samedi 26 septembre 2015

Marguerite - Xavier Gianolli



Marguerite chante encore plus mal que la deuxième épouse de Charles Foster kane, ce n'est pas peu dire. Elle chante comme une casserole mais elle a une vraie passion pour l'art Lyrique, elle ne peut se passer de chanter sans s'entendre réellement.Elle ne mesure pas la catastrophe !
Marguerite est riche immensément riche, elle utilise en partie cette fortune pour organiser des galas de charité au lendemain de la première guerre mondiale , occasion pour elle de chanter en public. Riche, généreuse, son public reste poli supporte ses chants et applaudit avec enthousiasme... Seuls deux joyeux gaillards lui ont trouvé un rôle à sa mesure:chanteuse punk, mais ils sont en avance sur leur temps et Marguerite bien que riche quand elle chante la Marseillaise comme une "sex pistol"s ça ne le fait pas... mais rien ne décourage pas la jeune femme, alors pourquoi pas un récital à l'opéra...

Une ouverture réjouissante avec Marguerite, personnage hors norme, un film qui réjouit jusqu'à la Marseillaise qui fait scandale, puis après le film s'enlise, devenant convenu. Catherine Frot est parfaite, et finalement c'est peut être là le péché de ce film qui devient une simple performance d'actrice. Il faut dire que André Marcon qui joue son époux doit tout à sa voix singulière et captivante,  son jeu monocorde et sans relief donne peu d'épaisseur à son personnage, laissant bien seule sa femme... Le film devient prévisible, trop sage nous devenons des spectateurs distants de la folie de Marguerite, nous ne croyons pas à cette histoire.

Nous avons aimé beaucoup, puis un peu voire pas du tout Marguerite de Xavier Gianolli

vendredi 25 septembre 2015

Les chansons que mes frères m'ont apprises - Chloe Zhao

Tout commence le dernier jour de l'année scolaire.Une classe de lycée qui arrive à la fin de son cycle... Le professeur questionne chacun sur son projet...Une réponse revient régulièrement "monter des taureaux" comme si le rodéo était le seul avenir envisageable pour ses gamins.  Seule une jeune fille Aurelia a l'ambition de continuer ses études dans une université de Californie... Nous sommes aux Etats Unis au cœur de la réserve indienne de Pine Ridge dans le Dakota du Sud, une région sinistrée par le chômage et un alcoolisme qui perdure malgré la politique de prohibition . C'est la face sombre de l'Amérique incapable de regarder son passé criminel, elle laisse crever de pauvreté les descendants des glorieux Sioux.
Le projet de Johnny est d'accompagner Aurélia sa petite amie  en Californie, quitter cet endroit sans avenir, fuir son maudit destin.  Pour cela il lui faut quitter sa jeune sœur Shaun, sa mère,et son frère ainé qui purge une peine de prison
Mais au début des vacances, Johnny perd son père, un homme qui a eu plus de dix femmes et une vingtaine de gamin. Ce décès  traumatise sa jeune sœur même si ce père fut absent de leur vie . Johnny développe son activité de Bootlegger,pour recueillir les fonds nécessaires à l'achat d'une voiture qui permettra son départ. Ce n'est pas sans danger...Shaun s’inquiète des projets de son frère, elle angoisse de se retrouver seule avec sa mère, une femme perdue.
La date de départ de Johnny s'approche, celui ci mesure la difficulté de tout quitter, de se lancer vers l'inconnu. Partira-t-il ou est- il définitivement arrimé  à cette terre maudite ?

Un film magnifique et terrible, où à travers le regard d'un adolescent, est tracé le portrait de la réserve indienne dévastée par un alcoolisme généralisé...  les soirées se terminent mal  et pour certains la vie est rythmée par des séjours derrière les barreaux.  C'est avec une regard rempli d'humanité, ses deux héros Shaun et Johnny sont de belles personnes que la cinéaste filme cette terre de désolation aux paysages inquiétants et magnifiques.. Une pépite du cinéma indépendant américain...

mercredi 23 septembre 2015

La bande des quatre - Jacques Rivette

Jacques Rivette est assurément avec Eric Rohmer le cinéaste de la nouvelle vague qui a le plus manifesté un intérêt certain pour le théâtre . Après avoir réalisé son premier long métrage, Paris nous appartient, il mit en scène pour le théâtre une adaptation de La Religieuse de Denis Diderot avec Anna Karina au studio des Champs Élysées. Adaptation qui fut le prélude à une adaptation cinématographique qui fit alors scandale, donnant l'occasion aux tenants de la censure de se rendre ridicules.
Le théâtre est au cœur même de son film La bande des quatre,  il  y suit les pérégrinations de jeunes filles inscrites au cours de théâtre de Constance Dumas. Quatre d'entre elles vivent en collocation dans une maison de la banlieue reculée qu'elles rejoignent chaque soir, une maison pleine de vie mais qui garde un coté inquiétant quand le silence tombe la nuit venue et que des bruits bizarres se font entendre. En véritable admirateur d'Alfred Hitchcock , il fallait au cinéaste un "MacGuffin" pour tenir en éveil l'attention du spectateur devant cette chronique de la jeunesse. C'est Cécile qui au début du film quitte la maison et laisse sa place à une nouvelle locataire  pour aller vivre avec son amoureux resté inconnu pour les autres filles qui va donner tout le mystère au film.

Peu de temps après le départ de la jeune fille, les quatre colocataires sont tour à tour approchées par le même personnage énigmatique qui change systématiquement  d'identité, de profession et qui cherche à se renseigner sur Cécile et son compagnon,essayant même de pénétrer dans la demeure.... Qui est -il?  Un détective, un flic, un bandit... le mystère est entier, mais l''homme est retors, en devenant l'amant de Claude interprétée par la remarquable Laurence Cote, il s'ouvre les portes de la maison.
Une intrigue policière,entrecoupée des séances de répétitions et de cours données par Constance Dumas. Une professeur intransigeante, jamais satisfaite qui ne fait aucun compromis avec ses élèves travaillant sans relâche les textes de Marivaux  ou Racine sans jamais obtenir le satisfécit  de leur professeur, c'est un dur apprentissage .... Une professeur qui garde tout son mystère, ne semblant jamais quitter le théâtre où elle réside, mais dont la qualité des cours est unanimement reconnue. Pourquoi seulement des filles à son cours? Qui est Constance Dumas, actrice réputée mais dont on ignore tout de la vie privée? Les jeunes apprenties comédiennes s'interrogent  alors que le destin de Cécile semble de plus en plus énigmatique, et son compagnon de moins en moins fréquentable puisqu’il finit par apparaitre dans la rubrique faits divers...
Ce film est particulièrement emblématique du cinéma de Jacques Rivette,  nous voyons les personnages prendre forme sur la durée alors que le film devenant de plus en plus énigmatique ne cesse de captiver malgré une certaine lenteur propre au cinéaste. C'est l'histoire d'une transmission de savoir, la rencontre de deux générations d'actrices; Bulle Ogier, une fidèle au cinéma de Jacques Rivette et une bande de jeunes comédiennes prometteuses avec notamment Laurence Cote, Nathalie Richard que nous retrouvons plus tard dans un autre film formidable du cinéaste Haut Bas Fragile. 
Nous revoyons ce film régulièrement et nous  prenons toujours le même plaisir à suivre ces répétitions  nous amusant de la prestation du regretté Benoit Regent, admirable dans son rôle de manipulateur séducteur . Nous aimons le cinéma de Jacques Rivette et ses fantômes.

Film vu dans le cadre du ciné Club de Potzina

dimanche 20 septembre 2015

Fin d'automne -Yasujiro Ozu


Trois hommes d'âge mur se retrouvent lors d'une cérémonie souvenir pour leur ami décédé, Miwa ; sont également présentes le veuve Akiko de ce dernier et sa fille Ayako. Les trois hommes ont été amoureux d'Akiko lorsqu'ils étaient étudiants, ils se rappellent avec nostalgie le temps où ils aimaient se rendre dans la pharmacie tenu par son père dans l'espoir de croiser la jeune fille... C'est Miwa qui a eu la chance d'épouser la merveilleuse Akiko, mais ils se demandent d'ailleurs sérieusement si ce n'est pas le fait d'avoir une femme si merveilleuse qui a causé la mort prématurée de leur ami ...

Ils retrouvent dans les traits de la fille âgée de 24 ans ceux de la mère, ils décident alors d'aider Ayako à trouver un mari digne de ses qualités... La jeune fille refuse les propositions, ne voulant pas laisser sa mère seule elle n'est pas pressée de créer un nouveau foyer. Refusant de voir échouer leur projet, les trois hommes décident de trouver également  un époux à la veuve, ils n'ont pas à chercher bien loin puisqu'un l'un d'eux est veuf et totalement disponible, il est vite qualifié de chanceux par les deux autres... mais l'affaire n'est pas si simple !

Marivaux au Japon en quelque sorte, avec cet antépénultième film de Yasujiuro Ozu qui reprend ici les thèmes qu'il n'a cessé de développer au cours de sa carrière, il est le cinéaste de l'intimité familiale et de la pudeur japonaise. Ici la mélancolie domine mais les notes d'humour viennent rythmer cette chronique intime. Un film tout en épure où tout est beau: les acteurs, les costumes, les couleurs, c'est d'une élégance parfaite qui ne peut qu'envouter le spectateur. Un cinéma à hauteur d'homme, Fin d'automne reprend le même thème que Printemps Tardif, mais nous ne nous lassons pas de ce cinéma toujours envoutant, un style unique et nous sortons de la projection  toujours persuadés qu'il n'existe rien de plus beau qu' un film de Yasujiro Ozu.

Film vu dans le cadre du ciné club de Claude-Jean Philippe du cinéma l'arlequin

samedi 19 septembre 2015

Dheepan - Jacques Audiard

Pour pouvoir fuir le Sri Lanka, son pays en guerre civile à laquelle il a été mêlé comme soldat, un homme va constituer une famille fictive avec une jeune femme qui lui est inconnue et une orpheline de neuf ans . Ainsi ils peuvent tous trois quitter cet enfer  et rejoindre la France comme réfugiés politique. Après avoir été dans un premier temps vendeur à la sauvette dans les rues de la capitale , Dheepan obtient un poste de gardien d'immeubles dans une cité difficile de la banlieue "le prè", un lieu de non droit tenu par les trafiquants de drogue.
Dheepan cherche à s’intégrer, à créer une vraie vie de famille,  alors que sa jeune compagne rêve de rejoindre sa cousine en Angleterre.Il est spectateur mais traverse la cité la tête baissée faisant consciencieusement son travail, alors que celle qui est connue comme son épouse a trouvé un boulot de garde malade du père impotent du caïd de la cité . La violence des lieux finit par le rattraper, et vient réveiller en lui le combattant...
Un film plutôt sensible dans sa première heure, qui bascule dans le n'importe quoi dans sa dernière demi-heure pour nous offrir une conclusion grotesque.  De la chronique de réfugiés qui découvrent un nouveau pays, nous basculons dans la série Z, un mauvais film d'action qui lorgne du coté de Scorcese, tout devient grotesque, voire malsain d'un point de vue politique. D'autant plus dommage que ce film aurait pu être un objet passionnant dans cette période de migrations incontrôlées du fait d'une géopolitique absolument incontrôlable
Grotesque dans son final où Audiard nous montre que le bonheur n'est pas dans le pré mais en Angleterre... Nous sommes sortis quelque peu groggys de cette projection, dont les derniers plans tuent le souvenir des premiers...

Une palme d'or bien décevante !

dimanche 13 septembre 2015

Life - Anton Corbijn

Film consacré à une courte période de la vie de James Dean, celle qui précède la projection de son premier film A l'Est d'Eden d'Elia Kazan qui allait le révéler aux yeux du monde et en faire une star planétaire... Un jeune photographe Dennis Stock le croise lors d'une soirée donnée chez Nicholas Ray, attiré par le charisme du jeune acteur, présent dans un relatif anonymat alors qu'il est pressenti pour tenir le premier rôle du prochain film du réalisateur de Johnny Guitar. Il souhaite faire avec l'acteur une série de photos ... Il voit là une chance de pouvoir sortir de  l'anonymat des tapis rouges des soirées hollywoodienne où  il est cantonné . Avoir remarqué James Dean est pour lui une chance inespérée... L'acteur se révèle ingérable, pas vraiment tenté par cette expérience mais le photographe devient un compagnon inespéré pour la star en devenir. Dean se morfond dans une grande  solitude, refusant les plans de communication du studio, déclenchant la colère du détestable Jack Warner... Dennis Stock et James Dean finissent par se retrouver à Times Square, malgré la pluie ce dernier finit par accepter la séance de photos et propose même de s'échapper du tumulte qui s'annonce, retournant quelques jours chez son oncle et sa tante dans la campagne de l'Indiana où le photographe peut réaliser une série de clichés sur les lieux où l'acteur a grandi... Quelques mois plus tard James Dean meurt dans un accident de voiture.
Un film plutôt réussi même si l'acteur Daan DeHan qui incarne James Dean peut apparaitre agaçant,  James Dean, l'acteur de l'histoire du cinéma le plus fantasmé était peut-être un type emmerdant , poursuivi par la mort, jamais vraiment remis de la perte de sa mère. Un type plutôt timide et pas très sociable, aux joies simples.Un des moments les plus heureux du film est celui où il vient participer à la soirée de fin d'année de son ancien lycée de l'Indiana. Les jeunes filles savent qu'il vient de tourner un film mais elles ignorent encore que ce type là tiendra quelques jours plus tard la une de la presse.  Son seul plaisir est de jouer, comme il le faisait gamin avec sa mère. Fuyant les conventions hollywoodiennes, instable, il semble tout aussi inadapté à ce milieu que Marylin Monroe... Ils en deviendront malgré eux les icônes
 Dennis Stock lui même habité par ses propres doutes n'est pas loin d'abandonner son projet, avant d'obtenir le consentement de l'acteur , dans l'Indiana , le photographe saisit l'acteur dans son intimité quotidienne par une suite de portraits particulièrement émouvante.Un travail qui fit le gloire du photographe,lui permettant de mener ses propres projets loin des tapis rouges de Hollywood.
C'est ce personnage que nous raconte Anton Corbjin bien loin des clichés vendus par l'industrie cinématographique , et c'est une vraie réussite !

samedi 12 septembre 2015

Amnesia - Barbet Schroeder

A la fin des années 80, Jo quitte l'Allemagne pour s'installer à Ibiza et vivre pleinement sa passion de la musique électro dont il espère devenir un membre influent. Il s'est installé dans une maison à l'écart de tout, sa seule voisine Martha, une femme installée là depuis de nombreuses années vit simplement au milieu de la nature n'ayant même pas l’électricité dans sa demeure... Ils vont se découvrir, Jo  est intrigué par cette femme de la génération de sa mère avec qui il parle en anglais.
Il finit par découvrir son passé allemand qu'elle rejette depuis la fin de la seconde guerre mondiale qui lui a enlevé l'homme qu'elle aimait parce que juif. Elle refuse tout de ce pays, s'interdisant d'en  parler la langue ou tout simplement de monter dans une voiture de fabrication germanique...
La mère et le grand père de Jo viennent rendre visite au jeune homme espérant le convaincre de retourner en Allemagne, mais au court du repas le grand père confesse son passé durant la guerre qu'il avait jusque là enjolivé... Une confession qui révèle à son petit fils que lui même est porteur de cette histoire tragique, il choisit de s'installer définitivement à Ibiza...
Un film qui nous oblige à repenser à ce  que fut le rapport de l'Allemagne à son propre passé qu'elle a chercher à oublier pour trouver la force de se reconstruire notamment dans sa partie occidentale.Ne pas regarder avec courage les crimes du passé pour ne pas sombrer dans une dépression collective, un thème développé notamment dans le film le labyrinthe du silence... un silence inacceptable et insupportable pour Martha...
Nous avons eu un rapport complexe avec ce film, nous avons aimé les paysages des Baléares, la musique electro et la présence magnifique de Marthe Keller, sa relation avec Jo qui va lui permettre de se réconcilier avec ses origines est bouleversante ... Mais à coté de ces beaux passages, nous avons détesté des moments  qui sonnent terriblement faux, notamment toute la partie avec le grand père, l'interprétation outrée de Bruno Ganz  nous mettant particulièrement mal à l'aise ...

dimanche 6 septembre 2015

Scum - Alan Clarke

Carlin et deux autres gamins débarquent dans un Borstal, un centre de détention pour mineurs... Ils sont impressionnés , ils ont raison, ce centre est l'enfer pour les gamins, c'est la loi du plus fort qui l'emporte, les gardiens sont de véritables tortionnaires... Carlin arrive avec une sacrée réputation, il vient d'un autre centre dont il a été renvoyé après avoir passé à tabac un gardien... Ses nouveaux geôliers lui réserve une réception sans pitié, il n'a pas le choix, pour survivre, il doit s'imposer, prendre la place du caïd qui bénéficie d'une certaine bienveillance de la part de l'administration pénitentiaire...
Borstal est au départ le nom d'un village où fut créé le premier centre pénitentiaire pour mineurs; de là, vient l'origine du nom donné à ces centres. Alan Clarke nous l'avions découvert à travers Elephant, le chef d’œuvre de Gus Vant Sant inspiré par un film éponyme du cinéaste anglais... Nous avions alors été époustouflés par la radicalité de son film  ... Nous  retrouvons ici la même force, Alan Clarke filme parfaitement l'absence totale d'humanité dans ce centre où aucun avenir n'est proposé à ses pensionnaires... Le lieu répond parfaitement à cette croyance populaire selon lequel le meilleur remède à des gamins délinquants est le bagne. C'est évidemment un échec total. Les plus faibles ont pour seule issue le suicide.Un cas à part, "l'intellectuel du groupe" a trouvé refuge dans la contestation, devenant végétarien et réclamant sans cesse à pouvoir lire des romans de Dostoïevski considérés comme trop pernicieux par l'administration pénitentiaire, il est un vrai problème pour les gardiens à qui il renvoie une image peu flatteuse de leur métier, révélant l'absurdité de ce lieu... La seule chose partagée entre les gamins blancs et leurs gardiens est un racisme pathétique à l'encontre des prisonniers noirs...
Carlin s'est retrouvé emprisonné pour un vol de trente shillings qu'il n'a pas commis mais il s'est refusé à livrer le vrai coupable,son frère... nous comprenons sa violence,son sentiment de révolte qui nous rappelle  Jean Genet et  la lecture récente de l'enfant criminel...
Ce film est déjà  un objet cinématographique remarquable, il vient aussi nous rappeler que la méthode forte comme  système d'éducation est d'une inanité rare, il ne peut y avoir d'éducation sans humanité... Nous préférerons la patience  et la main tendue du juge pour enfant incarné par Catherine Deneuve dans la tête haute d’Emmanuelle Bercot à la bestialité de ces hommes qui n'ont rien à offrir à ces gamins perdus...

Les fraises sauvages - Ingmar Bergman

Le professeur Isaac Borg doit recevoir une récompense pour honorer sa carrière exemplaire de médecin. Il doit se rendre à cette cérémonie par avion mais la veille , il fait un cauchemar où il se retrouve seul au moment de sa propre mort... Au réveil, il décide de traverser le pays au volant de sa voiture,  pour retrouver les paysages de son passé et les souvenirs de sa jeunesse quand il se retrouvait avec ses cousines dans un coin de la maison familiale au milieu des fraises sauvages. Il accepte d'être accompagné de sa belle fille qui lui parle en toute sincérité sans épargner le vieil homme.. Il mesure alors combien son égoïsme a gâché sa vie et ses relations avec les autres notamment son fils unique !

Il suffit de prendre son ouvrage "Images" pour comprendre combien ce film a une place centrale dans la filmographie d'Ingmar Bergman, il est le premier évoqué par le cinéaste, il en révèle le caractère personnel du  scénario: "C'est moi que je représentais dans le personnage de mon père et je cherchais une explication aux douloureux conflits avec ma mère. Il me semblait comprendre que j'étais un enfant non désiré, ayant grandi dans un giron froid et que j'étais né en un temps de crise - physique et psychique. " (...)

"A travers toute cette histoire ne passe donc qu'un thème avec une d'infinies variations: les insuffisances, la pauvreté, le vide, l'absence de grâce. Je ne mesure pas encore et j'ignorais alors à quel point, à travers Les fraises sauvages, j'en appelais à mes parents:voyez ce que je suis, comprenez-moi et - si c'est possible - pardonnez moi."

Le film est un genre propre au cinéma ,le road movie, pas véritablement un voyage initiatique tant le vieil homme n'a plus rien à apprendre de la vie  mais  son retour sur les lieux de son passé, lui donne à  comprendre sa vraie nature et prendre conscience de son insupportable égoïsme. Même gamin au milieu de sa nombreuse famille, il semblait toujours être seul, à l'écart de la communauté.Il peut désormais faire la paix avec son fils et sa belle fille. Dans un final éblouissant et sublimement fordien, le vieil homme récompensé peut s'endormir en sérénité loin de ses cauchemars.
Un vieil homme est  incarné par un des premiers maitres du cinéma suédois, et notamment de la charrette fantôme qu' Ingmar Bergman revoyait chaque été . Avec affection et admiration, il nous raconte alors comment le grand homme s'est approprié son personnage, lui donnant toute son épaisseur:

"Toutes ces choses extérieures sont faciles à retrouver. mais ce que je viens seulement de comprendre, c'est que Victor Sjöström s'était emparé de mon texte, qu'il se l'était approprié, qu'il avait misé sur lui ses expériences: sa souffrance, sa misanthropie, ses refus, sa brutalité, son chagrin, sa peur, sa solitude, son froid et sa chaleur, sa dureté et son ennui. Empruntant la forme de mon père, il occupa mon âme, il s'appropria tout - et il ne me resta rien. Il fit ça avec la souveraineté et la passion d'un grand personnage. Je n'ai rien eu à ajouter, pas même un commentaire, raisonnable, ou irrationnel. Les fraises sauvages n'était plus mon film, c'était celui de Victor Sjöström."

Ce témoignage résonne comme un aveu d’admiration pour son acteur comme nous en avons rarement lu . Nous n'avions pas vu les fraises sauvages depuis fort longtemps et surtout nous ne l'avions pas vu dans une salle de cinéma nous avons pu en mesurer toute la beauté, tous les plans, comme dans tous les films de Bergman sont remarquables, d'une densité pleine, il n'y a jamais de banalité même dans les scènes les plus quotidiennes. C'est peut être là le film le plus bouleversant du cinéaste du 7eme sceau.

Vu dans le cadre du ciné Club de Claude Jean Philippe.


Citations extraites, de "Images" de Ingmar Bergman,(édition Gallimard), un livre indispensable pour revisiter ou découvrir la filmographie du cinéaste suédois.

samedi 5 septembre 2015

Hugh Coltman - Cecile Mc Lorin Salvant (Jazz à la Vilette)

Hugh Coltman faisait l'ouverture de cette fin d’après-midi dédié au Jazz  à la Villette... Une programmation cohérente, car même s'ils viennent d'horizons différents Hugh Coltman et Cecile McLorin Salvant ont le même gout pour les chansons qui ont bercé leur enfance sans pour autant sombrer dans une nostalgie aux odeurs de naphtaline.
Hugh Coltman est anglais, il est un représentant de cette tradition anglo-saxonne du  crooner capable de se promener avec aisance dans les différents genres de la musique: Blues, pop, jazz... Une aisance vocale qui permet tout,une élégance raffinée qui en fait un digne descendant de Bryan Ferry, le maitre anglais . Hugh Coltman a offert une prestation réussie en partie composée de reprises de standards de Nat King Cole en hommage à sa maman qui lui fit découvrir le chanteur qui berça ses jeunes années... Une prestation réussie avec notamment la participation le temps d'une chanson du génial pianiste, Eric Legnini ....

Majestueuse, chaussée de salomés argentés, Cecile McLorin Salvant est venue à sa suite, les deux premiers mots chantés furent LOVE et HAPPY, le ton était donné ... Cecile McLorin Salvant est une chanteuse de jazz exceptionnelle à la voix captivante, elle compose mais elle reprend aussi les plus grands standards qu'elle se réapproprie sans jamais les défigurer. Une chanson de Cendrillon, une autre de West Side Story, elle n'a rien oublié de ses jeunes années, mais parce qu'elle est aussi française, elle ne s’empêche pas de piocher dans le répertoire de la chanson française donnant une version saisissante et bouleversante du mal de vivre de Barbara ou d'aller voir du coté de Joséphine Baker.
Pour qualifier l'élégance de la chanteuse et de ses musiciens nous sommes tentés de reprendre le néologisme de l’héroïne de Philadelphia Story incarnée par Katharine Hepburn pour qualifier le bateau dessiné par son amoureux, "Yar" dont la traduction en "racée" apparait totalement insuffisante. Cecile McLorant Selvant est "too yar", et sa dernière reprise de "Don't explain"  le classique de Billie Hollyday nous en a convaincu définitivement.
Nous n'avons jamais vu sur scène Ella Fitzgerald, Billie Holliday, Bessie Smith, Nina Simone,Sarah Vaughan mais nous avons déjà vu deux fois Cecile McLorin Salvant .

vendredi 4 septembre 2015

Une histoire d'amour et de ténébres - Amos Oz

Les histoires de famille d'origine Ashkenaze sont toutes épiques et tragiques, celle de l'écrivain Israélien Amos Oz n'échappe à la règle.
Son père et sa mère ont la chance de rejoindre la Palestine avant les années 40, tous les membres de sa famille n'ont pas eu cette opportunité ou n'ont pas mesuré le danger qui les guettait avec la montée du nazisme.
Ses parents ont échappé à la Shoah, mais ils ont subi l'antisémitisme et la menace du pogrom n'ayant d'autre choix que l'exil . La mère de l'écrivain qui a grandi en Pologne a été obligée de s'expatrier jeune fille à Prague pour pouvoir poursuivre ses études universitaires qui lui étaient interdites dans son pays d'origine. Ils ont rejoint la terre promise mais ils ont toujours gardé une nostalgie de l'Europe et de ses grands écrivains. 
Enfant unique, Amos Oz ou pour être plus exact Amos Klausner a grandi dans un appartement modeste de Jérusalem au milieu des livres. Son père est un érudit polyglotte qui a un poste de bibliothécaire, son rêve est d'enseigner à l'université, mais son Oncle Joseph Klausner universitaire reconnu empêche sa carrière ne voulant pas qu'il soit dit qu'il a favorisé un membre de sa famille.

"Il y avait des livres partout: papa lisait seize ou dix-sept langues et en parlait onze (avec l'accent russe). Maman en parlait quatre ou cinq et en lisait sept ou huit."

L'enfant est élevé dans le culte du livre,  l'octroi d'une partie de la bibliothèque est un événement dans la vie du jeune garçon:

" Le plus beau jour de ma vie - je devais avoir six ans- fut celui où papa me fit un peu de place sur l'une de ses étagères pour y ranger mes livres. Disons qu'il me céda quelques trente centimètres représentant le quart du rayonnage du bas. Je réunis tous mes livres qui , jusque là, s'empilaient sur un tabouret prés de mon lit, et les transportai à la bibliothèque paternelle où je les disposai à la verticale, comme il se doit: le dos vers l'extérieur et la tranche contre le mur.
C'était un rite de passage, une cérémonie initiatique: celui dont les livres tiennent debout n'est plus un enfant, c'est déjà un homme. J'étais comme mon père. mes livres tenaient droit."

Souvent seul dans un monde d'adultes, pour échapper l'ennui il s'invente des histoires dont il est le héros le sauveur de son peuple...
Cette vie se déroule alors que l'Histoire s’accélère en Palestine après la seconde  guerre mondiale et la volonté des résidents juifs de créer leur propre état, Israël. Volonté reconnue après de longs débats par l'ONU à la suite d'un vote à l'issue incertaine qui a tenu en haleine les populations locales. Une reconnaissance internationale qui provoque une réaction immédiate des voisins arabes.  C'est la guerre de 1948 où la famille d'Amos Oz se retrouve prise au piège à Jérusalem au milieu des combats coupée du reste du monde. La mère du jeune homme tombe malade, elle glisse lentement dans une dépression nerveuse, elle ne trouve aucune issue à son mal autre que le suicide. Un décès qui est la cause d'une rupture entre la famille de sa mère et son père tenu responsable de la mort de son épouse.
Si la famille du père d'Amos Oz est proche de Menahem Begin, la frange la plus droitière de la vie politique israélienne, considérant Ben Gourion comme un dangereux communiste, le jeune homme fait le choix de quitter le cocon familial  pour rejoindre un kibboutz, un moyen de fuir son environnement familial devenu difficile. Son père accepte son choix.
Au kibboutz, le jeune homme participe avec enthousiasme à la vie collective, ses premières nouvelles paraissent... sa destinée est tracée, l'écriture sera la grande affaire de sa vie, une tradition familiale.

C'est un magnifique récit, un livre qui nous avions lu et que nous voulions relire.Replonger dans cette histoire de famille épique où le récit intime se mêle au récit historique est un pur bonheur. Une histoire folle , on passe du rire aux larmes, les personnages sont nombreux, cela tient du grand roman russe.  Il y avait les mots de Jean-Paul Sartre, il y a une "Histoire d'amour et de ténèbres".

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...