jeudi 20 septembre 2012

Un flic - Jean-Pierre Melville

Depuis quelques années, les films policiers cherchent à coller à la réalité, à la vérité du terrain.  L627 de Bertrand Tavernier fut peut être celui qui lança ce mouvement. Revoir "Un flic" le dernier film de Jean-Pierre Melville est en cela un vrai dépaysement. 
Ici pas de problèmes budgétaires d'une police sous équipée confrontée à la dure réalité sociale, c'est avant tout une rencontre d'hommes de caractères qui frèquentent finalement les mêmes lieux que filment le cinéaste. Musique Jazz, Plymouth noire, l'Amérique est la source d'inspiration , nous sommes dans un film d'ambiance un peu comme dans un roman de Raymond Chandler, l'enquête n'a que peu d’intérêt, ce sont les personnages qui donnent la densité au film. 
 Pour lui donner du corps, il lui faut des "trognes", des personnalités qui donnent du sens à leur personnage par leur seule présence même si cela peut donner des airs caricaturaux aux bandits. Alain Delon est comme un poisson dans l'eau, il se régale à incarner un flic plutôt taiseux Edouard Coleman. Catherine Deneuve à la fois  maitresse du flic et compagne du cerveau de la bande, maitrise cette double relation sans jamais trahir, nous pourrions juste lui reprocher un manque d’ambiguïté qui aurait certainement enrichi le personnage. Melville a-t-il cherché à reconstituer ici un duo du type Humphrey Bogart, Lauren Bacall? 
Nous pouvons le penser même si nous ne retrouvons pas la même magie que dans les films noirs de Howard Hawks. A aucun moment, nous ne sentons Alain Delon, troublé déstabilisé par Catherine Deneuve, à la différence d'Humphrey Bogart vacillant sous le regard de Lauren Bacall. Il reste froid et implacable, il ne révèle aucune faiblesse. 
Le seul moment où nous voyons le policier exprimer un sentiment est dans une scène de commissariat avec un travesti qui joue les indics, une relation trouble est manifeste entre  eux . Furieux d'avoir vu une affaire capoter, le commissaire s'en prend au travesti avant de le laisser partir, finalement  libre, une scène de toute beauté.
De longs plans séquences, peu de personnage dans le cadre, des plans qui s'étirent avec des silences. Les policiers et les bandits ont leurs codes, ils sont tous élégants, ... Edouard Coleman ne semble pas avoir de vie en dehors de celle de flic, personnage étrange, fasciné par un travesti, violent par moment, il gifle facilement les suspects... Aucun ne semble résister à sa pression,  le grand gaillard qui a tout d'un dur balance bien vite les noms. Nous ressentons parfaitement l'atmosphère violente sans qu'elle ne soit jamais filmée, nous n'assistons pas au tabassage du suspect, juste au dialogue de préambule, la commissaire annonce avec flegme au suspect qu'il va donner les noms, l'autre rigole... Melville filme les regards des deux hommes qui se jaugent, comme dans un Sergio Leone, puis le plan s'arrête. Nous retrouvons la nuit venue le policier dans la ville, le suspect a parlé, il n'a pas tenu bien longtemps!
 Le film policier répond ici à des codes précis, comme à une partie de Tennis à Wimbledon , il faut se plier à un certain rituel, respecter des us et coutumes.  Nous sommes bien loin de la réalité, c'est un monde fantasmé que nous livre le cinéaste.
Cette élégance, cet aspect minéral rend les films de Jean Pierre Melville captivant, on plonge sans retenue dans cette ambiance de bars, de prostituées, de travestis qui jouent les indics, des rues désertes de la capitale. Nous comprenons qu'il soit toujours  une source d'inspiration des jeunes cinéastes de tous les continents. Nous sourions à cette scène ratée d'une scène de vol dans un train où le bandit débarque d'un hélicoptère. Le trucage surement inspiré par "Une femme disparait" de Alfred Hitchcock ne trompe personne, nous regardons amusés la scène tournée avec des maquettes miniatures. Comme il est dit dans les supplèments par Jean Francois Delon, le frère de l'acteur, engagé comme premier réalisateur, c'est un peu long, cela aurait mérité d'être coupé.
 Alain Delon est au sommet de son jeu, silencieux, il incarne parfaitement le personnage melvillien qui derrière un coté dur révèle une faille. Une tristesse décelée dans  un dernier regard, alors qu'il repart au volant de sa voiture laissant Catherine Deneuve seule, au bord du trottoir alors qu'il vient de descendre son compagnon. Un samouraï !

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