqués dans un train mais l’Allemagne est leur destination. Brunet, fidèle à son engagement communiste, essaye de réunir ses compagnons de parti. Il croise Schneider qui s'il n'est pas engagé politiquement est  proche des idées défendues par Brunet, une amitié prend naissance...
Nous ne retrouvons pas ici l'esprit choral des deux premiers romans, l'écriture est  plus classique,  les divers protagonistes rencontrés lors des deux premiers épisodes sont ici dispersés du fait des événements, ils ne se croisent plus. Sartre se focalise principalement autour de Mathieu et Brunet, laissant tomber rapidement les autres  comme s'il avait renoncé à son ambition de grande fresque romanesque. D'ailleurs il ne mène pas au bout son projet laissant tomber rapidement son quatrième ouvrage "Drôle d 'amitié". Les thèmes de liberté, d'engagements chers à Jean Paul sont ici bien présents notamment lors des dialogues entre Brunet et Schneider. Pour autant, nous n'avons pas retrouvé le même plaisir à la lecture que lors des deux premiers épisodes beaucoup plus ambitieux. "Une suite française" de Irène Némirovski, lue précédemment et traitant de la même époque nous apparait bien plus passionnant et juste alors qu'il a été écrit sans aucun recul historique.

Ce roman a été lu en partie au bord de la save dans le comminges

mardi 14 août 2012

Villa gallo-romaine de Montmaurin (Haute Garonne)

Située dans les plaines du Comminges, la villa gallo-romaine est un parfait témoignage de la période de prospérité que connut le sud-ouest de la Gaule au début du IVème siècle jusqu'aux invasions des  Wisigoths. Une villa , installée sur ce site depuis le Ier siècle, au cœur de terres agricoles particulièrement fertiles, pas loin d'une rivière la Save, était devenue un palais d'une grand richesse durant le IVème siècle. Les vestiges permettent d'appréhender l'architecture, les volumes des pièces ainsi que le confort avec un système de chauffage central, les thermes avec un bain d'eau chaude et un autre d'eau froide...

Il convient lorsqu'on traverse le pays de passer par les gorges du Save magnifique promenade de 3km.

lundi 13 août 2012

Sordes l'abbaye

Situé dans le département des Landes, il convient d'oublier la vision "carte postale" de ce département avec ses plages de sable et ses forêts de pins. ici nous sommes à l'intersection de trois pays: le Béarn, les landes et le pays basque. La campagne qui longe le gave d'Oloron est plutôt verte, le maïs prédomine même si on cultive aussi le kiwi. Le seul problème c'est que l'abbaye est fermé le lundi....mais nous avons croisé de beaux chênes !


dimanche 12 août 2012

L'homme à la caméra - Dziga Vertov

Tourné en 1929, l'Homme à la caméra  raconte une journée en Union Soviétique. Tourné principalement à Odessa, nous observons un peuple apaisé, vivant un bonheur collectif, convaincu de participer par son travail à faire avancer le pays.  Hymne au progrès social nous assistons à des scènes de vacances au bord de mer qui ne sont pas sans rappeler celles que nous connaissons de la période du front populaire et des premiers congés pays. C'est un pays heureux qui nous est donné à voir, on y pratique le sport, on ne distingue plus de classes sociales, c'est l'image d'une révolution réussie.
Mais plus que le fond c'est la forme qui rend ce film absolument passionnant. Dziga Vertov faisant partie du mouvement des avants-gardes, veut inventer un langage cinématographique universel. Il applique des nouveaux principes stricts: pas d'intertitres, pas de scénario, aucun acteur professionnel. Il veut définitivement libérer le cinéma, des influences de la littérature et du théâtre, passer du ciné-drame au ciné-oeil. Pour cela, il filme la ville, usant d'une caméra légère et ne se refusant aucune audace.On reste notamment étonnés par la qualité des travellings. Il ne cache rien de la fabrication de son film par l'utilisation d'une mise en abyme, on suit le caméraman pendant le tournage, nous assistons à une partie du montage, à aucun moment le cinéaste ne cherche à duper le spectateur il y a une vraie volonté de vérité. Le montage est tout aussi révolutionnaire, surimpression, juxtaposition, ralenti, le film incarne à lui seul toute l'inventivité du cinéma soviétique des années 20. Eisenstein n'a pas épargné le film, « coq-à-l'âne formalistes et de pitreries gratuites dans l'emploi de la caméra ». Nous pouvons  y voir un règlement de compte, après que Vertov eut attaqué le ciné-drame.
Vertov pensait ouvrir une nouvelle ère du langage cinéma, mais Staline va définitivement assoir son pouvoir totalitaire mettant fin aux mouvements des avant-gardes, Vladimir Maïakovski se suicide en 1930. Le DVD du film est complété par  le documentaire de Bernard Eisenschitz sur le cinéma soviétique des années 2O avec notamment l'importance prise par le montage.
Ce fut un vrai bonheur de découvrir ce film qui fit son entrée à la huitième place du dernier classement des plus grands films de l'histoire du cinéma publié par la British film institute

vendredi 10 août 2012

Suite Française - Irène Némirovsky

Arrêtée le 15 juillet, déportée à Auschwitz par le convoi n°6 du 17 juillet 1942, Irène Némérovsky est décédée le 19 août de cette même année surement du typhus. Son mari, Michel Epstein connait le même destin tragique, il est gazé dés son arrivée à Auschwitz, le 6 novembre 1942. Leurs petites filles Denise et Elisabeth sont protégées par ceux qu'on appelle les justes, la gendarmerie a beau mettre tout son zèle elles échappent à la déportation. Avec elles, un trésor, un dernier manuscrit écrit dans l’urgence par leur mère: Une Suite Française.
Au départ, le projet était d'écrire une suite de cinq romans, seuls les deux premiers ont été achevés: "Tempête en juin" , une description précise de la débâcle et de l'exode, et "Dolce" tableau d'un village où une compagnie de l'armée allemande vient s'installer chez l'habitant avant de partir rejoindre le front russe, certains négocient avec l'occupant quand d'autres choisissent le silence, décrit plus tard par Vercors. C'est avec une justesse incroyable sans aucun recul qu' Irène Nimérovsky fait un tableau de la France, la plume est incisive, elle n'épargne pas sa classe sociale, celle de la haute bourgeoisie. Elle saisit parfaitement les différents comportements à venir, ceux qui sont prêts à collaborer, ceux qui ne peuvent supporter cette présence étrangère, puis ceux qui baissent la tête résignés, elle fustige cette résignation et nous révèle que le courage n'est pas toujours où on le croit. Ce portrait de la France prolonge celui de la règle du jeu de Jean Renoir. Ce manuscrit, ces filles ont refusé de le lire jusqu'en 1998, le roman est édité en 2004 obtenant à titre posthume la prix Renaudot.Un hommage amplement mérité qui permet de redécouvrir cette auteur.

Irène Némerovski fut un écrivain important  de son temps, connaissant le succès aussi bien critique que commercial. Il lui fut parfois reproché ses attaques contre sa communauté, notamment dans son deuxième roman David Golder adapté au cinéma par Julien Duvivier. Ses demandes de naturalisation lui furent toujours refusées. C'est sans espoir que Iréne Nimérovsky part dans le Morvan à l'arrivée des nazis. En quelques lignes d'une cruelle lucidité, elle décrit son désespoir:


"Pour soulever un poids si lourd
Sisyphe, il faudrait ton courage.
Je ne manque pas de cœur à l'ouvrage
Mais le but est long le temps est court."


Ce roman fut lu en partie au jardin Massey, un parc magnifique situé au cœur de Tarbes.

jeudi 9 août 2012

En mémoire de Carl Einstein

Ecrivain allemand, historien de l'art, Carl Einstein, proche des expressionnistes, fut un œil acéré de son époque, connu notamment pour son ouvrage sur les sculptures nègres. Il fut également proche de Jean Renoir, il participa ainsi à l'écriture de Toni. Passionné d'art, il n'était pour autant pas étranger aux soubresauts européens  de son temps. Proche des communistes, des anarchistes, il s'engage lors de la guerre d'Espagne au coté des républicains. Il fait l'éloge de Durrutti le leader anarchiste lors de ses obsèques à Barcelone en 1936.
Au début de la seconde guerre mondiale, il est emprisonné à Bordeaux. Libéré lors de la débâcle, il se dirige vers la frontière Espagnole. Nous pouvons penser que le passage de la frontière n'est pas pour lui une solution possible qu'il n'a aucun espoir de survie dans l'Espagne franquiste. Ses origines juives, son passé politique, Carl Enstein est dans une impasse face à l'avancée inéluctable des forces nazies. Il se jette d'un pont dans le gave de Pau, mettant fin à ses jours le 5 juillet 1940. Il est enterré dans un petit village du Béarn, Boeil Bezing.

Nous promenant pour trouver un peu de fraicheur en cette journée de forte chaleur sur les bords du gave où Tony Estanguet a découvert les joies du canoé, nous avons eu une pensée pour ce grand monsieur du siècle précédent. Nous nous sommes rendus à Boeil Bezing, ce petit village d'où est originaire Jeanne de Saint-Vincent, la mère de Jean-Baptiste Bernadotte, le petit soldat du roi qui allait devenir roi de Suède. Dans le cimetière où fut enterré Carl Einstein, il n'y a pas de pierre tombale au dessus de sa sépulture, mais une simple plaque fixée au mur pour nous rappeler l'homme qu'il fut.


mercredi 8 août 2012

Nous sommes allés saluer le Vignemale



Partis du pont d'Espagne (1496 m) au-dessus de Cauterets, nous nous sommes rendus au refuge des Oulettes (2150 m) situé au pied de Vignemale le plus haut sommet des Pyrénées françaises (3298 m). Sur notre route nous avons contourné le magnifique Lac de Gaube. Un grand classique de la randonnée pyrénéenne.

Arrivés au refuge nous avons continué un peu notre chemin pour nous approcher au plus près du glacier du géant des Pyrénées. Nous ne parlerons plus de neige éternelles, elles ne devraient pas survire à la folie des hommes et au réchauffement de la planète...

Six heures de marche au total et le bonheur de vivre au milieu de sublimes montagnes !


mardi 7 août 2012

Michel Polac (10/04/1930 - 07/08/2012)

Nous nous souvenons de l'émission "Droit de réponse", une époque où les invités fumaient, buvaient en direct  sur le plateau... Desproges, Coluche et de nombreux éditorialistes, libre-penseurs sont passés par ce plateau, ce fut un temps où il y avait de vraies engueulades où des dossiers sensibles étaient abordés sur les plateaux de télévision. La parole était libre, les diverses opinions pouvaient s'exprimer... TF1 fut privatisée, vendue alors à l'empire de Francis Bouygues. La liberté n'avait plus sa place, Michel Polac et ses acolytes furent priés de dégager. L'objectif de la chaine était de mettre les cerveaux de ses téléspectateurs à disposition de coca-cola. C'était la consécration de la société de consommation !
Nous savons également qu'il fut le créateur de la plus ancienne émission de radio "le masque et la plume" où des critiques se retrouvaient pour discuter de l'actualité littéraire et du théâtre, puis plus tard du cinéma.
Nous nous rappelons qu'il fut un lecteur insatiable, un chroniqueur de la vie littéraire, gardant toujours une indépendance par rapport aux maisons d'éditions et aux modes littéraires. Il parlait toujours avec sincérité, ne nous cachant ni ses enthousiasmes, ni ses mauvaises humeurs. Nous ne partagions pas les mêmes goûts mais nous avions toujours plaisir à l'écouter, à le lire.
Michel Polac fut aussi un auteur, mais nous ne n'avons jamais lu ses livres.

Nous aimons Michel Polac pour son goût de la polémique, son amour de la liberté. Requiescat in Pace Michel Polac !

lundi 6 août 2012

Le dieu Océan


Etonnante histoire, que celle d'un agriculteur du domaine de Saint Girons sur la commune de Maubourguet, un gros bourg au nord des Hautes Pyrénées, souhaite cultiver du maïs sur  son champ consacré jusqu'à alors au pâturage à la fin des années 70. Mais lorsqu'il retourne la terre, il bute à chaque fois sur ce qu'il pense être des restes de fondations d'un ancien pigeonnier. Pour régler définitivement le problème, il fait appel à une entreprise de terrassement. L'entrepreneur a eu le nez fin dés le début des travaux, il a l'intuition que ce n'était pas là de simples fondations. C'est ainsi que fut découverte une mosaïque datée de la fin de l'empire romain.
Exemplaire exceptionnel par son emblema central où figure une représentation du dieu Ocean, un titan, fils ainé d'Uranos et de Gaïa. Il n'est pas connu d'autres représentations similaires d'Okéanos dans l'empire. Des travaux de fouilles se sont alors déroulés sur plus de vingt ans, qui permirent de découvrir l'histoire de ce lieu. Les fouilles archéologiques et l'étude des sources historiques ont permis de reconstituer l'histoire du domaine... la mosaïque était le fond d'un frigidarium (salle d'eau froide) d'une villa gallo-romaine du III° siècle qui fut transformée par la suite en Eglise Paléochrétienne, puis en Eglise carolingienne au VIII° siècle , période où fut recouverte la mosaïque ,  avant de devenir un pigeonnier...
Cette superbe mosaïque est conservée au musée de Maubourguet qui nous raconte en détail le travail de fouilles.

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