vendredi 19 avril 2013

Le loup des steppes - Herman Hesse

Nous n'avons jamais eu une grande passion pour la psychanalyse, et nos connaissances pour cette matière ne vont pas bien au-delà de ce qui nous a été enseigné en cours de philosophie et de ce que nous avons pu lire ici ou là au gré de nos lectures. Carl Gustav Jung et Sigmund Freud ne font pas partie de notre quotidien.
Parce que nous connaissions l'influence qu'avait pu avoir la pensée de Jung sur  Herman Hesse, nous sommes restés sans  lire ses romans pensant à tort que nous resterions imperméables à l'art de celui qui remporta le prix Nobel de littérature de 1946. Grave erreur de notre part, tant la lecture du "loup des steppes" nous a enchanté, Herman Hesse s'avère un formidable conteur capable notamment de réveiller en nous un désir immense de danser le Fox Trot.
Nous sommes dans la fin des années 20, les années Folles, Harry Haller est un homme désabusé vivant en marge de la société,  sa vie est faite d'ennui et de souffrance due à des crises de gouttes, le suicide est au coeur de ses préoccupations, il n'est pas difficile à travers ce personnage un double de l'auteur . Il erre souvent seul dans la ville en spectateur désabusé de ses concitoyens mais il garde malgré tout une fascination pour cette société des hommes. Un inconnu lui remet un essai " traité sur le loup des steppes" à la lecture duquel il découvre son propre reflet.  Il se rend chez un vieux professeur érudit pour qu'il a eu de l'estime partager une soirée. Celle ci s'avère calamiteuse, il vexe la maitresse de maison au sujet d'une photo de Goethe, il se fache avec le vieux professeur dont il ne supporte pas les positions nationalistes.
C'est lorsqu'il est au fond du gouffre qu'il fait une rencontre essentielle: Hermine qui va lui l'ouvrir aux plaisirs sensuels de la vie, elle va lui apprendre à dresser "le loup des steppes" , à réconcilier le corps et l'esprit. Elle lui fait découvrir notamment le plaisir de danser sur des musiques populaires qui l'avait jusqu'ici abhorré et les plaisirs de l'amour dans les bras de Maria, une amie d'Hermine.
Harry et Hermine se retrouvent dans un bal masqué avant de terminer dans un théâtre magique où dans un sublime final Harry se retrouve confronté à toutes les facettes de son existence, avec notamment une rencontre avec un joueur d'échec : "Vous connaissez la conception erronnée et susceptible d'engendrer bien des malheurs qui veut que l'homme soit une unité durable. vous savez également que l'homme consiste en une multitudes d’âmes, de moi nombreux. On considère comme fou celui qui divise en morceaux l'unité apparente de la personne, et la science appelle cela du nom de schizophrénie. La science a raison en ce sens qu'une multitude sans organisation, sans ordre et sans groupement est impossible à dominer. Par contre, elle a tort de croire que les nombreux sous-moi ne peuvent être organisées une fois pour toutes, pour la vie entière. Cette erreur de la science a des conséquences  très désagréables; sa valeur se réduit notamment à simplifier la tâche des professeurs et des maitres d’écoles subventionnés par l'Etat et de leur épargner  la peine de penser et d’expérimenter."

Un magnifique roman d'introspection, mais plus largement un portrait de l’Allemagne des années folles qui allaient plonger dans les années suivantes dans la folie nationaliste. Le Loup des steppes faisait partie des livres jetés au feu par les nazis.

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