lundi 30 novembre 2015

Shigeru Misuki (8 mars 1922 - 30 novembre 2015)

Il est pour nous le plus grand auteur de mangas japonais. Il a eu une longue vie, ce qui relève presque du miracle. Enrôlé dans l'armée Japonaise pendant la seconde guerre mondiale, il perdit dans les combats son bras gauche, puis il y contracta  la malaria ...
Gaucher, il dut réapprendre à dessiner de sa seule main valide. Il dessinait pourtant toujours mieux que les autres. Nous conseillons la lecture de son autobiographie, Une vie  mais aussi sa biographie d'Hitler écrite pour les jeunes générations afin qu'elles n'oublient pas qui était le monstre ayant entrainé dans sa folie le Japon  dévasté pour sa coupable alliance et ses odieux crimes de guerre.
Shigeru Misuki était une belle personne et un auteur de génie. R.I.P

samedi 28 novembre 2015

Sérénade (Texte Arnaud Cathrine) - Mise en scène Ninon Bretecher

Une femme voit un homme dans la rue, elle croise son regard, et tombe éperdument amoureuse de lui, elle va le suivre discrètement pour découvrir où il vit. Elle n'y tient plus, elle crie sous sa fenêtre au pied d'un immeuble tout son amour, toute sa passion, elle chante aussi. Un monologue sans retour, mais rien ne l'arrête, elle est prête à être "l'ombre de son ombre", c'est en quelque sorte le retour d'Adèle H dans une rue parisienne...

Un spectacle court, moins d'une heure. Mais c'est long quand il s'agit d'une personne qui crie sans fin son amour sous une fenêtre... D'ailleurs dans la vraie vie ce n'est pas possible, un voisin aurait craqué et lui aurait demandé manu militari de la fermer. C'est aussi là, la limite du texte de Arnaud Cathrine, il n'avance pas, il tourne en rond, et contrairement à Adèle H nous n'avons pas été touchés par ce personnage, nous n'avons vu que son coté exclusif et excessif donc pénible. Nous sommes restés étrangers à sa détresse ...

Elle c'est Anna Mouglalis, la dernière fois que nous l'avions vue c'était dans l'excellent film de Philippe Garrel La Jalousie où elle était remarquable. Elle a effectivement une vraie présence sur scène, elle est  captivante, et envoutante par sa voix si particulière. Il était d'ailleurs dommage qu'elle soit équipée d'un micro. 

Nous sommes allés au bout de ce spectacle, nous avons écouté la belle d'Anna Mouglalis accompagnée par le musicien Vincent Artaud au jeu sensuel qui vient donner du coffre et une dramatisation au texte d'Arnaud Cathrine, il électrise les Sérénades . Nous nous rappellerons avoir vu Anna Mouglalis sur scène même si nous ne resterons pas marqués par ce texte!

Luc Bondy (17 juillet 1948 - 28 novembre 2015)

Photo Jean Luc Bertini/pasco
Il fallait qu'il soit un homme de talent Luc Bondy pour faire oublier si rapidement dans quelles conditions controversées il avait été nommé à la tête de l’Odéon Théâtre de l'Europe . Une arrivée chahutée mais au final, un bilan indiscutable.
Nous avons eu l'occasion de voir deux de ses mises en scène: Les Fausses Confidences de Marivaux puis récemment Ivanov de Tchekov. Son vrai talent est de nous amener à nous replonger dans ces œuvres indiscutables avec un regard neuf pour nous rappeler que nous avons toujours à apprendre des grands classiques, c'est là, la force de ces œuvres universelles et intemporelles . Monter un classique ce n'est jamais reconstituer un passé disparu, c'est s'interroger sur notre propre présent !

C'est un grand homme de théâtre qui disparait, un citoyen européen. R.I.P !

Notre petite soeur - Hirokazu Kore-eda

Trois sœurs partagent la demeure familiale où elles ont grandi, elles sont de jeunes adultes, chacune a son travail et son caractère. Elles apprennent la mort de leur père qu'elles n'ont pas vu depuis des années, époque où il quitta leur mère pour partir vivre avec sa maitresse avec qui il eut une fille. Il se remaria une troisième fois après le décès de sa deuxième épouse.
Elles se rendent toutes les trois aux obsèques où elles font  connaissance de leur jeune sœur . Emues par cette rencontre, elles proposent à la jeune fille de venir vivre avec elles,  lui expliquant qu'elle sera la plus jeune d'un dortoir de fille. Elle accepte...
Elles vont se découvrir, apprendre à vivre ensemble, les ainées parviennent à faire une place à cette petite sœur inquiète parce quelle sait que sa mère fut leur ennemie .
C'est la chronique d'une famille recomposée, pas d'intrigues dans ce film, une histoire simple sur la vie à situer dans la lignée des chefs d’œuvre de Yasujiro Ozu, nous retrouvons ici la même pudeur des sentiments, la même humanité. Nous avons littéralement succombé devant la pureté du film réalisé sans artifice, mais qui nous fait traverser toutes les émotions de la vie, du rire aux larmes. Le ton du metteur en scène est quasi neutre, il laisse passer le temps simplement et il révèle toute l'humanité et la générosité de ces quatre femmes d'une beauté irrésistible. Elles ne sont pas parfaites, elles ont chacune leurs failles, elles sont humaines. C'est un film beau, bouleversant. La seule souffrance est d'assister à leurs repas sans pouvoir y goûter.
Ce film merveilleux est reparti sans rien du festival de Cannes, nous en faisons notre palme d'or. Nous restons encore plus stupéfaits du palmarès tant nous avions été déçus par film de Jacques Audiard, peut être le pire de sa filmographie.

vendredi 27 novembre 2015

The Lobster -Yorghos Lanthimos

Dans un futur proche, il est interdit de vivre seul, tout célibataire est interpellé, envoyé dans un hôtel où il a un délai de 45 jours pour trouver l'âme sœur. Aux termes du compte à rebours, s'il n'a pas trouvé un compagnon il est irrémédiablement transformé en animal de son choix. Dans une telle société totalitaire, une résistance s'est évidemment mise en place, ils sont  ceux qu'on appelle les solitaires, ils ont rejoint la forêt pour se cacher des autorités ... Les pensionnaires de l'hôtel partent régulièrement à leur chasse munis de fusils à seringue hypodermique,  chaque prise leur donne un jour supplémentaire de survie ...
Le film débute au moment où David, arrive à l'hôtel en compagnie d'un chien dont nous apprenons qu'il est son frère, transformé après avoir échoué à trouver une compagne, lui a choisi d'être transformé en homard en cas d'échec... David a l'air plutôt triste, sa femme l'a quitté. Il subit tout cela, il découvre les règles de vie de l’établissement où la masturbation est interdite alors qu'une jeune femme vient se frotter à son sexe tous les matins pour stimuler la libido. Les jours passent, myope et piètre chasseur, il ne gagne aucun sursis... Il finit par trouver une compagne mais c'est un échec alors il préfère s'évader et rejoindre dans la forêt les solitaires, il découvre un nouveau monde tout aussi effrayant... où les sentiments et le flirt sont interdits, chaque manquement à la règle est sévèrement sanctionné par des punitions corporelles. Et là pas de chance, notre David tombe amoureux ...

Ce film  vient nous rappeler que la mort du sentiment est le propre des sociétés totalitaires. Ils veulent imposer l'amour, faire du couple hétéro ou homo peu importe ,une norme impérative , seule la solitude est immorale. C'est effrayant, glaçant, surréaliste et finalement d'une grande drôlerie. Servi par une distribution remarquable Colin Farrel , Rachel Weisz, Lea Seydoux ou encore  la remarquable Ariane Labed découverte dans "Fidélio, l'odyssée d'Alice", nous avons passé un excellent moment à découvrir cette dystopie improbable.
Le dernier jury du festival de Cannes avait attribué le prix du jury au film de Yorgos Lanthimos.récompense qui nous semble totalement justifié.

jeudi 26 novembre 2015

Le tabac Tresniek - Robert Seethaler

La mort d'Alois Prenninger qui se présentait comme l'homme le plus riche du Salzkammergut est une très mauvaise nouvelle de Franz Huchel. Cet homme, amant de sa mère lui garantissait une certaine qualité de vie sans qu'il eut à travailler, il était un garçon libre. Sa mort remet en question l’équilibre financier du ménage. Sa mère se rappelle alors une ancienne relation Otto Tresniek devenu marchand de tabac à Vienne, ce dernier accepte de prendre son fils pour employé ce qui est toujours mieux que d'aller bosser dans les mines de sel. Le jeune homme habitué de vivre dans la nature au bord d'un grand lac appréhende cette nouvelle vie séparée de sa mère.
C'est parce qu'il fut blessé sérieusement à la première guerre mondiale que Otto Tresniek devenu unijambiste s'est vu octroyé un tabac où il vend aussi de la presse  et de la papeterie. Doté d'un grand sens du professionnalisme, il explique au gamin qu'il se doit de lire tous les journaux, il lui apprend les rudiments du métier. Otto Tresniek doté d'un humour plein d'ironie aime sa clientèle, il a même pour certains de ses clients des revues coquines gardées sous clé. Parmi eux, une célébrité Sigmund Freud déjà vieil homme handicapé par son cancer de la mâchoire, qui vient là acheter ses cigares, le passage de cet homme célèbre impressionne Franz.
Le jeune homme venu de la montagne est tombé dingue amoureux d'une danseuse tchèque originaire de Bohême, Anezka qui le rend totalement dingue sans qu'il comprenne vraiment pourquoi ... Si les journeaux qu'il lit consciencieusement lui apprennent à décrypter la vie politique dont il ignorait tout , ils ne lui révèlent  rien sur les sentiments. Il va donc aborder le célèbre psychanalyste pour demander conseil au 'médecin des fous" et tenter de comprendre ses nouveaux tourments. Freud est  touché par cet homme de la montagne qui vient l'aborder quand tout le monde commence à lui tourner le dos. Une amitié finit par naître entre eux.
Ce monde presque idéal d'une Vienne cosmopolite bascule dans l'effroi avec l'arrivée des nazis; la haine des mesquins et des sans âmes peut s'exprimer sans limite, les dénonciations sont suivies d'arrestations un monde parfait pour les corbeaux. Sigmund Freud peut s'échapper vers Londres, mais il n'y a plus de place pour les jeunes gens épris de liberté. C'est l'heure du drame!

Ce livre est une heureuse découverte de cet automne. Nous la devons  à  Sabine Wespieser dont la petite maison d'édition fait un travail remarquable pour nous donner à lire de nouveaux auteurs. Elle fait partie de ces maisons d'éditions dont on peut acheter en toute confiance un ouvrage sans rien savoir de son auteur, parce qu'elle n'édite que de belles choses. Et pour ceux qui peuvent avoir peur de voyager, la littérature reste le moyen le plus sûr de traverser les frontières et d'aller au delà découvrir des territoires inconnus en toute sécurité et à moindre frais.

Robert Seethaler est un écrivain autrichien. il révèle dans Le Tabac Tresniek, un vrai talent de conteur, à partir de gens simples il construit l'histoire captivante d'une société qui bascule subitement,tant pis pour ceux qui marchent contre le vent. C'est une écriture simple comme peut l'être cinéma de John Ford, mais derrière cette sobriété qui reste la marque des plus grands, l’œil est incisif, et il sait parfaitement et avec une grande subtilité révéler les petits signes annonciateurs de la peste à venir. L'intrigue tient en haleine le lecteur, c'est une histoire captivante soutenue par cet humour viennois plutôt irrésistible !

Le Tabac Tresniek c'est une très belle découverte de cet automne ! 

C'est aussi l'occasion de faire avancer notre challenge l'Europe des écrivains !



Setsuko Hara (17 juin 1920 - 5 septembre 1915)

Elle fut une actrice fétiche du maitre du cinéma intimiste Japonais, Yasujiro Ozu. Elle tourna notamment son chef d’œuvre, Voyage à Tokyo. Elle mit un terme brutalement à sa carrière juste après la quarantaine, pour totalement disparaitre des médias. Une disparition qui n'est pas sans évoquer celle de Greta Garbo à qui  elle fut comparée.
C'est une des plus belles actrices du Japon qui disparait. R.I.P !

mercredi 25 novembre 2015

Aventures dans l'armée rouge - Jaroslav Hasek

Nous avons découvert Jaroslav Hasek, récemment, à travers l’irrésistible satire "le brave soldat Chveik", nous avions repéré dans sa bibliographie un ouvrage qui avait fortement titillé notre envie: "Aventures dans l'armée rouge". Ce dernier  semblait devenu introuvable, totalement épuisé c'est avec joie que nous l'avons découvert édité par LaBaconnière et IbolyaVirag, spécialiste de la littérature  hongroise et plus largement de la Mitteleuropa.

Engagé dans les rangs de l'armée Rouge, c'est au travers de sa propre expérience que Jaroslav Hasek écrit ce petit ouvrage hilarant. Il y raconte son aventure, au moment où il débarque à Bougoulma. Nos recherches nous ont indiqué que c'est une cité de la République du Tartastan.
Accompagné de douze Tchouraves dont personne ne comprend la langue, il doit tout simplement y installer le régime bolchévique  soit à plus de 800 km de Moscou, quand un régiment  militaire débarque dans le même temps. La situation devient rapidement absurde, la question de survie devient rapidement prioritaire pour notre héros. Il doit donc s’accommoder des autochtones qui ne sont pas vraiment au fait des nouveaux concepts bolchéviques sans fâcher l'ardeur révolutionnaire des militaires toujours prompts à fusiller leur prochain.
Nous retrouvons la même intelligence dans le regard sans concession de Jaroslav Hasek, qui engagé aux cotés des bolchéviques n'en est pas pour autant aveuglé sur qui ce passe... Il montre le  pays en crise du fait des politiques inefficaces des tsars sans pour autant être dupe sur les nouveaux venus. Dés 1921, année de rédaction de cet ouvrage il pressent la catastrophe à venir,  les comportements des révolutionnaires annoncent les futures dérives staliniennes et le régime de la terreur. Ne vous dévoilerons pas plus, mais ne vous inquiétez pas pour le héros, il est tout de même  plus malin que les autres, il a vite compris que s'engager dans la révolution n'était pas sans danger, la révolution tue sans discernement...
Nous sommes particulièrement heureux d'avoir pu  découvrir ce petit livre d'une drôlerie irrésistible qui confirme que Jaroslav Hasek est un maître de la satire et de l'ironie mordante, ce qui fait assurément de lui un des très grands écrivains du siècle dernier. C'est un cadeau parfait pour cette période de fin d'année où il est important de donner du bonheur à son prochain.
La littérature de Jaroslav Hasek est un parfait remède à la morosité du moment. Offrez le à Noël !

mardi 24 novembre 2015

Le temps de l'innocence - Martin Scorsese

Il suffit de se plonger dans les deux merveilleux documentaires sur le cinéma américain et italien de Martin Scorsese pour comprendre combien le septième art a eu une place capitale dans la vie du réalisateur de Taxi Driver et cela depuis son plus jeune âge.  Une cinéphilie pointue qui en fait assurément un frère spirituel de François Truffaut. Martin Scorsese respire le cinéma, il en est un fidèle serviteur notamment par son travail de restauration qu'il mène au travers de sa fondation, redonnant une nouvelle jeunesse à des chefs-d'œuvre victimes du temps qui passe.
Mais il y a un mystère chez ce cinéaste qui a réalisé incontestablement des très grands films devenus incontournables, notamment avec son acteur fétiche et son double Robert de Niro, mais aussi d'affreux navets qui viennent plomber sa filmographie. Des fautes de goût incompréhensibles  que la presse bienveillante omet de citer quand on a célébrè le cinéaste actuellement exposé à la cinémathèque de Paris.  Et pourtant La Dernière tentation du Christ, Kundun figurent bien dans sa filmographie, mais aussi les nerfs à vifs, Shutter Island des objets totalement convenus...

Nous avons décidé de nous replonger dans Le Temps de l'innocence, un film à part dans la filmographie du cinéaste.Adaptant un roman d' Edith Wharton, Martin Scorsese tout juste sorti des Affranchis se lance dans un film à costumes. La  haute société  pudibonde et policée du  New-York  au XIX° siècle   finit par y révéler une vulgarité voisine de celle des maffieux du Bronx.
L'histoire est assez simple Newland Archer (Daniel Day-Lewis) doit épouser une fille tout aussi convenable que lui MayWilland (Winona Ryder). Le retour de Ellen Olenska (Michelle Pfeiffer) qui fatiguée des infidélités d'un mari européen a choisi de quitter ce dernier. Un retour qui fait quelque peu scandale dans cette société engoncée dans sa bonne morale. Newland Archer tombe amoureux de Ellen Olenska, cela fait désordre mais tout leur entourage se mobilise pour préserver la bienséance , cette histoire est terriblement cruelle.
Or le film est un peu trop propre ... Newland se retrouve tel Milou devant une flasque de Whisky du capitaine Haddock partagé entre "le diable" et "l'ange"... Et là pas de Joe Pesci pour lui donner de bons conseils, pas de transgression des codes...
Martin Scorsese au milieu de la belle vaisselle, ne veut pas être l’éléphant dans un magasin de porcelaine, alors il filme avec délicatesse, et tout devient très plat. Platitude renforcée par Daniel Day Lewis, ersatz des grands acteurs hollywoodiens qu'ont pu être Gary Cooper, James Stewart ou Cary Grant , il fait de son personnage un benêt insipide.
Et malgré tout ce n'est pas si mal, parce qu'il y a Michelle Pfeiffer qui tient là un de ses plus beaux rôles. Absolument remarquable, elle donne à ce film une âme, elle crée à elle seule une tension qui retient notre attention, et qui nous fait regretter la sagesse du cinéaste, devenu tout d'un coup trop lisse comme s'il avait été impressionné par ce beau monde de façade....Son personnage est le seul de cette histoire  à assumer sa liberté et ses choix.


Film vu dans le cadre du Ciné-club du bric-à-brac de Potzina !

samedi 21 novembre 2015

Coco - Bernard Marie Koltes (Cie Succursale 101)


Coco est une pièce inachevée de Bernard Marie Koltes, composée de trois fragments qui racontent la fin de vie de Coco Chanel accompagnée dans ses derniers jours par sa domestique, Consuelo.
Un premier fragment où la créatrice de mode malmène sa servante lui reprochant notamment son rouge à lèvres, et ses talons hauts, elle ne peut s’empêcher de lui faire la leçon. Dans le deuxième fragment, Coco est à l'agonie, elle n'a plus de visite, elle est à la merci de sa domestique... qui lui rappelle cette règle: la qualité de domestique meurt avec le maitre, la cuisine est en désordre, elle le restera. Dans le troisième, nous assistons à la mort de Coco quelque peu réconciliée avec Consuelo. Rideau!

Un texte court, 45 minutes de spectacle qui permettent de mesurer toute la force de l'écriture de Bernard-Marie Koltes qui  invite  chacun d'entre nous à s'interroger sur ce que nous avons de plus intime, à regarder en face notre propre mort, notre décheance à venir. 
Les deux personnages semblent indissociables , Consuelo est subordonnée à sa patronne qui elle même seule et affaiblie finit par dépendre du bon vouloir de sa domestique, leur relation complexe et ambiguë symbolise les rapports de classe.
Deux actrices sur scène mais aussi des marionnettes incarnant  de Coco, de son enfance à sa fin dans la troisième partie, quand la vieille femme devient la chose de sa servante. Deux murs qui forment comme une matrice, sur lesquels sont projetés des lumières créant  une atmosphère froide renforçant le coté glaçant du texte, mais qui nous fait aussi basculer dans un monde de fantasmagorie qui n'est pas sans rappeler certaines scènes de la maison du Docteur Edwards d'Alfred Hitchcock.
C'est un très beau travail que celui d’Angélique Friand et de la cie Succursale 101, assurément une belle et heureuse surprise de notre année théâtre.

Le fils de Saul - Laszlo Nemes

Saul, juif hongrois est affecté à un sonderkommando d'un camp d'extermination nazi. Il doit apporter son soutien à la solution finale, faire le sale boulot, s'occuper des cadavres. Faire partie d'un Sonderkommando permettait une "meilleure vie", mais vous obligeait à participer au pire, sans espoir de survie, puisque leurs membres étaient régulièrement exécutés et  remplacés par de nouveaux éléments.
Un gamin miraculeusement vivant après le passage par la chambre à gaz mais étouffé par la suite par un nazi, attire l'attention de Saul ... Il n'a plus qu'une obsession donner une sépulture et un enterrement religieux à cet enfant qu'il dit être son fils...
Une volonté qui donne à nouveau un sens à sa vie, il lui faut récupérer le corps, trouver un rabbin, creuser une tombe... alors que la situation devient de plus en plus tendue dans le camp, les convois de nouveaux arrivants se multiplient, une rébellion s'organise dans le camp pour tenter un soulèvement... mais Saul n'a plus que cela  en tête, un destin qui n'est pas sans évoquer celui d'Antigone
En collant en permanence à son personnage cadré au plus près  avec un arrière fond flou, Laszo Nemes évite l'écueil de la représentation du camp d'extermination. Pourtant il nous fait toucher du doigt l'horreur et l'abomination des lieux notamment par une bande son impressionnante qui crée l'effroi, seule l'odeur pestilentielle des lieux n'est pas représentée, elle reste inimaginable... C'est aussi la limite de ce film dont il nous semble difficile d’émettre un avis esthétique il devient rapidement anxiogène et difficilement supportable. Nous savons déjà que nous ne le reverrons pas de sitôt, si nous devons le revoir un jour .
Nous avons été impressionnés par "le fils de Saul" et nous ne savons qu'en penser ...

Les prépondérants - Hédi Kaddour

Nous sommes en 1922,  Nahbes un petit village du Maghreb sous le contrôle de colons français voit débarquer une équipe d’Américains venue d'Hollywood pour un tournage. Une présence qui révèle toutes les tensions nées de la présence coloniale  à laquelle la population autochtone tente avec son peu de moyens de s'opposer. Les" prépondérants" désignent une communauté de notables français se croyant les "plus civilisés"qui se réunissent régulièrement  pour maintenir l'ordre..
Le roman s'ouvre sur Rania, une jeune veuve de 23 ans , dont le mari est mort sur les champs de bataille de la première guerre mondiale... Rania est une jeune femme indépendante qui veut prendre en main sa vie contre les conventions locales et surtout ne pas avoir à subir l'autorité de son frère alors que son père est plutôt bienveillant avec elle. Elle va reprendre la maison et les terres de son oncle , terres convoitées par le colon voisin, Ganthier mais elle refuse de lui céder.
Raouf est son cousin, un jeune homme brillant qui réussit parfaitement à l'école des Français,  rapidement il se retrouve devant un dilemme alors qu'il est proche des mouvements nationalistes doit il continuer à suivre l'enseignement de l'ennemi.
Au milieu des tensions débarquent les Américains pour qui s’éloigner d'Hollywood est une bénédiction, alors que les ligues de vertus se scandalisent des "turpitudes" des nouvelles stars du septième art. Ils fascinent mais ils effraient aussi par leur comportements et leur sens de la fête les habitants de ce pays. Raouf devient le secrétaire de la vedette Kathryn, un jeu de séduction répulsion s'engage rapidement entre eux; alors que Gabrielle une femme libre, journaliste parisienne se fait le chroniqueuse de ce monde et de ses rencontres improbables; elle a envouté Ganthier, mais plus intéressée par la gent féminine elle reste inaccessible ...
Le roman est enclenché, il va nous mener à Paris où Ganthier et Raouf vont retrouver Katryn et Gabrielle, avant de nous emmener à Berlin où Kathrin cherche à rencontrer les cinéastes allemands. Berlin agité par les différents mouvements politiques,  spartakistes face aux nazis qui commencent à poindre le bout du nez.
C'est un beau roman de cette rentrée, une belle écriture, plus de 400 pages d'aventures, d'amour, de politiques, un ouvrage romanesque qui nous envoute dés les premières pages mais qui finit par s'enliser quelque peu. Il y a des hauts et des bas, notamment la partie berlinoise nous est apparue comme la plus convenue, tournant parfois à la leçon d'histoire nous l'avons traversée avec ennui,  elle nous laisse un sentiment de déception après un début passionnant. 
Il a été récompensé par l'académie française, ce prix lui va bien !

mercredi 18 novembre 2015

Camélia Jordana en concert

Nous ne connaissions pas Camelia Jordana on nous avait  vanté ses mérites,  alors nous sommes allés  voir sur la scène de notre théâtre voisin la jeune chanteuse qui se fit connaitre d'un large public par le biais d'une chaine de télévision commerciale...
Après un premier album, la chanteuse accompagnée par le talentueux Babx à la production a signé un deuxième album " Dans la peau" plus personnel, plus ambitieux, une rupture avec ses débuts qui l'a peut-être coupée de son premier public. La salle n'a pas fait le plein, et effectivement les titres du premier album sont restés dans le placard à l'exception d'un,  composé par l'excellent Mathieu Boogaerts ...
 Si nous avions trouvé son dernier album sympathique sans être pour autant envoutés, nous n'avons pas eu un coup de foudre pour ce spectacle qui n'a jamais su provoquer une forme d’effervescence dans le public . Le son était plutôt désastreux en début de concert, une véritable bouillie inaudible, ce qui nous a quelque peu déconcertés et malgré le coté indéniablement sympathique de Camélia Jordana nous n'avons pas vécu un grand moment de chanson...
Bof, Bof mais le plus important était finalement de se retrouver dans une salle de spectacle , de reprendre une vie banale et joyeuse...


mercredi 11 novembre 2015

Helmut Schmidt (23 décembre 1918 - 10 novembre 2015)

Social démocrate, il fut le chancelier de ce qu'on appelait alors la République fédérale d'Allemagne, bien plus attachée aux valeurs démocratiques de sa voisine de l'est. Nous sommes émus d'apprendre son décès car il est finalement le premier chancelier que nous avons connu "en direct" alors que la France avait pour souverain VGE. C'était notre ami, une amitié que les deux représentants n'avaient pas su symboliser comme le feront plus tard Helmut Kohl et François Mitterrand sur les terres de Verdun... C'est tout de même mieux quand les Allemands sont nos amis. R.I.P Helmut !

Andre Glucksman (19 juin1937 - 10 Novembre 2015)

Ce qu'il y avait d'étonnant ce matin à l'annonce de la mort d'André  Glucksman, c'est sa reconnaissance  comme philosophe sans qu'aucune de ses œuvres n'aient  été citées ... Nous en sommes nous même incapables...
Andrè Glucksman doit sa célébrité à son sens de la communication, à son charisme singulier, à son look facilement identifiable. VRP des droits de l'homme il  n'a cessé de hurler sa colère devant les crimes commis par les dictateurs de tous poils, il savait reconnaitre les méchants et nous partageons son dégout pour Vladimir Poutine quand de plus en plus de personnes expriment leur fascination pour ce tyran glaçant. Un cri permanent devenu avec le temps inaudible,  sentiment renforcé par son coté va t'en guerre quelque peu déraisonnable. L'homme s'est parfois perdu à défendre un monde juste et humain, il nous a finalement appris que les Droits de l'homme ne s'imposent pas avec les forces armées. Le chaos de notre monde actuel en est la triste preuve. 

mardi 10 novembre 2015

Belles Familles - Jean-Paul Rappeneau

Nous aimons bien Jean-Paul Rappeneau.  Un cinéaste rare , seulement huit long métrages depuis La vie de château tourné en 1956dont nous avons particulièrement aimé  les comédies comme Le sauvage ou son précédent film Bon Voyage, plus que ses adaptations des classiques de la littérature que ce soit son Cyrano de Bergerac ou le Hussard sur le toit
Nous étions donc plutôt heureux d'aller découvrir son nouveau film, une comédie familiale avec Mathieu Amalric dans le premier rôle, une bataille autour de la succession d'une maison familiale. Avouons le immédiatement ce film est une catastrophe totalement indigeste. rien ne fonctionne, l'image est moche, les dialogues sont ridicules, les blagues éculées tombent à plat, le scénario est sans finesse, c'est grotesque, les acteurs se noient dans ce désert cinématographique... C'est absolument consternant, il y avait fort longtemps que nous n'avions pas vécu une aussi grande déception dans une salle obscure. 
Pire il filme Marine Vacth, sublime actrice comme un vieux lubrique se plaisant à filmer son postérieur parfait alors que c'est totalement gratuit. Définitivement son film n'a rien pour lui ! 

Allen Toussaint (14 janvier 1938 - 9 Novembre 2015)




Allen Toussaint, pianiste chanteur nous l'avons découvert sur le tard avec un album remarquable de 2009, The bright Mississipi qui ne cesse de tourner depuis de longs mois  sur notre platine. R.I.P !


dimanche 8 novembre 2015

Ca ira (1) Fin de Louis - Joël Pommerat

Un moment rare de théâtre, cela dure 4H20 mais cette longueur n'est jamais un problème tant nous sommes pris par le propos de cette pièce toute neuve, dernière création de Joël Pommerat inspirée par les événements de 1789. La Révolution Française est au chœur du propos mais nous sommes bien loin d'une reconstitution historique, ce qui a intéressé l'auteur c'est  retrouver la substantifique moelle de ces heures historiques, les causes qui ont généré ces événements , il nous dissèque le discours politique et tout nous ramène à aujourd'hui .Les  mots des tribuns inspirés par la pensée des Lumières et les grands débats qui vont générer les textes fondateurs sont ici repris par des anonymes habillés de manière contemporaine, seul le monarque Louis XVI est ici représenté en tant que tel...
Tout commence par un problème fiscal, l'impôt est mal perçu par le peuple car les classes privilégiées la noblesse et l'Eglise en sont exemptés. L'Etat est exsangue, surendetté il ne peut plus payer ses dépenses, il lui faut lever de nouveaux impôts, le premier ministre propose de faire contribuer les exemptés, c'est le scandale. La noblesse exige la réunion des Etats Généraux, elle va le regretter. Le tiers Etat se proclame "Assemblée nationale"  ! C'est la Révolution!
Le peuple parisien crève de faim, la ville n'est pas ravitaillée.  C'est l'insurrection, Louis est débordé, il ne comprend pas la situation, mal conseillé il n'en prend pas la mesure. L'homme n'est pas mauvais mais il manque d'épaisseur...
C'est cette histoire que nous suivons en direct, nous sommes au chœur des débats, les acteurs sont dans la salle et sur scène, la mise en scène recrée la cacophonie des premiers débats parlementaires, où personne ne s'écoute vraiment mais où chacun veut prendre sa parole, il y a les inflexibles qui restent droits dans leurs bottes, puis il y a ceux qui varient selon les événements. C'est brillamment mis en scène, c'est vivant et intense, c'est d'une finesse absolue Joël Pommerat a la regard incisif, derrière les emportements et les commentaires de ces personnages, il en révèle la grandeur ou la petitesse, ... Il montre simplement mais dans toute sa complexité, un événement historique fondateur de notre histoire contemporaine, peut être le premier à connaitre une réelle médiatisation , toutes les cours européennes scrutant alors avec intérêt et effroi ce qui se passe à Paris . C'est une parfaite autopsie d'un mécontentement populaire qui réclame   un monde meilleur et bascule dans la violence  !
Extraordinaire spectacle !

jeudi 5 novembre 2015

L'avare (Molière) -Mis en scène par Jacques Osinski


Que diable allait il faire dans cette galère? Pauvre Harpagon, vouloir épouser la belle et jeune Marianne, alors que sa cassette remplies de pièces d'or occupe toute sa pensée est une pure folie... Folie d'autant plus grande que son fils Cléante, insupportable oisif est lui même amoureux de la jeune fille.
Pour sa fille Elise, le vieil homme souhaite la marier au vieil Anselme qui ne réclame aucune dot, mais la jeune femme est amoureuse de Valère gentilhomme qui s'est fait engager comme intendant de la demeure.
Harpagon est un avare compulsif ,engranger l'argent ,éviter toute dépense sont ses seules obsessions même le charme de Marianne se dissout face aux pièces d'or....
Ses enfants ne peuvent le supporter mais  incapables de gagner leur vie ils ne peuvent vivre qu'a ses dépens

 C'est un peu cette histoire que Jacques Osinski a choisi de nous conter, recentrée sur la famille.
 Nous assistons à la chute d'un homme qui malgré toute l'antipathie qu'il peut générer finit par toucher le spectateur.
Costumes modernes, décor d'un appartement contemporain, le transfert d'époque n'est pas un problème, la France est toujours un pays d'héritiers ... cela peut sembler froid, le décor est plutôt dépouillé, les acteurs gardent entre eux une certaine distance malgré la passion amoureuse des jeunes gens, ce n'est pas très charnel... Nous sommes chez les bourgeois, on ne répand pas, c'est un peu Molière revisité par Claude Sautet, le cinéaste de la bourgeoisie pompidolienne. C'est totalement saisissant ,  les acteurs sont formidables, ils cassent cette froideur apparente pour mettre en  avant toute la chair du texte. Ainsi lors du monologue d'Harpagon, remarquable Jean-Claude Frissung, nous sommes émus par sa folle détresse  nous le voyons sombrer définitivement dans la folie et la solitude totale.
C'est aussi là toute la réussite de Jacques Osinski d'avoir révéler toute la noirceur de ce texte sans en avoir tué le rire présent dans les mots féroces de Molière...
C'est un beau travail qui nous rappelle qu'un classique ne se démode jamais, nous y découvrons à chaque fois quelque chose de nouveau. 

mardi 3 novembre 2015

The Foals - What went down

Il y a comme cela des albums qui vous tétanisent dés l' écoute du premier morceau  , vous en devenez subitement accro ....
Il y eut ainsi Sticky fingers des Rolling Stones et son Brown Sugar, Horses premier album de Patti Smith et sa magnifique reprise Gloria ou encore plus récemment Nevermind De Nirvana et son Smells like teen spirits , la liste serait longue si elle devait être exhaustive...
Dorénavant il y a What went down des Foals, une ouverture majestueuse, de leur quatrième album avec des guitares puissantes et la voix tout aussi sauvage de Yannis Philippakis... Happés dés les premières notes nous ne lâchons pas cet album jusqu'à sa dernière note. Notre plus belle claque musicale de l'année !


 Pour vous convaincre définitivement de la qualité de cet album, il convient d'écouter la chronique du Pop & Co de la merveilleuse et élégante Rebecca Manzoni qui en parle avec une parfaite justesse. Cliquez ici


dimanche 1 novembre 2015

Un papa de sang - Jean Hatzfeld

Jean Hatzfeld est de retour au Rwanda, comme toujours du coté de Nyamata, 20 ans après le génocide, pour continuer son travail de journaliste. Cette fois il part à la rencontre des enfants des victimes et des bourreaux qui vivent cote à cote. Ce drame est devenu la grande affaire de sa vie, il retourne sans cesse sur les lieux  retrouver les rescapés dont il avait recueilli les témoignages dans le "Nu de la Vie " mais aussi les assassins  dans une saison de machettes . Le pays est toujours marqué par la tragédie malgré la politique de réconciliation, et  l'interdiction faite de se déclarer d'une ethnie, il reste divisé en deux.
D'un coté les Tutsis, des familles décimées, les survivants tentent de se reconstruire et les enfants grandissent au milieu de fantômes. Ils ont grandi au coté de la mort, ils portent en eux une tristesse... Pour les enfants Hutus, la situation est complexe ils grandissent auprès de leur père aimant souvent rempli de gentillesse, ils ne peuvent pas comprendre l'horreur du crime dont ils sont accusés. Le génocide est aussi à l'origine de leur déchéance sociale, ils ont du renoncer pour certains à leurs rêves de mener des études pour se mettre au travail dés leur plus jeune âge. 
Pour certains , le père est toujours en prison, ou il y est retourné récemment après de nouveaux procès. Cette absence pèse lourd, et les mères malgré tout leur courage ne suffisent pas à entretenir le foyer et doivent faire face parfois au refus des enfants d'entretenir les quelques arpents de terre qu'ils possèdent.
Ils sont jeunes, ils ressemblent à tous les gamins du monde, ils aiment le foot, internet et les séries télés.

C'est un livre fort, captivant, une leçon de vie où enfants des victimes et bourreaux se retrouvent sur les mêmes bancs, ils se croisent se jaugent mais les liens restent distendus, les mariages mixtes semblent impossibles. Ce livre prolonge l'enquête du journaliste, qui crée véritablement là une œuvre littéraire unique d'un puissance rare. Le tout est porté par une langue superbe, en lisant les mots de Jean Hatzfeld  nous avons le sentiment unique d'entendre  le son des voix de tous ces témoins :

"J'avais un copain. C'était la romance. On a cassé. La tristesse ne m'a pas ratée, elle m'a fait pleurer, pus elle m'a laissée. Beaucoup de garçons me tournent autour pour que je leur cède l'amour. Je ne suis pas encore prête à ça. je ne sais pas si pourrais tomber amoureuse d'un garçon Hutu. A Nyamata, zéro risque, on se connait tous. "

A chaque fois nous restons impressionnés bouleversés par la lecture de Jean Hatzfeld. Une oeuvre immense !

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