dimanche 31 août 2014

Mes petites amoureuses - Jean Eustache

Il ne faut pas vraiment s’étonner de voir dans Domicile conjugal Antoine Doisnel téléphoner à Jean Eustache pour lui annoncer la naissance de son fils. Ils appartiennent à la même famille !
Après "La maman et la putain" , Jean Eustache signe un film à la veine autobiographique revenant sur son enfance.
Histoire d'un gamin Daniel, élevé par sa grand mère à la campagne où il aime partir dans les champs jouer avec ces camarades après l'école. Une fois le certificat d'études en poche, sa mère, interprétée par une Ingrid Caven parfois inquiétante, souhaite le récupérer. Le gamin rejoint Narbonne où il ne connait personne, pour vivre avec elle et son nouveau compagnon, un réfugié espagnol un rien taiseux. Les désillusions commencent quand il découvre que sa mère ne souhaite pas qu'il continue ses études malgré ses résultats brillants et sa soif de connaissance. Il est finalement placé comme apprenti chez un garagiste...  sa seule joie dans cette ville est son cinéma qui lui permet de découvrir les grands films américains.Il arrive toutefois à se faire des amitiés et à intégrer une bande de garçons où chacun cherche son amoureuse pour pouvoir se vanter de ses exploits... L'été est de retour, le gamin fonde l'espoir de retrouver sa grand mère, ses vieux copains et les jolies filles...

Truffaldien par son thème, une mère vacharde, le cinéma comme refuge, ce film par son naturalisme nous a surtout fait penser au cinéma de Maurice Pialat qui fait d'ailleurs une apparition remarquée et notamment à son merveilleux feuilleton la maison des bois... La présence de l'émouvante Jacqueline Dufranne interprète principale de la saga de Maurice Pialat ici dans le rôle de la grand mère ne fait que renforcer cette impression.
La parole était omniprésente dans "la maman et la putain", elle se fait plus rare ici où le geste, le regard suffisent à exprimer les sentiments, une économie qui fait référence au cinéma de Robert Bresson.
Les projections des films de Jean Eustache sont rares, chaque fois pourtant elles attirent les spectateurs de toutes les générations, la salle était comble... la réputation du cinéaste est immense, mais en rien galvaudée, "Mes petites amoureuses" est un film remarquable.

Vu à la filmothèque du Quartier Latin!

Autopsie d'un meurtre - Otto Preminger

L'expression "justice humaine" ne serait-il qu'un oxymore, on est amené à s'interroger après avoir vu "Autopsie d'un meurtre", le film d'Otto Preminger qui affiche clairement ses doutes sur toute idée de justice rendue par un tribunal populaire. Un film qui nous rappelle que les Etats Unis sont le pays du procès de O.J Simpson, où la puissance des avocats peut avoir raison de la vérité judiciaire.
L'histoire est assez simple. Un militaire le lieutenant Frank Manion  a tué le violeur de son épouse. Il reconnait son crime, mais entend plaider "non coupable" et obtenir l'acquittement.
Pour le défendre Paul Biegler ancien procureur qui depuis qu'il n'a pas été réélu partage son temps entre ses deux passions le jazz et la pèche... Cette affaire est pour lui l’occasion de revenir au tribunal et de se confronter à son successeur. Pour l'aider, son vieux compagnon Parnell devenu un adepte de la bouteille de Whisky.
Le procès devient rapidement une foire d'empoigne où l'avocat et le procureur renforcé par une pointure du barreau vont user de toutes les ficelles pour essayer d'emporter la conviction du jury, tous les coups sont possibles et surtout les plus bas devant un juge médusé. Le criminel devenant le premier spectateur d'un numéro qui va décider de son  avenir...
Une histoire simple mais dont les acteurs exceptionnels lui donnent toute son épaisseur. Ben Gazzara donne une réelle ambiguïté à son personnage de meurtrier , alors que Lee Remick qui incarne son épouse joue parfaitement l'aguicheuse, ce qui ne sert pas vraiment la défense de son époux. James Stewart comme à son habitude est parfait dans rôle d'avocat, élégant, cocasse, irrésistible !
Une mise en scène  réussie, le film ne perd jamais son rythme même lors des séances de tribunal. Le tout est rythmé par la musique de Duke Ellington, il y a du swing dans le cinéma de Otto Preminger et peu d'illusions sur la nature humaine. 

Vu dans une version restaurée à la Filmothèque du quartier latin.

Party Girl - Marie Amachoukeli, Claire Burger, Samuel Theis

Angélique traverse les nuits dans un cabaret d'une ville frontalière allemande où elle doit pousser les clients à consommer. Avec le temps, le défi devient trop grand pour elle et ses soixante ans, le client préfère les jeunes hôtesses... Désabusée, Angélique fatigue d'attendre seule au comptoir à s'enivrer. Elle part retrouver Michel, un ancien client avec qui elle avait su créer une complicité, pour lui demander de revenir dans l'établissement.
Mais Michel, ancien mineur est usé par les nuits, amoureux d'Angélique il la demande en mariage. Une vraie chance pour elle de quitter le monde de la nuit, de renouer les liens avec ses enfants... mais cette vie nouvelle finit par lasser l'ancienne hôtesse, l'appel de la nuit est irrésistible... Incorrigible Angélique!

Ce film est inspiré par la mère de Samuel Theis, un des trois metteurs en scène. D'ailleurs les membres de sa famille interprètent leur propre rôle avec une étonnante justesse. Mais c'est Angélique qui captive l'attention, son fils la qualifie justement de "monstrueuse" dans un entretien au "Monde". La nuit , les abus d'alcool et la cigarette l'ont marqué, des bijoux en toc, un maquillage grotesque, des vêtements léopard et collants  composent  sa panoplie. L'impossibilité de quitter son univers par refus d'accepter le passage du temps la fait glisser dans le pathétique... On traverse le film avec des sentiments variés, dérangés de glisser dans l'intimité des personnages malgré tout le tact de la mise en scène, mais aussi touchés par cette famille qui cherche à se retrouver, par la sincérité des sentiments.

C'est un film fort, qui nous plonge dans un milieu populaire dans une région sinistrée, la Lorraine minière  . On ne sort pas indemne de la projection ,Party Girl est un film fort, bouleversant, dérangeant, un grand film en quelque sorte !

Anna Ternheim - Separation Road

Pour cette semaine de rentrée,  nous avons choisi de ressortir un album de la chanteuse suédoise Anna Ternheim.
C'est en  hommage à Bernard Lenoir dont France Inter n'a jamais su trouver un équivalent pour nous faire découvrir des musiques nouvelles et pas comme les autres, après les années "C'est Lenoir", c'est le vide désespéramment. 

Alors nous nous souvenons d'avoir branché un soir par réflexe notre radio, et d'avoir entendu la chanteuse suédoise interpréter Lover Dreams lors d'une Black Session. Ce fut un enchantement, une vraie découverte!

Separation Road est notre album de la semaine !


samedi 30 août 2014

Boyhood - Richard Linklater

Un film qui fera assurément date dans l'histoire du cinéma, le cinéaste Richard Linklater a filmé sur douze années ses personnages que nous voyons ainsi naturellement  vieillir à l'écran. Chronique d'une famille américaine celle d' Olivia élève seule ses deux enfants Samantha et Mason depuis son divorce.
Pour améliorer sa situation, elle fait le choix de retourner vivre à Houston pour reprendre ses études, Mason a alors six ans, il va devenir au fil du temps le personnage central du film qui s'achève sur son arrivée à l'université.
Entre temps, il aura eu à subir plusieurs déménagements, deux beaux pères, sa mère révélant un vrai talent pour épouser des types impossibles. Il retrouve régulièrement son père, ce dernier quelque peu fantasque au début gagne une maturité nouvelle en partie grâce à un nouveau mariage et endosse son rôle avec justesse... Il trouve le ton juste pour dialoguer avec ses enfants devenus adolescents peu causants.
Si Olivia révèle un vrai talent pour s'amouracher d'hommes impossibles , elle est une mère magnifique qui a su concilier avec grâce ce rôle  et sa vie de femme retournant à la faculté pour décrocher un emploi d'enseignant en psychologie... C'est aussi quelque part, la chronique d'un divorce réussi où chacun des deux parents va trouver sa place, apportant leurs expériences à leurs enfants pour les aider à passer les embuches de la vie...
Malgré les crises familiales, les déménagements, les changements d'école qui lui sont insupportables, Samantha finit par rejoindre l'université et trouver son indépendance... Mais c'est Mason qui est au centre du film on le découvre tout gamin et nous le suivons jusqu'à l'âge adulte, un chemin pas toujours simple avec des état d’âmes propres à l'adolescence et la cohabitation parfois violente avec ses beaux-pères.
Tout se termine avec son  arrivée  à l'université, Olivia peut être fière de ses enfants mais se retrouver seule est un vrai déchirement. La vie quoi....
Ce film sur le temps qui passe est une petite merveille, la fluidité du montage est particulièrement impressionnante, difficile d'imaginer que le projet s'est étendu sur douze année... Il se dégage  une impression de calme qui nous emporte au cœur de cette famille qui connait pourtant des moments de chaos .Les acteurs impressionnent par la justesse de leur jeu, jamais nous n'avons l'impression d'être dans une fiction.

Sublime !

La libération de Paris - Musée Carnavalet

La libération de Paris fut un événement de l'Histoire où les photographes étaient particulièrement présents dans les rues de la capitale. Parmi eux, des noms célèbres: Robert Doisneau,  Henri Cartier Bresson ou encore Robert Capa, mais aussi de nombreux anonymes.
Fort de ces témoignages, le musée Carnavalet inaugure le 11 novembre 1944 une exposition de photos consacrées à la libération de Pais. Son commissaire François Boucher issu d'un réseau de la France Libre voit là le moyen de "déPétainiser" les français qui avaient eu à subir quatre durant la propagande de Vichy. Mais aussi de servir la volonté gaullienne, de faire de la France un pays de vainqueur, comme  il l' a fait admettre aux alliés grâce à l'engagement des résistants. 
Si l'exposition de 2014  reprend les clichés affichés en 1944, elle est enrichie de nouveaux clichés qui avaient soient été écartées lors de la précédente ou d'autres tombés plus tard le fond du musée.
Ces photos nous racontent beaucoup de cet événement autant par ce qu'elles montrent que par ce qu'elles ne montrent pas, il fallait consolider le discours officiel fédérateur et donc s'arranger avec l'Histoire c'est à dire  coller parfaitement au discours lyrique du Général de Gaulle du jour de la libération sur la place de l’Hôtel de Ville: "Paris, Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France tout entière : c'est-à-dire de la France qui se bat. C'est-à-dire de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle."
La seule photo où figure un soldat noir

Alors, les soldats étrangers ainsi que les femmes sont particulièrement absents des clichés. Sur un seul cliché nous voyons un soldat noir et sur un autre des soldats tunisiens. Cette volonté de faire de Paris une ville libérée par des soldats blancs étaient également partagées par l’État Major américain. Un seul portrait de femmes aussi, alors qu'elles ont pris une large part à la lutte.
Des photos doivent être des portraits de héros, les hommes de la résistance ont toujours un fusil à la main, alors que les armes étaient plutôt rares et que seule une minorité de FFI était réellement armée.
Les photos de scènes de femmes tondues après qu'une justice éclair et odieusement misogyne fut rendue avaient été alors écartées. Elles réapparaissent ici dans toutes leur brutalité.
Certaines photos ont fait l'objet d'une mise en scène et ne sont que des reconstitutions de certains épisodes de la Libération, tout cela est indiqué par les légende qui accompagnent les documents.

Exposition qui s'avère passionnante, où avec le temps le mythe s’efface devant la vérité historique. Mais il nous faut comprendre que la priorité de 1944 était d'unifier et de pacifier le pays pour cela tous les moyens furent bon. Ce n'est que bien des années plus tard notamment par le travail remarquable de l'historien américain Robert Paxton qu'une autre lecture de la France de Vichy  respectant la réalité historique fut proposée après un méticuleux travail de recherches.

vendredi 29 août 2014

"Pince-moi je rêve" exposition Françoise Huguier à la MEP et rétrospective Marie Paule Nègre

La lecture de son autobiographie "Au doigt et à l’œil " nous a conduit naturellement à la MEP qui présentait une sélection des photographies de Françoise Huguier jusqu'à la fin Août.
Ce fut un vrai bonheur de contempler le travail dont son livre nous avait fait le récit. Beaucoup de portraits et quelques paysages. Des textes complices de Gérard  Lefort accompagnent une exposition donnant un aperçu des multiples centres d'intérêt de la dame..un condensé de ses précédentes expositions.
 Une salle est consacrée au Cambodge , pays d'enfance de Françoise Huguier  où elle fut kidnappée par le Viet-minh avec son frère, à l'age de 10 ans. On y découvre un album photos de la  famille au moment des évènements mais également des clichés pris lors d'un retour au Cambodge en 2004. Ainsi de beaux portraits,toujours par deux, chaque personne  étant présentée par un cliché noir et blanc puis couleur ,le regard au loin puis fixant le photographe . Superbe également au fond de la salle , un immense tirage couleur d'une piscine abandonnée que l'on devine au milieu d'une végétation ayant repris ses droits, les lieux mêmes où Françoise Huguier fut enlevée, comme une dernière trace presque effacée de la présence coloniale.
Du périple "sur les traces de l'Afrique Fantôme "sont extraits de beaux clichés noirs et blancs, des portraits de magnifiques jeunes filles du Mali, des intérieurs et des paysages de savane.

Françoise Huguier a fait plusieurs séjours en Russie, elle en a ramené un travail passionnant sur les "Kommunalka". En effet , à Saint-Pétersbourg, il existe encore des appartements communautaires, vestiges du système soviétique. Y sont réunis, par la force des choses, des gens de toutes origines et de toutes classes sociales. De cette série, nous retenons en particulier là encore un grand format couleur montrant de dos une jeune femme à sa toilette, ce qui frappe d'abord c'est sa beauté , sa longue chevelure noire puis le regard dérive sur le mur craquelé  de la salle de bain , le gobelet où se côtoient au moins 7 brosses à dents nous rappelant où nous sommes. Les photos prises en Sibérie dénoncent les ravages causés par la pollution industrielle, les cicatrices de métal défigurent les paysages .


De tous ces thèmes ressortent le talent de Françoise Huguier pour capter les regard et un sens du cadrage allant à l'essentiel, on retrouve cette qualité dans son travail sur la haute couture , où elle capture la beauté éphémère des  défilés par  la vision d'un chignon, d'un bout d'étoffe, d'une ombre....

L'exposition parallèle présentait des extraits du travail de Marie Paule Nègre.
L'Afrique est ici sujet d'engagement contre les violences faites aux femmes, l’excision et le gavage une pratique barbare que nous ignorions jusqu'à ce jour(dans certaines régions de Mauritanie) . Une autre salle reprend un reportage tenu sur plus de 20 ans de 1986 à aujourd'hui « Contes des temps modernes ou la misère ordinaire ». Marie- Paule Nègre a photographié des familles du Nord dans les années 80 pour témoigner de la fermetures des mines et du chômage grandissant, elle montre la pauvreté en marche... 
25 ans après elle a retrouvé ses "modèles", ils ont grandi, vieilli mais la misère ne les a pas lâché. C'est un beau travail photographique et sociologique. Une dernière partie de l'exposition est consacrée à la trajectoire singulière de sa sœur, Mireille danseuse étoile qui a rejoint à l'age de 28 ans, les ordres devenant Carmélite dix ans durant,sans jamais renoncer vraiment  à sa passion pour la danse.


jeudi 28 août 2014

Les 7 jours de Simon Labrosse - Carole Frechette (mise en scène Cendre Chassane)

Il y a fort longtemps que Cendre Chassane travaille sur ce texte de l'auteur québécoise Carole Frechette. Nous nous rappelons avoir assisté du temps où elle était en résidence au théâtre jean Arp, à une lecture de ce texte qu'elle avait organisé à la médiathèque puis à une représentation par un groupe de lycéens.
Simon Labrosse est un chômeur de nature optimiste ...Simon est sans emploi mais il ne désespère pas . Alors il cherche à bosser, mais pas un boulot où vous êtes aux ordres et sous contrainte, non un boulot à lui , un truc nouveau auquel personne n'avait penser mais qui rendrait service.... Alors il se propose d'être finisseur de phrases  afin de mener à son terme les propos  que vous laissez en suspens, ou alors il se propose d'être flatteur d'égo vous vous payez ses services et il vous regarde comme si vous étiez une star ...

On peut rire des idées de Simon Labrosse, nous nous le trouvons pas si farfelu que cela, il nous semble au contraire qu'il a capté une vraie demande... . Il suffit de se promener dans nos rues et lire les plaques sur les portes d'immeubles ou des maisons... Nous avons ainsi vu lors de nos pérégrinations citadines, un coach de vie, un technicien du bien être ou encore une spécialiste de l'art du bien-être... tout un programme !

Mais la plus belle idée de Simon Labrosse est celle de venir raconter sa vie à ses semblables. Pour cela il se fait accompagner de deux acolytes. Nathalie qui joue les rôles féminins de la vie de Simon, et dont elle dit si justement "Ce n'est pas les rôles le plus intéressants, mais ça fait rien, je les joue avec beaucoup de conviction".  Et puis il y a Leo qui a pris enfant une brique sur le crane qui lui a un peu éclaté le cortex, depuis il est incapable d'avoir une idée positive, il passe son temps à rédiger des poèmes sombres et déprimants, son espoir est de ramasser des fonds pour se faire opérer aux États-Unis.

Trois pour nous raconter 7 jours  de Simon Labrosse rythmés par ses propositions d'emplois et les cassettes qu'il enregistre quotidiennement pour celle qu'il aime tendrement et qui est partie en Afrique pour secourir les démunis... Un trio pas banal mais particulièrement attachant . Laurent Levy, Nathalie Bitan et Philippe Saunier sont un triangle d'acteurs épatants donnant une impression agréable de spontanéité et de totale liberté en parfaite adéquation avec le texte de Carole Frechette, ils sont drôles, touchants, ils sont toujours justes

C'est un regard grinçant que pose Carole Frechette sur nos sociétés modernes et l'absurdité du monde capitaliste. Elle nous rappelle que le siècle dernier c'est aussi une histoire de vagabond, de chômeur que certains qualifieront bien vite de looser parce qu'ils n'ont pas su rentrer dans le moule de la société de production... Les siècles précédents, ils étaient chemineaux errant sur les chemins de campagne, ils se sont sédentarisés dans les villes avec l'industrialisation. De Charlot à Simon Labrosse, ils sont ceux que notre société  refuse   de voir et pourtant ils portent en eux une poésie salvatrice, un regard lucide sur notre monde contemporain, ils sont un peu comme ses herbes folles qui finissent toujours par repousser sur le sol bitumé de nos cités...

Les 7 jours de Simon Labrosse, c'est un merveilleux spectacle de Cendre Chassane qui se joue encore quelques jours au Théâtre du Lucernaire.

dimanche 24 août 2014

Grace - Jeff Buckley

Sorti au mois d'août 1994, Grace de Jeff Buckley fête ses vingt ans . Occasion rêvée de ressortir cette petite merveille, avec notamment une reprise monumentale de Hallelujah de Leonard Cohen.
Une voix extraordinaire, qui ne cesse de nous transporter à chaque écoute. Avec sa gueule d'ange et son talent étincelant, Jeff Buckley avait tout pour mener une carrière hors norme,mais emporté par un affluent du Mississippi, il meurt à trente ans alors qu'un deuxième album était en préparation

Grace  est notre album de la semaine !


samedi 23 août 2014

La mode des années 50 - Musée Galliera


Le 12 février 1947, au 30 rue Montaigne, le premier défilé Christian Dior va bouleverser le milieu de la mode, et redonner tout son lustre à la Haute couture après les funestes années de guerre et les restrictions qu'elles imposèrent. L'étalage de luxe choque néanmoins, Dior et sa silhouette New Look font fureur... 

Photo Pierre Antoine
Pourtant les jupes amples et longues, les tailles marquées signent le retour de la corseterie.  Garde robe du jour, du soir, robes de cocktail... la femme bourgeoise est tenue de se changer plusieurs fois par jour !
Les couturiers masculins Balenciaga ,Jacques Heim, Hubert de Givenchy, Pierre Cardin et bien d'autres participent à ce festival d'élégance inégalée des années 50.. Une mouvement amplifié par les stars de cinéma (Audrey Hepburn, Grace Kelly, Elisabeth Taylor...) habillées par les plus grands couturiers, omniprésentes dans les magazines qui font entrer ces joyaux de la couture dans tous les foyers... Les jeunes filles se jettent sur les patrons des modèles pour tenter d'obtenir une garde robe de star...
Gabrielle Chanel s'insurge contre cette mode qu'elle juge archaïsante. Compromise durant la guerre, elle ne fait son retour qu'en 1954, imposant son tailleur qui par son confort et sa simplicité, fait de la femme l'égale de l'homme sans porter atteinte à sa silhouette et à l'élégance.

Ces années 50 qui s'ouvrent avec Christian Dior, ont vu disparaitre grand  nombre de maisons de couture. 106 maisons en 1946, elles ne sont plus que 36 en 1958.  Cette explosion luxueuse fut un bouquet final mais elle s'achève avec l'arrivée d'un nouveau génie Yves Saint Laurent, un jeune homme qui reprend le flambeau de Christian Dior décédé brutalement en 1957. Les conditions ne sont plus les mêmes, les grandes maisons vont apprendre à vivre à coté du prêt à porter.

C'est cette histoire que nous raconte à travers une présentation de modèles souvent magnifiques  l'exposition "les années 50",une superbe promenade !  

mercredi 20 août 2014

Les combattants- Thomas Cailley

La côte landaise , l'été. Madeleine, jeune diplômée en macro-économie  s'inscrit pour une P.M. (préparation militaire ) afin d'intégrer l'armée et les commandos parachutistes dont les méthodes de survie sont pour elle le seul moyen d'affronter la fin du monde qui s'annonce, inéluctable...Arnaud est un jeune garçon timide ,un peu hésitant, le décès de son père semble le conduire à la reprise de l’entreprise familiale,avec son frère ainé...
Ces deux là ne se ressemblent guère...mais ils se rapprochent peu à peu et fasciné par la jeune fille, Arnaud
intègre lui aussi le stage proposé par l'armée ... 
Ce film est une belle comédie  reposant sur l'opposition des deux caractères dans la grande tradition du cinéma  , inversant  "attributs masculins et féminins", les aventures d'Arnaud et Madeleine apprentis soldats sont réjouissantes... L'humour n'est pas la seule qualité du film, l'histoire d'amour fonctionne et émeut. Ici rien n'est prétexte, certes Madeleine pourrait n'être qu'une allumée complotiste mais comment ne pas être angoissés et oppressés par notre époque sinistre et sans utopie pour nous faire croire à des lendemains qui chantent. Enfin la préparation débute,  ils sont les combattants, mais l'esprit de corps défendu par l’armée ne peut pas vraiment satisfaire Madeleine la rebelle  qui n'a aucunement l'intention de sacrifier sa vie pour sauver la peau de ses camarades, militairement incompatible... L'évasion comme plan de survie est finalement la seule alternative...
Les deux acteurs sont magnifiques; Adèle Haenel incarne une Madeleine tout en muscles et en rudesse dont la sensibilité s'éveille peu à peu; plus en retrait, la composition de Kevin Azais est tout aussi réussie. La scène de maquillage camouflage avant la simulation de campagne militaire est d'une grande sensualité révélant en un plan sans paroles, l'évolution des sentiments.
Mais ce film n'est pas seulement une comédie romantique, il nous parle du désenchantement d'une jeunesse qui ne se voit aucun avenir.... si ce n'est la fin du monde. Guerre des religions, catastrophe nucléaire,  marasme écologique, sombre avenir .... un monde sans pitié
Le premier film de Thomas Caillet est une belle réussite.  

Sils Maria - Olivier Assayas

Sigrid une jeune fille manipulatrice pousse au suicide Héléna une femme plus âgée ayant succombé à ses charmes,  ainsi peut se résumer l'intrigue de la pièce "Maloja Snake" écrite  20 ans auparavant par le dramaturge suisse, Wilhem Melchior qui vient de mourir. A l'époque, Maria Enders (Juliette Binoche)
 interpréta le rôle de Sigrid, selon les témoins elle écrasa alors par la modernité de son jeu sa partenaire.  Devenue depuis une star internationale , elle se laisse convaincre, déstabilisée par le décès de l'écrivain ,alors qu'elle pressent parfaitement le danger de cette offre, de reprendre la pièce  en interprétant le rôle d'Héléna, la femme mure.
L'essentiel du film d'Olivier Assayas a pour cadre Sils Maria , petit village d'une vallée suisse au débouché du col de Maloja, célèbre pour son phénomène micro-climatique "Maloja Snake " , une formation nuageuse annonciatrice de mauvais temps qui s'insinue tel un serpent dans la vallée; là fut écrite la pièce, Maria s'y installe avec son assistante Valentine  (Kristen Stewart ) pour répéter son rôle... Plane aussi sur ce huit-clos alpin la présence  de Jo-Ann Ellis (Chloé Grace Moretz) la starlette retenue pour reprendre le rôle de Sigrid...
"Sils Maria" est une mise en abyme superbe multipliant les jeux de miroir entre le théâtre , le cinéma et la réalité. C'est le portrait d'une grande actrice incarnée magnifiquement par Juliette Binoche qui est à l'origine du projet. Son personnage est une femme très seule , ayant sans doute beaucoup  sacrifié à son art qu'elle vénère et désemparée face au constat  d'un passé qui ne peut revenir . L'univers du cinéma, de son milieu soumis aux impératifs commerciaux et médiatiques s'inscrit en filigrane dans un film toujours en mouvement. Olivier Assayas reprend une intrigue classique, la cruauté du temps qui passe et les rivalités terribles entre actrices de générations différentes comme dans l'Eve de Mankiewicz mais il ancre son récit totalement dans notre époque, les portables et autres tablettes sont omniprésents. Google est la source, tout nouveau nom ayant droit à une recherche immédiate, donnant instantanément au moindre ragot une dimension internationale.  Le couple que forme Maria Enders avec son assistante est passionnant, se fondant au fil des répétitions, avec l'intrigue de la pièce, et révélant la complexité de leur relation.
Le cinéma d'Assayas  mêle ici toutes sortes d'images : paysages magnifiques, scènes d'intimité où les dialogues souvent très drôles sont aussi d'une grande dureté, Internet, pastiche de blockbuster et même un court métrage des années 20 sur le Maloja Snake dont l'auteur se compromit dans la propagande nazie...  Tout cela comme un écho à ce récit où cinéma et vie réelle ne cessent de se refléter .
Sils Maria est un beau film captivant d'un cinéaste majeur ...

mardi 19 août 2014

Winter Sleep - Nuri Bilge Ceylan

Aydin est propriétaire d'un hôtel ainsi que de nombreuses demeures dans un village troglodyte du fin fond de l'Anatolie. Il partage sa demeure avec sa jeune épouse Nihal,, et sa soeur Necla qui vient de divorcer. Il est accompagné dans son quotidien de Hidayet,son homme de confiance...
Une pierre jetée par un gamin sur la voiture de Aydin  brise le calme apparent de cette campagne perdue ... Aydin est agressé par le fils de ses locataires; en difficulté, ils n'ont pas payé leur loyer depuis plusieurs mois, entrainant une saisie de leurs biens dont la télévision.
Aydin, bel homme fut comédien mais sa carrière n'a pas tenu toutes ses promesses.Pour occuper son temps, il écrit une chronique pour un journal local ...il se veut humaniste mais il se réduit à être un donneur de leçons.
Pourtant sa vie n'est pas à la hauteur de ses aspirations. Il se cache lâchement derrière son avocat quand son locataire vient lui expliquer ses difficultés sociales.
L'hiver s'installe avec ses chutes de neige abondantes,l'hôtel est déserté par les clients. Aydin se retrouve seul avec sa sœur, et sa jeune femme... La solitude délie les langues, les rancœurs refont surface...
Nuri Bilge Ceylan filme avec toujours avec la même grâce les paysages. Si son cinéma a souvent été comparé à celui d'Antonioni par son coté contemplatif, il est impossible de ne pas songer à Ingmar Bergman notamment aux scènes de la vie conjugale, démontrant si besoin en était le propos universel du cinéaste suédois.
L'espace est infini, mais l’âpreté de l'hiver renferme les personnages dans un huis clos oppressant. il devient difficile de supporter Aydin et son beau sourire, rempli de certitude... il se veut grand seigneur, il se révèle pingre et sans cœur, d'une condescendance insupportable quand il juge l'action de Nihal en faveur de l'école publique . Sa femme , sa sœur ne le supportent plus lui et ses leçons,
Nuri Bilge Ceylan est un cinéaste magnifique, sa palme d'or est amplement méritée !


dimanche 17 août 2014

Jérôme Lindon - Jean Echenoz

Bien plus qu'un éditeur, Jérôme Lindon , Président Directeur Général des Editions de minuit, était un bienfaiteur de la littérature, usant de toute son influence pour imposer le prix unique du livre, condition indispensable pour les petites maisons d'éditions d'exister. Sans lui, il n'y aurait plus de librairies indépendantes dans nos cités.
La maison d'édition est intimidante, d'ailleurs Jean Echenoz l'évite lorsqu'il a terminé d'écrire son premier roman: "maison trop sérieuse, trop austère et rigoureuse,essence de la vertu littéraire, trop bien pour moi, même pas la peine d'essayer.." Mais face aux refus successifs, il finit par pousser la porte des éditions de minuit qui vont éditer son premier roman, "le Méridien de Greenwich". Le début d'une aventure littéraire.

"Monsieur Lindon est un homme mince et de haute taille, de morphologie sèche, au long visage austère mais souriant, quoique pas toujours si souriant que ça, au regard aigu, bref c'est un homme très intimidant qui est en train de me parler de mon roman avec enthousiasme, et moi je ne réponds rien, je ne comprends rien à cet enthousiasme."

Timide, impressionné, les rencontres avec son éditeur sont compliquées pour Jean Echenoz, qui ne connait point les us et coutumes de ce milieu. Ils vont apprendre à se connaitre, à discuter des titres de roman ou de la place de la virgule. L'auteur espère parfois de  l'aide  lorsqu'il rencontre des difficultés, mais Jérôme Lindon se limite à dire ce qu'il ne faut pas faire
Silencieux au moment de la mort de l'éditeur, Jean Echenoz signe quelques mois plus tard un portrait pudique, drôle, c'est la rencontre entre deux élégances. Dix ans plus tard ce court texte a gardé toute sa fraicheur, nul besoin de connaitre  parfaitement l'histoire de la littérature contemporaine, le portrait intime de cet homme de lettres a l'universalité des caractères de La Bruyère.

Morrissey -World Peace is None of your Business

Si on se souvient que Morrissey fut le chanteur des Smiths, on est toujours quelque peu déçu par ses albums solos; il n'a jamais vraiment retrouvé la même verve du temps où il composait avec Johnny Marr. Une carrière solo marquée par des hauts et des bas. La vraie surprise c'est de le retrouver à son meilleur niveau avec son nouvel album, le plus inspiré depuis le remarquable Vauxhall and I.
Le type est agaçant, mais à lire l'article de Christophe Conte dans les inrockuptibles, nous nous amusons à découvrir ses petits caprices de star, tout simplement parce que nous n'avons pas à vivre avec lui. Insupportable et génial c'est Morrissey, nous sommes heureux de retrouver le crooner de Manchester à son meilleur niveau.

World Peace is none of your business est notre album de la semaine !




samedi 16 août 2014

Dans la neige - Stefan Zweig

La première nouvelle du recueil (volume1) édité dans la collection la pléiade des écrits de Stefan Zweig est une histoire juive, une thématique plutôt rare dans l’œuvre de l'écrivain autrichien au contraire d'un Isaac Bahevis Singer. Une histoire qui nous plonge dans une petite ville allemande pas loin de la frontière polonaise en plein coeur du XIV°siècle.
La nuit est tombée, la communauté juive s'est retrouvée dans la maison du plus riche d'entre eux, qui fait aussi office de synagogue pour célébrer Hannouca, la victoire de Judas Maccabée. Au cours de la célébration, un homme frappe à la porter, créant l'effroi parmi la communauté... Vite rassurés quand ils reconnaissent Joshua.Mais ce dernier est porteur de nouvelles terribles, il est le seul rescapé du village voisin où un groupe de flagellants est venu massacrer ses coreligionnaires. Très vite, les juifs du village font le choix de fuir vers la Pologne voisine pour échapper à leur funeste destin, mais le froid hivernal a raison de ce groupe parti à la va vite sur les routes devenues impraticables, funeste destin...
Histoire rare dans l'oeuvre de Zweig écrite en 1900 mais qui peut être s'expliquer par le contexte européen où notamment l'afFaire Dreyfius toujours en cours a eu un retentissement énorme. Cette montée de l’antisémitisme venue d'un pays qui avait prôné dés la Révolution Française la liberté de culte et l'égalité des religions, permettant l'émancipation de la communauté juive, a jeté un voile sombre sur les progrès de la tolérance religieuse.En Russie, la fin du XIX siècle  a vu la multiplication de pogroms déclenchant une vague importante d'émigration vers l'Europe  occidentale et l’Amérique.
Le contexte historique n'est pas choisi par hasard, le XIV siècle, au moment de la grande peste quand près de la moitié de la population allait périr, l'épidémie semant une vraie panique au cœur de l'Europe . Face à cette peur, se sont développés les flagellants, une secte chrétienne pratiquant la flagellation pour se purifier des péchés, ils avaient fait des juifs les responsables du malheur qui s'abattait alors sur les populations, ils étaient aussi appelés les Judenschlaeger ("les tueurs de juifs") assassinant notamment six mille personnes à Mayence . Ingmar Bergman a donné une représentation particulièrement impressionnante de ces processions dans Le septième sceau
Cette nouvelle  jamais été reprise par la suite dans un recueil n'est pas bouleversante pas son style littéraire, mais elle saisit d'effroi par son caractère prémonitoire sur les tragédies du XX°ème siècle .Son  dernier paragraphe évoque le retour du printemps réminiscence de ces vies effacées...   

"Et c'est un chaud soleil joyeux, presque un soleil printanier qui s'est soudain mis à briller. Et c'est vrai que le printemps n'est plus très loin. Bientôt, il fera bourgeonner et verdir la nature et fera fondre le linceul de lin étendu sur la tombe des pauvres juifs perdus, morts gelés, qui n'ont jamais connu le printemps dans leur vie..."


vendredi 15 août 2014

L'âge d'homme - Michel Leiris

"Je viens d'avoir trente quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit. J'ai des cheveux châtains coupés court afin d'éviter qu'ils ondulent, par crainte aussi que se développe une calvitie menaçante. "

Ainsi commence l'autobiographie de Michel Leiris, il revient longuement sur ses épisodes de l'enfance vécus dans une famille bourgeoise du XVI° arrondissement. Un texte non linéaire, mais des fragments de vie collés les uns aux autres font de texte un objet singulier de l'histoire de la littérature. Ses compagnons de route furent les héros de l'antiquité et de la mythologie qui lui apprirent à ouvrir son regard sur le monde, la lecture plus qu'un simple loisir est un véritable voyage initiatique. 
Deux figures féminines Lucréce et Judith, découvertes notamment à travers les tableaux de Lucas Cranach, sont comme des totems auxquelles il rattache les femmes croisées, selon leur caractère. Les relations avec les femmes s'avèrent compliquées pour le jeune homme timide, qui perd facilement ses moyens dans les moments intimes
Elève sans génie, il suit des études de chimie, abandonnées définitivement à la fin de son service militaire.
Jeune homme tourmenté, enclin à la tristesse, il cherche par le biais de la psychanalyse à mettre de l'ordre dans sa vie. Il finit par trouver sa voie à travers la littérature, l'âge d'homme est atteint.

En avant propos est inséré un texte écrit en 1945 où Michel Leiris évoque une" littérature considérée comme une tauromachie", avec la nécessité pour l'écrivain de s'engager, d'affronter la vérité malgré tous les dangers qu'elle peut représenter.
"J'ai parlé plus haut de la règle fondamentale (dire toute la vérité et rien que la vérité) à laquelle est astreint le faiseur de confession et j'ai fait allusion également à l'étiquette précise à laquelle doit se conformer, dans son combat le torero. Pour ce dernier il appert que la règle , loin d'être une protection contribue à le mettre en danger: porter l'estocade dans les conditions requises implique, par exemple, qu'il mette son corps, durant un temps appréciable, à la portée des cornes; il y a donc là une liaison immédiate entre l'obédience à la règle et le danger couru. Or, toutes proportions gardées, n'est ce pas un danger directement proportionnel à la règle qu'il s'est choisie que se trouve exposé l'écrivain qui fait sa confession?"

C'est Anne Berest dans son remarquable ouvrage Sagan 1954 qui nous a rappelé l'urgence de lire Michel Leiris; elle y parlait avec passion de cet ouvrage autobiographique dont elle même faisait elle-même honteusement  la découverte grâce à Florence Malraux, bien tardivement. Cette lecture est effectivement passionnante, touchante, drôle parce que l'homme dans sa sincérité révèle une intelligence rare et précieuse. Un homme qui par son travail d'ethnologue,de critique littéraire, et tout simplement d'écrivain allait devenir un des esprits les plus brillants du siècle passé. Indispensable lecture !

mercredi 13 août 2014

Lauren Bacall (16/09/1924 - 12/08/2014)

Elle était surnommée "the look", il suffit de se remémorer cette première scène du Port de l'angoisse de Howard Hawks où elle croise Humphrey Bogart le regardant par en dessous lui réclamant du feu pour allumer sa cigarette, pour comprendre que le regard de Lauren Bacall était sans pareil. L'acteur viril allait fondre pour la jeune femme, formant avec elle un couple mythique d'Hollywood et donc de l'histoire du cinéma... Une merveilleuse publicité pour la cigarette, il était difficile après la séance de ne pas être tenter d'en griller une...
Un regard irrésistible, l'élégance incarnée  mais aussi une sublime actrice capable de passer du film noir comme l'énigmatique Grand Sommeil adapté de Raymond Chandler par Howard Hawks à la comédie la plus déjantée telle Une vierge sur canapé du trop sous-estimé Richard Quine.

C'est l'age d'or d'Hollywood qui finit par disparaitre. Aujourd'hui , il ne reste plus que Kirk Douglas et Olivia de Havilland, sans oublier la merveilleuse Maureen O'Hara....



mardi 12 août 2014

Robin Williams (21/07/1951 - 11/08/2014)

Nous l'avions vu récemment dans L'éveil de Penny Marshall un film impressionnant dont il partageait l'affiche  avec Robert de Niro. Un rôle de psychiatre pas très éloigné finalement de celui du professeur de littérature du Cercle des poètes disparus où il poussait ses élèves à sortir des sentiers battus, de vivre pleinement leurs émotions... un goût pour la transgression qui ne pouvait que déplaire aux autorités académiques.
Si le film de Peter Weir souffrait d'une mise en scène sans finesse, le cercle des poètes disparus avait eu la vertu de faire connaitre l’œuvre poétique de Walt Whitman, alors fort mal éditée...
Robin Williams était un grand acteur, et nous nous souviendrons longtemps de son cri matinal: Good Morning Vietnam !

lundi 11 août 2014

Raymond Berthillon (09/12/1923 - 09/08/2014)

Lorsque nous avons traversé la première fois l'ile Saint Louis, nous nous sommes étonnés de voir une longue queue devant un maitre glacier, Berthillon était son nom. Notre curiosité attisée, nous avons alors découvert des sorbets aux saveurs incroyables et inégalables;goûter une glace Berthillon est une expérience à vivre. Raymond  Berthillon, le créateur de l'endroit était assurément un maitre.
Nous nous souvenons que notre dernière visite remonte au mois de  juin 2012, avant de nous rendre à une projection exceptionnelle au Champo de la maman et la putain de Jean Eustache.

dimanche 10 août 2014

Courchevel - Florent Marchet

"Plus accessible, moins baroque que son prédécesseur, Courchevel bénéficie de la présence de Jane Birkin – le temps d’un duo – et de celle du Malien Mamadou Koné Prince. Avec sa tripotée de singles potentiels (Benjamin, L’Idole, La Famille Kinder), il pourrait être l’album qui offre les sommets des charts à Florent Marchet. Souhaitons-lui la même destinée qu’à Benjamin Biolay, sacré héros du pays quelques mois après avoir été remercié par sa major." Les Inrockuptibles - Johan Seban.

La critique positive de Johan Seban du troisième album de Florent Marchet sonne juste, seule la prémonition de succès populaire était alors quelque peu optimiste . Nous même et sans aucune raison valable n'avons jamais fait réellement tourner cet album autant que les deux précédents. Alors c'est avec plaisir que nous le mettons en avant cette semaine pour en redécouvrir son coté, "acide, vicieux et beau" .

Courchevel est notre album de la semaine !



vendredi 8 août 2014

Françoise Huguier - Au doigt et à l'oeil

Dés la couverture, tout est dit du contenu de cet ouvrage "Autoportrait d'une photographe". C'est par le biais de la littérature que Françoise Huguier a choisi de revenir sur sa vie de photographe. Le premier événement marquant de son existence fut un kidnapping dont elle fut victime enfant, enlevée par des vietminhs avec son frère. Son père, directeur d'une plantation était revenu s'installer au lendemain de la seconde guerre mondiale, au Vietnam après la défaite des japonais. Alors âgée de huit ans, elle resta prisonnière huit mois au cœur de la jungle au cambodgienne.
Cette expérience traumatisante aurait pu la décourager de parcourir le monde, au contraire sa carrière de photographe va la promener en Asie, en Afrique ou encore en Sibérie, dans des conditions précaires parfois extrêmes. Nous la suivons tout au long de son apprentissage quand elle s'initie à l'art de la photographie dans les laboratoires où elle apprend la maitrise du développement, puis très vite elle se dirige vers le journalisme où la photo prend une place de plus en plus importante dans lesquotidiens .
Libération devient sa maison, elle passe des podiums des défilés de mode dont le quotidien propose une approche  iconoclaste et décalée, au reportage au long cours sur tous les continents . Nous avons notamment aimé lire son séjour au Japon accompagné par l'adorable critique  Serge Daney où elle se rend après une longue recherche sur la tombe de Mizoguchi avant de rencontrer Kurozawa qui prépare alors Ran, libre adaptation du Roi Lear. Mais si les mondes fréquentés par la photographe sont divers et variés, sa recherche est toujours la même, "exprimer en image, l'inexprimable", pour cela elle n’hésite pas à s'écarter, à rechercher un regard décalé,  notamment lors des défilés de mode où au milieu de ses collègues elle offre un regard singulier parce qu'elle a su voir l'indicible.
Cet ouvrage passionnant, se lit d'une seule traite, nous suivons avec intérêt les aventures de Françoise Huguier, son voyage en Afrique sur les traces de Michel Leiris ou sa volonté de prolonger son voyage en Sibérie région sinistrée et inhospitalière, jusqu'au détroit de Behring. C'est le portrait d'une femme libre, partageant son regard rempli d'humanité sur le monde...

A la lecture de ce livre, découvrir ses photos exposées à la Maison Européeenne de la Photographie jusqu'au 31 aout, devient une urgence.

jeudi 7 août 2014

Cecile Mc Lorin Salvant - Dee Dee Bridgwater Quintet (Jazz in Marciac)

Jeune femme de 25 ans, Cecile Mc Lorin Salvant fut la véritable découverte de cette soirée jazz, donnée sous le grand chapiteau de Marciac. Franco Américaine, la jeune femme après une éducation musicale classique va découvrir étonnamment le Jazz à Aix en Provence alors qu'elle a grandi aux Etats Unis. Son talent lui permet de remporter en 2010 le Thélonious Monk Competition.
Une voix exceptionnelle qui passe avec aisance des graves aux aigus, avec un vrai sens du swing, notamment dans une merveilleuse interprétation de You Bring out the savage in me de Sam Coslow  .Cecile McLorin Salvant a bluffé la salle par sa virtuosité qui ne serait pas grand chose si elle n'était nourrie d'une véritable sensibilité. Elle a visité les standards du Jazz et de la comédie musicale, mais elle a également fait un détour dans le répertoire français faisant une reprise d'un vieux tube de Damia Personne, terminant le concert par un hommage émouvant à Barbara à travers le mal de Vivre.

 Accompagnée de Aaron Diehl au piano; de Paul Sikivie à la contrebasse et de Jamison Ross à la batterie,ils  nous ont offert un moment rare d'élégance et de sensibilité avec notamment des solos de batterie  enthousiasmants.


Difficile pour Dee Dee Bridgewater d'assurer la deuxième partie de soirée après une telle performance, moins virtuose que sa jeune camarade, elle a offert une soirée plus funk avec notamment une section cuivre pleine d'énergie. Dee Dee Bridgewater avec sa gouaille inimitable  a donné un concert d'une grande  générosité, finissant par mettre le public debout avec une reprise  du Livin' For The City de Stevie Wonder lors du rappel. Elle avait auparavant rendu hommage à une grande chanteuse de la scène jazz qui reste pour elle une source d'inspiration inépuisable: Abbey Lincoln . Un hommage rendu notamment à travers une reprise de Blue Monk  et de Music is the Magic. Le pianiste  et compositeur Horace Silver fut fut également honoré  avec St Vitus Dance.

Absente du festival depuis 2008, le retour de Dee Dee Bridgewater fut une réussite, accompagnée par un quintet fabuleux: Theo Croker (trompette), Irwin Hall (saxophone) Michael King (claviers) Eric Wheeler (contrebasse) Kassa Overall (batterie).

Sublime soirée en compagnie de deux grandes dames de la scène Jazz !

mercredi 6 août 2014

Spooner - Pete Dexter

Spooner, un gamin pas banal, capable à l'âge de quatre ans de s'échapper par la fenêtre de sa chambre pour s'introduire chez ses voisins et goûter le fromage que ces derniers ont savouré l'après-midi sous son nez.  Après cette première escapade nocturne, il prend l’habitude de s'introduire chez ces voisins, urinant dans leurs chaussures...
Vivant chez sa grand mère ,avec sa mère et sa grande sœur depuis la mort de son père qu'il n'a pas connu, Spooner est un vrai rebelle. La rencontre et le mariage de sa mère avec Calmer Ottoson, un ancien militaire de la Marine reconverti dans l'enseignement va être une chance pour le gamin qui trouve un véritable père  canalisant son énergie, quand sa mère asthmatique et dépressive passe la plupart de son temps allongée sur son lit.
Le gamin a pris des chemins de traverse, mais il finit par trouver sa voie à travers l'écriture... Devenu journaliste puis écrivain, Spooner trouve enfin une stabilité... mais tout n'est jamais vraiment simple; se rendant dans un quartier malfamé de Philadelphie à la rencontre d'un lecteur insatisfait, il se fait massacrer à la batte de Base Ball.
Une vie , un roman, qui se lit d'une seule traite, impossible de ne pas tomber sous le charme de ce cabochard... Se faire une place dans l’Amérique puritaine n'est pas chose aisée , mais accompagné et soutenu tout au long de sa vie par Calmer Ottoson, un personnage hors norme, une sorte de saint incompris, Spooner y est parvenu...

Un grand roman, une superbe comédie,  un vrai régal !

dimanche 3 août 2014

Florent Marchet - Rio Baril

Nous avons décidé depuis notre passage par Gargilesse que c'est Florent Marchet qui nous accompagnerait au cours de cet été. Rio Baril son deuxième album est un vrai pari qui n'a pas généré à de rares exceptions le même enthousiasme chez les critiques que le précédent. Album concept se déroulant dans un ville imaginaire, Rio Baril nous raconte l'histoire d'un homme auteur d'un fait divers, de son enfance à l'âge adulte où la banalité d'une vie devient un album pop. Belvèdère premier morceau instrumental qui sonne tel un morceau d'Ennio Morricone nous plonge avec délice dans ce western provincial...
Nous avions immédiatement adhéré à ce  nouveau projet et c'est avec un vrai plaisir que nous l'écouterons à nouveau tout au long de la semaine !

Rio Baril est notre album de la semaine !


vendredi 1 août 2014

Brive la Gaillarde




Moins encaissée que Tulle, placée idéalement sur la route qui mène de Toulouse à Paris , Brive est la plus grande ville de Corrèze, plus bourgeoise que la préfecture. Son ancien système de fortification lui valut l'appellation de "gaillarde". Une certaine prospérité  se traduit par la présence d'un club de Rugby au plus haut niveau, certes le CA Brive n'a jamais soulevé le bouclier de Brennus mais ils ont tout de même dominé l'Europe en 1997...

Plus belle que la capitale, plus puissante économiquement, la ville n'a pas vu comme sa voisine décroitre sa population . Mais à Brive nous n'avons pas vu dans le centre ville une librairie digne de ce nom, et cela est assez fâcheux !

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