Au lendemain de la seconde guerre mondiale, Jimmy Picard, un indien Blackfoot, est retourné vivre chez sa sœur ainée après avoir combattu en France. Blessé à la tête, Jimmy souffre de maux de têtes, de vertiges, de troubles de la vision. Inquiète sa sœur l'accompagne dans un hôpital militaire. Jimmy subit une batterie d'examen qui ne révèle aucun problème physiologique, les médecins suspectent une schizophrénie, mais l'un d'entre eux souhaite faire appel à Georges Devereux , Ethnologue psychanalyste grand spécialiste de la culture amérindienne.
Dés la première rencontre le courant passe entre les deux hommes, Devereux conteste immédiatement le diagnostic de schizophrénie. Il se lance dans une longue psychothérapie de Jimmy, décryptant ses rêves, son enfance, il démêle petit à petit l'écheveau de ses sombres pensées, de cet esprit toujours en guerre. A force d'écoute, de compréhension, de réflexion mais aussi grâce à sa connaissance de la culture amérindienne, le médecin français permet à Jimmy de se libérer de ses vieux fantômes, de soigner son âme et de retrouver un esprit en paix.
C'est une rencontre entre deux parias, Jimmy P se retrouve à la marge de sa communauté parce qu'il n'a pas voulu épouser celle qu'il avait mis enceinte, abandonné de son épouse volage, seul sans foyer il est rentré chez sa sœur au retour de la guerre. Devereux voit son travail contesté, son statut de psychanalyste n'est pas reconnu, juif originaire d'Europe centrale, son parcours familial est par l'histoire européenne chaotique, il s'est converti au christianisme par volonté d'assimilation à son arrivée en France. Si Arnaud Desplechin a voulu un film au plus prés des textes laissés par le scientifique français, il n'en reste pas moins que ce film s’intègre parfaitement dans sa filmographie comme si le texte de Devereux avait longtemps inspiré son travail.
On retrouve sa fascination pour l'acte médical, comme on avait déjà pu le voir dans Un conte de Noël, une passion pour la psychanalyse déjà entrevue dans Rois et Reines où nous assistions aux séances du héros qui se rendait chez une psychanalyste Madame Devereux, nous nous sommes également rappelés lorsque Jimmy est revenu sur son enfance cette scène de réminiscence où un personnage de "comment je me suis disputé" se rappelait comment enfant il bravait les autres contant comment son père mort venait lui rendre visite. Nous retrouvons également ses personnages de "mères au cœur viril" et son goût pour les lettres manuscrites qui sont toujours chez l'auteur d'Esther Kahn un grand moment de cinéma.
Ce film est une évidence dans la filmographie de Desplechin, qui s'approprie avec naturel les comptes rendus de Georges Devereux, il est servi par un duo d'acteurs absolument époustouflants, Benecio Del Toro incarne à la perfection Jimmy P, il dégage une vraie présence physique, il révèle à travers un regard, un tremblement toutes les fêlures de son personnage, Mathieu Amalric est tout aussi impressionnant dans le rôle du scientifique iconoclaste que pouvait être George Devereux.
Arnaud Desplechin signe un film magnifique empreint d'une grande humanité, un regard sensible sur la communauté indienne qui n'est pas sans rappeler celui de John Ford explicitement cité par un extrait du remarquable "Young Mister Lincoln".
Définitivement Arnaud Desplechin est un cinéaste majeur de notre temps.
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