"La radiodiffusion m'avait offert une de ses émissions qu'elle nomme "carte blanche". Je l'acceptai afin de parler de l'Enfance Criminelle. Mon texte, accepté d'abord par M. Fernand Pouey, vient d'être refusé. Au lieu de fierté, j'en éprouve quelque honte. j'eusse voulu faire entendre la voix du criminel. Et non sa plainte, mais son chant de gloire. un vain souci d'être sincère m'en empêche, mais d'être sincère moins par l'exactitude des faits que par l'obéissance aux accents un peu rauques qui seuls pouvaient dire mon émotion, ma vérité, l'émotion et la vérité de mes amis.
Les journaux déjà s'étonnèrent qu'un théâtre fût à la disposition d'un cambrioleur - et d'un pédéraste. Je ne puis donc parler devant le micro national. je répète que j'ai honte. Je fusse cependant resté dans la nuit mais au bord du jour, et je recule dans les ténèbres ou je fais tant d'efforts pour m'arracher.
Le discours que vous lirez était écrit pour être entendu. Je le publie néanmoins mais sans espoir d'être lu par ceux que j'aime.
A la radio, je l'eusse fait précéder d'un interrogatoire - administré par moi - à un magistrat, à un directeur de pénitencier à un psychiatre officiel. tous refusèrent de répondre."
Il nous a semblé que le meilleur moyen de parler de ce texte essentiel de Jean Genet était de reprendre sa présentation faite par l'auteur in extenso, après avoir eu à subir la censure des autorités.
A l'heure, où le Parlement révise le code de procédure pénal, il nous semble indispensable de tenter de comprendre la délinquance juvénile pour espérer trouver une solution digne de ce nom de rendre l'avenir à ces jeunes gens. Il n'exprime ni remords, ni excuses, il assume ses actes, insupportable pour le bourgeois qui ne peut accepter cette radicalité.
Nous sommes toujours étonnés de voir certains de nos représentants nationaux défendre avec conviction des solutions sans avoir pris la peine de comprendre le problème, ils se croient remplis de bon sens, ils ne font qu'afficher leur fatuité. Lire Genet, c'est tenter de comprendre la violence, la stupidité de la politique du bâton qui ne fait que renforcer le jeune révolté dans sa haine contre la société des hommes...
Ils n"ont pas voulu entendre le témoignage de Jean Genet, c'est un devoir de le lire...