Le dernier film de Bertrand Bonello est le portrait d'une maison close au crépuscule du XIX° siècle et à l'aube du XX°, la lente déliquescence d'un monde.
Dans une scène, une jeune fille fait acte de candidature pour travailler comme prostituée. La tenancière l'interroge sur ses motivations, elle lui répond naïvement: "je veux être indépendante, libre". La patronne lui répond "ici tu rentres dans une maison close, la liberté c'est dehors". La jeune fille change de coiffure, de robe, de prénom, elle perd son identité, elle apprend des anciennes les us et coutumes de la maison, on entre dans la prostitution comme on entre dans les ordres.
Terrible vie, le cadre est bourgeois, les habits sont somptueux mais la joie est factice. Il se dégage l'impression d'une dépression collective où les jeunes filles se fatiguent des soirées; les problèmes financiers rencontrés par la patronne poussent un peu plus chaque soir les filles à l'abattage. L'ivresse du champagne, les pipes d'opium sont des artifices nécessaires pour supporter les caprices des hommes et leurs violences, les humiliations des visites médicales collectives ou l'angoisse de la syphilis... cette vie est un enfer, un piège, la dette due à la patronne est impossible à rembourser. Ce film c'est aussi le portrait de femmes notamment de Madeleine "la juive" défigurée par un client ou de Samira qui dans une scène terrible et magnifique lit en larmes un traité d’anthropométrie sur les prostituées, faisant des "filles de joie" des dégénérées.
Filmé merveilleusement, d'une esthétique remarquable au symbolisme fort, ce huis clos, coupé uniquement par une scène extérieure digne de Jean Renoir seul moment de vrai bonheur, est d'une richesse incroyable. Nous avons cité deux scènes mais chacune recèle en elle une puissance rare nous pourrions en disserter sans fin, le jeux des acteurs est parfait, nous avons notamment un plaisir immense à retrouver Jacques Nolot.
Le dernier film de Bertrand Bonello est un trés grand film de femmes. Un chef d'oeuvre, peut-être bien!
Nous avons retrouvé l'extrait de l'étude anthropométrique lu par la prostitué (cliquez ici)
Je n'en ai pas entendu parler de ce film ou plutôt n'y ai-je pas prêté une oreille attentive. Votre analyse me donne envie de le voir. Avec la Couleur des sentiments et l'Exercice de l'Etat, il entre désormais dans ma liste de film à voir. Merci pour la découverte.
RépondreSupprimerL'apollonide est vraiment un film extraordinaire, à voir.
RépondreSupprimerIl est vrai qu'il y a plein de bons films à voir, nous n'avons pas une grande envie de "la couleur des sentiments", par contre l'exercice de l'Etat nous tente beaucoup
Un chef d'oeuvre. Sans aucune doute :)
RépondreSupprimerSans aucun doute!
RépondreSupprimerun film magnifique...qui m'a inspiré une aquarelle, presque sans le savoir...blog intéressant découvert grâce à Luzycalor! à bientôt je repasserai plus longuement
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