jeudi 29 septembre 2011

Pièce rapportée - Hélène Lenoir

"Quand elle apprend que Claire, sa fille de vingt quatre ans, vient d'être transportée sans connaissance à l'hôpital Beaujon après avoir été fauchée sur son vélo par un motard qui a pris la fuite. Elvire saute dans le premier train pour Paris et pressent très vite que cet accident va l'ébranler.
A mesure que se reconstitue le patchwork de sa vie,  Elvire s'éloigne peu à peu de sa famille pour qui elle n'a finalement jamais été qu'une pièce rapportée."

Les éditions de minuit soignent leurs quatrièmes de couverture, c'est pour cette raison que nous la retranscrivons telle quelle. 
En épousant Frédéric, c'est plus avec une famille qu'avec un homme qu'Elvire s'est liée: les Bolhander, famille versaillaise bourgeoise et catholique où l'on est Médecin, Avocat ou Curé. C'est une famille, un clan avec ses secrets qui ne doivent pas sortir du cercle. L'accident de Claire, devenue amnésique l'oblige à se replonger dans ce passé familial pour lui venir en aide, elle ouvre les tiroirs. Elvire en découvre toute sa détestation, il y avait bien son beau père avec qui elle avait une complicité mais il est mort. Hélène Lenoir varie les formes de style, de la narration, au monologue intérieur, des dialogues ou des morceaux de journaux intimes, des personnages restent énigmatiques tel le cousin Claas, ... Prendre le large semble être la seule alternative à Elvire pour pouvoir respirer...c'est peut être tout simplement l'histoire d'une libération

C'est notre premier ouvrage de Hélène Lenoir. A son sujet les critiques citent Nathalie Sarraute un auteur qui à notre grande honte nous est restée méconnue. Cette première lecture est un vrai coup de cœur, c'est un regard sans concession sur la famille où les silences sont parfois plus violents que les mots. Regard  parfois violent qui n'est pas sans rappeler celui de Ingmar Bergman, nous allons prendre le temps de découvrir l’œuvre de Hélène Lenoir!

mardi 27 septembre 2011

Zouc Par Zouc - Extrait

Photo Magalie Nadaud


Le jeu
"Quand mes parents étaient au lit, je rentrais avec ma sœur dans la chambre, je leur disais d'être bien sages, j'éteignais le plafonnier, il restait les deux petites lampes de chevet. Je dévoile un secret très familial: mon père dort avec un bonnet pour ne pas attraper de rhume. Je lui mettais bien son bonnet, c'était de l'or parce qu'il se laissait faire facilement, je remontais bien les draps et je lui mettais les mains en prière. Ma mère était plus dure à cuire: elle s'exécutait pour en avoir fini plus vite. Une fois qu'ils étaient tous les deux comme de vrais morts, j'imitais le curé de mon bled. A l'époque je savais chanter la messe des morts d'un bout à l'autre. Je tournais autour d'eux en faisant semblant de leur envoyer de l'eau bénite et je faisais un discours d'éloge jusqu'au moment où mon père disait: "Ça y'est, au lit!". Avec ma sœur on était satisfaite. Ça nous faisait surtout rire nous."

Zouc par Zouc - Hervé Guibert  -Ed l'arbalète - Gallimard



lundi 26 septembre 2011

Paulette Dubost (08/10/1910 - 21/09/2011)

Paulette Dubost, elle a tourné dans "la règle du jeu" de Jean Renoir , "Lola Montes" de Max Ophuls, dans "le dernier métro" de François Truffaut....et dans plein d'autres films...

100 ans elle était juste un plus jeune que le cinéma!

dimanche 25 septembre 2011

Habemus Papam - Nanni Moretti

Le Pape est mort, un nouveau conclave se réunit pour en élire un nouveau . Les cardinaux venus des quatre coins du monde sont enfermés dans le Vatican, le secret doit être préservé. Les votes se succèdent, aucune majorité ne se dégage. Les cardinaux changent leurs votes et portent leur voix sur le cardinal Melville. Elu, tétanisé par sa nouvelle fonction, le nouveau pape tombe dans la dépression, il refuse d'être présenté à la foule, le conclave ne peut se terminer. C'est la crise au Vatican, tout est envisagé, il est même fait appel à l'aide d'un psychanaliste...

Merveilleux Piccoli qui donne toute sa dimension à son personnage, il doit être présenté à la foule, on entend son cri, il est cloué sur son fauteuil et il nous revient en mémoire l'étude de Innocent X de Francis Bacon inspiré par Velasquez.


On comprend l'angoisse de cet homme, Pape c'est être condamné à perpétuité à la solitude à ne plus avoir de vie intime, chacun prie dans son coin pour ne pas être l'élu, nous les comprenons. Mais plus largement, c'est une véritable réflexion sur le pouvoir .

On imaginait un Moretti corrosif, il nous apparait finalement plus conciliant presque tendre, ce film n'est en rien une charge. peut être une réflexion plus large sur la vacance du pouvoir qui engendre immédiatement une angoisse dans l'opinion, le vide fait finalement peur. Les médias s'emballent, il faut commenter des experts débarquent sur les plateaux où dans une scène remarquable l'un d'entre eux fait un véritable "coming out" en reconnaissant son ignorance, scène remarquable !


Prince Of Assyria - Missing Note...en trois lignes

Né en Irak mais élevé en Suéde parce que ses parents ont choisi l'exil. Ninos Dankha signe un album de 10 titres d'un folk lumineux. Missing Note est un album qui s’écoute en boucle, où chacune d'elle révèle la richesse  de ces compositions aux influences multiples. Une grande découverte!


Missing Note est notre album de la semaine!

vendredi 23 septembre 2011

Anne Roumanoff en trois lignes

Ce soir nous avons vu un spectacle de Anne Roumanoff et nous n'avons pas ri. Lorsque nous sommes arrivés dans la salle, la lumière dessinait un coeur sur la scène, c'est parce qu'elle aime son  public. Nous nous savons plus qui a eu l'idée d'acheter les places.

Anne Roumanoff bof beauf !

jeudi 22 septembre 2011

La guerre est déclarée - Valerie Donzelli



Romeo et Juliette s'aiment. Dés le premier regard c'est le coup de foudre, un enfant va rapidement naître Adam. Après l'enchantement de la naissance c'est la dégringolade avec la découverte de la maladie d'Adam, une tumeur au cerveau, la guerre est déclarée...Le film est autobiographique.

Voila un sujet qui a tout pour faire un film larmoyant, où l'on prend le spectateur prisonnier d'un suspens détestable, ce cinéma là nous ne l'aimons pas.
Valerie Donzelli évite tous ces écueils en ouvrant son film sur l'enfant grandi qui vient passer un dernier scanner, on comprend,  pas de suspens, il s'en sort. Evidemment des scènes sont dures, lorsque le diagnostic tombe il a la froideur d'une lame d'acier. Se succèdent alors des temps d'espoir et de désespoirs, comme il est dit c'est un marathon qui s'est engagé; mais par les variations de tons la réalisatrice fait tomber la tension quand celle-ci devient trop forte, Valérie Donzelli mélange habilement scènes de drames et de comédie.
Le couple a décidé de garder raison quoiqu'il arrive, de ce pacte de départ ils ne s'écarteront pas... La mise en scène pas n'est jamais démonstrative, mais habile et maligne pour donner du rythme à ce film alors que le temps semble s’arrêter, et que l'attente devient le quotidien de ce jeune couple. A aucun moment elle ne prend le spectateur en otage, c'est une vraie réussite!

Au générique de fin, il est rendu hommage à l'hôpital public, il est vrai que jamais il n'est question d'argent, on ne s'interroge jamais sur la couverture sociale de la famille... c'est un des plus grands acquis sociaux!


L'anarchiste - Soth Polin

 Des deux cents écrivains cambodgiens avant l'arrivée de Pol Pot, il en n'en reste que quatre au moment de sa chute. Soth Polin fait partie des survivants, il dut quitter précipitamment son pays pour avoir dénoncé les pratiques du régime en place de Lon Nol dans son journal et cette fuite fut sa bouée de sauvetage.

L'anarchiste se compose de deux textes écrits à trente ans de différence, avant et après le génocide. 

La première nouvelle raconte l'histoire de deux garçons partant satisfaire leurs envies de sexe dans une maison close, c'est égrillard . Notre narrateur n'a pas vraiment le moral, la nouvelle s'ouvre:

"Ma vie s'écoulait comme une lente hémorragie. Elle se vidait de sa substance dans une espèce de fuite en avant. Chaque journée passée était pour moi un délabrement continu, une page envolée, une pièce perdue, un pétale perdu, emporté au hasard des vents, sans retour..."

Lors de son étreinte avec une prostituée il se surprend à lui serrer fortement le cou ... plus tard, avec sa cousine Sinuon, il ne réfrène plus ses désirs de meurtre et glisse dans la folie, prémonitoire assurément de celle qui va s'emparer de son Pays. Mais au delà de cette histoire surement inspirée par la littérature de Mishima (d'ailleurs cité en préambule d'un chapitre),c'est une nouvelle à clé qui règle son compte au Prince Sihanouk, le livre fut interdit mais il se vendit très bien sous le manteau en son temps.

Dans la deuxième partie, le narrateur chauffeur de Taxi à Paris perd le contrôle de sa voiture, il raconte sa vie à sa passagère anglaise tombée dans le coma. Il lui dit, ce qui est étonnant pour nous, comment il vécut dramatiquement  la chute de Nixon, qui allait modifier la donne en Asie et permettre l’émergence d'un pouvoir communiste à Phnom Penh. Il soutenait le régime des nationalistes  mais le meurtre de son ami Savouth Ministre de l'Education victime d'un règlement de compte va le conduire à dénoncer dans son journal la vérité sur l'état de corruption du régime et entraîner sa fuite finalement salvatrice vers Paris . Mais comment vivre en Exil quand votre famille et vos proches ont été massacrés par le régime de Pol Pot...
C'est assez déroutant, les scènes de sexes sont d'un ennui certain, elles sont un peu trop redondantes et n'ont pas grand intérêt. Nous comprenons que dans sa première nouvelle  elles peuvent apparaître comme subversives pour l'époque. Mais le plus intéressant reste ce cocktail d'influences venues d'Europe et d'Asie, c'est ici en quelque sorte la rencontre entre Nietzche et Bouddha et quand il raconte l'histoire de son pays, il devient vraiment passionnant et poignant. C'est le livre d'un auteur en plein désarroi qui eut dans sa jeunesse pour Professeur Saloth Sar le futur Pol Pot, il leur parla de Verlaine, Vigny, Rimbaud... avant de partir pour le maquis et devenir un des plus grands bourreaux de l'histoire. Il se retrouve seul en Exil,  un survivant ....Relisez "L'étranger" de Baudelaire, Soth Polin doit en comprendre très concrètement le sens des vers.
Editions de la table ronde

mardi 20 septembre 2011

Zouc par Zouc de Hervé Guibert adapté au théâtre

(photo Magalie Nadaud)

Zouc est un personnage Hors Norme d'une humanité rare à qui la vie n'a pas fait de cadeau. Zouc par Zouc est un ouvrage extraordinaire où elle se confie à Hervé Guibert. Nous en avions déjà parlé (cliquez ici)

Nicolas Liautard est un homme de théâtre dont nous avons découvert le travail l'année précédente à travers le Misanthrope de Molière où par des choix forts de mise en scène, il mettait en avant la beauté du texte de Molière, il nous en donnait toute sa saveur. 
Nous avions également vu une adaptation visuelle de "Blanche Neige" des frères Grimm d'une grande poésie.

Nicolas Liautard nous ne le connaissons pas, mais nous l'imaginons curieux de la vie, de son prochain. Sa rencontre avec Zouc nous apparait comme une évidence...

Alors le Zouc par Zouc de Hervé Guibert mis en scène par Nicolas Liautard c'est assurément un évènement de la nouvelle saison théatrale. 

C'est à la scène Watteau à Nogent Sur Marne du 13 au 16 Octobre. Précipitez vous !


Site de la scène Watteau, cliquez ici

Pou voir le dossier de presse, cliquez ici

Nos articles: le Misanthrope, Blanche Neige



dimanche 18 septembre 2011

Bleu Pétrole - Alain Bashung (2008)

Parce que le Carmadou fête ses deux ans ce jour, nous avons décidé de mettre en avant notre album celui qui nous fait frissonner dés son ouverture:

Je t'ai manqué?
Pourquoi Tu me visais?

Et qui se clôture sur les mots de Gérard Manset ( Il voyage en solitaire):

Et voilà le miracle en somme
C'est lorsque la chanson est bonne
Car c'est pour la joie qu'elle lui donne
Qu'il chante la terre.

Alain Bashung est un géant... Son dernier album est un enchantement, trois ans après sa sortie il ne nous a jamais quitté, il fait toujours partie de notre quotidien.

Il est à nouveau notre album de la semaine et il le sera à nouveau!

samedi 17 septembre 2011

La douleur - Marguerite Duras - Théâtre de l'Atelier



Courte nouvelle qui raconte l'attente de Marguerite Duras à la fin de la guerre alors que son époux Robert Antelme a été déporté à Buchenwald pour faits de résistance. Pur moment d'angoisse, où elle voit les premiers retours des prisonniers, des déportés, la peur ne cesse de monter à la vue de ces corps abimés de retour de l'enfer, la presse montre les charniers, l'espoir semble impossible. Puis c'est les premières nouvelles de compagnons qui ont vu récemment Robert dont on apprend qu'il a cherché à s'évader mais finalement fut repris et battu, aucune certitude quand à savoir si il est vivant. Les jours avancent, les discours triomphateurs de De Gaulle sont insupportables aux oreilles de celle qui ne peut se réjouir de la victoire. Puis c'est Morland (Mitterand) qui retrouve son compagnon de résistance dans un camp, méconnaissable il a été placé dans le "mouroir" de Dachau par les américains car il n'est plus en état d'être transporté. François Mitterrand appelle les camarades pour organiser son rapatriement en usant de subterfuges surement appris par leur passé de résistant. On suit l'agonie dans tous ses détails physiques puis la renaissance miraculeuse du poète.

C'est un des plus beaux textes de Marguerite Duras, les mots prennent aux tripes, c'est absolument bouleversant. C'est un thème universel et vieux comme le monde de la femme qui espére le retour de son époux de la guerre. Elle dit avoir retrouvé ce texte oublié dans un placard de sa maison de cammpagne, nous voulons bien la croire tant  son écriture est ici spontanée c'est surement à travers elle qu'elle a pu exorciser sa douleur.

Comment rendre cette force sur scène, tout simplement en confiant ces mots à une actrice hors norme: Dominique Blanc qui vous saisit dès les premiers mots pour ne plus vous lâcher. Elle dévoile la richesse de ce texte, en montre toutes les subtilités.La mise en scène de Patrice Chéreau renforce le sentiment d'exacerbation par les déplacements, la façon de tenir des clés,  le texte est quelque peu élagué mais l'essentiel est là. Dominique Blanc est exceptionnelle. 

Sublime, forcèment sublime!

vendredi 16 septembre 2011

Les bien aimés - Christophe Honoré

Ce qui est un peu triste quand vous êtes vendeuse de jolies chaussures, c'est que vous êtes si mal payée que vous ne pouvez pas vous en offrir une paire. Madeleine,  elle un soir a été suffisamment  maligne pour sortir une paire de "Roger Vivier" rouges   sous sa jupe ... mais voleuse elle n'est pas, elle préfère tarifer ses amours pour améliorer son train de vie....Puis un jour un jeune médecin tchèque l'accoste, c'est le début d'une histoire d'amour.. En ce temps là, Prague ce n'est pas très sexy surtout que son mari médecin se révèle cavaleur, les chars russes débarquent dans les rues de la capitale, Madeleine rentre vite à Paris avec sa petite fille où elle trouve le réconfort dans les bras d'un garde républicain...

Sa fille, Véra grandit, un soir à Londres jeune adulte, elle tombe amoureuse dans un club du batteur d'un groupe de rock, c'est le coup de foudre, elle se jette dans ses bras, mais c'est la poisse, le bel homme est gay.... En même temps un jeune collègue professeur  ne cesse de lui déclarer sa flamme, il est incarné par Louis Garrel, normalement toutes les filles craquent pour le petit Garrel mais elle non. Ce sont les années 80, les esprits se libèrent, mais le Sida débarque c'est définitivement la poisse, le mur de Berlin tombe les tchèques sont de retour... Le film glisse dans la gravité...

Ouverture truffaldienne, des pieds, des jambes, une vision angélique de la prostitution , et très rapidement les chansons d' Alex Beaupin, nous retrouvons la patte de Christophe Honoré, son amour des ainés, il offre même à Milos Forman, l'auteur "des amours d'une blonde" une histoire d'amour avec la plus sublime blonde du cinéma français: Catherine Deneuve, avant de lui donner une mort à la Odön Von Horvath...Ambitieux film qui s'étale sur plus de 40 ans et glisse dans le mélodrame, c'est parfois un peu long mais si peu...on allait juste oublier de dire que Chiara Mastroianni est formidable et Catherine Deneuve définitivement éternelle!

Nous n'avons pas compris que le nom du coiffeur de Michel Delpech soit cité au générique de Fin. Qui a envie d'aller chez le coiffeur de Michel Delpech?

jeudi 15 septembre 2011

Pater - Alain Cavalier

Pater est un film assez simple. Alain Cavalier est le président de la République, il nomme Vincent Lindon Premier Ministre avec pour mission de définir par la loi un salaire maximum comme il est défini un salaire minimum. Il y a une discordance entre les deux hommes sur le rapport entre les deux salaires, le président souhaite un rapport de 1 à 15 quand le premier ministre veut un rapport de 1 à 10. N'arrivant finalement pas à réunir une majorité autour de son projet, le premier ministre démissionne et se présente aux élections contre le président...
Cela relève du bricolage, les scène sont filmées aux domiciles des deux hommes, nous ne savons pas ce qui est écrit au préalable, mais il est sûr qu'il existe des improvisations, Vincent Lindon se prend au jeu puisqu'il reconnait que depuis le début du projet il se met sincèrement à penser les problèmes de la France. Et lorsqu'il parle de retirer les décorations aux exilés fiscaux, on sent toute sa sincérité. C'est réjouissant, un film qui parle de  politique et en dénonce ses excès sans tomber dans le populisme. Plus le temps passe et plus nous aimons Vincent Lindon, absolument réjouissant lorsqu'il parle de ses conversations avec son propriétaire!

mercredi 14 septembre 2011

Le maître des aveux - Thierry Cruvelier

Le maître des aveux, c'est Kaing Guek Eav plus connu sous son pseudonyme de révolutionnaire Douch qui fut à la tête du sinistre camp S21 où plus de douze mille personnes périrent durant les quatre années où les Khmers rouges dirigaient le Cambodge. Sinistre prison où des aveux sans fondement étaient  arrachés aux prisonniers sous la torture avant de se voir systématiquement appliquer la peine capitale Reconnu en 1999 par le photographe Irlandais Nic Dunlop plus de vingt ans après la chute du régime de Pol Pot, vivant paisiblement dans un village, Douch est le premier responsable Khmer Rouge a être jugé. Fait rare pour un bourreau, il reconnait sa responsabilité et participe au débat. Thierry Cruvelier assiste à son procès.

Mais le" Maitre des aveux" va bien au dela du simple compte rendu des débats étalés sur de longs mois, c'est un portrait du Cambodge plongé dans la tourmente. Douch personnage complexe converti au christianisme reconnait son crime, l'auteur cherche à le cerner pour cela il reprend le portrait des psychologues et le travail de l'historien américain David Chandler. C'est un travail remarquable.

La situation est complexe,  Douch alors jeune professeur de mathématiques s'est embarqué librement dans le parti communiste, on peut d'ailleurs comprendre aisément cet engagement au vu de la situation de son pays, dirigé au début des années 70 par la junte militaire du général Lol Non avec le soutien des américains. Mais une fois le régime des Khmers Rouges au pouvoir en 1975, la paranoïa devient le moteur du nouveau gouvernement, le pays bascule dans la folie irrationnelle, nous sommes bien loin de l'idéal communiste. Phnom Penh est vidé de ses habitants, les camps de travail se multiplient, les assassinats sont quotidiens, le régime va éliminer un quart de la population.  Pour Douch pas d'alternative soit il se comporte comme un bon Khmer rouge, soit c'est la mort, il choisit d'être très obéissant...Dans ce camp qu'il dirige, Douch voit ses anciens professeurs, ses anciens collègues défiler. Pas d'émotion, pas de protection, il savait que la moindre faiblesse aurait signé son arrêt de mort. Il n'est d'ailleurs pas impossible de penser que sans la chute du régime Douch aurait fini par être à son tour victime d 'une purge. Les trois quarts des victimes du camp étaient des serviteurs du régime...

Mais Douch a beau reconnaître ses crimes, la réconciliation avec les victimes est impossible, les zones d'ombres demeurent. Thierry Cruvelier cite si justement un extrait "d'incendies" de Wajdi Mouawad: "Pourquoi ne pas vous avoir parlé? Il y a des vérités qui ne peuvent être révélées qu'à la condition d'être découvertes." 

L'accusé accepte même de répondre sur des périodes qui vont au-delà de son accusation, notamment sur sa participation au camp de rééducation M13 où  François Bizot l'ethnologue français fut prisonnier. il fut un des rares à pouvoir échapper à la terreur, il en fait le récit dans son livre "le portail" où il retrace les longs dialogues qu'il a pu avoir avec Douch.  Il témoigne au procès et tente d'expliquer la complexité du personnage.

Thierry Cruvellier est un journaliste, il est resté quatre ans à Phnom Penh, pour couvrir le procès des Khmers rouges. Auparavant, il a couvert des procès contre l'humanité à La Haye et Sarajevo pour l'ex Yougoslavie, à Freetown pour le Sierra Leone, à Arusha pour le Rwanda. Ce livre est exceptionnel par la qualité du travail, il se lit comme un thriller et ne simplifie en rien la problématique du personnage. Il pose de vraies questions, la culpabilité de Douch ne fait aucun doute, mais il ne faisait pas partie des plus hauts dignitaires du régime communiste, certains de ceux-là ont pu rejoindre les arcanes du pouvoir sans être inquiétés. Khieu Samphan, ancien président du Kampuchéa démocratique, et Nuon Chéa "ancien frère n°2" des khmers rouges se sont ralliés au gouvernement de Hun Sen au nom de la réconciliation nationale, ils ne seront pas jugés.

Le maitre des aveux est un livre exceptionnel à placer à coté de ceux de Jean Hatzfeld consacrés au génocide rwandais.

Sortie prévue en librairie le 21 septembre - Editions Gallimard



dimanche 11 septembre 2011

Salvador Allende


"Mon peuple a été le peuple le plus trahi de notre temps. Du fond des déserts de salpêtre, des mines de charbon creusées sous la mer, des hauteurs terribles où gît le cuivre qu'extraient en un labeur inhumain les mains de mon peuple, avait surgi un mouvement libérateur, grandiose et noble. Ce mouvement avait porté à la présidence du Chili un homme appelé Salvador Allende, pour qu'il réalise des réformes, prenne des mesures de justice urgentes et arrache nos richesses nationales des griffes étrangères.
Partout où je suis allé, dans les pays les plus lointains, les peuples admiraient Allende et vantaient l’extraordinaire pluralisme de notre gouvernement. Jamais, au siège des nations unies à New York, on avait entendu une ovation comparable à celles que firent au président du Chili les délégués du monde entier. Dans ce pays, dans son pays, on était en train de construire, au milieu de difficultés immenses, une société vraiment équitable, élevée sur la base de notre indépendance, de notre fierté nationale, de l'héroïsme des meilleurs d'entre nous. De notre coté, du coté de la révolution chilienne, se trouvaient la constitution et la loi, la démocratie et l'espoir."


Pablo Neruda - J'avoue que j'ai vécu.

Parce que le 11 septembre, c'est aussi l'année 1973 et la mort de Salvador Allende renversé par un coup d'état, mené par les militaires de son pays activement soutenus par la CIA.



The Strokes - Is this it? (2001)

En ce jour anniversaire, nous avons décidé de faire honneur au premier album du groupe New Yorkais The Strokes sorti en 2001 digne héritier du Velvet Underground. Cet album signait la résurgence d'un rock basique, deux guitares, une basse, une batterie et un chanteur Julian Casanblacas au charisme certain . Les attentats du 11 septembre allaient être la cause de leur première censure, la chanson New-York City Cops a été retirée de l'album (uniquement aux Etats Unis) sorti  quelques semaines après l'attentat parce qu'ils chantaient :

"New-York City Cops, they ain't too smart" (que Wikipédia traduit par "les flics de la ville de New-York, ils ne sont pas très futés)

Is This It? une pure merveille rock'n roll est notre album de la semaine!

samedi 10 septembre 2011

Melancholia - Lars Von Trier

Claire organise une fête somptueuse dans la propriété de son mari fortuné pour le mariage de sa sœur Justine. Cela commence par une scène de comédie où les mariés se retrouvent dans une limousine coincée dans un virage menant à la propriété. Mais très vite la tension monte, nous retrouvons ce bruit si caractéristique du film "Festen", des couverts frappant un verre pour obtenir le silence et laisser place aux mots, aux règlements de comptes familiaux.  Ce mariage, c'est finalement l'espoir pour Claire de voir sa sœur Justine accéder au bonheur et de guérir de sa nature mélancolique. Peine perdue, le mariage dure le temps d'une soirée!
Les invités partis, Claire se retrouve seule avec son mari et son enfant, mais très vite elle fait revenir auprès d'elle sa sœur plongée dans la dépression. Le film se resserre autour du quatuor alors que la menace de la planète Mélancholia se fait plus précise. Plus le chaos approche et plus Justine semble trouver l'équilibre au contraire de Claire...

Nous ne connaissons pas suffisamment l’œuvre de Lars Von Trier dont nous avions vu uniquement "Breaking the Waves",  pour situer ce dernier film dans sa filmographie. Film de science fiction poétique qui tel un opéra s'ouvre sur un prologue porté par la musique du prélude de  Tristan et Isolde de Wagner,ces premières scènes prendront tous leur sens par la suite mais elles nous ne donnent aucun espoir sur l'issue du film.  Si la première partie du film consacrée à la fête du mariage est assez classique du cinéma de Lars Von Trier et n'est pas sans rappeler le Festen de Thomas Vinterberg déjà cité,  la deuxième partie plus intimiste  bascule dans la science fiction pour se terminer par l'apocalypse. Nous découvrons un cinéaste qui trouve son inspiration chez Bruegel,  les peintres romantiques du XIX° tel Gaspar Fiedrich ou l'anglais John Everett Millais, la littérature de Nerval... Kirsten Dunst  tout en nuance nous fait comprendre sa mélancolie qui éclate définitivement dans une scène extraordinaire où elle remplace des images d'art abstrait par des représentations macabres. Charlotte Gainsbourg est tout aussi remarquable même si son personnage est plus lisse.

Pas de doute, Lars Von Trier signe un très grand film, une météorite dans le paysage cinématographique.

lundi 5 septembre 2011

Limonov - Emmanuel CARRERE

"Limonov, lui, a été voyou en Ukraine; idole de l'underground soviétique; clochard; puis valet de chambre d'un milliardaire à Manhattan; écrivain à la mode à Paris; soldat perdu dans les Balkans; et maintenant, dans l'immense bordel de l'après communisme, vieux chef charismatique, d'un parti de jeunes desperados. Lui-même se voit comme un héros, on peut  le considérer comme un salaud: je suspends sur ce point mon jugement."

Emmanuel Carrère résume ainsi le personnage éponyme de son roman . Il nous embarque dans un grand voyage à travers le monde et à travers l'histoire de ces cinquante dernières années. Personnage complexe, Histoire complexe que celle de la Russie, Emmanuel Carrère ne simplifie rien,  mais par son style, sa clarté, sa connaissance, il nous permet de les appréhender sans difficulté . Son roman se lit d'une seule traite et cela est déja une première gageure.

Limonov, comme lui, nous sommes sans cesse partagés dans nos sentiments. Détestable, touchant, émouvant nous sommes habités sans cesse par des sentiments différents à la lecture de ces pages,c'est le type même du personnage qui ne peut s'exprimer que dans les périodes troubles de l'Histoire. Il se rêve en héros et en cela son histoire est plutôt un échec, il est toujours vivant et c'est quelque part miraculeux . Nous l'avons préféré en écrivain, son séjour à New-York où il va véritablement se consacrer à l'écriture nous fait penser à la période parisienne de Henry Miller, d'ailleurs cité par l'auteur. Emmanuel Carrére nous donne l'envie de nous plonger dans ses livres véritables petits brûlots qui ne semblent malheureusement plus très bien édités. Finalement nous pouvons penser que c'est la littérature qui a sauvé sa vie, il reste peut être encore une once de respect pour les écrivains en Russie et pour cette raison il a surement échappé à une exécution sommaire.

Mais ce livre est aussi un livre de géographie, celui d'un voyageur. Comme dans "un roman russe"; nous aimons la description faite de ce pays gigantesque que l'auteur semble avoir arpenté dans tous ses recoins, la description de Kharkov, de Moscou des provinces asiatiques sont remarquables et ne sont pas sans nous rappeler celles faites par Fitzroy Mac Lean dans "Diplomate et Franc Tireur" un autre très grand livre sur la Russie malheureusement devenu introuvable.

Limonov est un roman extraordinaire, pas de doute Emmanuel Carrère est  un de nos grands écrivains!

dimanche 4 septembre 2011

Beirut - The Rip Tide ... en trois lignes!

Zach Condon est Beirut, il joue de la pop orchestrale qui semble sortie tout droit du fin fond des Balkans. Mais c'est un américain de Santa Fé dans le Nouveau-Mexique qui joue du folk en usant de tous les instruments d'un orchestre symphonique. C'est extraordinaire!

The Rip Tide est notre album de la semaine.


jeudi 1 septembre 2011

La piel que habito - Pedro Almodovar


Un chirurgien esthétique disjoncte... son histoire familiale n'est pas simple, sa femme puis sa fille se suicident par défenestration, nous ne vous en dévoilerons pas les raisons. Mais nous pensons que cet homme là n'a jamais été très net même avant tous ses malheurs... Nous vous dirons juste pour expliquer le titre du film que la recherche sur la peau est devenue l'obsession de notre héros. Un cobaye est devenu nécessaire.

Adapté du roman "Mygale" de Thierry Jonquet un roman noir angoissant, Pedro Almodovar se lance dans le thriller et il nous déçoit quelque peu dans sa première partie assez longue à se mettre en route, le cinéaste nous balade sans trop savoir ou il veut nous mener, nous n'accrochons pas trop, nous trouvons notamment la scène de l'homme tigre particulièrement indigeste... Nous n'aimons pas non plus ces passages "pub" imposés par des participations financières; nous pensons notamment aux plans "BMW", les films de Almodovar sont devenus "bankables", le cinéaste s'embourgeoise et "s'académise" .
Dans la deuxième partie du film, après la scène du mariage où nous disposons enfin de toutes les clés de l'histoire, nous entrons dans la partie la plus "hitchcockienne" du film, et nous vibrons à chaque plan, le film prend toute sa mesure, Antonio Banderas est vraiment inquiétant et nous oublions rapidement l'ennui de la première partie, nous retrouvons tout le talent du cinéaste ibérique...

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