mardi 4 septembre 2012

Témoignage sur la débâcle - Mai 1940 (4)

 Quatrième et dernière lettre écrite durant les combats de mai 1940. le lieutenant auteur de ces lettres est grièvement blessé deux jours plus tard par un éclat d'obus. Trépané, il gardera une trace toute sa vie de cette blessure qui ne l'a pas empêché de reprendre le combat par la suite dans les rangs des FFI.


La 21 mai 1940, 


Ma Z... chérie. Je suis dans un petit pays de l'oise à la limite de la Seine et Oise où j'essaye de regrouper mon pauvre régiment. Je suis jusqu'ici le seul officier et actuellement j'ai pour tout le régiment 165 hommes, il y en a de tous les bataillons, d'ici peu nous allons embarquer pour aller plus loin. Mon bataillon est pour ainsi dire décimé et je me demande comment je suis encore ici.
Nous étions cernés par les chars, j'ai du à nouveau faire demi tour toujours en utilisant les boyaux jusqu'au pied de la côte que nous avons grimpée avec D... et sa femme, j'étais avec deux hommes. Mon sergent chef C..., quelques hommes des autres sections que j'ai ramassés en route étaient un plus bas. Les chars nous environnaient. Les servants en sont descendus et ont patrouillé sans nous apercevoir. A ce moment, j'ai détruit toutes les marques attestant que j'étais officier, d'un moment à l'autre nous pouvions être faits prisonniers, nous avons détruit et enterré nos armes, munitions et équipements. L'artillerie française  (75 et mortiers) tirait sur nous ce qui est normal puisque les chars allemands étaient sur nous. Je voulais attendre la nuit mais profitant d'une accalmie (au bout de 3heures) nous avons remonté la pente, passé prés du PC du capitaine occupé par les boches ainsi que celui du bataillon. Dans mon repli j'ai détruit toutes les armes abandonnées ainsi que les communications téléphoniques. J'ai pu passer la ligne des chars mais les boches nous talonnaient. J'ai récupéré en cours de route des éléments du 148. Après une marche forcée à la boussole toute la nuit et  avoir par deux fois été coupé par les boches, j'ai réussi à semer cette sale graine. Mais tous les jours c'était les coups de mitrailleuses et les bombes des avions.
S... est certainement tué, B... est blessé d'un éclat d'obus dans le ventre. Bu... à la jambe. Je n'ai toujours rien au sujet d'André. Quant à Roger il a pu réussir à filer.
Je n'ai plus rien, ma cantine est aux mains de l'ennemi ainsi que ma musette, j'ai du abandonner Bobby. Ce matin j'ai acheté une chemise et une paire de chaussettes. J'ai passé la nuit dans un lit, depuis le 9 j'ai dormi sur le sol n'importe où.
Il m'est impossible d'avoir de tes nouvelles, le courrier ne peut venir et je me demande le temps que va mettre ma lettre. Je voudrais te savoir tranquille à mon sujet car tous vous devez vous faire du souci.
je vais te quitter petite Z... chérie, je vais m'occuper du restant de mon malheureux régiment, ce sont des hommes en lambeaux je n'ai plus de capote j'ai trouvé celle d'un chef de bataillon. J'ai enlevé deux galons et elle me rend bien service car les nuits, il fait très froid. Je vous serre tous contre moi mes tout petits, papa a bien pensé à vous pendant cette terrible bataille ainsi qu'à toi ma petite z... je n'ai jamais perdu confiance.
Arrivant à Chateau Porcien les 20 hommes qui étaient avec moi m'ont tous embrassé content d'en être sortis.

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