mardi 31 décembre 2013

La soif du mal - Orson Welles

"Si c'est Welles qui réalise, je suis d'accord." voilà ce que Chelton Heston comprend lorsqu'on lui propose un rôle dans la soif du mal , où à l'origine Orson Welles ne devait être qu’interprète... Alors les producteurs n'ont pas eu d'autre choix que de proposer au réalisateur de Citizen Kane de prendre la direction du tournage. Ce dernier accepta à condition de pouvoir réécrire le scénario. C'est sur ce malentendu que l'on doit le retour de Orson Welles à Hollywood après un long exil.
Mais la nouvelle lune de miel allait être de courte durée, peu convaincus par le résultat final, les producteurs remontent le film, faisant tourner des scènes complémentaires au tâcheron du coin. Parce qu'il avait laissé des instructions écrites, le film fut par la suite remonté selon la volonté du cinéaste. Nous pouvons penser avoir vu un film conforme aux vœux  de Welles.
Il signe son retour par un travelling magistral, ouverture grandiose d'un film noir qui nous même à l'explosion d'un voiture dans une petite ville située à cheval sur la frontière americano-mexicaine. Un plan d'une maitrise diabolique qui valut  à Orson Welles la considération de ses techniciens alors que ces derniers étaient souvent sceptiques en début de tournage sur la réputation de génie qui  précédait le réalisateur.
Explosion qui n'est qu'un prétexte pour provoquer l'affrontement entre deux caractères opposés, un jeune flic scrupuleux mexicain (Charlton Heston) tout  juste marié avec une beauté blonde américaine (Janet Leigh); et un vieux  flic véreux américain aux méthodes contestables, usé par la vie, inconsolable depuis le décès violent de femme . Son seul lieu de réconfort est un bar tenu par Marlène Dietrich où il peut se saouler à l'abri des regards. Entre les deux, un bandit et de sa famille qui veulent la peau du jeune flic qui doit témoigner contre un des leurs lors d'un procès à Mexico City.
Un film noir rythmé par la musique d'Henry Mancini qui lui donne une atmosphère si particulière, un jazz frappé de Téquila. Film sombre, atmosphère de nuit, inquiétant lorsque Janet Leigh se retrouve seule dans un motel... Mais aussi des moments d'humour où nous ressentons le plaisir de Welles de tourner avec ses camarades Charlton Heston et Marlène Dietrich qui se complaisent dans cette atmosphère faustienne propre au cinéma de Welles. Son retour  est un coup de maître... seuls les argentiers d'Hollywood  n'ont pas su le voir.

Vu dans le cadre de notre cycle 2013, année Orson Welles... Nous n'avons pu aller au cours de cette année au bout de la filmographie de Welles. Alors nous déborderons sur l'année 2014. Pour autant nous ouvrirons un nouveau cycle " 2014, année...."

Nos coups de coeur 2013

L'année 2013 se termine et laisse un goût amer. Sur fond de crise, nous avons assisté avec dégoût à une montée des haines diverses: homophobie, racisme, antisémitisme.... Les populismes fleurissent, les langues des haineux et des frustrés se délient sans complexe, nous assistons impuissants à une résurgence des parfums immondes des années 30...

Ne voulant pas sombrer dans le pessimisme et si nous oublions un court instant que Jean-Philippe Toussaint est un ressortissant belge, nous avons décidé d'être franchement "franchouillard" dans nos coups de coeur de l'année.. Car il existe toujours dans notre douce France des artistes magnifiques qui expriment avec talent leur humanisme et leur désir de fraternité, ils sont l'espoir de lendemains radieux !

Cinéma:


1)  La vie d'Adèle - Abdelattif Kechiche
2)  La jalousie - Philippe Garrel
3)  Camille Claudel 1915 - Bruno Dumont
4)  Django - Quentin Tarantino
5)  The immigrant - James Gray
6)  Jimmy P - Arnaud Desplechin
7)  Le loup de Wall Street - Martin Scorsese
8)  Inside Llewyn Davis - Les frères Coen
9)   Foxfire, confessions d'un gang de filles - Laurent Cantet
10) TipTop - Serge Bozon



Littérature:

1) Nue - Jean Philippe Toussaint
2) L'échange des princesses - Chantal Thomas
3) Proust contre Cocteau - Claude Arnaud
4) Canada - Richard Ford
5) Il faut beaucoup aimer les hommes - Marie Darrieusecq
6) Une enfance de Jésus - J-M Coetzee
7) Remonter la Marne - Jean-Paul Kauffmann
8) La crue de Juillet - Hélène Lernoir
9) Ormuz - Jean Rolin
10)La disparition de Jim Sullivan - Tanguy Viel


Musique:

1) Les chansons de l'innonce retrouvée - Etienne Daho
2) Toboggan - Jean-Louis Murat
3) Après moi la déluge - Alex Beaupain
4) Aventine  - Agnes Obel
5) No Deal - Melanie De Biaso
6) Shangri-la - Jake Bugg
7) One Breath - Anna Calvi
8) Push The Sky Away - Nick Cave and The Bad Seeds
9) Un homme - Albin de la Simone
10 Horizons - Detroit



Théâtre:

Nous n'avons pas pour habitude de faire un classement pour le théâtre parce que nous y allons finalement trop peu . Nous avons décidé de faire exception cette année; nous avons beaucoup aimé Enfermées de Magali Leiris, une première adaptation française  d'un texte de Rona Munro la scénariste du film de Ken, Loach Ladybird LadybirdTartuffe de Molière  par Monique Hervouët , le Misanthrope de Jean-François Sivadier ou encore l'extraordinaire "réunification des deux Corées" de Joel Pommerat.

Nous avons choisi de mettre à l'honneur le texte de Philippe Myniana mis en scène par Laurent Brethome, Tac, une mise en scène audacieuse qui révèle toute la beauté et la poésie de l'auteur totalement ancré dans le quotidien des gens simples. Un regard rempli d'humanité  jamais condescendant, nous souhaitons à ce spectacle de connaitre une longue vie, nous resterons marqués par la musique de ce texte. Pour le coup nous mangerions bien une tranche de Kouglof


C'était nos "Carmadou 2013". Pour retrouver nos coups de coeur des années précédentes, cliquez ici

lundi 30 décembre 2013

Le loup de Wall Street - Martin Scorsese


Biographie de Jordan Belfort. Parti de rien à Wallstreet,il finit par surmonter le Krach de 1987 qui le mit au chômage avant qu'il puisse revenir à la tête d'une société de bourse qu'il gère tel un gourou. Les millions coulent à flots, avant que le FBI et la Commission des opérations boursières provoquent la chute...
He's back, le grand cinéaste de la cocaïne, un cinéma hallucinant soutenu par une bande son nourrie de blues et de rock'n roll, Martin Scorsese est sans pareil pour filmer les montées d'adrénaline et les crises de paranoia, il est le cinéaste de la défonce, du sexe, du rock'n roll et du dollar . Le loup de Wallstreet  forme un triptyque cohérent avec les affranchis et Casino... Les courtiers n'ont rien à envier aux maffieux de little Italy  ou à ceux de las Vegas, le portrait de Wall Street est terrible, une charge contre le monde de la finance, un monde sans humanité ... dans sa dernière partie le cinéaste  nous ennuie un peu comme toujours avec sa partie rédemption, il ne peut définitivement pas renier son coté chrétien.
Il nous offre deux heures de cinéma absolument jubilatoire, orgiaque avant de baisser le rythme, se perdant notamment dans une tempête au cœur de la Méditerranée pas très réussie... Leonardo Dicaprio est tout aussi hallucinant, offrant une palette de jeu assez incroyable plus large encore que De Niro à son sommet, il est définitivement un géant du 7eme Art, Jean Dujardin à ses cotés devient un petit acteur.

Un très grand film de Martin Scorsese que nous n'espérions plus.

Vu au Grand action.

dimanche 29 décembre 2013

Nosferatu - Friedrich Wilhelm Murnau (1922)

Si Dracula est ici rebaptisé Nosferatu ce n'est qu'un problème juridique, Murnau n'ayant pas acquis les droits du roman de Bram Stoker alors que son film en est une fidèle adaptation.
Wisborg, 1938, Thomas Hutter, un jeune clerc tout juste marié est envoyé en Transylvanie pour finaliser la vente d'un bien immobilier avec le Comte Orlok. La fleur au fusil, il part dans ces pays lointains sans se laisser impressionner par l'atmosphère étrange qui règne dans ce pays inconnu.... Il découvre la vraie nature du comte, une fois enfermé dans son Chteau. Nosferatu charmé par la photo de la jeune épouse, se décide à acheter la propriété. Il rejoint son nouveau bien par les mers,  caché dans un cercueil rempli de terre.
Il débarque à Wisborg accompagné de rats et de la peste qui va bientôt faire des ravages dans la cité. La jeune épouse se sacrifie, offrant son sang au vampire pour libérer le village de la malédiction.
Nous n'avions jamais vu le chef d’œuvre de Murnau sur grand écran où il prend toute sa mesure. Avec peu de moyens, il crée un des plus beaux films fantastiques de l'histoire du cinéma. Il joue parfaitement sur la lenteur des gestes de Nosferatu, sur les ombres pour créer un climat inquiétant et oppressant mais il y a également une vraie sensualité avec notamment Greta Schroder qui joue la jeune épouse troublée par le monstre. Evidemment l'effroi suscité aujourd'hui n'est surement en rien comparable avec celui ressenti par  les premiers spectateurs découvrant cette œuvre alors d'avant garde, mais tout de même, la montée des escaliers de Nosferatu dont on ne voit que l'ombre reste une des  plus inquiétantes de l'histoire du cinéma avec celle des années plus tard de soupçons de Alfred Hitchcock où Cary Grant amenait un verre de lait à son épouse incarnée par Joan Fontaine.  Murnau  signe un chef d’œuvre du cinéma expressionniste allemand, et démontre que le cinéma n'est pas qu'une question de moyens financiers. Il suffit de peu pour créer la peur, rien ne peut remplacer le sens du cadrage, l'art de la composition et de l'ellipse... Le cinéma fantastique s'est souvent enrichi de la pauvreté de ses productions.


Vu à la filmothèque du quartier latin

Dossier Secret - Orson Welles (1955)

Guy Stratten un trafiquant de petite envergure, un escroc dépourvu de personnalité selon le cinéaste,  ilva chercher à faire chanter le milliardaire Gregory Arkadin après avoir reçu une information d'un homme dont il a été témoin de l'assassinat. Pour s'approcher de sa victime, il cherche à séduire sa fille. Loin de se démonter, Arkadin engage Stratten pour qu'il enquête sur ses jeunes années dont il semble n'avoir plus aucun souvenir. Stratten parcourt l'Europe, pour reconstituer le puzzle du passé trouble du milliardaire, permettant ainsi à ce dernier d'éliminer tous les témoins de ses jeunes années quand il n'était qu'un petit malfrat... Stratten réalise alors que sa vie est en danger !

Par son scénario, ce film d'Orson Welles fait penser à Citizen Kane , en effet, à travers une enquête il reconstruit le passé d'un personnage hors norme. Mais nous ne retrouvons pas ici toute la flamboyance du cinéma de Welles  limité par sa production. Mais un film de Welles révèle toujours de grands moments, notamment un défilé de masques inspirés de gravures de Goya. Dans son livre d'entretien avec Peter Bogdanovitch, il raconte que le montage lui fut confisqué, et que ce fut une véritable mutilation bien loin de son projet initial:

"-Parce que tu as été bouleversé par le nouveau Montage?

- Oui cela me fait du mal rien que d'y penser. C'était l'histoire la plus populaire à laquelle j'avais jamais songée pour un film, cela aurait dû avoir un succés fou. J'aimerais beaucoup refaire cette histoire.

- Tu pourrais?

- Je ne sais. Je ne sais pas quels sont mes droits. J'aimerais le savoir, car c'est un scénario fantastique. le montage a tout fichu en l'air."

Dans une interview passionnante donnée à André Bazin, Charles Bitsch et Jean Domachi pour les Cahiers du cinéma N°87  (Septembre 1958), il développe le caractère des personnages qu'il a interprétés:

 "Tous les personnages que j'ai joués, et dont nous parlons sont des formes variées de Faust, parce que je crois qu'il est impossible pour un homme d'être grand à moins d'admettre qu'il y a quelque chose de plus grand que lui. Ce peut être la Loi, ce peut être Dieu, ce peut être l'Art.  (...) Notre monde est faustien."

Film vu dans le cadre de : 2013, année Orson Welles.

Isabel Sörling - Something With The Sun


Venu d'Amérique, le jazz est une musique qui se fout des frontières, elle est le langage universel des esprits libres, c'est une musique fraternelle, elle est donc parfaite pour traverser paisiblement cette période de fêtes... Alors il n'y a rien d'étonnant que la chanteuse suédoise Isabel Sörling qui a grandi sur ses terres natales proche de la nature rencontre un jour Ibrahim Maalouf le trompettiste franco libanais né à Beyrouth dont la vie est  marquée dés le départ par la guerre civile qui frappe son pays divisé entre ses communautés.
Si la Suéde est devenue un haut lieu du Jazz, c'est aussi un merveilleurs terroir de musiques traditionnelles et populaire, Isabel Sörling est une sublime synthèse de ces diverses sonorités.
De cette rencontre nait un album aux influences multiples portés par la voix sublime et douce de la chanteuse Suédoise ... ce disque a sans aucun doute des vertus thérapeutiques !

Something With the Sun de Isabel Sörling est notre album de la semaine, il clôt magnifiquement cette année 2013 !




Something Came with the sun
I Know something has begun
The coldness in me is gone
The cold days are gone

I watch your rhythm as you sleep
And How your chest moves as you breath
Your beating heart is running towards the light
Wake up and feel the sunlight

Spring, spring, spring







vendredi 27 décembre 2013

Bertha Boxcar - Martin Scorsese (1972)

Bertha a vu son père mourir sous yeux, victime d'un employeur peu scrupuleux, rien de tel pour nourrir un sentiment de révolte qui ne va cesser d'accompagner la jeune femme. Seule dans l'Arkansas dans une Amérique plongée dans la dépression, la jeune femme se déplace en grimpant sur les trains de marchandises. Sa rencontre le syndicaliste rouge Bill Salley va changer sa destinée, la menant sur les chemins du banditisme où dépouiller les possédants est presque justice dans ce monde où seules les soupes populaires se multiplient...
Deuxiéme long métrage de Martin Scorsese, ce film ne vaut véritablement d'être vu que parce qu'il porte en lui les thémes des futurs chefs d’œuvres du cinéaste new-yorkais qui dénonce l'Amérique blanche et pudibonde. Nous sourions même à cette scène finale, où le leader syndicaliste est crucifié sur un wagon par les briseurs de gréve qui ont enfin pu mettre la main sur celui qui parcourt l'Etat pour diffuser la bonne parole aux travailleurs exploités, début d'une longue histoire entre Scorsese et la figure du Christ .... Mais le film n'est pas que politique, sa deuxième réussite est la rencontre sensuelle entre Bertha et Salley , interprétées par  David Caradine et sa compagne d'alors Barbara Hershey dont Martin Scorsese filme magnifiquement les corps.
Pour le reste c'est un peu mou, et quelque peu "planplan", Martin Scorsese n'est pas un homme de la campagne, ce domaine convient mieux à Clint Eastwood. Définitivement New-York est son territoire.

Ce film est enfin l'occasion de croiser le merveilleux John Carradine...

Vu au Grand Action

jeudi 26 décembre 2013

Cria Cuervos - Carlos Saura (1976)

Si on se souvient de la rencontre improbable du 12 octobre 1936 dans l'enceinte de l'université de Salamanque, haut lieu du savoir, entre le philosophe Michel De Unamuno et le général franquiste Millan Astray, où les soldats interrompirent le discours de raison de  l'universitaire aux cris de "Viva la muerte", il faut se souvenir que la mort est au cœur du système franquiste, un régime fasciste qui à la différence de l'Italie de Mussolini ou de l'Allemagne nazie était intimement lié à l'église Catholique.

Cria Cuervos, sorti un après la mort du Caudillo, raconte l'histoire d'une jeune fille Ana confrontée à la mort de sa mère dont elle assiste à l'agonie, puis plus tard à celle de son père qui succombe dans son lit chevauché par sa maitresse, qui s'échappe paniquée par la mort de son amant sous le regard de la jeune fille descendue de sa chambre.
Ana et ses deux sœurs sont élevées par leur tante, la grand mère aphasique partage la maison... Ambiance triste, Ana se renferme dans son monde imaginaire où les visites de sa mère lui permettent de s'échapper du quotidien lugubre, de vivre à l'écart du monde des adultes.
Film mystérieux, sombre, ambiance mortifère où l'on oblige des jeunes filles à embrasser leur père mort allongé dans son cercueil, Cria Cuervos est aussi un film d'espoir, faisant la chronique de la fin d'un monde, celui de l'Espagne Franquiste dominée par les militaires et les curés, une Espagne hypocrite où le soldat drapé dans sa vertu papiste trompe lamentablement son épouse... 

Le titre du film est inspiré d'un proverbe espagnol " « Cría cuervos y te sacarán los ojos » , "Elève des corbeaux et ils t'arracheront les yeux"

mercredi 25 décembre 2013

Suzanne - Katel Quillévéré



Depuis la mort de sa femme, Nicolas élève seul ses deux filles Suzanne et Maria. Il arrive tant bien que mal  à assumer son rôle de père avec son emploi de chauffeur routier aux horaires compliqués. Tout s'écroule lorsqu'il apprend la grossesse de Suzanne alors adolescente. Mais il assume comme toujours... Un jeune garçon fait son entrée dans le foyer alors que Suzanne a pris un emploi dans l'entreprise de son père. Maria qui travaille à Marseille comme couturière est de retour chaque weekend, pour retrouver sa sœur ...
Sur un champ de course, Suzanne croise Julien un beau jeune homme. C'est le début d'un amour fou partagé, mais Julien trempe dans des affaires louches. Qu'importe pour Suzanne qui laisse son enfant pour suivre son amour sur les routes qui vont la mener en prison.Son fils est alors placé dans une famille d'accueil, son grand père en raison de ses horaires impossibles est considéré inapte pour assurer correctement son éducation.
A sa sortie de prison, elle trouve un emploi de serveuse, revoit son fils , puis recroise Julien, les deux jeunes gens n'ont pas fini de s'aimer....

Si on mesure l'importance d'un cinéaste à son influence, alors Maurice Pialat est un génie (ce dont nous ne doutons pas) tant deux des plus beaux films de l'année la vie d'Adèle et Suzanne  rappellent son cinéma. Il est difficile ici de ne pas penser à la Suzanne de "A nos amours" alors incarnée par la toute jeune Sandrine Bonnaire... Mais le regard est  moins féroce que celui de Pialat, Sandrine Quillervé fait le portrait d'une jeune fille au caractère trempé qui fait juste un mauvais choix se laissant guider uniquement par la force de ses sentiments, et cette volonté de vivre intensément...  Suzanne c'est aussi Nicolas, un père touchant, parfois maladroit, mais qui aime d'un amour sincère et entier ses deux filles... Sara Forestier, François Damiens, Adèle Haenel... ils illuminent le film, ils font une composition extraordinaire, ils donnent à ce film toute sa sensibilité.

Suzanne, est un film particulièrement émouvant par sa justesse, son humanité, .... un film beau comme une chanson de Leonard Cohen atteignant le sublime quand elle est chantée par Nina Simone.
Suzanne takes you down to her place near the river
You can hear the boats go by
You can spend the night beside her
And you know that she's half crazy
But that's why you want to be there
And she feeds you tea and oranges
That come all the way from China

Un conte de Noël - Arnaud Desplechin

Un conte de Noël est une chronique familiale, l'histoire d'Abel et Junon, de leurs enfants et petits enfants... Une famille traditionnelle où nul n'a divorcé, la généalogie est assez simple. Installé à Roubaix, Abel artisan teinturier est à la tête d'une entreprise, alors que Junon est une femme au foyer. Doté d'une insatiable curiosité intellectuelle Abel passe son temps libre à écouter la musique partition en main et à se plonger dans la lecture, chaque enfant a eu une éducation musicale, a grandi au milieu des livres. C'est une famille classique de la bourgeoisie provinciale progressiste.
Voila pourtant cinq ans que Elizabeth la fille ainée a demandé en contrepartie de l'aide financière  qu'elle apportait à son frère Henri englué dans la faillite de son théâtre, son bannissement de la famille. On obtempéra à sa requête pour éviter une peine prison à Henri. Ce dernier, personnage fantasque qui a déjà une relation compliquée avec sa mère se retrouve ainsi seul à l'écart sans que vraiment personne ne comprenne les motivations d’Élisabeth, auteur dramatique à succès épouse d'un mathématicien récompensé de la médaille Fields.
Junon tombe malade atteinte d'un lymphome; seule une greffe de moelle  est susceptible de la sauver. Au même moment, Paul le fils unique de Elisabeth souffre de troubles psychiatriques qui lui imposent un séjour en institut. Chaque enfant et petit enfant fait le test pour savoir s'il est compatible avec Junon. Paul est compatible, Henri tarde à faire son examen
Parce que Paul souhaite la présence de son oncle Henri, Noël est l'occasion pour tous de se retrouver enfin en famille dans la demeure des grands parents. Un Noël qui ne s'annonce pas vraiment paisible avec l'arrivée d'Henri et de sa nouvelle compagne amusée de cette ambiance peu banale. Henri virevolte, toujours un verre de vin à la main, annonçant fièrement sa compatibilité avec l'épouse d'Abel qu'il ne peut appeler mère....

C'est un film remarquable par son sens du récit où le spectateur est finalement le seul à deviner malgré quelques zones d'ombres, les origines de cette tragédie familiale, les divers non-dits, les origines des jalousies de chacun ... Arnaud Depleschin nous révèle en avant propos l'origine de la fêlure,  la mort du fils ainé Joseph âgé de six ans, atteint d'un cancer dégénératif le même qui viendra frapper sa mère Junon. Personne ne se révèle alors compatible pour sauver le jeune malade, l'espoir est dans la naissance d'un nouvel enfant. Junon enceinte apprend dés sa grossesse par une amniocentèse que le nouveau né ne sera pas le sauveur attendu, Henri semble porter cette défaillance sur ses épaules cause du non amour de sa mère sans qu'il n'en soit jamais directement question ...

Des acteurs tous parfaits, Jean Paul Roussillon sublime grand père, Catherine Deneuve , Mathieu Amalric irrésistible en affreux gamin accompagné par Emmanuelle Devos diablement irrésistible, Chiara Mastroianni , Melvil Poupaud, mais aussi Hypollite Girardot, Anne Consigny et son regard triste, Laurent Capelluto.... toute la fine fleur du cinéma français se retrouve dans ce film choral où chaque personnage est parfaitement construit, le travail d'écriture d'Arnaud Desplechin est particulièrement impressionnant, il a un sens rare du romanesque, une manière unique de multiplier les personnages de croiser leur destin....  Un soir de noël pas banal qui aurait pu nous donner l'envie de nous rendre à la messe de minuit.
Conte de Noël est un de nos films favoris dans la catégorie saga familiale nous le placeront juste en dessous du sublime Fanny et Alexandre de Ingmar Bergman.

C'était notre film de Noël 2013.

lundi 23 décembre 2013

L'île du docteur Moreau - H.G Wells

Edward Prenwick errant seul sur les flots dans une embarcation de fortune après un naufrage, est recueilli par Montgomery qui va s'occuper de lui et lui permettre de se refaire une santé. Pas vraiment accepté par le capitaine du bateau, Prenwick n'a pas d'autres choix que de descendre sur une île perdue au milieu des mers avec Montgomery.
Il découvre alors l'univers du docteur Moreau dont Montgomery est l'assistant.Le médecin a du fuir l'Angleterre après qu'un article de presse eut révélé des expériences menées sur un chien  lui attirant la réprobation de l'opinion publique.
Moreau enfin à l'abri , mène des expériences terrifiantes, cherchant à humaniser des animaux sauvages.
Prenwick est effrayé quand 'il découvre, les animaux sont devenus de monstres dotés d'une parole limitée. Ils se doivent de suivre la loi définie par Moreau, "leur maître" sous peine de punitions. "L'homme léopard" se révolte, sa mort ne règle pas la situation...
Moreau agressé par "l'homme puma" succombe à ses blessures; Prenwick se retrouve seul après la mort de Montgomery, il lui faut attendre dix mois avant de pouvoir attirer l'attention d'un navire et s'enfuir .
A la lecture de cet ouvrage emblématique de la littérature anglaise du XIXème siècle, on ne s’inquiète pas pour  vraiment son narrateur , manifestement survivant mais profondément traumatisé... Mais H.G Wells nous plonge avec ses talents de conteur dans un monde effroyable d'autant plus terrifiant que les limites avec la réalité sont ténues.

dimanche 22 décembre 2013

Le géant égoïste - Clio Barnard




Arbor, 13 ans, un gamin de Bradford vit avec sa mère et son grand frère, c'est la terreur de sa classe, incapable de tenir ses nerfs, malgré la prise de calmants censés contrôler son hyperactivité. Il a pour ami Swifty, un gamin issu du même quartier populaire qui est la risée de ses camarades de classes... C'est en prenant sa défense qu'Arbor pète un plomb déclenchant une bagarre qui lui vaut une exclusion définitive alors que son copain écope de dix jours de renvoi...La pauvreté est la cause de leur soucis, de leur impossibilité de s’intégrer à l'école
Livrés à eux même les deux gamins  se rapprochent d'un ferrailleur Kitten à qui ils ont livré des câbles récupérés en pleine nuit lors d'une embrouille sur les voies ferrées voisines... Les gamins voient là un moyen de se faire de l'argent ,  Arbor en vrai tête brulée est prêt à tout pour arriver à ses fins, toujours tenté lorsqu'il passe près des lignes à haute tension par les énormes câbles.... Swifty est plutôt fasciné par les chevaux du ferrailleur, sa passion pour les équidés et son savoir faire attirent la sympathie de ce dernier à la recherche d'un driver pour son trotteur... Mais Arbor finit toujours par mettre le bazar
Clio Barnard s'est inspirée de son travail de documentariste qui lui a fait découvrir la réalité sociale de Bradford une cité du nord de l'Angleterre où la cheval de traie est encore utilisé comme moyen de transport. Pour réaliser sa première fiction,elle s'inscrit  dans la tradition anglaise du drame social ancré dans la réalité la plus sombre. Dickens, Ken Loach mais aussi Bill Douglas dont nous avions découvert il y a quelques mois l’œuvre, les années passent au royaume anglais mais nous retrouvons ces histoires de gamins livrés à eux-même... Un film imparable, nous resterons longtemps marqués par ces deux gamins, deux sauvageons aux nerfs à fleur de peau  !

Pour en savoir plus sur la réalité sociale de Bradford, à lire un excellent article  sur télérama.fr

No Deal - Melanie De Biaso


Nous avons décidé de clôturer cette année en compagnie de chanteuses de Jazz. Et notamment celle qui fut notre découverte de l'année, la plus belle rencontre depuis Agnès Obel, la chanteuse et flutiste belge à la voix  suave, Melanie De Biaso. Une demi heure de pur bonheur, d'une douceur extrême, nous sommes captés dés les premiers mots de l'album: I Feel You.

I feel you
A deep echo on me
A strong appeal for that mystery
I Know you know

....

Un album qui tourne, tourne, tourne, .... en boucle. No deal de Melanie Di Biaso est notre album de la semaine et bien plus peut être ....



samedi 21 décembre 2013

"Genesis" de Sebastio Salgado - Maison Européenne de la Photographie


« Genesis est la quête du monde des origines, celui qui a évolué pendant des millénaires avant d’être confronté au rythme de la vie actuelle, avant d’oublier ce qui fait de nous des êtres humains. Cette exposition nous présente des paysages, des animaux et des peuples qui ont su échapper au monde contemporain. Elle met à l’honneur ces régions vastes et lointaines où, intacte et silencieuse, la nature règne encore dans toute sa majesté.

On peut s’abreuver à la splendeur des régions polaires, des forêts tropicales, des savanes, des déserts torrides, des montagnes dominées par des glaciers et des îles solitaires. Si certains climats sont trop froids ou arides pour la plupart des formes de vie, on trouvera dans d’autres régions des animaux et des peuples qui ne pourraient survivre sans cet isolement. Ils forment ensemble une incroyable mosaïque où la nature peut s’exprimer dans toute sa grandeur.

Les photographies de Genesis aspirent à révéler cette beauté.

L’exposition constitue un hommage à la fragilité d’une planète que nous avons tous le devoir de protéger. »

Lélia Wanick Salgado


Commissaire et Scénographe mais aussi épouse du photographe, Lelia Wanick Salgado, nous présente l'exposition où sont regroupés 245  photos noir et blanc de Sebastio Salgado. Sublimes tirages aux contrastes saisissants qui font un portrait de notre planète, aujourd'hui condamnée par la folie des hommes et leur besoin insatiable de consommer. "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs", s'insurgeait Jacques Chirac, les belles phrases sont toujours plus faciles qu'une politique environnementale qui imposerait des changements de comportements radicaux.
Sebastio Salgado ne semble pas avoir perdu espoir de changer cette triste destinée à travers sa fondation "Instituto Terra", mais aussi à travers cette exposition destinée à une carrière internationale, il espère engendrer peut être naïvement une réaction, et ne pas être un des derniers témoins de zones encore préservées en apparence. Mais comme toujours devant ces nobles expositions, il convient de s'interroger devant ceux qui financent ces opérations, parfois c'est l'occasion de s'offrir virginité à peu de frais à ceux dont les comportements industriels sont particulièrement nocifs.
Ainsi l'entreprise Vale, entreprise minière brésilienne, deuxième au niveau mondial a financé le travail du photographe, l'ONG Amazon Watchs a dénoncé ce financement comme une opération de "Greenwashing". Un article récent de Nicolas Bourcier et Claire Guillot paru dans le Monde du 6 décembre, rappelle que l'entreprise a régulièrement été condamnée pour violation des droits humains et environnementaux.

Aprés deux heures de visite nous sommes repartis dans les fumées de Diesel des rues parisiennes encombrées par les acheteurs de Noel.... triste retour à la réalité !

lundi 16 décembre 2013

Joan Fontaine (22 Octobre 1917 - 15 décembre 2013)

Soupçons, Rebecca, Jane Eyre, Lettre d'une inconnue, nous nous sommes beaucoup inquiétés pour la petite sœur de Olivia De Havilland, et pourtant elle vécut jusqu'à l'age de 96 ans.
C'était une grande dame de Hollywood, George Cukor lui avait d'ailleurs donné un rôle dans son sublime Women.
R.I.P

dimanche 15 décembre 2013

Peter O'Toole (02/08/1932 - 14/12/2013)


Nous nous souvenons l'avoir vu récemment dans Comment voler un million de dollars de William Wyler lors d'une séance du ciné-club de Claude-Jean Philippe où il avait le bonheur de partager l'affiche de la sublime Audrey Hepburn.
Nous nous souvenons que la première fois que nous avons vu Lawrence d'Arabie ce fut sur un petit écran de télévision dans une horrible version française et pourtant ce fut magique !


 Il était l'incarnation de l'élégance britannique ! R.I.P.

A Touch of Sin - Jia Zhangke

Quatre histoires où la mort est au rendez vous, Jia Zhangke est allé puiser dans les faits divers les plus violents, révélateurs des dérives de la Chine contemporaine dont l'explosion capitaliste de cette dernière décennie engendre des inégalités insupportables ... Quatre histoires indépendantes, mais qui forment un ensemble cohérent grâce à la subtilité scénaristique du cinéaste, qui font le portrait d'une Chine  malade de son régime dictatorial corrompu,  où les cadres enrichis sans effort se conduisent comme des hors la loi. Il y a un coté Far West dans cette Chine là , le premier personnage du film, révolté de voir les revenus d'une mine confisqués par quelques privilégiés sans que les villageois profitent de la richesse de cette industrie comme cela avait été promis , tel un  impitoyable homme de l'ouest va faire justice avec sa carabine... 
Un film déprimant, radical  totalement maitrisè, pas un plan raté dans ce film d'une grande beauté formelle. Jiang Zhangke reconnait avoir été inspiré notamment par les films des arts martiaux, il explique avec brio la situation de son film dans un entretien passionnant avec Oliver Assayas, paru dans les Inrockuptibles: "J'ai l'intuition que cette violence prend sa source dans le quotidien des gens. S'ils tombent dans la violence, c'est en raison des sujets que j'ai traités dans mes films précédents à savoir l'évolution rapide et brutale qui a creusé l'écart entre les riches et les pauvres, ajouté au fait que la Chine n'est pas un Etat de droit. En Chine, un individu peut-il être le moteur de sa vie et se forger un destin librement? Non. Ces paramètres réunis ont pour effet que certaines personnes passent à la violence seul moyen pour elles de revendiquer leur dignité et leur individualité."
Ce film fut un choc comme avait pu l'être en son temps, Elephant de Gus Van Sant. Un grand moment de cinéma !

Jacques Higelin - Amor Doloroso

Comme un dernier clin d'oeil à Jean-Louis Foulquier, nous avons choisi de mettrre à l'honneur cette semaine Jacques Higelin, le "frère de coeur" du créateur des Francofolies. Jacques Higelin ne tourne pas souvent sur notre platine, mais l'homme nous est fortement sympathique, par sa sincérité, sa liberté de ton et sa générosité et c'est toujours avec plaisir que nous l'écoutons comme un remède à la bêtise humaine. Enfin Jacques Higelin, c'est champagne pour tous,  où cet  ami qui soigne et guérit la folie qui nous accompagne et  jamais ne nous  trahit, Champagne est le breuvage indispensable pour traverser la période des fêtes en toute insouciance.
Nous avons choisi un album de 2006 Amor Doloroso, pour nous un de ses plus beaux albums avec notamment la participation de Rodolphe Burger et du guitariste Freddy Koella. Amor Doloroso est notre album de la semaine !

samedi 14 décembre 2013

Complétement Toqué - Fuoco E Cenere

Soirée sympathique autour de la musique de Charpentier, Marais, Lully, De la Barre, Clérambaut.... Complétement toqué est une évocation modeste des grandes soirées royales avec pour maître de cérémonie Vatel... Sur scène nous retrouvons un cuisinier , un maître d’hôtel et une Margoton, accompagnés par un trio composé d'une viole de Gambe, d'un théorbe et d'une flute. La cuisine se fait en direct, les odeurs remplissent la salle, tandis que la Margoton (interprétée par Julie Fioretti, superbe voix) et le maitre d’hôtel poussent la chansonnette...
Tous les sens sont gâtes à travers ce spectacle qui se termine sur  une dégustation .



vendredi 13 décembre 2013

Baisers envolés - Claude Jade

C'est en 2004, que Claude Jade s'est lancée dans l'écriture de ses mémoires, vingt ans après la mort de son mentor Francois Truffaut. Née dans une famille d'enseignants issue du milieu protestant, Claude grandit à Dijon au coté de sa sœur ainée. Elève studieuse, c'est avec le même sérieux que l'actrice a rédigé ses mémoires, donnant à son texte parfois  un coté ennuyeux et anecdotique mais pas totalement dénué d’intérêt. On se perd parfois dans les histoires de famille sans importance si ce n'est de nous rappeler ce qu'était le quotidien d'une jeune fille de la bourgeoisie avant mai 68
Passionnée de théâtre, elle entre à quinze ans au conservatoire de Dijon, où elle joue notamment Agnès dans l'école des femmes. Le baccalauréat en poche, elle monte à Paris pour étudier l'art dramatique au cours de Jean-Laurent Cochet au théâtre Edouard VII et préparer le conservatoire. Elle va découvrir lors de cette première année, un nouvel arrivant venu tout d'abord écouter, avant de se lancer et de révéler un talent brut. Ce jeune homme au look de loubard plutôt effrayant, c'est Gérard Depardieu... Les jeunes gens deviennent rapidement admiratifs
François Truffaut la découvre alors qu'elle joue dans Henri IV, de Pirandello. Sous le charme, il la choisit pour jouer le rôle de l'amoureuse de Antoine Doisnel, son premier rôle au cinéma, le rôle de sa vie... Elle tombe amoureuse du cinéaste qui la demande en mariage, avant de rompre. De cette désillusion  amoureuse nait une longue amitié . Truffaut la conseille alors la jeune actrice à son ami Alfred Hitchcock, elle obtient un rôle dans l'Etau... Elle découvre à cette occasion Hollywood, et l'humour parfois grivois du maître du suspens... La carrière démarre sur les chapeaux de roue, la suite tout en n'ayant rien de déshonorant n'est pas du même niveau, l'ouvrage ressemble à un long catalogue de films moins intéressants avec notamment sa rencontre avec Jacques Brel sur le tournage des mémoires de Benjamin, le film de Edouard Molinaro.

Le livre se termine sur un hommage touchant à François Truffaut.

Claude Jade est décédée le 1er décembre 2006

jeudi 12 décembre 2013

La jalousie - Philippe Garrel

Louis quitte Clotilde qui se retrouve seule avec leur fille Charlotte;elle observe par le trou de la serrure  son père quitter le domicile conjugal. Louis vit maintenant avec Claudia, ils sont tous les deux acteurs, mais si lui a trouvé du travail, elle malgré son talent n'arrive pas à décrocher le moindre rôle. C'est plutôt la dèche pour le couple qui semble définitivement condamné à vivre dans un petit studio...Claudia supporte de plus en mal cette situation qui semble sans avenir, les journées sont longues à traverser, après les beaux jours de la passion amoureuse le temps s'étire, la précarité devient insupportable...
Film intime de Philippe Garrel qui est allé puiser dans ses propres souvenirs en particulier sa  relation avec son père Maurice Garrel pour construire cette histoire amoureuse. Mais ce film est aussi ancré dans la réalité sociale de notre temps, Claudia partage nombre des angoisses de nos contemporains, il n'y a plus d'insouciance. Philippe Garrel se revendique comme un enfant de la nouvelle vague, formellement nous sommes très proches des premiers films de la bande des cahiers notamment par le choix de tourner dans des petits appartements, mais il y avait une légèreté dans les films de ses maitres que nous ne retrouvons pas ici, la crise marque notre temps. C'est peut être cela qui tue les histoires d'amour de Louis, le besoin de sécurité: Clotilde sa première compagne a renoncé à ses rêves de jeunesse pour un emploi de bureau, Claudia a du mal à résister au confort proposé par un architecte qui roule en Jaguar... 
Servi par un noir et blanc superbe du chef opérateur Willy Kurant, le film est d'une grande beauté, nous sommes captés dés la première scène de séparation entre Clotilde et Louis, sublime séquence qui donne le ton de ce film aux plans simples et millimétrés,  les scènes où Charlotte est présente révèlent un talent rare de Philippe Garrel pour capter la beauté, et la spontanéité de l'enfance.  Louis Garrel épatant tient là un de ses plus beaux rôles, il est accompagné par Anna Mouglalis à la voix grave et troublante, elle est remarquable et irrésistible. La musique de Jean-Louis Aubert nous a épaté par sa sobriété, elle accompagne parfaitement les images du cinéaste, renforçant la mélancolie des personnages.
La jalousie, est un film beau, bouleversant... c'est du trés grand cinéma !

mardi 10 décembre 2013

Jean Louis Foulquier (24/06/1943 - 10/12/2013)


Jean-Louis Foulquier est mort,  c'est Pollen qui nous vient à l'esprit, émission phare de France Inter où les chanteurs trouvèrent un espace de liberté loin des diktats des maisons de production, mais c'est aussi les Francofolies le festival qu'il a créé dans sa ville natale, La Rochelle ...

Quand France Inter fut créée, Jean-Louis Foulquier avait 20 ans, la fête des 50 ans devient d d'une tristesse infinie... mais si nous voulons lui  rendre dignement hommage, il convient de chanter. Alors chantons !



lundi 9 décembre 2013

Canada - Richard Ford

"D'abord, je vais raconter le hold-up que nos parents ont commis. Ensuite les meurtres, qui se sont produits plus tard. C'est le hold-up qui compte le plus, parce qu'il a pour effet d'infléchir le cours de nos vies à ma sœur et à moi. Rien ne serait tout à fait compréhensible si je ne le racontais pas d'abord.
Nos parents étaient les dernières personnes qu'on aurait imaginées dévaliser une banque. Ce n'étaient pas des gens bizarres, des criminels repérables au premier coup d’œil. Personne n'aurait cru qu'ils allaient finir comme ils ont fini? C'étaient des gens ordinaires, même, si bien sûr, cette idée est devenue caduque dés l'instant où ils ont bel et bien dévalisé une banque.
"

L'ouverture du dernier roman de Richard Ford est magistrale, elle dit tout de l'histoire en quelques lignes, mais surtout elle capte l'attention du lecteur pris du désir de la connaitre en détail. Ce roman totalement addictif se lit d'une seule traite . Canada est une histoire extraordinaire, propre à la  littérature américaine, les personnages se retrouvent confrontés aux grands espaces mais aussi à leur propre solitude. Les hors la loi de la grande dépression Bonnie and Clyde sont devenus des légendes, l'Amérique c'est aussi une histoire de braqueurs de banque ...

Cette histoire, c'est Dell Parsons qui nous la raconte au moment où il prend sa retraite. Alors qu'il n'était qu'un gamin de quinze ans, il a tout quitté après l'arrestation de ses parents pour éviter de se retrouver dans un orphelinat . Aidé par une amie de sa mère, il part pour le Canada se cacher chez le frère de cette dernière alors que sa sœur jumelle Berner a fui à San Francisco rejoindre un "hypothétique" ami. Une halte dans un  territoire sauvage repère de chasseurs d'oies sauvages plutôt lugubres où  le gamin se retrouve confronté à une affaire de meurtres. Dans ce chaos, Dell a su trouver la lumière faisant de ses dures épreuves un capital, une richesse...

 L'Amérique c'est finalement une rencontre entre le bien et le mal et les frontières sont parfois difficiles à cerner. 
Canada est un roman magistral de l'année 2013.

dimanche 8 décembre 2013

Le ciel peut attendre - Ernst Lubitsch


Ce matin dans le cadre du Ciné Club de Claude Jean Philippe au cinéma l'Arlequin était projeté le chef d’œuvre d'Ernst Lubitsch, Le ciel peut attendre. Nous l'avions revu il y a un an, nous en avions parlé avec enthousiasme  ici. Mais parce que nous ne l'avions jamais vu sur un écran de cinéma, nous ne voulions  rater sous aucun prétexte cette projection unique. Et sur l'écran du cinéma, tout est plus drôle, plus beau, plus élégant, plus magique, plus émouvant, le cinéma est fait pour être vu en grand.

Le ciel peut attendre est un sublime chef d’œuvre !

Jake Bugg - Shangri La


Dernière petite merveille de la scène anglaise, Jake Bugg nous avait enthousiasmé l'année dernière avec un premier album pop rock de facture classique qui révélait une belle voix aux accents des faubourgs de Nottingham sous une influence mêlée des Beatles et de Johnny Cash... Nous avions eu alors l'occasion de le voir très convaincant sur la scène du Trianon.
Le plus dur pour ces jeunes prodiges est de confirmer, l'histoire de la musique anglaise est faite aussi d'explosions en plein vol de jeunes talents...
 "Shangri-la" confirme tout le talent entrevu, ce deuxième opus élargit sa palette des chansons les plus brutes à des moments plus délicats. Un sublime talent, un vrai charisme, une belle page semble s'ouvrir chez nos voisins anglais même si Jake Bugg commet une première faute de goût avec une pochette plutôt hideuse !


samedi 7 décembre 2013

Silence - Compagnie Night Shop Théâtre


Jean et Elise ont 65 ans de vie commune. Elle commence à perdre le sens de la vie, pour ne pas être séparée d'elle, il l'accompagne dans une maison de repos.... Une nouvelle commence pour eux deux au milieu des pensionnaires. Une vie qui n'a plus beaucoup d'avenir, alors on ouvre les albums photos pour replonger dans le passé , "on regarde par la fenêtre"...
Moins terrible que le regard de Michel Haneke dans "Amour" cette pièce est remplie de tendresse, de poésie... La mise en scène offre des variations de ton qui évitent au spectacle d'être sombre, la maison de retraite est vue ici comme un lieu de vie avec des moments de joies dans cette errance mélancolique vers l'échéance  finale. Pour incarner le vieux couple, deux marionnettes de tailles humaines, deux visages ridés sublimes auxquels Isabelle Darras et Julie Tenret donnent vie avec délicatesse.
La première scène silencieuse où nous retrouvons le vieux couple à  table n'est pas sans rappeler la poèsie des films de Jacques Tati, tout s'exprime dans les manies de chacun, dans les gestes  et bruits du quotidien, dans les regards qui s’échangent ...
Silence était le dernier spectacle joué au Théâtre Jean Arp dans le cadre du festival MARTO (marionnettes et théâtre d'objet). Un très beau moment!

25 novembre 1970: Le jour où Mishima choisit son destin - Koji Wakamatsu

C'est le récit des dernières années de Yukio Mishima durant lesquelles il crée une milice d’extrême droite "la société du bouclier" composée d'étudiants admirateurs de l'écrivain. Leur espoir est de redonner le pouvoir à l'empereur, de restaurer son caractère divin. Le Japon est alors confronté à un fort mouvement d'étudiants d’extrême gauche antiaméricaine et pacifiste, les confrontations violentes avec les forces de l'ordre sont régulières. Fatigués d'être spectateurs de ces manifestations, Mishima et quatre disciples se rendent au siège du ministère de la Défense prendre en otage un général, ils haranguent les soldats des groupes d'autodéfense espérant leur soutien pour obtenir une révision de la constitution. Leur action est un échec, Mishima s'éventre ainsi qu'un de ses disciples, les trois autres ayant pour mission de témoigner de leur action...

Cela aurait dû être passionnant, nous espérions une plongée dans le Japon des années 60, nous nous sommes finalement longuement ennuyés devant ce film faussement solennel dont le réalisateur refuse d'afficher une opinion sur un mouvement dont il fut un opposant. La description clinique du mouvement financé par Mishima ne rend jamais compte de la complexité du personnage. Nous n'apprenons finalement rien de ce film où l'utilisation d'images d'archives n'apporte pas grand chose. Nous n'avions pas vu les films précédents de Koji Wakamatsu consacrés notamment aux mouvements d’extrême gauche dont il fut proche.

Célèbre pour avoir été le producteur du film de Nagisa Oshima "l'Empire des sens", il est décédé à la suite d'un accident le 17 octobre 2012 à Tokyo

jeudi 5 décembre 2013

Nelson Mandela (18-07-1918 - 05/12/2013)


Une icône est morte, celle du combat contre le régime de l'Apartheid. Nelson Mandela est un des rares hommes dont nous pouvons dire avec certitude le jour de sa mort qu'il a rendu le monde meilleur. 27 années de prison dans des conditions désastreuses et humiliantes durant lesquelles tel le Comte de Monte Cristo il aurait pu murir sa vengeance. 
Libéré, il préféra tendre sa main à ses ennemis, ses anciens tortionnaires, pour ouvrir une nouvelle ère dans la vie politique de l'Afrique du Sud. Cette conduite attira parfois l'incompréhension de ses proches, mais nul ne pouvait se mettre au travers de ce personnage hors norme. 

Nelson Mandela est un géant, il restera une source d'inspiration pour tous les humanistes !

mardi 3 décembre 2013

Résumons nous, la semaine a été désastreuse - Alexandre Vialatte

Le spectacle que nous avons vu ce soir est un hommage amoureux de Charles Tordjman aux chroniques d'Alexandre Vialatte qui fut le premier traducteur de Franz Kafka alors inconnu, bijoux de  la littérature du siècle dernier. Si on veut un portrait de la France du XXème, il convient d'avoir dans sa bibliothèque les ouvrages de Vialatte à coté de ceux d'Henri Calet.

Tous les dimanches soir, Alexandre Vialatte allait déposer sa chronique au train de 23h15 à la gare de Lyon pour qu'elle paraisse dans le quotidien auvergnat "La montagne". Il y causait de tout, aussi bien littérature, que vacances,  animaux, dissertant sur des proverbes, Eva Peron voire même de la météo... Des textes d'une extrême élégance à l'humour raffiné, nous pensons immédiatement à Pierre Desproges qui reprit plus tard ce principe de chronique de celui qu'il considérait comme un maître, mais à la différence de celui qui fit les beaux jours du tribunal des flagrants délires,  il n'y a jamais de haine chez Vialatte, le regard est plutôt bienveillant, souvent consterné, et  d'une rare perspicacité; tel Fabrice à Waterloo, il observe le monde avec distance , mais il en ressent les soubresauts et décrypte sur l'instant la société de consommation qui se développe après la seconde guerre mondiale. Il en détaillait avec une ironie mordante  tous les travers, comme ainsi:

"Rien n'est plus beau à voir que l'homme sur les montagnes quand il mange avec ses enfants du lapin mort dans des assiettes de plastique bleu. Il a les mollets nus et des sandales romaines. Il se grise d'idéal. Il tranche le cervelas. Il fait circuler la bouteille. Il jette au vent des épluchures de saucisson."
Dominique Pinon, Clotilde Mollet et Christine Murillo sont les trois comédiens qui ont jonglé une heure trente durant, avec les mots du chroniqueur. Avec talent et clarté dans une mise en scène sobre et ingénieuse, ils en ont fait ressortir toute la moelle, mettant en évidence toute la légèreté de la langue ciselée de l'auteur, on suit  sans jamais perdre le fil, les chroniques qui ont gardé toute leur modernité, elle ne parlent pas que d'hier elles sont toujours aussi actuelles, c'est là le génie de l'auteur. Ainsi, l'histoire  d'un rat déprimé se laissant mourir sur le béton d'un HLM nouvellement construit anticipe le mal vivre futur de ces  nouveaux quartiers présentés alors comme un modèle social , il n'est jamais dupe.  Drôle, on ne cesse de rire à ces textes qui s’achèvent immanquablement sur la réplique: "et c'est ainsi qu'Allah est grand"

Spectacle réjouissant, Charles Tordjman et les trois comédiens avec modestie  ont  su rendre honneur au génie de Alexandre Vialatte !


dimanche 1 décembre 2013

Vielleicht - Melissa Von Vepy


Inspirée par une nouvelle de Henrich Von Kleist "sur le théâtre des marionnettes", Melissa Von Vepy transformée en pantin, tenue par des cordes va chercher à s'en libérer  . Nous la suivons durant une petite heure dans sa quête de liberté, se battre contre les contraintes des lois de la physique. La lenteur peut plonger le spectateur fatigué dans le sommeil, alors qu'elle n'est que l'expression  d'une poésie où la chevelure rousse de Melissa Von Vepy est un élément supplémentaire de fascination. Le corps souple de l'actrice nous fait croire un instant que sa quête n'est pas vaine, mais elle finit le spectacle sur ses deux pieds, Newton est toujours le grand gagnant. Nous avons aimé cet instant de toute beauté, il est toujours agréable d'assister à la libération d'une femme..

El - Tourments Luis Bunuel

Lors de sa présentation, Claude Jean-Philippe a rappelé combien Luis Bunuel appréciait ce film de la période mexicaine qu'il convient de placer très haut dans sa filmographie. Portrait d'un paranoïaque perdu dans les affres de la jalousie, ce film est un vrai document par sa description d'un cas clinique. Jacques Lacan le diffusait à ses étudiants, tant le travail du cinéaste espagnol a la précision d'un entomologiste disséquant un insecte.
Lors d'une messe de la semaine sainte, le prêtre lave les pieds des fidèles, Francisco Galvan personnage riche et influent de la paroisse, suit la cérémonie de prés lorsqu'il repère la sensualité d'un pied dans une chaussure à talon. Francisco reste obnubilé par cette vision sensuelle, il n'a de cesse de retrouver la jeune fille, de découvrir son identité. Il finit par la retrouver , Gloria devient rapidement son épouse après avoir rompu ses fiançailles. Lors du voyage de noces, elle découvre la vraie nature de son époux, le début d'un long calvaire...
Sublime drame mené de main de maitre par Bunuel, qui décortique avec précision le comportement du mari, terrible et séduisant. Cyclothimique, l'humeur de Francisco varie en un instant, ses actes de contrition après un accés de colére font espérer à Gloria un avenir plus serein... Mais elle finit par se trouver coupée du monde, ses appels au secours à sa mère, au prêtre restent sans issue. Ces derniers étant manipulés par l'époux calculateur. Ce n'est qu'une montée lente vers la crise de folie, Francisco victime de crises d'hallucinations au cours d'une cérémonie religieuse révèle à tous son état psychiatrique... Gloria est libérée.

Le film mériterait d'être restauré tant la copie est abimée, mais c'est toujours avec un plaisir immense que nous revoyons ce joyau de Luis Bunuel !

Detroit - Horizons


Noir Désir fut le groupe le majeur de l'histoire du rock français, nous nous rappelons encore l'intensité extraordinaire d'un concert au Casino de Pau au début de leur carrière. Véritable révolution par la puissance de leur son mais également par la poésie sombre des paroles de Bertrand Cantat et  la force de sa voix captivante, un groupe sans concession. Télèphone était définitivement mort, le rock français entrait dans son age adulte...
L'auteur, le chanteur est trop important pour que nous passions à coté de son dernier album, composé avec le guitariste Pascal Humbert au sein de leur nouveau groupe Detroit. Nous retrouvons la voix unique de Bertrand Cantat, les chansons sont plutôt lentes, sombres.... il est un chanteur magnifique, un songwriter remarquable. Si la musique est nourrie d'Amérique, elle trouve sa racine aussi chez Léo Ferré à qui  hommage est rendu à travers la reprise de "avec le temps". 

Horizons est un album sublime et terrible, c'est notre album de la semaine !


samedi 30 novembre 2013

The Immigrant - James Gray

1921, Ewa et Magda, deux soeurs venues de Pologne,  arrivent  après un long voyage à bord d'un bateau surchargé à New-York  où il leur faut passer la dernière épreuve du service d'immigration d'Ellis Island. Magda souffrant de la tuberculose est vite repérée, elle est mise en quarantaine. Ewa accusée d'avoir de mauvaises moeurs et d'avoir donné une adresse erronée d'une oncle et d'une tante qui semblent inconnus est mise de coté avec ceux qui seront renvoyés... Bruno Weiss dans un rôle de bon samaritain intervient, payant les policiers pour permettre à la jeune fille de rejoindre New-York. mais très vite, elle comprend que le bonhomme est un souteneur organisant des spectacles grivois où les spectateurs peuvent choisir une fille. Une situation qui répugne Ewa, mais la jeune fille n'a qu'une idée en tête, retrouver et libérer sa jeune soeur ... mais pour cela il faut de l'argent.
Sublime mélodrame de James Gray, qui nous transporte dans les quartiers populaires du  New-York des années 20 où la débrouille est le seul moyen  pour assurer sa survie. Ainsi Bruno fils d'immigrés juifs organise sa subsistance en organisant des spectacles qui ne sont pas sans rappeler ceux des stripteaseuses du "New burlesque" vues dans le film de Mathieu Amalric, Tournée. Il vient régulièrement réperer à l'arrivée d'Ellis Island, les jeunes femmes qui débarquent seules, soudoyant les hommes de loi, il met le grappin sur les jeunes filles esseulées ... Ewa se retrouve prise au piège, tourmentée par la déchéance que lui impose Bruno pourtant amoureux de la jeune fille dont la pureté finit par lui renvoyer l'horreur de ses actes. 
L'aspect romanesque qui nous entraine est soutenue par la justesse du jeu des acteurs, tous magnifiques. Le visage de Marion Cotillard exprime tous les tourments de l'héroïne , on mesure toute sa détresse à travers un simple regard elle est bouleversante. Joaquin Phoenix est lui aussi remarquable !
On retrouve dans ce film des symboliques autour du bien et du mal et de la rédemption mais la sobriété de la mise en scène leur donne toute leur force, évitant le cliché. La scène où Ewa assiste à la messe, pour prier et se confesser est exemplaire par la beauté de la photographie et la simplicité avec laquelle James Gray la filme, évitant des lourdeurs que nous avons pu rencontrer parfois chez Brian De Palma ou Martin Scorsese.

Plus largement le film nous rappelle la pudibonderie et les hypocrisies de l'Amérique, les hommes y sont épouvantables, faisant des femmes les boucs émissaires de leurs viles turpitudes. Et également la fragilité de l'immigré, le désespoir qui est la cause de son départ lui interdit tout retour en fait un être d'une extrême fragilité prêt à subir toutes les humiliations pour ne pas avoir à se retourner.

Un film sublime !

vendredi 29 novembre 2013

Ombre Claire de Claire Heggen


 
Ombre Claire, pièce pour une marionnette et une actrice silencieuse, fut inspirée par le destin tragique de Claire Pradier, fille de Juliette Drouet et du sculpteur James Pradier, morte à l'âge de vingt ans. Juliette Drouet devenue par la suite la maitresse de Victor Hugo, ce dernier eut l'occasion de fréquenter la jeune fille qui inspira à l’écrivain  des poèmes présents dans les contemplations. 
Claire Heggen, descendante elle même de la famille de James Pradier où toutes les filles à chaque génération s'appellent Claire, inspirée par les poèmes de Victor Hugo tente un dialogue avec le quatuor à Cordes de Schubert: "la jeune fille et la mort" . Le spectacle muet fait de silence et de mouvements dansés nous est vite apparu ennuyeux, peu incarné et finalement d"'une certaine froideur.  Nous n'avons pas été saisis par cette évocation de la perte d'un enfant, La marionnette est tragiquement restée à nos yeux un objet désarticulé dans les bras de l'actrice, pour autant nous avons trouvé à ce spectacle deux vertus: 

De réentendre le quatuor à Cordes de la jeune fille et la mort que nous avions pas entendu depuis un certain temps, cette écoute fut un vrai plaisir...
De visiter le château du Parc de Sceaux bâtiment"style grand siecle" reconstruit au XIXème, ancienne propriété de Colbert, avant de devenir celle du bâtard de Louis XIV et de la Montespan, le Duc de Maine. La vie y fut alors intense, Voltaire y fut de passage trouvant  protection auprès de la Duchesse. Il y eut un jour une vie à Sceaux

jeudi 28 novembre 2013

N.N - Gyula Krudy

 

 La cigale nous faisait penser jusqu'à ce jour à la littérature de Marcel Pagnol, ou de Jean Giono voire aux fables de Jean de La Fontaine mais désormais à l'écoute de son chant il nous sera difficile de ne pas avoir des réminiscences de N.N le roman de Gyula Krudy, nous pourrions même être tentés de lui répondre en essayant d'imiter son chant si particulier.
N.N personnage central du roman, véritable double de l'auteur, a grandi dans la Hongrie orientale avant de partir vers la capitale Pest. Dix ans plus tard, il est de retour dans sa région natale, il découvre alors l'existence d'un fils... L'histoire est plutôt banale, ce qui l' est beaucoup moins, c'est la littérature de Krudy qui se révèle vite enivrante par son rapport unique à la nature, avec cette impression rare mais toujours espérée par le lecteur  de se retrouver après quelques lignes dans un autre monde, ici celui de la Mitteleuropa. Sensuelle, la poésie de Krudy nous permet de humer la campagne, d'entendre la musique de la Hongrie Orientale où les rêves et les fables font partie du quotidien. Ce qui donne un charme irrésistible à ce livre c'est sa liberté de ton, l'absence de tout préjugé... On y croise des tziganes, des juifs, on y fait l'amour librement, chaque rencontre est l'occasion de s'enrichir, de découvrir le monde. Fini durant l'hiver 1919 au moment même où l'empire austro-hongrois s'effondrait, ce livre n'a rien perdu de sa modernité. Il est finalement essentiel qu'il fasse sa réapparition sur les rayons des librairies au moment même où toutes les aigreurs semblent se réveiller car il reste une merveilleuse leçon de vie.
Nous sommes sous le charme de cette rencontre, de cette littérature sensuelle, humaine, il y a un coté dandy chez cet écrivain qui a pu nous évoquer les lectures anciennes des romans d'Albert Cossery, l'écrivain égyptien de Saint Germain des Près.
Gyula Krudy est l'enfant naturel d'un avocat issu de la petite noblesse et d'une servante qui n'ont pu se marier qu'après la naissance de leur septième enfant. Il fut l'écrivain favori de Sandor Marai qui déclarait avoir relu N.N tout au long de sa vie... Nous mêmes lorsque nous avions fini notre lecture, nous nous sommes surpris à relire les premiers chapitres.

N.N - Gyula Krudy édité dans une magnifique collection de poche - Ibiolya Virag La baconnière

mercredi 27 novembre 2013

In the Land of the Head Hunters d'Edward S. Curtis

Un objet cinématographique étonnant, tourné il y a tout juste cent ans par Edward S. Curtis photographe, antrophologue grand connaisseur des dernières tribus indiennes, dont il fut un grand portraitiste. Histoire classique d'un conflit amoureux entre deux hommes qui se disputent la même femme . Cette rivalité va engendrer une guerre particulièrement violente opposant deux clans, où entre les combats on se lance dans des danses et des séances de magie pour tenter de prendre la main sur l'esprit de l'ennemi..
Tourné chez les indiens Kwakiutl de l'île de Vancouver, le film est une reconstitution d'un monde disparu celui des indiens avant l'arrivée de l'homme blanc, Eward S. Curtis a choisi cette tribu pour la beauté des totems et autres objets. Le film  a fait l'objet d'une restauration qui n'a pu gommer tous les défauts, des parties sont manquantes elles ont été remplacées par des photos, un procédé poétique plutot réussi. Nous avons par contre beaucoup de réserves sur la musique de Rodolphe Burger particulièrement envahissante, mais rien ne nous empêchera de rester hypnotisés par la danse de la belle Nadia.
Si nos oreilles n'ont pas été emballées par cette heure de cinéma nos yeux se sont régalés de la beauté des images de Edward S. Curtis.

mardi 26 novembre 2013

Lucien Neuwirth (18/05/1924 - 26/11/2013)

Cet homme qui fut à l'origine d'une des lois les plus importantes de la V° République en faveur des femmes  ,mérite assurément un hommage, tant il est resté fidèle à son engagement de jeunesse. Alors âgé de 16 ans, il n'hésite pas une seconde à rejoindre  la Résistance après avoir entendu par hasard l'appel du général de Gaulle. Intégrant par la suite en politique  le mouvement gaulliste, Lucien Neuwirth ne renonça jamais à sa liberté de parole. Il prit ainsi la tête d'un combat pour mettre fin à une loi de 1920 qui interdisait toute forme de promotion de méthodes contraceptives.Alors député il fit une proposition de loi sans tenir compte de la vive opposition de son camp politique pour autoriser la vente de la pilule contraceptive qui allait changer la vie des femmes, une véritable révolution.
La loi fut votée le 29 décembre 1967. Les jeunes gens allaient pouvoir s'aimer librement et en toute insouciance !

R.I.P Monsieur Lucien Neurwith, l'homme qui aimait les femmes...

dimanche 24 novembre 2013

Les chansons de l'innocence retrouvée - Etienne Daho

Etienne Daho a cinquante sept sacré et il est devenu sans aucun doute un monstre sacré de la chanson française, parce qu'il a su faire entendre que la Pop musique d'influence anglaise pouvait se chanter dans la langue de Molière, il a ouvert grand une porte déjà entrouverte par Françoise Hardy dans laquelle s'est engouffrée toute une génération de chanteurs.
Comme il le  reconnait dans un entretien passionnant pour Télérama, "l'innocence retrouvée" référence à un poème de William Blake relève plus du fantasme que de la réalité, même si le chanteur reconnait parfois atteindre cet état de plénitude. L'album est dansant, captivant dés sa première écoute, avec la participation inspirée du génial Dominique A pour un titre parfait: "En surface".
"Les chansons de l'innocence" est un album sublime, où Etienne Daho chante avec une grâce que nous lui souhaitons éternelle. C'est évidemment notre album de la semaine. 
"Etre défini, que ce soit par la religion, la couleur de peau, la sexualité, me fait horreur”. Etienne Daho est un grand!


samedi 23 novembre 2013

Les garçons et Guillaume, à table ! Guillaume Gallienne

 

Nous avions vu le spectacle de Guillaume Gallienne au théâtre, son adaptation au cinéma n'apporte pas grand chose à l'histoire de ce jeune homme en quête de son identité si ce n'est d'avoir une exposition beaucoup plus large. Nous avons largement  préférè le voir seul sur scène incarner tous les personnages, au cinéma certaines situations nous sont apparues par moment grotesques  tirant quelque peu sur la longueur, la scène était un lieu plus idéal pour caricaturer les personnages, pour forcer le trait. Le séjour en cure dans un établissement bavarois étant à ce titre particulièrement édifiant par sa lourdeur, le réalisateur sombre alors dans la comédie indigeste.  Peut être avons nous été gavés aussi par la campagne de promotion , créant une véritable saturation de Guillaume Gallienne.
Il reste des morceaux d'anthologie, notamment la visite médicale chez  un psychiatre militaire ou les leçons de Sévillane lors d'un séjour en Espagne pour le reste c'est finalement assez anodin... mais peut être que ceux qui n'ont pas vu le spectacle y trouveront leur compte.
Pour nous la meilleure comédie de cette rentrée reste Neuf mois fermes d 'Abert Dupontel, voire celle plus décalée de Serge Bozon... La reine de cette saison c'est assurément Sandrine Kiberlain

vendredi 22 novembre 2013

Georges Lautner (24/01/1926 - 22/11/2013)

Sa filmographie est une sacrée collection de sublimes nanards du cinéma français dont il est devenu une figure incontournable. Au milieu, une  pépite éthylique de la comédie "Made in France": les tontons flingueurs où il sut mettre en image" la poésie" des dialogues de Michel Audiard. Un temps où on buvait des boissons d'hommes sur les plateaux de cinéma !

Pour ce chef d’œuvre, nous adressons un ultime salut à Georges Lautner. Touche pas au grisbi, Salope !

Le palais de Glace - Tarjei Vesaas

Siss, une jeune fille de onze ans, est un peu le chef de bande de l'école, celle autour de qui on se réunit pour décider des jeux à la récréation. Un ordre bien établi bouleversé par l'arrivée d'une nouvelle élève: Unn.  Venue vivre chez une tante  après le décès de sa mère alors qu'elle n'a jamais connu son père autrement que sur une photographie. Unn reste à l'écart du groupe de camarades, malgré l'invitation de Siss à les rejoindre. Cette distance n'est pas pas sans créer une véritable fascination entre les deux jeunes filles, Siss accepte l'invitation de Unn à venir un moment avec elle chez sa tante..... Le lendemain Unn ne vient pas à l'école, elle bifurque vers le lac et sa cascade qui se transforme chaque hiver en palais de Glace, elle y pénètre pour ne plus en ressortir.. La disparition de la jeune fille inquiète, Siss est interrogée mais ne dit rien sur leur soirée commune, les recherches restent vaines... Siss traverse l'hiver solitaire et silencieuse à l’écart de ses camarades, comme se tenait Unn...

Un livre magnifique de Tarjei Versaas, sur l'hiver, la nuit qui tombe vite dans les pays du nord, la mort, le deuil... ou comme le dit si simplement Régis Boyer dans sa présentation: "le don de Tarjei Vesaas, peut être le plus grand écrivain norvégien de ce siècle (1897-1970) aura été de savoir abolir la dérisoire ligne de démarcation entre vie et mort, solitude et présence. Il n'y a pas d'explication toute prête à ce chef d’œuvre qu'est palais de glace, tant la symbolique en est riche et les harmoniques multiples. Peut être ne s'agit il que d'une variation intensément poétique sur le grand secret du thème sacré: l'amour plus fort que la mort."
Il se dégage de ce roman un mystère, fascinant parce que jamais le roman n'a de coté artificiel comme le dernier roman de Laura Kasischke de cette rentrée littéraire "esprit d'hiver" qui manipule à souhait son lecteur... Chez Versaas, rien de tel, sa littérature exprime une sincérité, un rapport personnel à la nature, aux saisons, c'est de la littérature de taiseux où chaque mot est essentiel, sans aucune esbroufe. Sublime !

jeudi 21 novembre 2013

Othello - Orson Welles

Venise, Othello, le général Maure épouse secrètement Desdémone sublime vénitienne, entrainant la fureur de son père. Mais il ne peut rien contre ce Général devenu le mercenaire favori du pouvoir vénitien et qui multiplie les exploits militaires . Mais sa puissance agace notamment Iago son second jaloux de n'avoir pas obtenu sa place . Ce dernier, manipulateur va instiller le poison de la jalousie dans les veines d'Othello le persuadant de l'adultère entre son épouse  et Cassio pourtant un fidèle soldat qui se trouve pris au piège ne devinant pas les noirs dessins de Iago. Othello persuadé de la tromperie, assassine sa femme avant de réaliser  sa méprise. Too late ...
Le filme s'ouvre sur les obsèques d' Othello et Desdèmone, Iago est prisonnier dans une cage suspendue aux remparts, sublime ouverture qui donne le ton du film dont le tournage fut particulièrement complexe,arrêté plusieurs fois, étalé sur plusieurs années, subissant des changements d'acteurs. Orson Welles dut faire face à toutes les difficultés pour arriver à ses fins. Le film pourtant n'en souffre pas, certes Orson Welles a été limité notamment il n'eut jamais les moyens de faire de longs plans séquences trop couteux, mais il eut la main sur le montage où il put donner à son film toute sa cohérence. Sa volonté de mener à bien son projet le poussa à jouer dans le troisième homme de Carol Reed, il utilisa son cachet pour produire son film.
Toujours marqué par le cinéma expressionniste, il joue à merveille du clair obscur pour donner une atmosphére inquiétante au film et rendre compte de la folie montante qui pousse Othello à commettre l'irréparable. Le film remporta la palme d'or à Cannes !

"C'est la jalousie qui est détestable, pas Othello. Il est si obsédé par sa jalousie qu'il en devient l'incarnation même. Dans ce sens, c'est un malade. Tous les grands personnages de Shakespeare sont détestables par un aspect ou un autre, ils sont prisonniers de leur propre nature."

Moi, Orson Welles - Orson Welles & Peter Bogdanovich

mardi 19 novembre 2013

Honorine - Honoré De Balzac

"Il y a un texte de Balzac, qui s'appelle Honorine, je ne sais pas si vous le connaissez. Le docteur Cardoso fit signe que Non de la tête. C'est un récit sur le repentir, dit Pereira, un beau récit sur le repentir, au point que je l'ai lu sur un angle autobiographique."

Extrait de Pereira prétend - Antonio Tabucchi

Si nous avons lu Honorine, une nouvelle de Honoré de Balzac c'est grâce à Marylin Monroe. Le jour où nous sommes allés au cinéma voir les Misfits de John Huston, le film était présenté par Bernard Comment l'éditeur des fragments, carnets intimes de l'actrice américaine. Nous avions beaucoup aimé sa prestation. Aussi  , nous avons eu le désir de lire Pereira prétend, roman d'Antonio Tabucchi traduit par Bernard Comment ce qui nous a poussé à lire la nouvelle de Balzac  !

Sublime histoire de la passion amoureuse, Honorine a quitté son mari pour vivre une aventure amoureuse. Enceinte, elle est abandonnée par son amant, son enfant meurt quelques mois après sa naissance... Seule Honorine s'installe comme fleuriste, elle vit dans une grande solitude, coupée du monde sans savoir que c'est son mari toujours amoureux qui subvient indirectement à ses besoins. Ce dernier confie à son homme de confiance, le conteur de cette histoire, la mission de se rapprocher de son épouse pour obtenir sa confiance, et lui expliquer que son époux l'attend sans aucun reproche...

Pereira ne ment pas c'est un magnifique récit sur le repentir qui fait partie des scènes de la vie privée de la comédie humaine.

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