jeudi 31 décembre 2015

Nos coups de coeur 2015

Une nouvelle année s'achève, nous nous amusons donc à dire nos préférences, et à décerner nos "Carmadou" 2015.

Cinéma:


Sans conteste c'est le dernier film de Arnaud Desplechin, Trois souvenirs de ma jeunesse qui nous le plus bouleversé cette année... A nos yeux il est sans conteste le plus grand de nos cinéastes, celui dont nous attendons toujours avec grande impatience le nouveau film . Avec Trois souvenirs de ma jeunesse, il reprend le personnage de Paul Dedalus pour faire un portrait de l'adolescence, des années lycées, qu'il n'avait jamais aussi directement abordé. C'est un film que nous ne cesserons jamais de revoir comme les précédents du cinéaste. Trois souvenirs de ma jeunesse est notre film de l'année...


Littérature:



Christine Angot nous a bouleversé cette année avec Un amour impossible, alors que nous étions restés insensibles  à la lecture de ses romans précédents. C'est tout de même Jean Hatzfeld et son dernier livre Un papa de sang que nous souhaitons célébrer cette année. Jean Hatzfeld est de retour au Rwanda pour interroger les enfants des victimes et des bourreaux du génocide. Il rend compte de manière admirable sans pathos de ses rencontres, c'est bouleversant... Au fil du temps il devient un conteur admirable de cette tragédie. Dès son premier livre  "Le nu de la vie" consacré à ce drame, il a su non seulement rendre compte avec la précision et la rigueur d'un historien, mais aussi créer un objet littéraire sans équivalent et qui nous l'espérons fera date.

Musique:


A regarder nos prix, il convient de reconnaitre qu nous sommes quelque peu franco français dans nos gouts pour ne pas dire franchouillard, nous tenterons donc d'oublier le temps d'un instant que Eleor est un nouveau disque magnifique de Dominique A, pour célébrer la pop anglaise qui nous berce depuis notre plus tendre enfance.
Nous avons choisi de faire album de l'année, What Went Down des Foals, un album qui emporte dés son premier morceau et qui donne une pêche d'enfer... Il ne cesse de tourner sur notre platine.

Théâtre:


C'est sans hésitation le spectacle hors norme Ca Ira (1)-Fin de Louis de Joël Pommerat que nous souhaitons célébrer. Ce fut une claque d'émotion, d'intelligence, un truc que nous ne pouvions même pas envisager...


Arnaud Desplechin, Jean Hatzfeld, The Foals, et Joël Pommerat sont nos héros de l'année...

Pour retrouver le palmarès des années précédentes, cliquez ici

mercredi 30 décembre 2015

Péché Mortel - John M Stahl

Nous avions décidé le 1er janvier de cette année de nous replonger dans les romans et les films noirs. Finalement nous n'avons pas respecté à la lettre notre vœu, peut être tout simplement parce que nous n'avions pas prévu que l'actualité de cette année soit aussi sombre... Nous avons eu néanmoins le désir de revoir le film de John M Stahl Péché mortel que nous n'avions vu qu'une fois et dont nous avions gardé un souvenir assez fort.
Histoire d'un écrivain, Richard Harland qui tombe amoureux d'Ellen Berrent, une jeune femme croisée dans un train... Le mariage est rapide , Richard n'a pas réalisé la jalousie pathologique de son épouse qui souhaite un rapport exclusif avec son époux. Elle ne supporte pas la  présence avec eux de son jeune  frère , un garçon handicapé... Elle est prête à tout pour obtenir satisfaction, même à tout détruire...
Couleurs flamboyantes pour un film noir, où Gene Tierney est magnifique en héroïne glissant dans la folie, elle est fascinante et inquiétante... Mais en revoyant ce film, nous avons surtout vu les lourdeurs de la mise en scène, bien loin de la perfection hitckokienne malgré les sublimes couleurs de ce film ... Le cinéaste n'est sauvé que  par la prestation  saisissante de Gene Tierney sublimement machiavélique et destructrice. Prise au piège elle ne renonce à rien pour entrainer les autres dans sa chute, et créer le chaos au delà de sa propre mort. Cornel Wilde qui lui fait face est bien terne, il manque de charisme, c'est aussi là une autre faiblesse de ce film ...


Péché Mortel clôture notre cycle 2015 année noire

samedi 26 décembre 2015

David Grossman - Un cheval entre dans un bar

Dovalé G. est un humoriste, il monte seul sur scène pour faire rire le public, mission complexe mais l'homme spécialiste du stand up n'a pas froid aux yeux, il n'hésite devant aucune blague salace... Mais ce soir là, dans une petite salle de Natanya, notre humoriste dérape gravement , poussant à l'extrême ses provocations, il harangue le public suscitant la colère et le départ de certains d'entre eux... Au fond de la salle, le juge Avishai Lazar invité par l'humoriste écoute avec dégout le spectacle de celui qui fut son ami d'enfance ... Avant d'être fasciné par ce clown qui se met à nu et révèle brutalement tout son mal être et à travers lui, toutes les souffrances de son pays englué dans une guerre sans fin... 
Nous découvrons au cœur de l'histoire, un épisode fondateur pour l'humoriste alors adolescent; il se trouve en stage de formation militaire dans le désert israélien... On vient lui annoncer la mort d'un de ses parents, mais il ne sait pas lequel, et celui qui doit le ramener non plus...Ce conducteur pour faire passer le temps se met à raconter au gamin déchiré, des histoires drôles ...
Nous sommes, tel le spectateur, parfois agacés puis troublés par Dovalé mais finalement bouleversés et emportés par la puissance de l'écriture de David Grossman. Un très beau texte !

vendredi 25 décembre 2015

L'homme de la rue - Frank Capra

Ann Mitchell, (Barbara Stanwick) , jeune journaliste voit sa rubrique supprimée suite au rachat de son journal par un riche homme d'affaire DB Norton. Furieuse, elle rédige sa dernière chronique sous la forme du courrier d'un lecteur signé John Doe où ce dernier exprime sa volonté de vouloir se suicider le jour de Noël ne supportant plus sa situation de chômeur de longue durée sans espoir d'un avenir meilleur, il dénonce l’état de corruption du pays. L'article fait sensation, les ventes du quotidien explosent mais le journal concurrent suppute une escroquerie...
Ann Mitchell est réengagée, elle doit trouver un visage pour incarner John Doe, c'est  un clochard, John Willoughby alias  le beau Gary Cooper qui s'y colle contre quelques billets. Porté par les discours fraternels de la journaliste il devient un phénomène de société jusqu'au moment où DB Norton débordé révèle la supercherie... L'opinion s'est retournée contre lui, notre malheureux clochard s’apprête à se jeter du haut du toit de la mairie de New York, le soir de Noël comme l'avait annoncé John Doe ...

Frank Capra, cinéaste de la fraternité incarne le mieux l'esprit de Noël, qui est au cœur de ce film dont le héros réclame que cet esprit fraternel de cette fin d'année soit présent chaque jour du calendrier. Nous ne retrouvons pas dans cette comédie la même magie que dans La vie est belle ou Vous ne l'emporterez pas avec vous mais cela reste un beau joyau de sa filmographie .Gary Cooper et Barbara Stanwick forment un duo irrésistible et évitent par leur prestation et leur charisme  que le film sombre dans un humanisme trop naïf  et caricatural. Frank Capra ne se résigne pas à vivre dans une Amérique où les plus faibles restent écrasés par les puissants financiers rappelant qu'avec un peu de fraternité il serait possible de vivre dans un monde plus harmonieux, comme toute la filmographie du cinéaste, ce film peut apparaitre simpliste mais il se révèle un magnifique décryptage des systèmes de communications. Les films de Frank Capra sont toujours plus complexes qu'ils n'y paraissent, il reste un cinéaste indémodable et magique ! 

Film vu dans le cadre du ciné club du Bric à Brac de Potzina et de notre cycle "film de Noël"

jeudi 24 décembre 2015

Un coeur Changeant - Agnes Desarthe

Un officier de l'armée française René de Maisonneuve, homme plutôt maladroit et gaffeur,  passionné par la philosophie de Baruch Spinoza  a épousé la belle Kristina, jeune fille de l'aristocratie danoise, un personnage plutôt fantasque. De cette union improbable, nait Rose élevée tant  bien que mal par sa nourrice . La famille disloquée, Rose âgée à peine de 17 ans se retrouve seule dans les rues de Paris, livrée à elle même sans rien savoir de la vie, elle est une proie facile dotée d'une naïveté incurable.
Elle se retrouve à faire le ménage dans une auberge, elle plonge irrémédiablement dans la pauvreté avant de trouver secours auprès de Louise  son amante ....ce n'est pas pour autant la fin de ses aventures...

Un roman qui à travers le personnage de Rose fait le portrait de la France du début du siècle dernier et balance sans cesse entre la comédie et le drame.  Un roman qui nous a laissé une drôle d'impression , nous n'avons jamais accroché au style d'Agnes Desarthe mais nous n'avons jamais totalement décroché, persuadés que cette histoire romanesque devenue si rare dans la littérature contemporaine pouvait se révéler formidable au final. Nous avons donc tourner les pages avec espoir, en vain.... peut être n'avons nous pas été à la hauteur, parfois c'est tout simplement le lecteur qui n'est pas bon...

dimanche 20 décembre 2015

Les Suffragettes - Sarah Gavron

Nous n'avions jamais vu de films de Sarah Gavron, Les suffragettes nous a attiré pour son sujet.... Nous n'avons pas vraiment été emballés par la mise en scène. Le choix de la réalisatrice de se rapprocher de ses personnages en remuant sa caméra pour peut-être éviter le piège de l'académisme dans cette reconstitution historique de l'Angleterre du début du siècle dernier n'est pas très convaincant .
Une mise en scène fainéante mais un grand sujet que celui des femmes anglaises parties à la conquête du droit de vote, condition pour elles d'être prises en considération par les pouvoirs publics et notamment se défendre pour améliorer des conditions de travail particulièrement abominables pour les ouvrières .

Leur mouvement au début pacifique se trouve confronté à un mur, et à une réponse de plus en plus violente... Elles n'ont pas vraiment d'autres alternatives que de s'engager dans l'action violente et de rejoindre la clandestinité. Elles sont prêtes à tout, perdre leur travail, famille et enfants, tant le droit qu'elles réclament leur apparaît comme un minimum, une reconnaissance qui leur donnerait une dignité.  Quand la loi n'est pas juste, la justice doit passer avant la loi...

Cette histoire nous la vivons à travers Maud, une jeune ouvrière dans une blanchisserie qui se retrouve emportée un peu malgré elle, mais dés qu'elle en saisit le sens, son engagement est  total... Sujet passionnant, actrices formidables (Carey Mulligan, Helena Bonheam Carter, Meryl Streep) nous avons oublié les faiblesses de la mise en scène et les lourdeurs de style mais ce n'est pas certain que cela fonctionne une deuxième fois...

samedi 19 décembre 2015

Dark Circus - Compagnie Stereoptik


Un son de guitare, un écran blanc, une ville apparait, dessinée en direct sous nos yeux , au milieu un cirque... Nous pensons alors au mystère Picasso, mais très vite nous oublions le film de Clouzot où Picasso cabotinait .
Dark Circus, nouveau spectacle de la compagnie Stereoptik ,c'est tout autre chose et surement pas un numéro tape à l’œil. Ils sont deux, Jean-Baptiste Maillet à l'orchestre et Romain Bermond à la table à dessin, et tout va fusionner ...
C'est une rencontre étonnante entre la musique, le dessin, le théâtre d'objet et d'ombre, la vidéo c'est un objet théâtral singulier propre à eux , où avec l'aide de technologies actuelles ils nous proposent une plongée dans l'enfance de  l'art quand le bricolage était à l'origine de l'illusion. Nous retrouvons ici l'esprit de Méliès, la poésie et la simplicité des dessins de Lascaux.

Un cirque, des numéros qui s'enchainent et qui finissent en catastrophe, c'est un Dark Circus, sombre mais comme dans les films de Charlot, on se rit sans pitié de la catastrophe. Le cirque reste  lieu de poésie dans une ville aux immeubles froids où les gens se croisent sans se voir, un lieu improbable tel ces herbes folles qui apparaissent parfois au bord d'un trottoir refusant la loi du bitume.

Nous avons été littéralement scotchés par le spectacle nous avons aimé le rire des enfants. C'était magique, une programmation parfaite pour cette période de Noël .

 

Le grand Jeu - Nicolas Prisier

 Pierre Blum est  un homme dans la dèche, il fut écrivain d'un roman apprécié par la critique qui connut un certain succès, il était proche des mouvements d’extrême gauche. Puis plus rien, sa femme l'a quitté, il végète dans une chambre de bonne, refuse de travailler.
Il est approché par un homme Joseph Paskin qui se présente comme un homme d'influence et de réseaux indispensables aux gens de pouvoir... Cela ressemble au départ à une rencontre de hasard, mais très vite nous comprenons que ce dernier n'a pas sa place dans cette histoire. Il lui passe commande d'un livre qui serait un appel à l'insurrection,  un livre de gauchiste, que le commanditaire souhaite utiliser pour déstabiliser le ministre de l'intérieur.
Une commande plutôt bienvenue pour le héros , cette arrivée inespérée de subsides est  une bouée d’oxygène mais il se retrouve pris dans une histoire qui le dépasse et qui finit par le mettre en danger...

Un film politique, un genre plutôt rare, notre dernier souvenir c'était l'Exercice de l'état.

C'est plutôt brillant, bien mené avec des zones d'ombres, c'est aussi un portrait inquiétant de l'exercice de pouvoir où les manipulations sont multiples et dont  finalement personne ne connait l'entière réalité des faits. Le film  se rattache à nombre d'affaires récentes, ce qui vient donner une crédibilité aux propos tenus, et qui nous rappellent que les barbouzes sont toujours là...

Melvil Poupaud, André Dussolier,et Clémence Poésy sont tous trois parfaits dans les rôles principaux de ce thriller subtil bien loin des films sans finesse d'Yves Boisset. une belle surprise de cette fin d'année !


Jonah Lomu (12 mai 1975 - 18 novembre 2015)

 
Il y a toujours des signes précurseurs avant les révolutions. En effet, dés la première coupe du monde de Rugby, les néo-zélandais avaient déjà eu l'idée de mettre en bout de ligne un gaillard au physique d'avant.  Ce fut un régal pour John Kirwan de se retrouver à jouer face à des gringalets qui ne surent jamais comment l’arrêter... La première coupe de monde du rugby fut aisément gagnée par les blacks..
La véritable révolution ce fut Jonah Lomu, un physique incomparable, des cuisses de pilier, une course rapide, un joueur jamais vu au poste d'ailier qui avait appris à courir au rugby à 7. Xavier Garbajosa préféra même s'écarter en demi finale de coupe du monde en 1999 plutôt que de se mettre sur la route du gaillard, le laissant aller à l'essai. Lancé, Jonah Lomu était tout simplement inarrêtable. Le seul truc qu'il n'aimait pas c'est d'avoir à se retourner et à se baisser pour aller ramasser un ballon joué dans son dos... Ses adversaires ont vite compris cette petite faille ...
Trop fort Jonah,  ce fut d'ailleurs  peut être là une faiblesse des blacks de cette génération qui trop certains que leur ailier était une garantie de victoire en avaient perdu leurs vertus collectives... Il faut dire qu'ils ont manqué  de chance en 1999 en tombant sur un phénomène plutôt rare et totalement imprévisible: le génie français !

Jonah Lomu n'a jamais gagné la coupe du monde, mais il a changé définitivement la face du rugby le faisant entrer dans l'air du professionnalisme. 

vendredi 18 décembre 2015

Mia Madre - Nani Moretti

Le dernier film du cinéma italien c'est un peu sa Nuit américaine ....Mais François Truffaut avait réglé le cas de sa mère dés les 400 coups , la vie du réalisateur qu'il incarnait y était entièrement consacrée au septième art.  Dans Mia Madre, dernier film de Nanni Moretti  le rôle du réalisateur  est joué par une femme (magnifique Margharita Buy) qui doit jongler entre le tournage de son film et les visites qu'elle doit rendre à sa mère dont la vie ne tient plus qu'à un souffle. Une histoire assurément nourrie par ses propres expériences cinématographiques.
Une mère magnifique qui par moment nous rappela celle de Ma saison préféré de André Téchiné interprétée  par la remarquable Marthe Villalonga. Une mère aimante, humaine, une ancienne professeur à qui ses anciens élèves ne manquent jamais de rendre visite quand ils reviennent dans le quartier de leur enfance. Cela veut tout dire.... Une mère mais aussi une grand mère qui sait user de ses trésors de pédagogue pour aider sa petite fille dans l'étude du latin.
Un tournage de film, histoire d'une usine qui vient d’être rachetée et dont les employés n'acceptent pas le plan social et les suppressions d'emplois décidés par le nouveau patron au prétexte que c'est le seul moyen d'éviter la faillite. Un patron incarné par un acteur américain cabotin absolument insupportable incapable de retenir trois répliques, joué magnifiquement par John Turturo ... Tout se complique sur ce tournage où la réalisatrice doit faire face à tous les problèmes, et notamment ceux créés par sa vedette qui a besoin d'être maternée alors qu'elle est parfois ailleurs ... avant de rejoindre à l'hôpital  sa mère et son frère qui garde son calme et lui offre son épaule solide pour surmonter ce temps de crise...

Un superbe film de Nanni Moretti rempli d'humanité, qui confirme que le cinéaste italien est un de nos grands auteurs contemporains. Un film simple, universel, bouleversant et drôle... Présent dans la dernière sélection du festival de Cannes est tellement mieux que celui de Jacques Audiard !

samedi 12 décembre 2015

Les noces de Figaro - Wolfgang Amadeus Mozart


Pour les profanes d'art Lyrique que nous sommes, l'Amadeus de Milos Forman assurément un des plus grands biopic de l'histoire du cinéma est une aide précieuse, un outil qui nous a permis de mieux mesurer la subtilité de la musique de Wolfgang Amadeus Mozart où les voix se croisent sans jamais sombrer dans la cacophonie, c'est divinement beau.

Les Noces de Figaro . Histoire d'un journée folle où la comte Almaviva cherche à séduire la camériste que doit épouser son fidèle serviteur Figaro ce même jour. Situations cocasses où les quiproquos s'enchainent et où chacun finit plus ou moins à tort ou à raison de douter de l'autre. La mise en scène de Galin Stoev servie par une scénographie originale qui parvient à nous faire découvrir le hors champ, révèle toute la drôlerie et la légèreté du texte sans jamais masquer le coté incisif du regard de Beaumarchais sur les mœurs de son temps, celui d'un monde en déliquescence, la fin d'un temps et l'inévitable Révolution à venir. Nous retrouvons là le coté truculent du Mozart de Forman et son désir de liberté.

Les voix étaient belles, la musique divine, ce fut là un très beau Figaro !

vendredi 11 décembre 2015

Back Home - Joachim Trier



"Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux: c'est le suicide." Le Mythe de Sisyphe - Albert Camus.


Nous attendions avec impatience la sortie du troisième long métrage de Joachim Trier après avoir découvert les deux premiers et notamment le bouleversant Oslo 31 août. Deux films pour se faire une belle cote dans le monde de la cinéphilie  qui  lui a permis assurément d'obtenir des moyens plus importants pour tourner son troisième long métrage tourné aux Etats Unis, bien loin de l'univers de sa Norvège natale avec des acteurs de renommée internationale, Gabriel Byrne, Isabelle Huppert et Jesse Eisenberg .
Néanmoins ce n'est pas par hasard que nous avons cité Albert Camus en exergue tant la question du suicide reste centrale dans la filmographie du cinéaste norvégien. Le film s'ouvre au moment où une exposition s'organise à New-York consacrée à la photographe Isabelle Reed décédée des années plus tôt dans un accident de voiture , tout prés de son domicile après voir couvert les pires conflits aux  quatre coins de la planète.
A cette occasion son mari et ses deux enfants vont se retrouver. L'ainé est un universitaire marié qui vient de découvrir les joies de la paternité, le second est adolescent sauvage et boudeur, il semble vivre à part, et cherche à éviter tout lien avec les adultes, comme nombre gamins de son âge, peu joyeux, accro à son ordinateur il semble fragile, au bord de la dépression ....
Le journaliste qui travaillait en duo avec la photographe, organisateur de l'exposition annonce à l’époux de cette dernière qu'il s’apprête à révéler au public  dans un article de presse la vérité sur la mort de l'artiste , son suicide. Une vérité qu'ignore son plus jeune enfant...
Le film peut apparaitre par ses moyens de production moins personnel, plus froid, moins inspiré il sera peut être dans la filmographie du cinéaste un film de transition qui lui aura permis de s'ouvrir de nouveaux horizons... La dépression est encore au cœur de son propos mais pour autant son cinéma n'est jamais déprimant, il est juste plein d'humanité. C'est parfaitement joué, magnifiquement filmé la qualité de ce film est indiscutable on sent même la patte de Gus Van Sant dans sa manière de filmer l'adolescent en crise.
Nous n'avons pas été aussi bouleversés par ce nouveau film que pour les précédents mais Joachim Trier confirme qu'il est un cinéaste qu'il convient de suivre !

samedi 5 décembre 2015

L'idiot - Yuri Bikov

Dima est un jeune plombier, consciencieux et travailleur... Le soir il étudie pour devenir  ingénieur. Il vit avec sa femme et son enfant chez ses parents. Son père, comme lui est d'une honnêteté parfaite refusant notamment de voler le matériel neuf dans son travail, il est mis à l'écart par ses collègues pour cela...
Dima est appelé en toute urgence pour vérifier la canalisation d'un immeuble qui  en temps normal n'est pas sous sa responsabilité mais son collègue est ivre depuis trois jours. Il découvre une catastrophe, les murs porteurs sont fendus sur tout le long, l'immeuble est en train de s'effondrer...
 Il essaye d'alerter les autorités qui festoient ensemble pour célébrer les cinquante ans de Nina Galaganova, la maire... Nouvelle désastreuse pour les joyeux convives  alors qu'ils ont perçu des fonds pour réhabiliter cet immeuble, fonds qui ont surtout servi à les engraisser... Nous découvrons  un niveau de corruption où toutes les autorités sont compromises... le jeune plombier devient très gênant....

Un mur fissuré qui n'est ici qu'un Mac Guffin pour faire un portrait social de la Russie et  mesurer le désastre... Nous sommes bien loin de l'image triomphante que Vladimir Poutine poitrail en avant essaye de représenter au noveau international. Le système est totalement corrompu avec un état sanitaire désastreux. Cela confirme  les derniers résultats démographiques alarmants du pays. L'écroulement du système soviétique qui assurait à minima des soins de santé a signifié une catastrophe sociale .

C'est filmé de manière efficace, le récit est tenu, c'est sombre et parfois d'un cynisme qui fait froid dans le dos... il n'y a pas beaucoup à espérer de la Russie, le malheur semble faire partie de ses gênes.... La seule source d'espoir c'est finalement que ce film existe.... L'expression critique subsiste , c'est déjà ça !

Richard Hawley - Hollow Meadows

Alors que le monde entier semble écouter le dernier album d’Adèle... Dans notre coin nous ne cessons de laisser tourner la dernière production du plus  grand crooner actuel des iles britanniques.
Certes Adèle ne manque pas de talents mais nous avons peu d'affection pour ses productions convenues et millimétrées faites pour contenter chacun. Nous préférons toujours les états d’âmes de l'élégant Richard Hawley aux chansons sans âmes de la nouvelle star planétaire. La voix chaude du Britannique réchauffe au retour de la saison froide, voila une belle proposition pour la cop21, se réchauffer au son de Richard Hawley. On ne se lasse jamais de sa voix et de sa musique aux subtils arrangements.

Richard Hawley est une source de chaleur sans effets nocifs, Hollow meadows est un album magnifique !


mardi 1 décembre 2015

Dominique A en concert au théâtre de l'Onde


Une formation typiquement rock, deux guitares, une basse qui se partage parfois avec les claviers et un batteur. Un concert rempli d’énergie et de rage, Dominique A porté par son dernier album Eleor une pure merveille revisite sa discographie de plus en plus imposante avec le temps qui passe. Dominique A semble heureux sur scène de jouer ses œuvres , sa joie est hautement communicative...
Surtout ne pas penser aux chansons qui ne sont pas jouées cela pourrait créer un sentiment de frustration alors que le chanteur a offert deux heures durant , une prestation de haut vol et du moment qu'il nous offre L'horizon... . Il suffit d'entendre Le Courage des oiseaux la chanson de ses débuts, lors d'un de ses rappels pour mesurer combien le chansons de Dominique A ne vieillissent pas, elles ne font qu'embellir avec le temps qui passe.
C'est assurément notre plus grand chanteur auteur compositeur du moment, qui nous a offert un instant de grâce. Magique !

lundi 30 novembre 2015

Shigeru Misuki (8 mars 1922 - 30 novembre 2015)

Il est pour nous le plus grand auteur de mangas japonais. Il a eu une longue vie, ce qui relève presque du miracle. Enrôlé dans l'armée Japonaise pendant la seconde guerre mondiale, il perdit dans les combats son bras gauche, puis il y contracta  la malaria ...
Gaucher, il dut réapprendre à dessiner de sa seule main valide. Il dessinait pourtant toujours mieux que les autres. Nous conseillons la lecture de son autobiographie, Une vie  mais aussi sa biographie d'Hitler écrite pour les jeunes générations afin qu'elles n'oublient pas qui était le monstre ayant entrainé dans sa folie le Japon  dévasté pour sa coupable alliance et ses odieux crimes de guerre.
Shigeru Misuki était une belle personne et un auteur de génie. R.I.P

samedi 28 novembre 2015

Sérénade (Texte Arnaud Cathrine) - Mise en scène Ninon Bretecher

Une femme voit un homme dans la rue, elle croise son regard, et tombe éperdument amoureuse de lui, elle va le suivre discrètement pour découvrir où il vit. Elle n'y tient plus, elle crie sous sa fenêtre au pied d'un immeuble tout son amour, toute sa passion, elle chante aussi. Un monologue sans retour, mais rien ne l'arrête, elle est prête à être "l'ombre de son ombre", c'est en quelque sorte le retour d'Adèle H dans une rue parisienne...

Un spectacle court, moins d'une heure. Mais c'est long quand il s'agit d'une personne qui crie sans fin son amour sous une fenêtre... D'ailleurs dans la vraie vie ce n'est pas possible, un voisin aurait craqué et lui aurait demandé manu militari de la fermer. C'est aussi là, la limite du texte de Arnaud Cathrine, il n'avance pas, il tourne en rond, et contrairement à Adèle H nous n'avons pas été touchés par ce personnage, nous n'avons vu que son coté exclusif et excessif donc pénible. Nous sommes restés étrangers à sa détresse ...

Elle c'est Anna Mouglalis, la dernière fois que nous l'avions vue c'était dans l'excellent film de Philippe Garrel La Jalousie où elle était remarquable. Elle a effectivement une vraie présence sur scène, elle est  captivante, et envoutante par sa voix si particulière. Il était d'ailleurs dommage qu'elle soit équipée d'un micro. 

Nous sommes allés au bout de ce spectacle, nous avons écouté la belle d'Anna Mouglalis accompagnée par le musicien Vincent Artaud au jeu sensuel qui vient donner du coffre et une dramatisation au texte d'Arnaud Cathrine, il électrise les Sérénades . Nous nous rappellerons avoir vu Anna Mouglalis sur scène même si nous ne resterons pas marqués par ce texte!

Luc Bondy (17 juillet 1948 - 28 novembre 2015)

Photo Jean Luc Bertini/pasco
Il fallait qu'il soit un homme de talent Luc Bondy pour faire oublier si rapidement dans quelles conditions controversées il avait été nommé à la tête de l’Odéon Théâtre de l'Europe . Une arrivée chahutée mais au final, un bilan indiscutable.
Nous avons eu l'occasion de voir deux de ses mises en scène: Les Fausses Confidences de Marivaux puis récemment Ivanov de Tchekov. Son vrai talent est de nous amener à nous replonger dans ces œuvres indiscutables avec un regard neuf pour nous rappeler que nous avons toujours à apprendre des grands classiques, c'est là, la force de ces œuvres universelles et intemporelles . Monter un classique ce n'est jamais reconstituer un passé disparu, c'est s'interroger sur notre propre présent !

C'est un grand homme de théâtre qui disparait, un citoyen européen. R.I.P !

Notre petite soeur - Hirokazu Kore-eda

Trois sœurs partagent la demeure familiale où elles ont grandi, elles sont de jeunes adultes, chacune a son travail et son caractère. Elles apprennent la mort de leur père qu'elles n'ont pas vu depuis des années, époque où il quitta leur mère pour partir vivre avec sa maitresse avec qui il eut une fille. Il se remaria une troisième fois après le décès de sa deuxième épouse.
Elles se rendent toutes les trois aux obsèques où elles font  connaissance de leur jeune sœur . Emues par cette rencontre, elles proposent à la jeune fille de venir vivre avec elles,  lui expliquant qu'elle sera la plus jeune d'un dortoir de fille. Elle accepte...
Elles vont se découvrir, apprendre à vivre ensemble, les ainées parviennent à faire une place à cette petite sœur inquiète parce quelle sait que sa mère fut leur ennemie .
C'est la chronique d'une famille recomposée, pas d'intrigues dans ce film, une histoire simple sur la vie à situer dans la lignée des chefs d’œuvre de Yasujiro Ozu, nous retrouvons ici la même pudeur des sentiments, la même humanité. Nous avons littéralement succombé devant la pureté du film réalisé sans artifice, mais qui nous fait traverser toutes les émotions de la vie, du rire aux larmes. Le ton du metteur en scène est quasi neutre, il laisse passer le temps simplement et il révèle toute l'humanité et la générosité de ces quatre femmes d'une beauté irrésistible. Elles ne sont pas parfaites, elles ont chacune leurs failles, elles sont humaines. C'est un film beau, bouleversant. La seule souffrance est d'assister à leurs repas sans pouvoir y goûter.
Ce film merveilleux est reparti sans rien du festival de Cannes, nous en faisons notre palme d'or. Nous restons encore plus stupéfaits du palmarès tant nous avions été déçus par film de Jacques Audiard, peut être le pire de sa filmographie.

vendredi 27 novembre 2015

The Lobster -Yorghos Lanthimos

Dans un futur proche, il est interdit de vivre seul, tout célibataire est interpellé, envoyé dans un hôtel où il a un délai de 45 jours pour trouver l'âme sœur. Aux termes du compte à rebours, s'il n'a pas trouvé un compagnon il est irrémédiablement transformé en animal de son choix. Dans une telle société totalitaire, une résistance s'est évidemment mise en place, ils sont  ceux qu'on appelle les solitaires, ils ont rejoint la forêt pour se cacher des autorités ... Les pensionnaires de l'hôtel partent régulièrement à leur chasse munis de fusils à seringue hypodermique,  chaque prise leur donne un jour supplémentaire de survie ...
Le film débute au moment où David, arrive à l'hôtel en compagnie d'un chien dont nous apprenons qu'il est son frère, transformé après avoir échoué à trouver une compagne, lui a choisi d'être transformé en homard en cas d'échec... David a l'air plutôt triste, sa femme l'a quitté. Il subit tout cela, il découvre les règles de vie de l’établissement où la masturbation est interdite alors qu'une jeune femme vient se frotter à son sexe tous les matins pour stimuler la libido. Les jours passent, myope et piètre chasseur, il ne gagne aucun sursis... Il finit par trouver une compagne mais c'est un échec alors il préfère s'évader et rejoindre dans la forêt les solitaires, il découvre un nouveau monde tout aussi effrayant... où les sentiments et le flirt sont interdits, chaque manquement à la règle est sévèrement sanctionné par des punitions corporelles. Et là pas de chance, notre David tombe amoureux ...

Ce film  vient nous rappeler que la mort du sentiment est le propre des sociétés totalitaires. Ils veulent imposer l'amour, faire du couple hétéro ou homo peu importe ,une norme impérative , seule la solitude est immorale. C'est effrayant, glaçant, surréaliste et finalement d'une grande drôlerie. Servi par une distribution remarquable Colin Farrel , Rachel Weisz, Lea Seydoux ou encore  la remarquable Ariane Labed découverte dans "Fidélio, l'odyssée d'Alice", nous avons passé un excellent moment à découvrir cette dystopie improbable.
Le dernier jury du festival de Cannes avait attribué le prix du jury au film de Yorgos Lanthimos.récompense qui nous semble totalement justifié.

jeudi 26 novembre 2015

Le tabac Tresniek - Robert Seethaler

La mort d'Alois Prenninger qui se présentait comme l'homme le plus riche du Salzkammergut est une très mauvaise nouvelle de Franz Huchel. Cet homme, amant de sa mère lui garantissait une certaine qualité de vie sans qu'il eut à travailler, il était un garçon libre. Sa mort remet en question l’équilibre financier du ménage. Sa mère se rappelle alors une ancienne relation Otto Tresniek devenu marchand de tabac à Vienne, ce dernier accepte de prendre son fils pour employé ce qui est toujours mieux que d'aller bosser dans les mines de sel. Le jeune homme habitué de vivre dans la nature au bord d'un grand lac appréhende cette nouvelle vie séparée de sa mère.
C'est parce qu'il fut blessé sérieusement à la première guerre mondiale que Otto Tresniek devenu unijambiste s'est vu octroyé un tabac où il vend aussi de la presse  et de la papeterie. Doté d'un grand sens du professionnalisme, il explique au gamin qu'il se doit de lire tous les journaux, il lui apprend les rudiments du métier. Otto Tresniek doté d'un humour plein d'ironie aime sa clientèle, il a même pour certains de ses clients des revues coquines gardées sous clé. Parmi eux, une célébrité Sigmund Freud déjà vieil homme handicapé par son cancer de la mâchoire, qui vient là acheter ses cigares, le passage de cet homme célèbre impressionne Franz.
Le jeune homme venu de la montagne est tombé dingue amoureux d'une danseuse tchèque originaire de Bohême, Anezka qui le rend totalement dingue sans qu'il comprenne vraiment pourquoi ... Si les journeaux qu'il lit consciencieusement lui apprennent à décrypter la vie politique dont il ignorait tout , ils ne lui révèlent  rien sur les sentiments. Il va donc aborder le célèbre psychanalyste pour demander conseil au 'médecin des fous" et tenter de comprendre ses nouveaux tourments. Freud est  touché par cet homme de la montagne qui vient l'aborder quand tout le monde commence à lui tourner le dos. Une amitié finit par naître entre eux.
Ce monde presque idéal d'une Vienne cosmopolite bascule dans l'effroi avec l'arrivée des nazis; la haine des mesquins et des sans âmes peut s'exprimer sans limite, les dénonciations sont suivies d'arrestations un monde parfait pour les corbeaux. Sigmund Freud peut s'échapper vers Londres, mais il n'y a plus de place pour les jeunes gens épris de liberté. C'est l'heure du drame!

Ce livre est une heureuse découverte de cet automne. Nous la devons  à  Sabine Wespieser dont la petite maison d'édition fait un travail remarquable pour nous donner à lire de nouveaux auteurs. Elle fait partie de ces maisons d'éditions dont on peut acheter en toute confiance un ouvrage sans rien savoir de son auteur, parce qu'elle n'édite que de belles choses. Et pour ceux qui peuvent avoir peur de voyager, la littérature reste le moyen le plus sûr de traverser les frontières et d'aller au delà découvrir des territoires inconnus en toute sécurité et à moindre frais.

Robert Seethaler est un écrivain autrichien. il révèle dans Le Tabac Tresniek, un vrai talent de conteur, à partir de gens simples il construit l'histoire captivante d'une société qui bascule subitement,tant pis pour ceux qui marchent contre le vent. C'est une écriture simple comme peut l'être cinéma de John Ford, mais derrière cette sobriété qui reste la marque des plus grands, l’œil est incisif, et il sait parfaitement et avec une grande subtilité révéler les petits signes annonciateurs de la peste à venir. L'intrigue tient en haleine le lecteur, c'est une histoire captivante soutenue par cet humour viennois plutôt irrésistible !

Le Tabac Tresniek c'est une très belle découverte de cet automne ! 

C'est aussi l'occasion de faire avancer notre challenge l'Europe des écrivains !



Setsuko Hara (17 juin 1920 - 5 septembre 1915)

Elle fut une actrice fétiche du maitre du cinéma intimiste Japonais, Yasujiro Ozu. Elle tourna notamment son chef d’œuvre, Voyage à Tokyo. Elle mit un terme brutalement à sa carrière juste après la quarantaine, pour totalement disparaitre des médias. Une disparition qui n'est pas sans évoquer celle de Greta Garbo à qui  elle fut comparée.
C'est une des plus belles actrices du Japon qui disparait. R.I.P !

mercredi 25 novembre 2015

Aventures dans l'armée rouge - Jaroslav Hasek

Nous avons découvert Jaroslav Hasek, récemment, à travers l’irrésistible satire "le brave soldat Chveik", nous avions repéré dans sa bibliographie un ouvrage qui avait fortement titillé notre envie: "Aventures dans l'armée rouge". Ce dernier  semblait devenu introuvable, totalement épuisé c'est avec joie que nous l'avons découvert édité par LaBaconnière et IbolyaVirag, spécialiste de la littérature  hongroise et plus largement de la Mitteleuropa.

Engagé dans les rangs de l'armée Rouge, c'est au travers de sa propre expérience que Jaroslav Hasek écrit ce petit ouvrage hilarant. Il y raconte son aventure, au moment où il débarque à Bougoulma. Nos recherches nous ont indiqué que c'est une cité de la République du Tartastan.
Accompagné de douze Tchouraves dont personne ne comprend la langue, il doit tout simplement y installer le régime bolchévique  soit à plus de 800 km de Moscou, quand un régiment  militaire débarque dans le même temps. La situation devient rapidement absurde, la question de survie devient rapidement prioritaire pour notre héros. Il doit donc s’accommoder des autochtones qui ne sont pas vraiment au fait des nouveaux concepts bolchéviques sans fâcher l'ardeur révolutionnaire des militaires toujours prompts à fusiller leur prochain.
Nous retrouvons la même intelligence dans le regard sans concession de Jaroslav Hasek, qui engagé aux cotés des bolchéviques n'en est pas pour autant aveuglé sur qui ce passe... Il montre le  pays en crise du fait des politiques inefficaces des tsars sans pour autant être dupe sur les nouveaux venus. Dés 1921, année de rédaction de cet ouvrage il pressent la catastrophe à venir,  les comportements des révolutionnaires annoncent les futures dérives staliniennes et le régime de la terreur. Ne vous dévoilerons pas plus, mais ne vous inquiétez pas pour le héros, il est tout de même  plus malin que les autres, il a vite compris que s'engager dans la révolution n'était pas sans danger, la révolution tue sans discernement...
Nous sommes particulièrement heureux d'avoir pu  découvrir ce petit livre d'une drôlerie irrésistible qui confirme que Jaroslav Hasek est un maître de la satire et de l'ironie mordante, ce qui fait assurément de lui un des très grands écrivains du siècle dernier. C'est un cadeau parfait pour cette période de fin d'année où il est important de donner du bonheur à son prochain.
La littérature de Jaroslav Hasek est un parfait remède à la morosité du moment. Offrez le à Noël !

mardi 24 novembre 2015

Le temps de l'innocence - Martin Scorsese

Il suffit de se plonger dans les deux merveilleux documentaires sur le cinéma américain et italien de Martin Scorsese pour comprendre combien le septième art a eu une place capitale dans la vie du réalisateur de Taxi Driver et cela depuis son plus jeune âge.  Une cinéphilie pointue qui en fait assurément un frère spirituel de François Truffaut. Martin Scorsese respire le cinéma, il en est un fidèle serviteur notamment par son travail de restauration qu'il mène au travers de sa fondation, redonnant une nouvelle jeunesse à des chefs-d'œuvre victimes du temps qui passe.
Mais il y a un mystère chez ce cinéaste qui a réalisé incontestablement des très grands films devenus incontournables, notamment avec son acteur fétiche et son double Robert de Niro, mais aussi d'affreux navets qui viennent plomber sa filmographie. Des fautes de goût incompréhensibles  que la presse bienveillante omet de citer quand on a célébrè le cinéaste actuellement exposé à la cinémathèque de Paris.  Et pourtant La Dernière tentation du Christ, Kundun figurent bien dans sa filmographie, mais aussi les nerfs à vifs, Shutter Island des objets totalement convenus...

Nous avons décidé de nous replonger dans Le Temps de l'innocence, un film à part dans la filmographie du cinéaste.Adaptant un roman d' Edith Wharton, Martin Scorsese tout juste sorti des Affranchis se lance dans un film à costumes. La  haute société  pudibonde et policée du  New-York  au XIX° siècle   finit par y révéler une vulgarité voisine de celle des maffieux du Bronx.
L'histoire est assez simple Newland Archer (Daniel Day-Lewis) doit épouser une fille tout aussi convenable que lui MayWilland (Winona Ryder). Le retour de Ellen Olenska (Michelle Pfeiffer) qui fatiguée des infidélités d'un mari européen a choisi de quitter ce dernier. Un retour qui fait quelque peu scandale dans cette société engoncée dans sa bonne morale. Newland Archer tombe amoureux de Ellen Olenska, cela fait désordre mais tout leur entourage se mobilise pour préserver la bienséance , cette histoire est terriblement cruelle.
Or le film est un peu trop propre ... Newland se retrouve tel Milou devant une flasque de Whisky du capitaine Haddock partagé entre "le diable" et "l'ange"... Et là pas de Joe Pesci pour lui donner de bons conseils, pas de transgression des codes...
Martin Scorsese au milieu de la belle vaisselle, ne veut pas être l’éléphant dans un magasin de porcelaine, alors il filme avec délicatesse, et tout devient très plat. Platitude renforcée par Daniel Day Lewis, ersatz des grands acteurs hollywoodiens qu'ont pu être Gary Cooper, James Stewart ou Cary Grant , il fait de son personnage un benêt insipide.
Et malgré tout ce n'est pas si mal, parce qu'il y a Michelle Pfeiffer qui tient là un de ses plus beaux rôles. Absolument remarquable, elle donne à ce film une âme, elle crée à elle seule une tension qui retient notre attention, et qui nous fait regretter la sagesse du cinéaste, devenu tout d'un coup trop lisse comme s'il avait été impressionné par ce beau monde de façade....Son personnage est le seul de cette histoire  à assumer sa liberté et ses choix.


Film vu dans le cadre du Ciné-club du bric-à-brac de Potzina !

samedi 21 novembre 2015

Coco - Bernard Marie Koltes (Cie Succursale 101)


Coco est une pièce inachevée de Bernard Marie Koltes, composée de trois fragments qui racontent la fin de vie de Coco Chanel accompagnée dans ses derniers jours par sa domestique, Consuelo.
Un premier fragment où la créatrice de mode malmène sa servante lui reprochant notamment son rouge à lèvres, et ses talons hauts, elle ne peut s’empêcher de lui faire la leçon. Dans le deuxième fragment, Coco est à l'agonie, elle n'a plus de visite, elle est à la merci de sa domestique... qui lui rappelle cette règle: la qualité de domestique meurt avec le maitre, la cuisine est en désordre, elle le restera. Dans le troisième, nous assistons à la mort de Coco quelque peu réconciliée avec Consuelo. Rideau!

Un texte court, 45 minutes de spectacle qui permettent de mesurer toute la force de l'écriture de Bernard-Marie Koltes qui  invite  chacun d'entre nous à s'interroger sur ce que nous avons de plus intime, à regarder en face notre propre mort, notre décheance à venir. 
Les deux personnages semblent indissociables , Consuelo est subordonnée à sa patronne qui elle même seule et affaiblie finit par dépendre du bon vouloir de sa domestique, leur relation complexe et ambiguë symbolise les rapports de classe.
Deux actrices sur scène mais aussi des marionnettes incarnant  de Coco, de son enfance à sa fin dans la troisième partie, quand la vieille femme devient la chose de sa servante. Deux murs qui forment comme une matrice, sur lesquels sont projetés des lumières créant  une atmosphère froide renforçant le coté glaçant du texte, mais qui nous fait aussi basculer dans un monde de fantasmagorie qui n'est pas sans rappeler certaines scènes de la maison du Docteur Edwards d'Alfred Hitchcock.
C'est un très beau travail que celui d’Angélique Friand et de la cie Succursale 101, assurément une belle et heureuse surprise de notre année théâtre.

Le fils de Saul - Laszlo Nemes

Saul, juif hongrois est affecté à un sonderkommando d'un camp d'extermination nazi. Il doit apporter son soutien à la solution finale, faire le sale boulot, s'occuper des cadavres. Faire partie d'un Sonderkommando permettait une "meilleure vie", mais vous obligeait à participer au pire, sans espoir de survie, puisque leurs membres étaient régulièrement exécutés et  remplacés par de nouveaux éléments.
Un gamin miraculeusement vivant après le passage par la chambre à gaz mais étouffé par la suite par un nazi, attire l'attention de Saul ... Il n'a plus qu'une obsession donner une sépulture et un enterrement religieux à cet enfant qu'il dit être son fils...
Une volonté qui donne à nouveau un sens à sa vie, il lui faut récupérer le corps, trouver un rabbin, creuser une tombe... alors que la situation devient de plus en plus tendue dans le camp, les convois de nouveaux arrivants se multiplient, une rébellion s'organise dans le camp pour tenter un soulèvement... mais Saul n'a plus que cela  en tête, un destin qui n'est pas sans évoquer celui d'Antigone
En collant en permanence à son personnage cadré au plus près  avec un arrière fond flou, Laszo Nemes évite l'écueil de la représentation du camp d'extermination. Pourtant il nous fait toucher du doigt l'horreur et l'abomination des lieux notamment par une bande son impressionnante qui crée l'effroi, seule l'odeur pestilentielle des lieux n'est pas représentée, elle reste inimaginable... C'est aussi la limite de ce film dont il nous semble difficile d’émettre un avis esthétique il devient rapidement anxiogène et difficilement supportable. Nous savons déjà que nous ne le reverrons pas de sitôt, si nous devons le revoir un jour .
Nous avons été impressionnés par "le fils de Saul" et nous ne savons qu'en penser ...

Les prépondérants - Hédi Kaddour

Nous sommes en 1922,  Nahbes un petit village du Maghreb sous le contrôle de colons français voit débarquer une équipe d’Américains venue d'Hollywood pour un tournage. Une présence qui révèle toutes les tensions nées de la présence coloniale  à laquelle la population autochtone tente avec son peu de moyens de s'opposer. Les" prépondérants" désignent une communauté de notables français se croyant les "plus civilisés"qui se réunissent régulièrement  pour maintenir l'ordre..
Le roman s'ouvre sur Rania, une jeune veuve de 23 ans , dont le mari est mort sur les champs de bataille de la première guerre mondiale... Rania est une jeune femme indépendante qui veut prendre en main sa vie contre les conventions locales et surtout ne pas avoir à subir l'autorité de son frère alors que son père est plutôt bienveillant avec elle. Elle va reprendre la maison et les terres de son oncle , terres convoitées par le colon voisin, Ganthier mais elle refuse de lui céder.
Raouf est son cousin, un jeune homme brillant qui réussit parfaitement à l'école des Français,  rapidement il se retrouve devant un dilemme alors qu'il est proche des mouvements nationalistes doit il continuer à suivre l'enseignement de l'ennemi.
Au milieu des tensions débarquent les Américains pour qui s’éloigner d'Hollywood est une bénédiction, alors que les ligues de vertus se scandalisent des "turpitudes" des nouvelles stars du septième art. Ils fascinent mais ils effraient aussi par leur comportements et leur sens de la fête les habitants de ce pays. Raouf devient le secrétaire de la vedette Kathryn, un jeu de séduction répulsion s'engage rapidement entre eux; alors que Gabrielle une femme libre, journaliste parisienne se fait le chroniqueuse de ce monde et de ses rencontres improbables; elle a envouté Ganthier, mais plus intéressée par la gent féminine elle reste inaccessible ...
Le roman est enclenché, il va nous mener à Paris où Ganthier et Raouf vont retrouver Katryn et Gabrielle, avant de nous emmener à Berlin où Kathrin cherche à rencontrer les cinéastes allemands. Berlin agité par les différents mouvements politiques,  spartakistes face aux nazis qui commencent à poindre le bout du nez.
C'est un beau roman de cette rentrée, une belle écriture, plus de 400 pages d'aventures, d'amour, de politiques, un ouvrage romanesque qui nous envoute dés les premières pages mais qui finit par s'enliser quelque peu. Il y a des hauts et des bas, notamment la partie berlinoise nous est apparue comme la plus convenue, tournant parfois à la leçon d'histoire nous l'avons traversée avec ennui,  elle nous laisse un sentiment de déception après un début passionnant. 
Il a été récompensé par l'académie française, ce prix lui va bien !

mercredi 18 novembre 2015

Camélia Jordana en concert

Nous ne connaissions pas Camelia Jordana on nous avait  vanté ses mérites,  alors nous sommes allés  voir sur la scène de notre théâtre voisin la jeune chanteuse qui se fit connaitre d'un large public par le biais d'une chaine de télévision commerciale...
Après un premier album, la chanteuse accompagnée par le talentueux Babx à la production a signé un deuxième album " Dans la peau" plus personnel, plus ambitieux, une rupture avec ses débuts qui l'a peut-être coupée de son premier public. La salle n'a pas fait le plein, et effectivement les titres du premier album sont restés dans le placard à l'exception d'un,  composé par l'excellent Mathieu Boogaerts ...
 Si nous avions trouvé son dernier album sympathique sans être pour autant envoutés, nous n'avons pas eu un coup de foudre pour ce spectacle qui n'a jamais su provoquer une forme d’effervescence dans le public . Le son était plutôt désastreux en début de concert, une véritable bouillie inaudible, ce qui nous a quelque peu déconcertés et malgré le coté indéniablement sympathique de Camélia Jordana nous n'avons pas vécu un grand moment de chanson...
Bof, Bof mais le plus important était finalement de se retrouver dans une salle de spectacle , de reprendre une vie banale et joyeuse...


mercredi 11 novembre 2015

Helmut Schmidt (23 décembre 1918 - 10 novembre 2015)

Social démocrate, il fut le chancelier de ce qu'on appelait alors la République fédérale d'Allemagne, bien plus attachée aux valeurs démocratiques de sa voisine de l'est. Nous sommes émus d'apprendre son décès car il est finalement le premier chancelier que nous avons connu "en direct" alors que la France avait pour souverain VGE. C'était notre ami, une amitié que les deux représentants n'avaient pas su symboliser comme le feront plus tard Helmut Kohl et François Mitterrand sur les terres de Verdun... C'est tout de même mieux quand les Allemands sont nos amis. R.I.P Helmut !

Andre Glucksman (19 juin1937 - 10 Novembre 2015)

Ce qu'il y avait d'étonnant ce matin à l'annonce de la mort d'André  Glucksman, c'est sa reconnaissance  comme philosophe sans qu'aucune de ses œuvres n'aient  été citées ... Nous en sommes nous même incapables...
Andrè Glucksman doit sa célébrité à son sens de la communication, à son charisme singulier, à son look facilement identifiable. VRP des droits de l'homme il  n'a cessé de hurler sa colère devant les crimes commis par les dictateurs de tous poils, il savait reconnaitre les méchants et nous partageons son dégout pour Vladimir Poutine quand de plus en plus de personnes expriment leur fascination pour ce tyran glaçant. Un cri permanent devenu avec le temps inaudible,  sentiment renforcé par son coté va t'en guerre quelque peu déraisonnable. L'homme s'est parfois perdu à défendre un monde juste et humain, il nous a finalement appris que les Droits de l'homme ne s'imposent pas avec les forces armées. Le chaos de notre monde actuel en est la triste preuve. 

mardi 10 novembre 2015

Belles Familles - Jean-Paul Rappeneau

Nous aimons bien Jean-Paul Rappeneau.  Un cinéaste rare , seulement huit long métrages depuis La vie de château tourné en 1956dont nous avons particulièrement aimé  les comédies comme Le sauvage ou son précédent film Bon Voyage, plus que ses adaptations des classiques de la littérature que ce soit son Cyrano de Bergerac ou le Hussard sur le toit
Nous étions donc plutôt heureux d'aller découvrir son nouveau film, une comédie familiale avec Mathieu Amalric dans le premier rôle, une bataille autour de la succession d'une maison familiale. Avouons le immédiatement ce film est une catastrophe totalement indigeste. rien ne fonctionne, l'image est moche, les dialogues sont ridicules, les blagues éculées tombent à plat, le scénario est sans finesse, c'est grotesque, les acteurs se noient dans ce désert cinématographique... C'est absolument consternant, il y avait fort longtemps que nous n'avions pas vécu une aussi grande déception dans une salle obscure. 
Pire il filme Marine Vacth, sublime actrice comme un vieux lubrique se plaisant à filmer son postérieur parfait alors que c'est totalement gratuit. Définitivement son film n'a rien pour lui ! 

Allen Toussaint (14 janvier 1938 - 9 Novembre 2015)




Allen Toussaint, pianiste chanteur nous l'avons découvert sur le tard avec un album remarquable de 2009, The bright Mississipi qui ne cesse de tourner depuis de longs mois  sur notre platine. R.I.P !


dimanche 8 novembre 2015

Ca ira (1) Fin de Louis - Joël Pommerat

Un moment rare de théâtre, cela dure 4H20 mais cette longueur n'est jamais un problème tant nous sommes pris par le propos de cette pièce toute neuve, dernière création de Joël Pommerat inspirée par les événements de 1789. La Révolution Française est au chœur du propos mais nous sommes bien loin d'une reconstitution historique, ce qui a intéressé l'auteur c'est  retrouver la substantifique moelle de ces heures historiques, les causes qui ont généré ces événements , il nous dissèque le discours politique et tout nous ramène à aujourd'hui .Les  mots des tribuns inspirés par la pensée des Lumières et les grands débats qui vont générer les textes fondateurs sont ici repris par des anonymes habillés de manière contemporaine, seul le monarque Louis XVI est ici représenté en tant que tel...
Tout commence par un problème fiscal, l'impôt est mal perçu par le peuple car les classes privilégiées la noblesse et l'Eglise en sont exemptés. L'Etat est exsangue, surendetté il ne peut plus payer ses dépenses, il lui faut lever de nouveaux impôts, le premier ministre propose de faire contribuer les exemptés, c'est le scandale. La noblesse exige la réunion des Etats Généraux, elle va le regretter. Le tiers Etat se proclame "Assemblée nationale"  ! C'est la Révolution!
Le peuple parisien crève de faim, la ville n'est pas ravitaillée.  C'est l'insurrection, Louis est débordé, il ne comprend pas la situation, mal conseillé il n'en prend pas la mesure. L'homme n'est pas mauvais mais il manque d'épaisseur...
C'est cette histoire que nous suivons en direct, nous sommes au chœur des débats, les acteurs sont dans la salle et sur scène, la mise en scène recrée la cacophonie des premiers débats parlementaires, où personne ne s'écoute vraiment mais où chacun veut prendre sa parole, il y a les inflexibles qui restent droits dans leurs bottes, puis il y a ceux qui varient selon les événements. C'est brillamment mis en scène, c'est vivant et intense, c'est d'une finesse absolue Joël Pommerat a la regard incisif, derrière les emportements et les commentaires de ces personnages, il en révèle la grandeur ou la petitesse, ... Il montre simplement mais dans toute sa complexité, un événement historique fondateur de notre histoire contemporaine, peut être le premier à connaitre une réelle médiatisation , toutes les cours européennes scrutant alors avec intérêt et effroi ce qui se passe à Paris . C'est une parfaite autopsie d'un mécontentement populaire qui réclame   un monde meilleur et bascule dans la violence  !
Extraordinaire spectacle !

jeudi 5 novembre 2015

L'avare (Molière) -Mis en scène par Jacques Osinski


Que diable allait il faire dans cette galère? Pauvre Harpagon, vouloir épouser la belle et jeune Marianne, alors que sa cassette remplies de pièces d'or occupe toute sa pensée est une pure folie... Folie d'autant plus grande que son fils Cléante, insupportable oisif est lui même amoureux de la jeune fille.
Pour sa fille Elise, le vieil homme souhaite la marier au vieil Anselme qui ne réclame aucune dot, mais la jeune femme est amoureuse de Valère gentilhomme qui s'est fait engager comme intendant de la demeure.
Harpagon est un avare compulsif ,engranger l'argent ,éviter toute dépense sont ses seules obsessions même le charme de Marianne se dissout face aux pièces d'or....
Ses enfants ne peuvent le supporter mais  incapables de gagner leur vie ils ne peuvent vivre qu'a ses dépens

 C'est un peu cette histoire que Jacques Osinski a choisi de nous conter, recentrée sur la famille.
 Nous assistons à la chute d'un homme qui malgré toute l'antipathie qu'il peut générer finit par toucher le spectateur.
Costumes modernes, décor d'un appartement contemporain, le transfert d'époque n'est pas un problème, la France est toujours un pays d'héritiers ... cela peut sembler froid, le décor est plutôt dépouillé, les acteurs gardent entre eux une certaine distance malgré la passion amoureuse des jeunes gens, ce n'est pas très charnel... Nous sommes chez les bourgeois, on ne répand pas, c'est un peu Molière revisité par Claude Sautet, le cinéaste de la bourgeoisie pompidolienne. C'est totalement saisissant ,  les acteurs sont formidables, ils cassent cette froideur apparente pour mettre en  avant toute la chair du texte. Ainsi lors du monologue d'Harpagon, remarquable Jean-Claude Frissung, nous sommes émus par sa folle détresse  nous le voyons sombrer définitivement dans la folie et la solitude totale.
C'est aussi là toute la réussite de Jacques Osinski d'avoir révéler toute la noirceur de ce texte sans en avoir tué le rire présent dans les mots féroces de Molière...
C'est un beau travail qui nous rappelle qu'un classique ne se démode jamais, nous y découvrons à chaque fois quelque chose de nouveau. 

mardi 3 novembre 2015

The Foals - What went down

Il y a comme cela des albums qui vous tétanisent dés l' écoute du premier morceau  , vous en devenez subitement accro ....
Il y eut ainsi Sticky fingers des Rolling Stones et son Brown Sugar, Horses premier album de Patti Smith et sa magnifique reprise Gloria ou encore plus récemment Nevermind De Nirvana et son Smells like teen spirits , la liste serait longue si elle devait être exhaustive...
Dorénavant il y a What went down des Foals, une ouverture majestueuse, de leur quatrième album avec des guitares puissantes et la voix tout aussi sauvage de Yannis Philippakis... Happés dés les premières notes nous ne lâchons pas cet album jusqu'à sa dernière note. Notre plus belle claque musicale de l'année !


 Pour vous convaincre définitivement de la qualité de cet album, il convient d'écouter la chronique du Pop & Co de la merveilleuse et élégante Rebecca Manzoni qui en parle avec une parfaite justesse. Cliquez ici


dimanche 1 novembre 2015

Un papa de sang - Jean Hatzfeld

Jean Hatzfeld est de retour au Rwanda, comme toujours du coté de Nyamata, 20 ans après le génocide, pour continuer son travail de journaliste. Cette fois il part à la rencontre des enfants des victimes et des bourreaux qui vivent cote à cote. Ce drame est devenu la grande affaire de sa vie, il retourne sans cesse sur les lieux  retrouver les rescapés dont il avait recueilli les témoignages dans le "Nu de la Vie " mais aussi les assassins  dans une saison de machettes . Le pays est toujours marqué par la tragédie malgré la politique de réconciliation, et  l'interdiction faite de se déclarer d'une ethnie, il reste divisé en deux.
D'un coté les Tutsis, des familles décimées, les survivants tentent de se reconstruire et les enfants grandissent au milieu de fantômes. Ils ont grandi au coté de la mort, ils portent en eux une tristesse... Pour les enfants Hutus, la situation est complexe ils grandissent auprès de leur père aimant souvent rempli de gentillesse, ils ne peuvent pas comprendre l'horreur du crime dont ils sont accusés. Le génocide est aussi à l'origine de leur déchéance sociale, ils ont du renoncer pour certains à leurs rêves de mener des études pour se mettre au travail dés leur plus jeune âge. 
Pour certains , le père est toujours en prison, ou il y est retourné récemment après de nouveaux procès. Cette absence pèse lourd, et les mères malgré tout leur courage ne suffisent pas à entretenir le foyer et doivent faire face parfois au refus des enfants d'entretenir les quelques arpents de terre qu'ils possèdent.
Ils sont jeunes, ils ressemblent à tous les gamins du monde, ils aiment le foot, internet et les séries télés.

C'est un livre fort, captivant, une leçon de vie où enfants des victimes et bourreaux se retrouvent sur les mêmes bancs, ils se croisent se jaugent mais les liens restent distendus, les mariages mixtes semblent impossibles. Ce livre prolonge l'enquête du journaliste, qui crée véritablement là une œuvre littéraire unique d'un puissance rare. Le tout est porté par une langue superbe, en lisant les mots de Jean Hatzfeld  nous avons le sentiment unique d'entendre  le son des voix de tous ces témoins :

"J'avais un copain. C'était la romance. On a cassé. La tristesse ne m'a pas ratée, elle m'a fait pleurer, pus elle m'a laissée. Beaucoup de garçons me tournent autour pour que je leur cède l'amour. Je ne suis pas encore prête à ça. je ne sais pas si pourrais tomber amoureuse d'un garçon Hutu. A Nyamata, zéro risque, on se connait tous. "

A chaque fois nous restons impressionnés bouleversés par la lecture de Jean Hatzfeld. Une oeuvre immense !

jeudi 29 octobre 2015

Un amour impossible - Christine Angot

Nous étions restés étrangers au buzz autour de la sortie de "L'Inceste", puis des critiques positives sur ses romans suivants avaient fini par titiller notre curiosité... Nous avions lu alors "Pourquoi le Brésil?" et plus tard "Rendez-vous", nous n'avions pas accroché, l'aventure Angot s'était arrêté là pour nous. Nous avions été agacés, peu touchés, par ses romans tout en lui reconnaissant  un talent d'écrivain avec un style personnel... Nous nous étions promis de ne plus nous faire piéger par la critique, mais là, même ses adversaires les plus tenaces semblaient conquis par son nouvel ouvrage... aussi  nous avons replongé et nous avons bien fait, le nouveau roman de Christine Angot est formidable et peut être bien plus que cela, il nous semble être la clé de son œuvre littéraire tel  Le pedigree de Patrick Modiano.
Christine Angot nous livre en détail l'histoire de sa famille, de sa conception issue d'une histoire d'amour qui ne pouvait se conclure par un mariage car sa mère simple employée de la sécurité sociale n'avait pas un statut social suffisant pour Pierre, fils d'une famille bourgeoise venu à Châteauroux pour un emploi de traducteur dans une base de l'armée américaine. Quand son emploi prend fin, Pierre avait fuit vers la capitale avant même la naissance de sa fille "née de père inconnu"qui grandit seule à coté de sa mère logées modestement dans une nouvelle cité de HLM.
Le père installé à Strasbourg avait  fini par épouser une riche allemande et fonder une petite famille  conforme à ses critères bourgeois. Parfois il réapparaissait, plus fréquemment  depuis que Christine et sa mère Rachel étaient venues s'installer à Reims pour être plus proches. Il s'offrait alors quelques escapades avec sa fille devenue adolescentes. Le pire fut alors commis, il la sodomisa à chaque rendez-vous... Horreur, avec laquelle il lui faut vivre, elle déteste le monde, sa mère, elle est seule . Il lui faut se reconstruire, retrouver la vie...
Elle nous dévoile tout, mais il se dégage de ce livre un sentiment de pudeur, de dignité absolument remarquable, elle ne veut pas faire pleurer, se faire plaindre, elle nous conte juste son histoire terrible , elle touche à l'universel. C'est terrible mais supportable parce que l'écriture est belle, fluide, élégante
ce livre nous permet de découvrir Christine Angot et nous invite finalement à revisiter son œuvre, de reprendre ses livres qui nous étaient tombés des mains parce qu'elle nous donne ici les moyens d'appréhender son personnage qui nous restait jusqu'ici totalement étranger.

Nous avons découvert Christine Angot !

mercredi 28 octobre 2015

La cache - Christophe Boltanski

La cache, premier roman du journaliste Christophe Boltanski à la veine fortement autobiographique nous plonge dans le quotidien de sa famille pas comme les autres.
A l'origine, il y a son grand père Etienne et sa grand-mère Myriam.
 Lui est le fils de deux émigrés juifs, venus d'Odessa pour fuir les pogroms. La République française est pour eux l'espoir d'une vie sans angoisse. Etienne grandit à Paris, il fréquente à l'école André Breton, puis il fait des études de médecine brillantes qui le mènent au poste de chef de service d'un hôpital parisien... Il demeure cependant très affecté par le traumatisme de la première guerre mondiale , pour la première fois la République l'a déçu.
Elle est la dernière enfant d'un couple breton désargenté, son père avocat est quasi ruiné il passe ses journées sous morphine pour supporter ses douleurs . Elle est finalement "cédée" à une marraine richissime, elle s'engage dans des études de médecine mais victime de la polio elle ne peut les mener à leurs termes. Elle n'a de cesse de dissimuler son handicap qu'elle refusera toute sa vie.
Elle épouse Étienne rencontré à Paris, ils s'installent dans une aile d'un hôtel particulier de l'avenue de Grenelle où ils fondent un "phalanstère" familial avec leurs trois enfants et une fille adoptive , puis plus tard les petits enfants vont venir agrandir ce cercle. Trois fils, Christian Boltanski qui devient plasticien, Luc le père de l'auteur qui devient sociologue et Jean-Elie un linguiste.
Chacun est libre d'organiser sa vie comme il le souhaite, l'école n'est pas obligatoire, la toilette pas vraiment non plus. L'été ils partent dans de longs voyages, ils dorment dans la même voiture, au restaurant ils commandent un seul menu qu'ils partagent entre eux... la nourriture n'a jamais été une passion, leur frigidaire a toujours été quasi vide et lorsqu'ils organisent des soirées les invités ont fini par prendre l'habitude d'apporter de quoi se nourrir.
Une vie en commun où celui qui finit par quitter les lieux tel Luc le père de l'auteur est vu comme un traître par la grand mère véritable gardienne des lieux. Christophe  rejoint rapidement la communauté pour son plus grand bonheur.
Le Grand-père qui s'était converti en 1927 à la religion catholique  n'a jamais pratiqué la religion de ses parents, ni respecté les règles de vie. Seuls les antisémites sont venus lui rappeler régulièrement ses origines, et plus officiellement le régime de Vichy lors de l'occupation... Il est exclu de l’hôpital, interdit de pratiquer, il doit organiser sa survie. Il peut compter sur son épouse qui ne déroge pas à cette règle sacrée jamais de séparation...

C'est en nous faisant visiter l'appartement de ses grands parents, pièce par pièce que Christophe Boltanski se fait chroniqueur, de sa famille pas banale... La littérature lui permet de refonder définitivement cette cellule aujourd'hui dispersée par les aléas de la vie et la mort des grands parents. Ce qui se dégage c'est une forme de gentillesse pure qui habite chacun de ses membres, un monde de tolérance qui en se refermant sur lui-même se protège de la méchanceté du monde extérieur et de ses agressions. Regard bienveillant, sensible de l'auteur pour sa grand-mère qui n'apparaît jamais comme un monstre malgré son coté ultra-possessif, sa pingrerie, elle est une grande dame... Cette vie de famille ne fait pas rêver, par son coté enfermement elle peut nous faire penser au dernier ouvrage de Fabrice Humbert , Eden Utopie où  plusieurs familles de la communauté protestante de Clamart vivaient  comme les Boltanski en vas clos pour préserver leurs valeurs humanistes....Dans  les deux cas , les deux romans s'inspirent de la réalité de destins extraordinaires mais ils nous touchent intimement nous plongeant dans le temps de l'enfance et des petits évènement quotidiens qui nous construisent. L'écriture de Christophe Boltanski tout en légèreté nous livre un récit bouleversant.

La cache est un magnifique roman de cette rentrée littéraire, nous avons aimé nous balader dans l'appartement des Boltanski !

dimanche 25 octobre 2015

Ivanov - Tchekov - Mise en scène de Luc Bondy

Ivanov, propriétaire terrien russe à la dérive,  ne peut plus assurer les paies à venir de ses ouvriers agricoles, ni honorer  une échéance d'emprunt... Sa femme Anna atteinte de tuberculose entre dans la phase terminale de sa maladie. C'est une femme sublime dont il fut follement amoureux , alors , elle s'appelait Sarah, elle était juive et s'était  convertie pour lui... Ses beaux parents fâchés de la conversion de leur fille n'ont pas versé la dot espérée... Il ne l'aime plus dit-il ...
Comme chaque soir , Ivanov désespéré,  quitte sa propriété pour aller trainer sa mélancolie chez son riche voisin Lebedev dont la fortune est contrôlée par  une épouse à l' avarice rare . Soirée alcoolisée où tous les bourgeois du coin,  se rient d' Ivanov et de sa femme, se laissant aller à un antisémitisme rance...
Ivanov le malheureux  plait aux femmes et notamment à Sacha la charmante fille des Lebedev , sans doute espère-t-elle le sauver. Cet amour  pourrait être une solution à ses problèmes financiers, de là à espérer la mort rapide de sa femme ...
Ivanov , parfaite incarnation de l'antihéros tchékovien mélancolique, est un nom courant en Russie comme Durand ou Martin dans nos contrées. A travers lui, Tchekhov fait un portrait sévère de son pays  de la fin du XIXème dont la  bourgeoisie  s'enfonce dans une paresse sans fin, peu productive, le pays va rater le train du développement industriel... L'antisémitisme forcené comme dérivatif à sa médiocrité
Micha Lescot, nous donne un Ivanov complexe et ambigu  parvenant à nous horrifier et nous émouvoir. Il est époustouflant et forme avec Marina Hands bouleversante dans le rôle de l'épouse un duo convaincant et magnifique entouré par une troupe homogène. Durant  trois heures , nous passons du rire au drame, Luc Bondy révèle avec magie l’âme slave du théâtre de Tchekov sans en cacher le message universel ... C'est un très grand spectacle !

Vu au théâtre de l'Odeon !

Maureen O'Hara (17 août 1920 - 24 octobre 2015)

Elle n'a participé qu'à trois de ses films: Qu'elle était verte ma vallée, Rio Grande, L'homme tranquille; mais cela suffit à faire de Maureen Ohara l'actrice fordienne par excellence.... Plus belle actrice du plus grand des cinéastes, une dame du septième ART !


samedi 24 octobre 2015

Much Loved - Nabil Ayouch


Trois jeunes filles, trois prostituées de Marrakech, elles passent de soirées privées organisées par de riches saoudiens qui veulent consommer discrètement de l'alcool et des jeunes femmes aux boites de nuit où de riches européens se payent de l'alcool et des femmes . Pour elles, venues de milieux populaires, cet argent est l'opportunité pour échapper à un destin tout tracé de femmes modestes et soumises... La contrepartie est terrible, elles doivent subir des  violences sexuelles et ne peuvent compter sur aucune protection pas même de la police; les commissariats sont des lieux dangereux où le viol n'est pas interdit. Les Saoudiens, plus que les Européens sont intouchables... Elles sont courageuses, effrontées, elles connaissent les dangers mais elles foncent dans l'espoir de lendemains plus radieux , refusant obstinément de voir la noirceur de leur vie .
On mesure certes le coté  factice de la joie qu'elles affichent lors des soirées de débauches, mais elles seules  offrent un visage d'humanité , leurs clients apparaissent dans toute leur vulgarité, leurs corps gras sont sans vie.
Ce film est un claque émotionnelle, on sort tourmentés et révoltés de la salle par le sort de ces jeunes filles pleines de vie qui trouvent dans la seule prostitution une once de liberté, elles espèrent, nous nous sommes terrorisés car nous ne leur voyons aucune porte de sortie, leurs vies semblent des impasses .... Le féminisme est long combat, il n'est qu'à ses débuts. 
Un récit maitrisé, des actrices parfaites, c'est un film fort !

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