Pascale Ferran est une cinéaste rare, trop rare à notre gout... Mais si elle a peu tourné, la justesse de son regard posé sur le monde en fait une cinéaste majeure de notre temps. Son dernier film ne fait que confirmer ce talent, cette capacité à capter l'air du temps, à parler avec poésie de la tristesse de l'époque , de son absurdité quand le taux de croissance est devenu l'indice de bonheur collectif.... Une fuite en avant, une course folle qui nous amène par exemple à claquer des milliards pour construire des stades de foot le temps d'une compétition qui seront par la suite sans utilité...
Désir de fuir, de se mettre à l'écart de ce fatal engrenage , ce qu'Alain Juppé appelait dans le temps la tentation de Venise, c'est de cela dont nous parle Pacale Ferran à travers deux personnages aux univers différents, ils n'ont en commun qu'un territoire, celui de l'hôtel Hilton aux abords de l'aéroport de Roissy.
Gary Newman, un américain à qui tout semble avoir réussi, est de passage à Paris pour une réunion avec des partenaires français pour finaliser un projet de construction à Dubai. le client est riche et puissant, il faut le satisfaire...
De retour à son Hôtel, il est témoin d'un accident de la circulation, la tôle froissée, les traces de sang réveillent cet homme englué dans son quotidien, dans son désir d'argent, qui lui a donné une vie confortable dans la baie de San Francisco. En une nuit il prend la décision de tout quitter, femme et enfants, job, il vend les parts de sa société. Il annonce via Skype sa décision brutale à son épouse.... Son désir, vivre seul regarder le monde et ses beautés, se libérer des contraintes du capitalisme. Sa fortune lui permet de quitter le monde du travail.
Audrey Camuzet (superbe Anais Demoustier) travaille comme femme de chambre au Hilton, elle mène ce travail à coté de ses études... Mais elle tend à délaisser son projet universitaire basculant ainsi définitivement dans le monde du travail dans un poste qui lui laisse peu de perspectives de lendemains enchanteurs, de progression sociale... Elle passe de chambre en chambre, ramasse les détritus des riches clients dans un temps limité. Elle croise le regard d'un moineau alors qu'elle fait une pause sur une terrasse de l’hôtel elle rêve de liberté son imaginaire s'envole avec le petit oiseau le monde devient léger...
Tourné dans un monde clôt, celui de Roissy où personne ne vit réellement, les gens sont ici en transit, dans des hôtels standardisés... les travailleurs viennent d'ailleurs, ils rejoignent leur boulot après un long trajet, d'autres comme ce personnage de l'accueil, Simon incarné par Roschdy Zem n'ont même plus de logement, obligé de squatter chez des amis ou de passer la nuit dans sa voiture.
Gary incarne l'ingénieur brillant, devenu riche très rapidement... Son savoir est grand, il partage sa vie entre les avions et les chambres d'hôtel pour des projets dont on peut douter parfois de l'utilité, il est serviteur de la mondialisation.
Toute la difficulté du film sont les scènes du moineau, petit animal adressable, ce fut une contrainte pour la cinéaste qui a justifié la longueur du tournage. Mais dans ce monde de béton il incarne une forme de liberté, d'insouciance, rien ne semble le contraindre... il devient une utopie. Sublime !