lundi 31 janvier 2011

Somewhere - Sofia Coppola

Un long plan fixe pour commencer, un circuit au milieu du désert et une voiture noire qui tourne inlassablement. C'est une Ferrari, au volant Johnny Marco, acteur Hollywoodien, un beau gosse vivant au Chateau Marmont hôtel de luxe situé sur Sunset Boulevard. Cette première scène symbolise toute sa vie, il tourne en rond dans un désert affectif. Pas beaucoup de mots durant la première demi heure, des médicaments pour supporter le quotidien, des soirées de beuveries, des filles faciles... une vie plutôt glauque qui justifie à elle seule la dépression de Johnny.
La paranoïa n'est pas loin, Johnny se sent suivi mais il est vrai qu'il reçoit régulièrement des SMS inquiétants d'un anonyme.
Parfois il lui faut travailler, une dame téléphone et s'occupe de tout il n'a qu'à se laisser faire...
Puis sa fille vient lui rendre visite et ,va le suivre dans ses errances, elle n'a pas trop le choix cela n'a pas l'air d'aller mieux du coté de sa mère...

Dés le premier plan nous avons été saisis par le charme fou de ce film, captivés par ce personnage erratique. Pas besoin de dialogues pour tout comprendre tout est dit dans les plans de la cinéaste. La deuxième partie est particulièrement belle où on voit cet homme redécouvrir les réalités de la vie au contact de sa fille absolument admirable et émouvante... Stephen Dorff qui semble avoir connu les mêmes errances que le personnages est excellent, Elle Fanning est une vraie découverte...Quand à la bande son n'en parlons pas, c'est une perfection!

C'est un très beau portrait que nous propose Sofia Coppola , on sent tout de suite sa connaissance de ce milieu qu'elle a fréquenté depuis son plus jeune âge, combien elle est familière de ces lieux, de ces personnages. Après lost in translation, elle semble bien partie pour nous proposer les caractères de son temps...

Anna Calvi


Anna Calvi est une jeune londonienne de 22 ans qui fait l'évènement en ce début d'année avec son premier album. Hugo Cassavetti critique rock à Télérama cite à son sujet PJ Harvey, Patti Smith ou Chrissie Hynde... Ça ne rigole pas, c'est du sérieux!

Bernard Lenoir ne s'est pas trompé et lui a déjà ouvert la scène du studio 105 pour une black session le 17 janvier dernier. Brian Eno et Nick Cave en sont déjà dingues. Une première écoute confirme cet accueil élogieux, c'est donc le premier album 2011 à être choisi comme album de la semaine...

L'article de Hugo Cassavetti, cliquez ici

dimanche 30 janvier 2011

La vie très privée de Mr Sim - Jonathan Coe

" Pour tout dire j'admets que je m'habille bien et, comme elle faisait cette hypothèse, en s'attardant sur ma chemise Lacoste et mon Jean Hugo Boss".

Voila notre premier problème avec "l'élégant" Mr Sim le héros du dernier roman de Jonathan coe, nous détestons Hugo Boss. Juste parce que nous savons que Hugo Boss fut un nazi de la première heure et qu'il fut celui qui dessina les costumes des SS et des jeunesses Hitlériennes!

Mr Sims a quarante huit ans, sa femme avec qui il n'a jamais vraiment connu de périodes heureuses vient de le quitter avec sa fille. C'est la dépression sévère, mais après un long congé il repart sur les routes pour une société de brosses à dent, il finit par en pincer pour la voix féminine de son GPS... Les gens de son entourage ont tous la manie d'écrire, il découvre ainsi à travers ces traces des éclaircissements sur sa vie passée, qui vont peut être lui permettre de pouvoir enfin vivre en paix....

Mr Sims a tout du personnage Houellebecquien, le seul souci ici c'est que Jonathan Coe ne nous semble pas très en verve . Nous lui trouvons que peu d'intérêt à ce Mr Sims et nous fatiguons vite de ses états d'âme. Mais c'est quand même Jonathan Coe, le type qui a écrit "le testament à l'anglaise", alors parfois tout de même nous avons le plaisir de tomber sur quelques morceaux de bravoure, car l'homme n'est pas dénué de talents et son ton ironique fait encore mouche.... Mais c'est finalement bien peu!

Mais il y a de l'espoir avec David Cameron et le retour des conservateurs au pouvoir, Jonathan Coe va avoir l'occasion d'user à nouveau de toute sa verve dans un proche avenir!

samedi 29 janvier 2011

Ram - Paul Mc Cartney (1971)

Chaque semaine nous choisissons un album. Depuis sept jours , nous écoutons Ram, un album trop souvent méconnu de Paul Mc Cartney que nous avions découvert après que les Inrocks en aient fait leur une en 2001 pour célébrer les 30 ans de sa sortie.

Comme il est possible de retrouver le papier des Inrockuptibles, nous allons être particulièrement fainéants, nous vous en dirons pas grand chose si ce n'est qu'il est digne des plus grands Beatles. Absolument indémodable!

Pour lire l'article des Inrocks et une longue interview de Paul Mc Cartney, cliquez ici

vendredi 28 janvier 2011

Le Misanthrope (2) - Nicolas Lieutard - Anne Cantineau

L'amour, pour l'ordinaire, est peu fait à ces lois,
Et l'on voit les amants vanter toujours leur choix,
Jamais leur passion n'y voit rien de blâmable,
Et dans l'objet aimé tout leur devient aimable:
Ils comptent les défauts pour des perfections,
Et savent y donner de favorables noms.
La pâle est au jasmin en blancheur comparable
La noire à faire peur, une brune adorable;
La maigre a de la taille et de la liberté;
La grasse est dans son port pleine de majesté;
La malpropre sur soi, de peu d'attraits chargée,
Est mise sous le nom de beauté négligée;
La géante parait une déesse aux yeux;
La naine, un abrégé des merveilles des cieux;
L'orgueilleuse a le cœur digne d'une couronne;
La fourbe a de l'esprit; la saute est toute bonne;
La trop grande parleuse est d'agréable humeur;
Et la muette garde une honnête pudeur.
C'est ainsi qu'un amant dont l'ardeur est extrême
Aime jusqu'au défaut les personnes qu'il aime.

Le Misanthrope (Acte 2, Scène 5)

Nous n'avons pas résisté à l'envie d'aller voir une deuxième fois le Misanthrope de Nicolas Liautard, pour voir comment la pièce traversait le temps, comment les acteurs se sont appropriés ce texte. Plus de fluidité, des petites retouches par ci par là améliorent encore l'impression laissée lors de la première soirée. Mais le Misanthrope ne se limite pas au duo Alceste Célimène, les "personnages secondaires" ont une vraie épaisseur et ne sont pas là pour jouer les faire valoir. Pour cette raison, nous avons tenu à mettre en tête cette tirade d'Eliante.

Eliante est jouée par Anne Cantineau, nous l'avions découverte en 1995, elle jouait Agnés dans un film de Pascale Ferran "l'age des possibles" qui n'avait rien à voir avec l'école des femmes de Molière. Nous gardons un excellent souvenir de ce film, elle y jouait une étudiante qui s'interrogeait sur l'importance de l'abondance des règles pour une femme, rencontrait des hommes par le biais du Minitel, cassait l'ambiance Rock n'roll des soirées étudiantes pour offrir une version émouvante de "rêves secrets d'un prince et d'une princesse" de Peau d'Ane... Nous l'avons recroisé en 2006 en costume dans un des plus beaux films de Jacques Rivette, "Ne touchez pas la hache" au coté de Jeanne Balibar et de Guillaume Depardieu, une adaptation réussie de la duchesse Langeais d'Honoré de Balzac.

Nous sommes heureux de l'avoir vu sur scène, elle ne nous a point déçu, Eliante était parfaite!

Ce soir a lieu la dernière représentation au théâtre Jean Arp de Clamart, mais le spectacle tourne sur la région parisienne, il va notamment faire une longue halte au Théâtre Antoine Vitez d'Ivry au mois de Mai. Pour retrouver toutes les dates, cliquez ici

jeudi 27 janvier 2011

L'Egypte.... Albert Cossery (1913-2008)

La une du Monde daté du vendredi 28 janvier 2010 est "La colère des Egyptiens suscite l'embarras des diplomaties occidentales." Embarrassés, nous ne le sommes pas du tout et nous espérons vivement que les égyptiens renverseront leur dictateur vieillissant et corrompu de son trône pour installer un régime démocratique digne de ce nom.

Albert Cossery est un écrivain égyptien de langue française qui a vécu à Paris mais plus précisément à l'hôtel la Louisiane en plein cœur de Saint Germain des Prés. la plupart de ses romans se déroulent en Egypte, il y fait l'apologie de la paresse et aime à s'y moquer des monarques. A coup sûr il se serait réjoui des mésaventures de Moubarak!

Si mendiants et orgueilleux est son roman le plus célèbre, il nous semble de bon ton de se promener dans notre cher pays du "travailler plus pour gagner plus" avec les fainéants dans la vallée fertile. Un vrai plaisir!

mardi 18 janvier 2011

Le Misanthrope - Nicolas Liautard - Théâtre Jean ARP


Le Misanthrope c'est Alceste. S'il n'aime plus son prochain c'est qu'il ne supporte plus l'hypocrisie ambiante de son époque où la flatterie est permanente. Il a décidé de n'user que du langage de vérité et il se refuse à toute flatterie, il en assume les conséquences. Mais il a une faiblesse c'est l'amour qu'il porte à Célimène, jeune veuve qui a décidé de profiter de sa liberté nouvellement acquise. Alors quand Alceste lui propose de quitter le monde pour allez vivre à l'écart de tous., hors de question qu'elle le suive.. C'est évidemment beaucoup plus compliqué et subtile que ce simple résumé...

Nicolas Liautard le metteur en scène de ce spectacle donne sa vision du personnage : "Alceste n'est pas un héros romantique. Molière ne hurle pas avec lui: société dégueulasse, tu ne me vaux pas! On peut raisonnablement penser que la radicalité soudaine d'Alceste (comment serait-il l'ami de Philinte s'il avait toujours été ainsi?) est en partie la conséquence de son dépit amoureux. On imagine facilement un Alceste, homme raisonnablement sincère et franc, qui radicalise sa position pour épancher une colère dont l'objet véritable est la légèreté de Célimène. On sait que Molière (44 ans) jouait lui-même Alceste et que c'est Armande Béjart (24 ans) qui jouait Célimène. On sait également le penchant d'Armande pour les marquis de son âge.

Nous étions impatients de voir ce que Nicolas Liautard allait faire de ce texte. De lui nous avons vu précédemment une adaptation du Blanche Neige des frères Grimm sans aucun texte, un spectacle visuel qui nous avait enchanté. Ici,il ne pouvait plus se passer des mots.

Pas de décor, juste un sol en métal et des lustres au plafond, pas de meubles, pas d'objet, choix radical certes mais qui laisse toute sa place au texte. Et quel texte, peut être la pièce la plus aboutie de Molière... on se régale à entendre les mots, Alceste et Philinte donnent le ton dés la première scène, le rire ne sera pas absent, la vision du texte est parfois truculente, lorsque Acaste et Philinte arrivent sur scène nous avons l'impression de retrouver le regard incisif de Claude Chabrol sur la bonne société, le rire est joyeux le puissant ridicule!
Alceste est présenté ici comme un personnage complexe, ce n'est pas un héros romantique, il est tour à tour sympathique séduisant, mais aussi ridicule, pénible il reste un mystère et c'est très bien ainsi. Si l'arrivée de Célimène nous surprend dans un look d'une pin-up tout droit échappée d'un Tex Avery nous sommes très vite rassurés, elle veut profiter de la vie mais elle finit par être victime de sa liberté qui ne peut être acceptée par la société.
Nous pouvons que nous féliciter de la prestation des acteurs, tout repose sur eux, la partition se doit d'être parfaite pour rendre vivant ce texte et lui donner toute sa saveur...cette version ne cherche pas à vous imposer une vision définitive du personnage, et parce que la flatterie n'a pas disparu de notre vie de cour, le misanthrope ne perd rien de sa saveur.


Le pari est réussi, le spectacle enchante, c'est un bonheur de voir vivre ainsi les mots de Molière!

Un très beau spectacle de 2H30 encore joué sur une dizaine de dates, certains soirs des navettes gratuites sont organisées depuis la place du Chatelet, si vous vous déplacez en bande vous avez droit à des tarifs préférentiels. Pour en savoir plus,cliquez ici

Deux de la vague - Emmanuel Laurent

Deux de la vague c'est une histoire d'amitié entre deux hommes qui ont bouleversé la face du cinéma français: François Truffaut et Jean-Luc Godard. Cette histoire se termine en 1973 par un échange vigoureux. En réponse d'un courrier où Godard lui signifie son horreur de "la nuit américaine" tout en lui demandant de participer à la production de son prochain film, Francois Truffaut lui écrit ces mots: "selon moi tu te conduis comme une merde."
Au sujet de cette lettre nous avons vu il y a peu de temps une interview de Claude Chabrol pour qui tout ne semblait pas définitif car le tutoiement n'avait pas été abandonné, plus grave eut été la situation si Francois Truffaut avait écrit: "selon moi vous vous conduisez comme une merde". N'empêche les deux hommes ne sont plus recroisés.
Le documentaire reprend cette histoire à ses débuts quand les deux jeunes hommes vont aiguiser leurs plumes, et bouleverser la hiérarchie du cinéma. Faisant de Howard Hawks, Alfred Hitchcock, Roberto Rosselini, Jean Renoir, Ingmar Bergman, Orson Welles... les nouveaux maîtres du 7eme Art. Ils n'ont peur de rien et surtout pas de la polémique, Truffaut règle son compte aux notables du cinéma Français dans un article particulièrement violent "une certaine tendance du cinéma Français".
Alors quand les deux hommes se retrouvent derrière la caméra, il ssont attendus au tournant. Mais c'est le succès et le cinéma n'est plus comme avant. De nombreux jeunes cinéastes s'engouffrent dans la brèche, c'est la nouvelle vague!
Ils ne cessent de tourner pendant dix ans, et les clins d'œil sont fréquents entre les deux amis, c'est d'ailleurs un des aspects les plus sympathiques du film.
Mais le succès ne va pas éteindre les polémiques, et les deux cinéastes se retrouvent toujours cote à cote pour défendre leurs valeurs, notamment à trois occasions: lorsque le film de Jacques Rivette adapté de la religieuse de Diderot est censuré, lors du renvoi de Henri Langlois de la cinémathèque de Paris en Février 68, et au festival de Cannes en mai 68.
Après Mai 68, Jean-Luc Godard se lance dans la vie de militant d'extrême gauche et tourne le dos à son cinéma passé. Il déclare le cinéma de Truffaut cinéma bourgeois, mais comme le temps des duels est passé le règlement de compte est épistolaire.
Dans cette histoire de rupture la victime c'est l'enfant de la Nouvelle Vague, Jean-Pierre Léaud qui se retrouve écartelé entre ses deux cinéastes fétiches.

Pas de scoop, dans ce film écrit par Antoine De Baecque, grand spécialiste des deux cinéastes pour avoir rédigé leurs biographies, mais un plaisir certain de se replonger dans cette histoire passionnante du cinéma de l'après guerre où des jeunes hommes grâce à la pointe affinée de leurs plumes vont bouleverser l'ordre établi, ne reculant devant aucune polémique!

Francois Truffaut est mort le 21 octobre 1984 à 54 ans.

Jean-Luc Godard lui rend hommage dans histoire(s) du cinéma, mais c'est le critique qu'il retient, le plaçant dans la lignée des Diderot, Baudelaire, Malraux...

lundi 17 janvier 2011

Ce qu'aimer veut dire - Mathieu Lindon

Ce livre est consacré aux deux hommes qui ont habité la vie de Mathieu Lindon...
Le premier c'est Jérome Lindon son père, patron des éditions de minuit, tous les esprits brillants fréquentent sa table, Mathieu grandit au contact de Alain Robbe-Grillet, Gilles Deleuze, Claude Simon, Marguerite Duras... et surtout Samuel Beckett l'ami si proche de son père. Pas facile, pour Mathieu de s'émanciper d'un tel père, fragile, lecteur compulsif il a du mal à trouver sa place, sa rencontre avec Michel Foucaud va être essentielle et lui permettre de devenir un homme et de s'affirmer comme écrivain. Six années qui ne seront pas de tout repos, l'appartement du philosophe de la rue Vaugirard est un lieu festif où LSD, héroïne ou opium sont expérimentés par tous... Il y croise Hervé Guibert qui devient un ami proche, il nous donne l'envie de reprendre à bras le corps sa bibliographie, nous avons l'impression que des clés nous sont données ici pour revisiter l'œuvre de l'auteur de "A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie". Mais cette génération est frappée de plein fouet par cette nouvelle maladie le Sida, Michel Foucault est la première victime, le choc est brutal... d'autres trop nombreux suivront dont Hervé Guibert. C'est aussi l'histoire d'une jeunesse insouciante qui se voit brutalement confrontée à la mort .

C'est un parcours initiatique , mais ici ce n'est pas le voyage qui fait grandir le héros c'est la rencontre avec deux figures majeures de la vie parisienne. Ce livre n'est pas sans rappeler le magnifique "Just Kids" de Patti Smith qui racontait sa rencontre avec Robert Mapplethorpe et ses années d'apprentissage à New-York.
Mathieu Lindon nous a passionné, c'est le genre de livre qui vous fait détester toute personne qui interrompt votre lecture. C'est un des plus beaux ouvrages qui soit sur l'amitié, le petit truc bizarre c'est l'impression d'avoir lu dès le mois de janvier le grand livre de l'année 2011. Cela commence très fort avec notamment une lettre magnifique écrite par Jérome Lindon à son fils, et ça ne vous lâche plus jusqu'au dernier paragraphe qui se termine sur une blague carambar.

Mathieu Lindon n'a pas oublié son passé de critique, il nous a donné l'envie de découvrir deux auteurs qui nous sont inconnus: l'américaine Willa Carther et l'autrichien Adalbert Stifter...

dimanche 16 janvier 2011

La edad de Oro - Israel Galvan

Véritable découverte pour nous que ce spectacle de Flamenco, nous avions l'idée préconçue de ne pas aimer, d'être insensible à cet art andalou trop larmoyant trop hanté par la mort. Clichés assurément, qui sont vite tombés devant le spectacle éblouissant de ce trio... Le programme nous présentait tel quel le spectacle de ce jour, nous pouvons dire maintenant que tout est exact

Israel Galván s’est imposé comme le maître du flamenco et subjugue par son style, loin de l’image traditionnelle. Depuis les pieds jusqu’aux doigts, sa gestuelle inouïe bouleverse au point d’être inoubliable.
La Edad de Oro ou « l’Âge d’or » désigne, pour les spécialistes, l’époque bénie du flamenco, de la fin du XIXe siècle aux années 1930, avant que cet art ne se transforme et s’affranchisse des règles anciennes. Bouleversant les codes d’un art qu’il maîtrise parfaitement, Israel Galván revient à la source, au cours d’un trio alliant musique, chant et danse. Entouré de David Lagos au chant, avec sa voix chaude et rocailleuse, et d’Alfredo Lagos à la guitare, le « bailador » iconoclaste de Séville s’attache aux références en traquant les approches normatives et fait tomber les âges au profit de l’or, un or du temps présent, là juste sous nos yeux, devant nos sens. Israel Galván déconstruit, cherche ce qui resplendit pour créer, loin de tout maniérisme, une gestuelle originale à l’intérieur de la grammaire flamenca. Une guitare, une voix et une danse qui livrent sans artifices un spectacle lumineux.


Si vous avez l'occasion, précipitez vous!




Paludes - André Gide (1895)

"Paludes" est une mise en abyme, Gide y raconte l'histoire d'un écrivain rédigeant son nouveau roman: "Paludes". Les journées sont rythmées selon un emploi du temps déterminé à l'avance et inscrit dans un agenda. Paludes raconte l'histoire d'un personnage solitaire Tityre (hommage à Tityrus des bucoliques de Virgile) vivant dans les marais,vie qui contraste particulièrement avec la vie mondaine de son auteur qui fréquente assidument les salons parisiens.

Ecrit en 1895, c'est une véritable satire de la vie parisienne et de ses salons littéraires, notamment celui de Mallarmé qui se réunissait tous les mardis. Le ton est particulièrement ironique, la plume est acérée , Gide qualifiait ce livre de sotie et réfutait le terme de roman. Ce qui est étonne particulièrement c'est la modernité de l'écriture, modernité toujours présente quand nous relisons ce texte.
Jorge Semprun consacre un chapitre à sa passion de Paludes dans son livre Adieu, vive clarté...
C'est un petit livre déroutant qui peut vous tomber des mains parce qu'il vous insupporte, ou qui deviendra un livre culte qui ne vous quittera plus. Mais Paludes n'indiffère jamais. Nous nous aimons à le relire!

samedi 15 janvier 2011

Tout sur Shakespeare - Magali Leris

Spectacle prévu pour être joué en appartement, Tout sur Shakespeare propose en une heure un exposé de la vie du dramaturge anglais du XVI°. Deux acteurs Charles et Jeanne se retrouvent une heure avant le début de leur spectacle dans les loges du théâtre. Occasion pour Charles de rendre à Jeanne le livre sur Shakespeare qu'elle lui a prêté. Ils ne peuvent s'empêcher de se replonger dans l'œuvre et la vie de l'auteur qu'ils connaissent dans les moindres détails.

Un gars une fille, duo charmant qui nous permet de revisiter dans la joie et la bonne humeur l'œuvre du poète anglais. Pour la deuxième année consécutive nous retrouvons le duo Sandy Boizard Farid Bentaieb,dans une mise en scène de Magali Leris ce fut un peu moins littéraire que l'an passé où ils nous avaient particulièrement séduits dans l'adaptation de nouvelles d'Agota Kristof...plus scolaire cette année leur exposé agrémenté de nombreux extraits mérite tout de même des félicitations...

Un coeur en hiver - Claude Sautet (1992)


Un cœur en hiver c'est l'histoire d'un homme qui aime séduire mais qui a peur d'aimer. C'est l'histoire d'un homme et d'une femme qui vont rater leur histoire d'amour, mais c'est aussi la fin d'une amitié.
C'est la musique de Maurice Ravel,
C'est le monde des luthiers et nous sommes prêt à croire que c'est le plus beau métier du monde,
C'est une histoire librement inspirée d'une nouvelle de Lermontov, "un héros de notre temps",
C'est Daniel Auteuil, André Dussolier, Maurice Garrel au sommet de leur art.
C'est la beauté de Emmanuelle Béart.
C'est l'histoire d'un dernier regard
Un cœur en hiver est comme tous les films de Claude Sautet, chaque fois qu'on le revoit c'est encore mieux que la fois d'avant.

C'est tout simplement le film d'un grand auteur de cinéma, Claude Sautet.

jeudi 13 janvier 2011

Another year - Mike Leigh

Another Year , c'est l'histoire d'un couple Tom et Gerri que nous suivons sur quatre saisons... Couple parfait, ils ont les mêmes plaisirs. Leur maison est confortable, organisée autour d'une grande cuisine où ils préparent ensemble leur repas dans une ambiance épicurienne. Tom est ingénieur géologue, Gerri est psychologue, et elle semble l'être à plein temps. Tous leurs amis sont des solitaires en perdition qui passent chez eux pour venir se nourrir du bonheur de ce couple accueillant. Sauf que....à y regarder de plus prêt c'est plutôt eux qui prennent plaisir à regarder le malheur de leurs amis pour mieux se prouver leur bonheur conjugal, ils en deviennent horripilants.
Nous finissons par ne plus supporter leur rire forcé et leur optimisme béat. Leur vrai nature et leur égoïsme deviennent évident dans la dernière scène.
Le moment le plus sincère est finalement la discussion autour d'une cigarette entre Ronnie le frère de Tom qui vient de perdre sa femme, un taiseux , et Mary la copine paumée de Gerri particulièrement volubile.
Très fort ce dernier Mike Leigh, particulièrement subtil. Tout commence par une scène terrible et magnifique, où une femme à bout de fatigue, insomniaque et que l'on sent rongée par la tristesse de sa vie réclame juste des cachets pour dormir. Nous pensons à ce moment là au "mother's little helper" des Rolling Stones... on essaye en vain de lui vanter les mérites d'une psychothérapie, elle sait bien qu'il n'existe pas de solution à sa situation elle veut juste des cachets pour dormir.... Réussi le dernier Mike Leigh mais plutôt déprimant !

mardi 11 janvier 2011

Le Lutin - Vladimir Nabokov


Le lutin est le premier texte du recueil des nouvelles complètes de Nabokov édité chez Quarto Gallimard. Un texte de quatre pages d'une beauté sidérante, Nabokov a quitté son pays en 1919, fuyant les bolchéviques. Ce texte écrit en russe, publié pour la première fois en janvier 1921, parle de l'exil, de la nostalgie du pays quitté.

Même si vous ne souhaitez pas acheter le recueil, mettez vous dans un coin de la librairie comme les gamins font avec les mangas et prenez le temps découvrir ce joyau. Pas certain que vous ayez la force de reposer le bouquin, la deuxième nouvelle se nomme Natacha...

Nous nous avons acheté cet ouvrage juste pour suivre le cheminement d'un écrivain russe qui allait devenir un des plus grands écrivains américain du XX° siècle, le titre de la dernière nouvelle est Lance, elle fut publié en 1958 dans le New-Yorker.

Quatre pages, 3 minutes de lecture...ne passez pas à coté!

dimanche 9 janvier 2011

Les valises - Norbert Czarny (1989)

"Jusqu'à ce dernier voyage d'hiver, où triste homme, je venais saluer la diva despotique qui sortait de scène,c'est dans son petit appartement d'Orient que j'ai rendu visite à Mémé. Et l'accompagnant sous le pâle soleil de janvier à travers les tombes blanches, j'ignorais comment je vivrais sans elle. Si j'avais été une part de sa vie (et de sa joie), elle avait été, sans que j'eusse conscience alors, une part de la mienne. Je faisais mon miel de ses paroles, des gestes, de son regard si vite embué de larmes à la vue d'une plante mourante. Elle m'avait fièrement porté dans ses bras, exposé aux photographes, comme le bouquet de roses que reçoit l'actrice exténuée après sa triomphale représentation. Elle m'avait mouillée de baisers et, toutes ces années, j'étais resté comme une pierre froide, cachée sous sa mousse proliférante Je lui devais quelque chose.
Être né peut être, ou bien exister"


"Les valises" ,c'est 'histoire d'une grand-mère Mémé, née juive au début du XX éme siècle à Ruva-Ruskaia au fin fond de l'Ukraine, sa vie ne pouvait pas être banale. Rappelons nous "Les Disparus" de Daniel Mendelsohn qui retraçait l'histoire de sa famille dans ce même coin du monde, où nous apprenions qu'en terme d'antisémitisme l'ukrainien pouvait être pire que le polonais.
D'ailleurs c'est pour fuir les cosaques durant la première guerre mondiale que Mémé se retrouve Orpheline à Vienne où elle se rappelle avoir croisé l'empereur Franz Joseph... avant de terminer son voyage à Metz mariée avec deux enfants, et d'engager une partie de cache cache avec l'occupant nazi, et les autorités de Vichy.Justifier
Norbert Czarny n'en sait pas beaucoup plus sur cette grand-mère qui n'a jamais aimé la grande Histoire. Mémé elle a un sacré caractère, elle n'a rien à envier à celles qui "aiment la castagne" du Toulouse de Nougaro. Elle est colérique, elle se fâche régulièrement avec ses proches, elle houspille sans cesse son deuxième mari pépé, un personnage extraordinaire qui passe son temps dans les trains à parcourir l'Europe pour exercer sa passion du commerce. Le seul à qui elle peut tout pardonner, de qui elle peut tout accepter, c'est son petit fils Norbert, il lui devait bien un livre...

Mais ce livre dépasse le simple portrait d'une grand-mère, c'est aussi celui du Paris de l'après guerre, du quartier du Sentier où on croise des objets aujourd'hui disparus, les débuts de la télévision, répertoire nous rappelant celui établi plus tard par Annie Ernaux dans "Les années".

Nous sommes émus par ces gens modestes, travailleurs, ayant croisé la pire des barbaries, ayant eu l'intelligence d'élever leurs enfants en dehors de toute haine, pour en faire des humanistes... D'ailleurs un très bel épisode du livre est la scène où des fonctionnaires viennent faire une enquête à domicile pour satisfaire une demande de naturalisation du père de Norbert... Ils reçoivent une magistrale une leçon d'Histoire de France de la part du gamin un vrai bonheur...

Soyons honnête Norbert Czarny, professeur de français, critique à "la Quinzaine littéraire" notamment, nous le connaissons un petit peu. Nous ne sommes donc pas vraiment étonnés par son talent de conteur qui nous a toujours séduit... la lecture de ce roman est un vrai moment de bonheur, on est étonné qu'il ne se soit pas remis à l'ouvrage, car nous savons qu'il ne nous a pas tout dit, nous connaissons par exemple sa passion du ballon rond totalement absent de ce premier roman, voila de quoi espérer une récidive romanesque.

Les Valises - Norbert Czarny Ed Lieu Commun (très difficile à trouver malheureusement)

vendredi 7 janvier 2011

Vincent, François, Paul et les autres - Claude Sautet (1974)

Vincent (Yves Montand) dirige une PME, François (Michel Piccoli) est médecin, Paul (Serge Reggiani) est Journaliste, ils sont des quadras, des représentants de la bourgeoisie française des années 70. Ils se réunissent dés qu'ils peuvent , Jean (Gerard Depardieu) un jeune boxeur les rejoint régulièrement.
Ils devraient incarner la réussite mais la joie de vivre n'est pas toujours là... François a renoncé à ses idéaux de jeunesse, Paul n'est pas l'écrivain qu'il rêvait d'être, l'entreprise de François est en cessation de paiement... les vies sentimentales ne sont pas non plus très brillantes!

François Truffaut résume ainsi le film dans un article écrit en 1974: "la vie est dure dans les détails mais bonne en gros".

Portrait sans concession de la bourgeoisie "giscardienne", ce film choral est une vraie réussite, on redécouvre cette époque où les quadras se moquaient de leur santé , aucun désir de faire du sport, ça fume et ça boit sec, une autre époque assurément. La prestation du quatuor est parfaite, et comme les actrices sont tout aussi remarquables avec notamment une Marie Dubois irrésistible, le film est un vrai moment de bonheur.

La critique a souvent été dur avec Claude Sautet, qualifié à tort de "cinéaste bourgeois", le temps passe et ses films sonnent toujours aussi juste et nous démontrent ainsi toutes les qualités du cinéaste dont l'œuvre mérite d'être revisitée.
Un critique avait juste, François Truffaut évidemment qui concluait ainsi son article: "Vincent, François, Paul et les autres c'est la vie. Claude Sautet c'est la vitalité."

mercredi 5 janvier 2011

Amphigourique

Dans une réponse adressée à un député qui l'interrogeait sur le Français approximatif de notre Président de la République, Philippe Chatel Ministre de l'Education Nationale, justifie ainsi le style du chef de l'Etat:

"Un point ne souffre pas, je pense, la contestation: en ces temps de complexité et de difficulté, le Président de la République parle clair et vrai, refusant un style amphigourique et les circonvolutions syntaxiques qui perdent l'auditeur et le citoyen."

Voila qui nous a donné envie de reprendre une vieille habitude que nous avions au début de ce blog de nous arrêter sur un mot et d'ouvrir nos dictionnaires, aujourd'hui sur le mot amphigourique évidemment.

Le dictionnaire historique de la langue française (ed Robert)

Amphigouri: n.m "discours embrouillé" (1738) vient très probablement du grec amphi, au sens de "double, ambigu" mais le second élément est obscur (grec agoreuein "discuter" [->agoral, ou mot populaire au moyen français se gorrier "parler à la mode"?] - Les dérivés amphigourique adj. (1748) et amphigourisme n.m (1876) sont didactiques, surtout le second, mais attestent la relative vitalité du mot

Le dictionnaire culturel en langue française (ed Robert)

Amphigourique: adj (1748) style soutenu 1. (langage) qui tient de l'amphigouri; compliqué, confus et prétentieux. Discours amphigouriques->alambiqué, embrouillé. "Il s'exprimait avec une emphase qui tenait lieu d'esprit, et trouvait le moyen de servir à chacun un compliment amphigourique" (A. Gide - Les faux monnayeurs)

Les deux dictionnaires cités ont été écrits sous la direction d'Alain Rey

Pour lire le courrier du Philippe Chatel dans son intégralité, cliquez ici

lundi 3 janvier 2011

Lola Montes - Max Ophuls (1955)


Lola Montes est l'histoire d'une courtisane du XIX ème qui fut proche notamment de Franz Liszt et de Louis 1er de Bavière dont elle doit fuir le royaume au moment de la révolution de 1848. Elle n'a plus alors d'autres ressources que de se donner en spectacle dans un cirque. Livrant ainsi sa vie en pâture devant des foules au voyeurisme obscène!

Ici on retrouve un peu le thème du dernier film de Kéchiche, cette ambiance aujourd'hui disparue des foires où des êtres étaient crument exposés au regard du public, peut être tout simplement parce que ses tristes spectacles ont trouvé leurs places sur nos écrans de télévision.

Dernier film de Max Ophuls dont le tournage fut compliqué: les producteurs lui imposèrent la couleur, le format cinémascope, le son stéréo et Martine Carol pour le 1er rôle. De tout cela, Max Ophuls s'en accommoda pour signer une œuvre époustouflante, mais la critique virulente passa à coté de ce film qui fut un échec commercial. Ils eurent raison de Max Ophuls et les producteurs reprirent en main le film pour en modifier le montage, donnant une version linéaire et sans saveur de cette histoire.


François Truffaut fut alors le seul critique à la hauteur du génie de Max Ophuls, égal à sa légende le voila prêt à ferrailler avec tous les ennemis du film: " Tout comme l'héroïne qui lui donne son titre, ce film risque de provoquer un scandale et d'exacerber les passions. Faudra-t-il combattre, nous combattrons, faudra-t-il polémiquer, nous polémiquerons!! Voila bien, en effet, le cinéma qu'il faut défendre en 1955, un cinéma d'auteurs qui est en même temps un plaisir des yeux, un cinéma d'idées, où les inventions jaillissent à chaque image, un cinéma qui n'empiète pas sur l'avant-guerre, un cinéma qui enfonce des portes trop longtemps condamnées. (...) La construction du récit, qui bouscule la chronologie, fait penser à Citizen Kane, mais bénéficie de l'appoint du cinémascope, procédé qui, ici, donne pour la première fois l'impression d'être utilisé au maximum de ses possibilités. Au lieu de soumettre naïvement au cadre inhumain de l'écran large, Max Ophuls, au contraire, dompte l'image, la divise, la multiplie, la contracte ou la dilate selon les nécessités de sa fracassante mise en scène."

Nous aimons le regard perspicace de François Truffaut qui se régale des inventions de Max Ophuls qui élargit par ses trouvailles le langage cinématographique, nous aimons son style combatif et son gout pour la polémique. Ah, si le cinéma et la littérature pouvaient à nouveau être sujets de polémiques, la vie en serait plus belle!


Grâce à l'obstination de son fils Marcel et au concours de la fille de Pierre Brauberger, le film de Max Ophuls a fait l'objet d'une restauration, le film a été remonté selon les volontés premières du créateur retrouvant ainsi toute sa magie. Le cinéma ne pouvait pas se passer d'un tel bijou!

samedi 1 janvier 2011

Meilleur Voeux 2011


Finalement nous faisons le même choix d'image (Photo Henri Cartier-Bresson) qu'en 2010, nous n'avons pas trouvé mieux comme programme!

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