dimanche 11 novembre 2012

Armistice du 11 novembre 1918


La lecture du dernier roman "14" de Jean Echenoz nous avait  rappelé la terreur des batailles de la Grande Guerre, Nous sommes passés sur la place centrale de notre douce citée  lorsque les couleurs étaient levés en ce jour de commémoration.

Une envie de prendre le temps d'honorer les victimes de cette tragédie à travers quelques textes:

(...)Songe que nous marchons dès avant l'aube que nous marchons des jours entiers sans savoir où nous allons, que nous attendons dans des cours de ferme des heures et des heures sans savoir pourquoi, songe à toute la patience, à toute la religion qu’il nous faut pour résister à ce chagrin d'avoir perdu ce que l'on aime. Songe que nous serons peut-être bientôt couchés dans des tranchées dans l' eau et le froid et la boue, sous le feu. Il ne faut rien nous dire, il ne faut rien penser qui nous enlève un peu de foi et nous coupe les jambes. C'est de toi que j'attends toute ma force, toute ma vertu, toute mon audace, tout mon mépris de la mort. 

Extrait d’une lettre écrite le 20 août 1914 par Henri-Alban Fournier, dit Alain-Fournier à sa fiancée qu’il devait épouser au retour de la guerre . Le jeune auteur du Grand Meaulnes allait avoir 28 ans . Il sera tué le dans le petit bois de Saint Remy de Calonne. 


Verdun, 15 juillet 1916, 4 heures du soir. 

Je suis encore vivant et en bonne santé, pas même blessé alors que tous mes camarades sont tombés morts, ou blessés aux mains des boches qui nous ont fait souffrir les mille horreurs, liquides enflammés, gaz lacrymogènes, gaz suffocants, asphyxiants,attaques...
Je suis redescendu de première ligne ce matin. Je ne suis qu'un bloc de boue et j'ai dû faire racler mes vêtements avec un couteau car je ne pouvais plus me traîner, la boue collant mes pans de capote après mes jambes... J'ai eu soif... Pas faim... J'ai connu l'horreur de l'attente de la mort sous un tir de barrage inouï... Je tombe de fatigue... Je vais me coucher, au repos dans un village à l'arrière où cela cogne cependant, voilà dix nuits que je passe en première ligne. Demain les autos emmènent le reste de mon régiment pour le réformer à l'arrière, je ne sais encore où. J'ai sommeil, je suis plein de poux, je pue la charogne des macchabées. 
Je vous écrirai dès que je vais pouvoir. Soyez donc tranquilles. J'espère que le gros coup pour nous a été donné.
Bonne santé, et je vous embrasse bien affectueusement. 

Extrait d’une lettre du capitaine , Georges Gallois. Il avait 29 ans en 1914 il a survécu à la guerre 

1 juillet 1915 

On est arrivé à se battre dans les tranchées non avec le fusil et la baïonnette mais avec des outils portatifs : la pelle et la pioche jusqu’au couteau. Je vous prie donc de m’adresser dans le plus court délai un couteau solide, puissant , avec un cran d’arrêt, ainsi qu’une chaîne pour l’attacher 

15 juillet 1915 

Je ne suis plus qu’un squelette où la figure disparaît sous une couche de poussière mêlée à la barbe déjà longue. Je tiens debout comme on dit en langage vulgaire parce que c’est la mode. 

Extraits de lettres d’Émile Sautour, qui avait 22 ans en 1914 ; Le soldat Sautour du 131ème régiment d’infanterie est « mort pour la France », le 6 octobre 1916, à Rancourt alors que son régiment est engagé dans la bataille de la Somme .

Ci dessous, des extraits et leur traduction du roman de Erich Maria Remarque, un écrivain allemand né en 1898 et décédé en 1970.

Son livre À l'Ouest, rien de nouveau » (Im Westen nichts Neues), roman pacifiste sur la Première Guerre mondiale, largement autobiographique connut, dès sa parution en 1929, un succès mondial retentissant et reste l'un des ouvrages les plus remarquables sur le premier conflit mondial. Ce livre fut brûlé lors des autodafés nazis dès 1933. Remarque s'exila en Suisse, puis aux États-Unis et y obtint sa naturalisation en 1947.
 
Wir farhen ab aIs mürrische oder gut gelaunte Soldaten, - wir kommen in die Zone, wo die Front beginnt, und sind Menschen tiere geworden.  

Quand nous partons, nous ne sommes que de vulgaires soldats, maussades ou de bonne humeur et, quand nous arrivons dans la zone où commence le front, nous sommes devenus des hommes-bêtes.

Für mich ist die Front ein unheimlicher Strudel. Wenn man noch weit entfernt von seinem Zentrum im ruhigen Wasser ist, fühlt man schon die Saugkraft, die einen an sich zieht, langsam, unentrinnbar, ohne viel Widerstand. Aus der Erde, aus der Luft aber strömen uns Abwehrkräfte zu, - am meisten von der Erde. Für niemand ist die Erde so viel wie für den Soldaten. Wenn er sich an sie presst, lange, heftig, wenn er sich tief mit dem Gesicht und den Gliedern in sie hineinwühlt in der Todesangst des Feuers, dann ist sie sein einziger Freund, sein Bruder, seine Mutter, er stöhnt seine Furcht und seine Schreie in ihr Schweigen und ihre Geborgenheit, sie nimmt sie auf und entlässt ihn wieder zu neuen zehn Sekunden Lauf und Leben, fasst ihn wieder, und manchmal für immer...

Pour moi, le front est un tourbillon sinistre. Lors qu'on est encore loin du centre, dans une eau calme, on sent déjà la force aspirante qui vous attire,lentement, inévitablement, sans qu'on puisse opposer beaucoup de résistance. Mais de la terre et de l'air nous viennent des forces défensives, surtout de la terre. Pour personne, la terre n'a autant d'importance que pour le soldat. Lors qu'il se presse contre elle longuement, avec violence, lorsqu'il enfonce profondément en elle son visage et ses membres, dans les affres mortelles du feu, elle est alors son unique amie, son frère, sa mère. Sa peur et ses cris gémissent dans son silence dans son asile:elle les accueille et de nouveau elle le laisse partir pour dix autres secondes de course et de vie, puis elle le ressaisit et parfois pour toujours...


Einige Rekruten haben noch Seitengewehre ähnlicher Art; wir schaffen sie weg und besorgen ihnen andere. Das Seitengewehr hat allerdings an Bedeutung verloren. Zum Stürmen ist es jetzt manchmal Mode, nur mit Handgranaten und Spaten vorzugehen. Der geschärfte Spaten ist eine leichtere und vielseitigere Waffe, man kann ihn nicht nur unter das Kinn stoßen, sondern vor allem damit schlagen, das hat größere Wucht; beson ders wenn man schräg zwischen Schulter und Hals trifft, spaltet man leicht beim zur Brust durch.

Quelques recrues ont encore de ces baïonnettes; nous les faisons disparaître et leur en procurons d'autres. 
A vrai dire, la baïonnette a perdu de son importance. Il est maintenant de mode chez certains d'aller à l'assaut simplement avec des grenades et une pelle. La pelle bien aiguisée est une arme plus commode et beau coup plus utile; non seulement on peut la planter sous le menton de l'adversaire, mais, surtout, on peut asséner avec elle des coups très violents; spécialement si l'on frappe obliquement entre les épaules et le cou, on peut facilement trancher jusqu'à la poitrine.

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