samedi 31 mai 2014

Partie de campagne - Jean Renoir

"Partie de Campagne (1936) est le film des pures sensations, chaque brin d'herbe nous chatouille le visage; adapté d'une histoire de Guy de Maupassant, Partie de Campagne donne le seul vrai équivalent de l'art de la nouvelle à l'écran; sans s'aider d'une ligne de commentaire, Renoir nous offre quarante cinq minutes de prose poétique dont la vérité, à de certains moments, nous donne le frisson ou quelque chose comme la chair de poule. Ce film, le plus physique de son auteur, vous touchera physiquement" . François Truffaut - Les films de ma vie.

La plume de François Truffaut est particulièrement juste, sensuel est le film de Jean Renoir mais aussi bouleversant... Henriette revenue avec son époux bien mal assorti,  sur le lieu même de cette partie de campagne  recroise celui avec qui elle avait eu alors une fugace étreinte. Elle nous laisse deviner à travers une larme l'émotion qui fut alors la sienne...
Un amour de quelques minutes qui illumine  une vie où les conventions ont fini par l'emporter, Henriette a épousé celui qui lui était destiné et qui n'a aucun charme....

Sublime Renoir!

Vu dans une version restaurée , le film est suivi des essais des acteurs et de rushs du film dans une version muette qui révèlent notamment des versions plus sensuelles de la rencontre entre les deux jeunes amants.

Puisque nous célébrons cette année François Truffaut, ce fut une aubaine de revoir ce chef d’œuvre de Jean Renoir sur l'écran du cinéma Le Champo

jeudi 29 mai 2014

Yves Ravey - La fille de mon meilleur ami

"Avant de mourir à l'hôpital militaire de Montauban, Louis m'a révélé l'existence de sa fille Mathilde dont il avait perdu la trace. il savait seulement qu'elle avait passé des années en asile psychiatrique et qu'on lui avait retiré la garde de son enfant.
Il m'a alors demandé de la retrouver. Et j'ai promis. Sans illusion. Mais j'ai promis. Et c'est bien par elle que tout a commencé."
Le narrateur va  retrouver Mathilde  et  son obsession de revoir son fils, alors qu'une décision de justice le lui interdit expressément. Mais rien ne peut  arrêter l'amour d'une mère.... Alors il s'embarque avec elle sur les traces du gamin, pour lui c'est l'occasion de fuir sa ville alors qu'il vient de se faire renvoyer de son boulot pour avoir détourné une importante somme d'argent qu'il doit rembourser dans les meilleurs délais pour éviter d'être dénoncé. La dèche mais notre héros n'est pas sans imagination pour tenter de rebondir...

Moralité, il convient de ne pas tenir de promesse à un ami  sur son lit de mort. Cela permet à Yves Ravey de nous raconter cette histoire mais surtout de parler de gens qui n'ont pas pour habitude de se retrouver dans les romans. C'est tout  son  talent  de  nous tenir en haleine avec un drame banal du quotidien, il nous trimballe d'un motel à un appartement HLM, puis  à une usine en gréve  où notre héros découvre qu'une caisse de solidarité a été largement abondée.  Il arrive même à nous faire saliver avec un Milk Shake servi dans un bar anodin. Yves Ravey signe un roman noir et jubilatoire.... 

L'ile de Giovanni - Mizuho Nishikubo

Située dans la partie la plus septentrionale de l'archipel nippon, l'île de Shikotan a vu débarquer à la fin de la seconde guerre mondiale les forces de l'armée rouge. La cohabitation est difficile pour les habitants japonais, qui finissent par être déportés en Sibérie, pour être par la suite renvoyés vers le Japon. sauf certains qui resteront prisonniers du Goulag... L'Urss s'approprie le territoire
C'est cette histoire que nous raconte Mizuho Nishibuko à travers le regard de deux frères qui finissent par sympathiser avec la fille de la famille russe  venue s'installer dans leur maison alors qu'ils ont été relogés dans l'étable avec leur père et leur grand père.
Le père qui a caché un stock de riz pour organiser la survie de la population locale affamée, est repéré et envoyé au Goulag. Ses deux jeunes fils finissent par suivre le même chemin, déportés vers la Sibérie, ils vivent sous la protection de leur institutrice...
Renseignés par leur jeune oncle , ils ont la folie de partir vers le camp où leur père est  prisonnier en plein cœur de l'hiver...
Parfois emporté par son lyrisme, Nishibuko ne lésine pas sur les sentiments.... Pour autant il signe un film d'animation qui se laisse voir avec grand plaisir rappelant une page sombre de notre Histoire dont les conséquences ne sont  pas été réglées à ce jour, elle demeure un problème diplomatique entre la Russie et le Japon.

mardi 27 mai 2014

Le jardin des Finzi Contini - Giorgio Bassani (Le roman de Ferrare III)

Nous avons déjà croisé la famille des Finzi Cintini dans le roman précédent de Bassani, les lunettes d'or:

"Mais à Ferrare, les Finzi Contini représentaient justement une exception. Et puis n'accomplissaient-ils pas, eux aussi  une "fonction historique impossible" à supprimer puisqu'ils avaient succédé à une ancienne famille de l'aristocratie ferraraise, maintenant éteinte, non seulement comme propriétaires de la demeure du corso Ercole I et de ses terres, mais aussi dans la façon de vivre isolée qui avait été la sienne?"

Notre narrateur est fasciné par cette famille vivant à l'écart du monde qu'il  croise uniquement lors des cérémonies à la synagogue ou dont il aperçoit les enfants au moment des examens de fin d'année alors qu'ils ont étudié auprès de précepteurs dans leur domaine pour éviter les contacts et les risques de maladie. Ces brèves rencontres lui ont permis de repérer Micol la jeune fille.

Tout change avec les lois raciales, les Finzi Contini ouvrent leurs portes pour recevoir les jeunes gens juifs interdits d’accès au club sportif et à la bibliothèque. S'engagent alors des parties de tennis sans fin occasion pour notre narrateur de se rapprocher de Micol, mais la jeune fille reste insaisissable...

Sublime roman où Bassani reconstruit un monde disparu dans les camps . Fasciné par cette famille aristocratique, il arrive à pénétrer dans cet univers où il vient étudier longuement, la bibliothèque est mise à sa disposition pour achever son mémoire et arriver au bout de ses études littéraires; il participe aux repas mais Micol reste inaccessible. Une extraordinaire histoire d'amour et de deuil...

dimanche 25 mai 2014

Wojciech Jaruzelski (06/07/1923 -25/05/2014)

C'est une figure majeure et controversée de l'histoire contemporaine polonaise qui disparait. Quel fut réellement le rôle de Jaruzelski, Général placé à la tête du gouvernement polonais alors que les grèves se multiplient encouragées par l'émergence d'un syndicat non autorisé Solidarnosc, il déclara l'Etat d'urgence en 1981, instauration suivie de nombreuses arrestations dans les rangs des insurgés. C'est le début d'un mouvement qui allait ébranler le bloc de l'est.
Par son action, a-t-il évité le pire pour son pays et une intervention de l'armée rouge ou fut-il un pantin entre les mains des dirigeants soviétiques?
Si la question fera assurément longtemps débat, Jaruzelski fut néanmoins celui qui accompagna la transition de son pays vers la démocratie, laissant son pouvoir après des élections à Lech Walesa le leader charismatique de Solidarnosc. Il suffit de lire quelques lignes détaillées de sa biographie pour prendre la mesure de la complexité du personnage. Un sujet passionnant pour les historiens

Deux jours, une nuit - Les frères Dardenne


Absente quatre  mois  pour soigner une dépression nerveuse, Sandra découvre que ses collègues ont fait le choix de voter son licenciement pour sauver leur prime de mille euros : elle a perdu son boulot ... Mais parce que le contremaitre semble avoir influencé le choix de ses ouvriers, le patron de la boite accepte un nouveau vote pour le lundi suivant. Sandra a un week end pour convaincre ses collègues de renoncer à leur prime et sauver sa place... Elle part à leur rencontre soutenue par son mari, la tache n'est pas facile car mille euros c'est une sacrée somme pour ces travailleurs.Il y aurait pu avoir quelque chose de très mécanique dans ce film mais il n'est jamais un catalogue des entretiens successifs entre Sandra et ceux dont elle vient demander le soutien. Les cinéastes belges sont trop subtils pour tomber dans ce piège, ils font de leur film un vrai suspens, mais aussi un portrait social de notre époque où la solidarité ouvrière s'est largement délitée parce que chacun est mis en concurrence et se débat   avec ses problèmes de crédit, de dettes. Face à ce terrible constat, leur héroïne est magnifique, ce film est l'histoire d'une femme qui revient à la vie.
Mais n'empêche, cette situation insupportable où le patron fait peser la responsabilité du choix sur ses salariés d'une manière honteuse est aussi l'occasion pour certains de réagir, de dépasser leur propre égoïsme, de révéler un comportement fraternel et de retrouver une dignité ... 
Marion Cotillard est absolument remarquable dans ce rôle, elle donne à son personnage une véritable épaisseur. Suivie au plus prés par la caméra dans un style propre aux frères Dardenne sa quête n'est pas sans rappeler celle du héros du voleur de Bicyclette, où sauver son travail est une question de dignité...
Sublime film !

L'ombre d'un doute - Alfred Hitchcock


Histoire de l'oncle Charlie de retour chez sa sœur pour la plus grande joie de sa nièce qui porte son nom et qui est sous le charme de cet oncle fantasmé ... il revient riche, des  cadeaux pour tous, accueilli par l'adoration familiale ... Mais c'est une planque qu'est venu chercher Charlie qui a la sale manie de tuer des riches veuves... Filé par deux policiers il devient nerveux, sa nièce  approchée par un policier découvre l’âme noire de son oncle... Et cela ne plait pas  à Charlie, supprimer sa nièce devenue un peu trop perspicace, semble devenu une nécessité ....
Sublime Hitchcock, qui signe un petit bijou, autour du thème de la culpabilité. Chaque montée d'escalier devient une épreuve et tout se finit dans un train... du pur Alfred, servi par un Joseph Cotten magnifique dans ce personnage de séducteur inquiétant...
La légende veut que cela soit le film préféré de  Hitchcock  mais à relire son livre d'entretiens avec François Truffaut, cela est plus nuancé:

""Je ne devrai pas dire que Shadow of a doubt est mon film favori. si je me suis exprimé parfois dans ce sens, c'est que je sens que ce film est satisfaisant pour nos amis les vraisemblants, nos amis les logiciens..."

Nous aimons particulièrement ce film que venons enfin de découvrir sur grand écran, notamment pour la prestation de son acteur et son ambiance inquiétante avec des notes d'humour noir qui font la marque du cinéaste . Ainsi les savoureux moments où le beau frère reçoit quotidiennement un ami avec qui ils cherchent à imaginer le crime parfait pour s’éliminer l'un l'autre. Pour autant il ne nous semble pas au niveau de Notorious ou de Vertigo, nous ne faisons pas partie du club des vraisemblants.

Vu dans le cadre du ciné club de Claude Jean-Philippe...

Eels - The Cautionnary Tales of Mark Olivier Everett

Mark Olivier Everett est le groupe Eels... A lui tout seul, il a déjà composé onze albums aux humeurs sombres, il n'a toujours pas commis la moindre faute de goût. Son dernier opus est une pure merveille de 40 minutes. De sa dépression nait la lumière

François Gorin en parle parfaitement dans une critique publiée dans Télérama, en voici un extrait:

"Conçu à l'ancienne, quarante minutes à écouter d'une traite, The Cautionary Tales porte en lui la nostalgie d'un musical de Broadway, tel qu'en écrivaient Rodgers & amp; Hart, ou George et Ira Gershwin : exposé d'un thème, nuancier mélodique reflétant une progression dramatique ou sentimentale... Puis le concept a voyagé. En 1959, Frank Sinatra fut avec No one cares le premier à décliner la dépression sur tous les tons et dans les formes. Un verre de scotch ne suffisait pas à tenir compagnie au crooner délaissé, il lui fallait au moins un orchestre symphonique. Une décennie plus tard, les excès du rock étant passés par là, John Lennon inaugurait lui la thérapie chantée. Dans une mise à nu douloureuse, y compris parfois pour l'auditeur, son premier solo post-Beatles créait sans le savoir un genre, dont Mark Everett est l'un des héritiers."

Cette pure merveille est notre album de la semaine!



samedi 24 mai 2014

Maps to the Stars - David Cronenberg

Soleil, ciel bleu en permanence, des palmiers gigantesques au coin des rues, des maisons de rêve, Hollywood temple du cinéma est ce lieu unique où votre vie peut changer en clin d'oeil si vous êtes repéré par un producteur influent. Mais derrière cette façade se révèle un lieu de cauchemars où la vie devient rapidement un enfer traversé à coup de psychotropes pour ne pas flancher.Cette ville se transforme en prison dorée mais impitoyable, le lieu de toutes les hypocrisies et de toutes les névroses .
Un univers parfait pour le cinéaste canadien David Cronenberg qui signe un film noir et inquiétant où nous retrouvons une famille un peu frappée avec un gamin acteur devenu star de cinéma , le père est une sorte de coach d'acteurs de renom , qui mélange massages pseudo-asiatiques et psychologie de comptoir .... Parmi sa clientèle une star Havana Segrand qui rêve du rôle où elle aurait l'occasion d'incarner sa mère, une ancienne actrice d'Hollywood .... mais elle n'a plus vraiment l'âge du rôle et tente par tous les moyens de l'obtenir... Le cinéaste qui choisit ses acteurs est le seigneur du domaine.
L'arrivée d'une jeune fille , Agatha vient perturber ce petit monde ... Après avoir mis sous son charme un chauffeur de limousine au rêve de scénariste,  elle devient l'assistante d'Havanna... Rapidement Agatha se révèle être la sœur fusionnelle de l'enfant-star, écartée de Los Angeles dans ses jeunes années par ses parents  après un drame familial dont elle porte les stigmates sur son corps couvert de brulures ...

Film sombre, glauque, Cronenberg y décrit le monde merveilleux de Los Angeles dans toute sa puanteur... Il le fait avec un coté jubilatoire comme Robert Altman dans The Player, mais de manière totalement réaliste à la différence de Muholland Drive de David Lynch... Hollywood a toujours été un monde de fous, mais autrefois il se dégageait une forme d'élégance comme nous le rappelle les ensorcelés de Vincente Minelli... Si Julianne Moore est absolument remarquable, son personnage ne nous émeut pas comme Eve incarnée par l'admirable Bette Davis dans le All About Eve de Joseph L Mankiewicz qui tanguait grave au cœur de la nuit....

Hollywood est devenu le monde de la laideur et de la médiocrité ... Cronenberg le filme d'une manière admirable. Effrayant !

mercredi 21 mai 2014

Les ponts - Tarjei Vesaas

Torbil et Aude deux adolescents ont grandi ensemble. Elevés dans deux maisons voisines, au cœur de la nature, prés d'un pont enjambant une rivière.Ils traversent ensemble leurs jeunes années . Leurs parents sont de vieux amis... Ils vivent en toute innocence retardant avec plaisir l'attente de leurs parents qui espèrent leur union.
Témoins d'un évènement grave qui bouleverse leur vie , ils traversent lors un pont imaginaire qui va les mener de l'adolescence à l'âge adulte.

Homme de la terre, le style de Tarjei Vesaas est sans fioriture ... A travers son écriture nous imaginons un taiseux, un homme qui ne s'exprime pas pour rien. La nature est omniprésente puissante, elle peut être inquiétante mais elle est aussi un lieu de refuge de protection et d'action ... La lecture est envoutante, forte, on n'en sort jamais indemne parce qu'il a cette capacité rare à capter en peu de mots l'indicible, l'invisible qui vient transformer à jamais son personnage... Il révèle tout le sens des silences, son style est unique !

Écrivain norvégien, Tarjei Vesaas décédé en 1970 a laissé une œuvre considérable, trop méconnue en France où  il n'a pas l'éclairage qu'il mérite.

dimanche 18 mai 2014

La chambre bleue - Mathieu Amalric


George Simenon est un spectateur avisé de ses contemporains, il regarde les anonymes dans leur quotidien... Son regard n'est jamais moral, il décrit la réalité dans toute sa crudité.  Il met en relief les hypocrisies de la morale bourgeoise, le goût pour le lynchage, la faiblesse de la justice humaine ... Son œuvre gagne en puissance avec le temps, lire un roman de Simenon est un plaisir garanti...
Les cinéastes ont toujours été tentés d'adapter ses romans mais souvent avec peu de réussite; nous n'aurions envie de retenir que Betty de Claude Chabrol dont l'univers était proche de celui de l'écrivain belge

Mathieu Amalric s'est laissé tenté par l'exercice proposant une version de "La chambre bleue... Une histoire d’adultère, d'empoisonnement... un fait divers qui passionne une ville de province où chacun sans rien savoir détient sa vérité ... Une histoire qui nous rappelle qu'il est dangereux lorsqu'on est parti sans rien, de revenir riche  dans la ville de ses jeunes années et de s'installer dans une maison moderne tape à l 'œil. Une situation qui ne fait que s'aggraver lorsque le dit personnage devient l'amant de la pharmacienne, celle la même dont il rêvait dans ses jeunes années... Deux décès suspects livrent la vie de Julien, coupable idéal  à l'instruction .

Un récit parfaitement mené où le héros confronté à la  vérité judiciaire se remémore le récit  de sa fatale histoire d'amour. Le parallèle entre les raccourcis de l'enquête et les souvenirs de Julien dit l'impossibilité du juge pourtant  consciencieux mais engoncé par sa morale bourgeoise,  d'établir la vérité du personnage au contraire de l'écrivain...

Mathieu Amalric réussit son adaptation littéraire , la structure du récit , la composition des scènes nous plongent chez Simenon... Stéphanie Cleau  est convaincante dans le rôle de  l'amante passionnée et démoniaque , Léa Drucker jolie blonde est parfaite pour le rôle de l'épouse trop effacée.

Out of your heads The Rolling Stones (1965)

Pour prolonger le plaisir que nous avons eu de voir le spectacle "Plus forte la vie" nous avons décidé de ressortir ce vieil album des Rolling Stones où figurent dans version américaine, leur tube interplanétaire Satisfaction.
Un tube qui nous rappelle cette scène magnifique d'Apocalypse Now où des jeunes GI'S remontant un fleuve, coincés sur un  bateau s'abandonnent sur le riff de la guitare de  Keith Richards diffusée par la radio, oubliant le temps d'une chanson, l'angoisse de leur situation... un rare moment de joie et de légèreté




samedi 17 mai 2014

Plus forte la vie - Laurent Brethome


Plus forte la vie c'est une idée un peu folle, celle de monter un spectacle total avec des comédiens amateurs encadrés par des artistes professionnels autour du témoignage de soldats blessés à la guerre et de leurs proches. Les paroles de ces hommes hospitalisés à l’Hôpital militaire de Percy situé au cœur de notre cité, ont été recueillies six mois durant par l'auteur dramatique Françoise Du Chaxel. Ces mots ont été l'inspiration du metteur en scène , un événement majeur de la saison du  Théâtre Jean Arp qui fait honneur à sa ville !

Ce travail est d'autant plus rare que notre littérature et notre cinéma ont si peu et si mal parlé de l'histoire de nos gamins partis à la guerre ...Seul nous vient immédiatement à l'esprit le roman de Laurent Mauvignier, "Des hommes".

Ils sont jeunes, ils ont souvent découvert la guerre à travers les jeux vidéos...
La France idéale "black blanc beur", c'est dans les troupes de l'armée Française qu'elle se trouve, elle ouvre ses portes à tous les gamins de la nation,mais ne soyons pas dupes c'est souvent dans ses classes populaires qu'elle les recrute. Néanmoins elle donne une dignité, un honneur à ses enfants parfois perdus dans l'anonymat des quartiers où en ces temps de crise  les mains tendues se font rares  ...  Ils s'engagent par goût de l'aventure,  des entrainements virils, de la camaraderie, la vocation naît parfois dans la plus tendre enfance. Les entrainements sculptent les corps, les muscles sont saillants comme ceux des héros antiques, ils sont prêts pour le combat, pour partir en Afghanistan dans un décor hors norme , une ambiance kafkaïenne où l'ennemi est partout et nulle part, rebelles, djihadistes...on doit se méfier de tous, des gamins, des femmes, des regards qui fuient dans les villages traversés... Ils sont venus amener la paix, les lendemains qui chantent, ils croisent une hostilité silencieuse, la peur est leur quotidien mais ils font face... Tout  renforce les liens entre les soldats, chaque mission est une roulette russe, puis un jour une mine, une bombe artisanale, tout bascule, la mort, le sang, certains se retrouvent dans un lit d’hôpital, le corps meurtri, handicapé, amputé, il faut se reconstruire se réapproprier son corps, retourner à la vie, c'est d'une violence inouïe.

Soixante acteurs, un chantier transformé en théâtre éphémère, parfait pour un champ de bataille; une ouverture sublime où les comédiens sortis d'une tranchée nous plongent dans l'effroi de la guerre à travers une chorégraphie où les corps se plient, se rompent, s'écroulent dans la terre. Histoire d'un soldat parti comme tireur d'élite, il a laissé sa femme seule, enceinte ...Il est Ulysse, elle est Pénélope, une histoire vieille comme le monde. Il multiplie les missions de jour, de nuit, puis il tombe sur une mine. Il rêve de ce temps où son corps lui permettait de courir librement, scène d'une désespérante beauté où le comédien se met à courir en boucle suivi d'un autre, puis d'un autre, d'un autre....
C'est cela la grâce de ce spectacle où l'on danse , on chante, on dit les mots...

"18 aout 2008, Uzbin
Dix étoiles tatouées sur mon cou
Pour ne pas oublier
Dix camarades tués dans cette
embuscade
et moi, blessé parmi les blessés
L'odeur du sang
le secouriste de combat
Qui trace sur mon front
Les informations
Qui aideront les secours
Dix étoiles qui ne s'effaceront pas"

Ce spectacle n'est pas un documentaire, un témoignage pour obtenir notre apitoiement cela eut été indécent pour ses hommes qui ont accepté le don de leurs corps. Evocation poétique de la vie et de ses tourments, et de ces histoires individuelles ; le thème  de l'homme à la guerre, de l'absurdité de sa situation est universelle.
Nous avons l'envie de partager cette vision optimiste de ce voyage au bout de l'enfer où la vie finit par l'emporter, parce qu'ils sont beaux  jeunes et généreux et qu'ils ont droit de rêver à ces futures parties de football, partagées avec leurs gamins...
Le travail de Laurent Brethome est exceptionnel, il a su réunir des citoyens de la ville venus de tous les milieux, de tous les âges et proposer un spectacle bouleversant d'humanité. Nous nous rappellerons longtemps de cette reprise inspirée et émouvante de mon légionnaire par Pauline Alcaide et Hugo Sempé, de l'interprétation hors norme de Ferdinand Barbet et du chant hongrois de Petra Korosi repris en chœur par l'ensemble des comédiens. Un grand moment où spontanément les gens se lèvent pour partager cet instant d'une rare intensité... Le pari était un peu fou au départ, il est largement relevé. Jouer en extérieur... la météo devait faire sa part de boulot, ils méritaient le soleil !

A coté de ce spectacle éphémère,  une exposition jusqu'au 15 juin  au théâtre de Jean Arp de dix clichés du photographe grand reporter au Parisien Philippe de Poulpiquet . Il a accompagné les soldats dans leur mission , puis il a continué son travail de retour à Paris en se rapprochant des blessés de l’Hôpital Percy. Sans aucun voyeurisme, il a photographié les corps meurtris en reconstruction, un travail remarquable.
Pour la France, est l'ouvrage qui retrace son travail autour de l'engagement de ces hommes partis en Afghanistan. Son travail a été récompensé par de nombreux prix.



mercredi 14 mai 2014

Malik Bendjelloul (14/09/1977 - 13/05/2014)

Auteur du documentaire "Searching For Sugarman", Malik Bendjelloul avait rencontré un succès incroyable mais largement mérité pour ce film consacré à l'histoire extraordinaire de Sexto  Rodriguez un chanteur resté inconnu aux Etats-Unis mais devenu à son insu une star en Afrique du Sud, où les fans pensaient célébrer un chanteur mort.
Pour ce film,  il avait reçu l'oscar du meilleur documentaire. La nouvelle de son décès inattendu est une bien triste nouvelle, cet homme par la générosité qu'il avait su montrer dans son film était assurément un des talents les plus prometteurs du documentaire un genre majeur du cinéma ...  R.I.P !

mardi 13 mai 2014

Le roi se meurt - Eugène Ionesco


Le roi Bérenger 1er est enfermé dans son palais, coupé du monde à la tête d'un royaume en pleine déliquescence. Sûr de sa force et de sa puissance il pense tout contrôler ... Mais sa santé décline , son heure est venue; il faut l'en informer. Marie, la reine et sa deuxième épouse  s'y refuse... Marguerite, la reine et sa première épouse, assume la  mission ,aidée par le Médecin de la cour qui à l'occasion est aussi le bourreau du Royaume...
Le roi va mourir, cette sentence le monarque se refuse de l'entendre. Soutenu par sa jeune épouse et sa femme de chambre, il nie son état , refuse le verdict médical . Mais les faits sont là, il ne peut plus tenir sur ses jambes,d'abord révolté , il finit par  sombrer dans la résignation... le roi se meurt.
La pièce de Ionesco a un vrai coté cocasse , le tyran n'est jamais éloigné du bouffon, ridicule et absurde... mais derrière le rire se révèle rapidement l'effroi devant le roi fou, se moquant de laisser un royaume en ruine, l'homme narcissique se retrouve seul  confronté à sa mort, qui l'oblige à renoncer à tous ses privilèges...
Tel un petit enfant effrayé, il devient un être presque touchant ...

Une scénographie dépouillée, des murs de béton, un mobilier venu du monde hospitalier... C'est là aujourd'hui que l'on meurt...
Jean-Louis Raynaud dans sa note d'intention reconnait avoir été inspiré par le printemps arabe et la chute des tyrans, Kadhafi, Ben Ali,  ou encore par les événements syriens...  Brillant travail, plus qu'une réflexion sur la mort. Même si le spectacle respecte l'universalité du personnage du roi voulu par l'auteur - "En réalité pour moi tout homme est un roi qui est au centre de l'univers. L'univers lui appartient jusqu'au moment où évidemment tout cela s'écroule "- Entretien de Ionesco avec Paul Louis Mignon), la compagnie de  théâtre de l’Éphémère développe avec force l'aspect politique du texte et le dégout de Ionesco pour toutes les formes de totalitarismes. C'est un véritable tour de force !

Une magnifique mise en scène  servie par une troupe formidable donnant au magnifique et terrible texte de Ionesco  toute sa force.

Le roi se meurt - Eugène Ionesco - Compagnie de l'éphèmere

dimanche 11 mai 2014

Désiré - Sacha Guitry

Adapté d'une pièce de théâtre, Désiré est l'histoire d'un valet de chambre qui a la fâcheuse habitude de tomber amoureux de ses patronnes... Odette qui vient de le prendre à son service est une charmante jeune femme, la maitresse d'un ministre. Aidé dans sa tache par Adèle la cuisinière, et Madeleine la femme de chambre, il fait immédiatement l'unanimité  par la qualité de son service...
Mais voila que la nuit il se met à rêver de sa jeune patronne à haute voix attirant l'attention de Madeleine qui entend tout à travers la cloison de la chambre voisine.... Dans le même temps Odette la jeune femme rêve de son valet réveillant le ministre...
Désiré puis plus tard la Règle du Jeu marque la fin d'une époque, celle où les gens de maison tenaient un  rôle  essentiel dans le quotidien des demeures bourgeoises se plaçant de fait  au cœur de comédies du genre. Ils étaient plus d'un million au début du XX° siècle. Sacha Guitry a grandi à leur contact  il leur rend un hommage à travers son texte, leur donnant le rôle central  de sa comédie. Claude jean Philippe a d'ailleurs rappelé dans sa présentation pour souligner la justesse du regard du cinéaste, la réaction d'une dame de maison de Sacha Guitry après  une représentation: "mon Dieu il écoutait aux portes".
Adaptant sa pièce de théâtre par un montage judicieux et l'utilisation de plans de coupe, Guitry donne vie à son texte il évite le piège du théâtre filmé. C'est joyeux,  drôle il se dégage de ce film une sensualité peu commune... Certains peuvent s'agacer du style précieux de l'auteur, de son phrasé si particulier, nous lui trouvons un vrai raffinement dans l'écriture un vrai sens de l'humour distingué... Evidement le sort fait ici aux domestiques est  plutôt enviable surement éloigné de la réalité sociale. C'est un monde idyllique et joyeux. Le film décrit pour autant une réalité où l'offre d'emploi est allé en diminuant au cours du XX° permettant aux gens de maison d'avoir des exigences plus élevées.

Arletty et Pauline Carton sont formidables, Jacqueline Delubac jeune épouse du cinéaste est sublime. Désiré se revoit toujours avec un grand plaisir !

The House of Love - The House of Love (1990)


D'House of  Love nous n'avons qu'un seul album, celui de 1990 au titre éponyme ...Nous y retrouvons un tube Shine On et une sublime ballade Beatles and the Stones .Régulièrement nous le ressortons et c'est toujours avec le même plaisir que nous l'écoutons, un album festif à souhait  qui n'a pas pris la moindre ride....

House of love est notre album de la semaine !



samedi 10 mai 2014

My Sweet Peperland - Hiner Saleem

Une scène d'ouverture hallucinante où un Procureur de la République se félicite de la première exécution capitale du Kurdistan Libre, le condamné qui jure son innocence est pendu dans des conditions apocalyptiques. Tragique et comique cette première scène donne le ton de ce western Kurde qui nous mène dans un petit village au fin fond des montagnes,  véritable carrefour entre la Turquie, l'Iran et le Kurdistan, lieu de tous les trafics.
Baran un héros de la résistance au pouvoir de Saddam y accepte un poste de chef de la police, une opportunité pour fuir sa mère qui cherche à tout prix à le marier. Coin perdu, où il retrouve Govend une jeune institutrice belle et rebelle échouée là, pour les mêmes raisons que Baran: fuir sa famille et préserver sa liberté.
Les deux nouveaux  se retrouvent  confrontés à Aziz Agag,  chef de la maffia locale qui souhaite contrôler tous les trafics... Ce dernier ne voit pas l'arrivée de ces deux idéalistes qui souhaitent incarnés le nouvel état démocratique et incorruptible d'un bon œil. La guerre est déclarée...

Ce film est absolument réjouissant, on devine que Sergio Leone fut une source d'inspiration pour son auteur. les paysages hors normes sont fascinants et peuvent expliquer par leur coté abrupt la rudesse des hommes.  C'est la naissance d'une nation que filme Hiner Saleem  un retour aux sources du cinéma en quelque sorte. Des chevaux qui se battent dans une scène hallucinante dont on s'interroge comment elle a pu être tournée, des duels à l'arme à feu, une histoire d'amour, la civilisation qui tente de s'installer dans un territoire sans loi aucun doute ce film prolonge l'histoire du Western...

Enfin ce film consacre définitivement une actrice remarquable Golshifteh Farahani, une des futures grandes dames du septième art.

Un bon fils - Pascal Bruckner

Le père de Pascal Bruckner était un salaud. Le mot est brutal mais aucun autre ne semble plus approprié pour qualifier le personnage. Antisémite convaincu, il s'est engagé avec fougue et passion dans le S.T.O pour apporter son soutien au régime Nazi ;  il collabore chez Siemens... Il passe entre les mailles du filet et parvient à ne pas être inquiété à la Libération. Pour autant son antisémitisme est toujours aussi forcené.
Mari odieux, il humilie et bat régulièrement sa femme, père sans finesse il tente d'inculquer en vain les mathématiques à son fils à coup de torgnoles.  Dans cet univers cauchemardesque, le jeune homme trouve sa voix dans la littérature et l'étude de la philosophie.
Il grandit contre son père et s'amuse de se voir à tort considéré comme un intellectuel juif parce qu'il collabore avec les nouveaux philosophes: Alain FinkelKraut qui fut son ami proche et plus tard André Glucksman et Bernard Henri Levy....
Mais un père reste un père;  malgré ses cotés insupportables et inexcusables, le fils lui garde une certaine tendresse. Il y a évidemment des périodes de silence, mais il est toujours là, notamment à l'age de la vieillesse où le père souffrant du syndrome de Diogéne vit au milieu des détritus. la dernière surprise du fils est de découvrir la circoncision du père.

De Pascal Bruckner, nous ne savions pas grand chose, nous n'avions rien lu nous l'avions laissé dans la case des va-t-en guerre qui  allèrent jusqu'à soutenir George Bush Junior dans son intervention en Irak. Nous pourrions voir de manière simpliste à travers son rapport au père, une explication à cette volonté féroce de vouloir dégommer tous les tyrans de la terre, faisant fi des ravages de la guerre....

Le ton est plaisant, ce n'est pas qu'un simple règlement de comptes qui aurait été sans intérêt, il ne cache pas la complexité de sa relation, et parfois presque une reconnaissance c'est aussi grâce à son père ou contre lui qu'il a réalisé son rêve: "vivre de sa plume..."




Conversation animée avec Noam Chomsky - Michel Gondry

Conversation à bâton rompu entre le cinéaste Michel Gondry et le philosophe, linguiste Noam Chomsky. On part de l'enfance du penseur à son travail de linguiste , la mort récente et douloureuse de son épouse est évoquée avec pudeur . Le tout est illustré des dessins candides  de Michel Gondry, ils défilent à toute allure donnant parfois un effet hypnotique au film.
Cela  se révèle épatant, un projet de quatre ans où le cinéaste réalise un travail d'artisan. Modeste devant le savant, il pose ses questions dans un anglais à l'accent so frenchy. Devant ce géant il devient petit et modeste. L'intellectuel anarchiste pacifiste arrive à nous faire toucher du doigt le concept de la grammaire générative.

Un film émouvant,  passionnant qui désacralise le savant pour le rendre diablement humain !

jeudi 8 mai 2014

D'une vie à l'autre - Georg Mass

Si l'histoire des pays du bloc de l'Est fut une tragédie majeure du XX° siècle, c'est également une source d'inspiration inépuisable pour les auteurs d'espionnage ou de récits historiques.. L'Allemagne de l'Est, où la sinistre Stasi  installée sur les vestiges du nazisme servant avec zèle un régime paranoïaque totalement servile au grand frère russe, est à l'origine des films les plus passionnants de ces dernières années du cinéma allemand. Si "La vie des autres" vient immédiatement à l'esprit il convient de ne pas oublier le remarquable film de Christian Petzold, "Barbara" .
"D'une vie à l'autre" vient compléter cette liste, histoire d'une enfant née dans un Lebensborn norvégien rapatriée par les nazis en Allemagne, avant d'être élevée dans un orphelinat Est allemand. La jeune fille sans famille est une proie idéale pour les services secrets...Elle est renvoyée dans son pays de naissance pour  retrouver sa mère biologique mais surtout devenir un agent de renseignement Est allemand.
Le film commence à cette période charnière entre la chute du mur de Berlin et la réunification des deux Allemagnes. La STASI est aux abois, s'accrochant à ses pouvoirs.
L'histoire parait simple, mais comme dans tout bon film d'espionnage, elle s'avère bien plus complexe, plus machiavélique perdant parfois le spectateur avant de le reprendre dans un final haletant. Mais ce qui fait sa force et sa richesse, ce qui lui donne toute sa profondeur, c'est qu'au delà de sa partie espionnage et film d'action, c'est aussi un drame intimiste et une véritable réflexion sur l'identité.
Comme souvent pour ce genre de film de genre, la forme n'est jamais révolutionnaire mais nous avons finalement plutôt apprécié l'utilisation d'une caméra super 8 pour les retours dans le passé nous permettant aisément de suivre le récit dans toute sa complexité . Ce qui donne également à ce film toute sa densité est l'interprétation magistrale et le charisme de l'actrice Juliane Kölher et le plaisir jamais démenti de retrouver l'immense Liv Ullmann.
Nous avons assisté à cette projection dans le cadre d'une soirée organisée par le magazine L'Histoire avec Antoine de Baecque et Guillaume Mouralis, Historien spécialiste de l'Allemagne de l'Est et notamment des procès qui ont suivi la chute du Mur nous apprenant ainsi que les "ossis"compromis du régime communiste, inculpés après la mur du chute furent plus nombreux que les nazis après leur défaite. Il nous a également rappelé également la réalité des Lebensborn, et leur nombre important en Norvège considéré par les dignitaires nazis comme le berceau de la "pure aryanité"...

mardi 6 mai 2014

Les lunettes d'or- Giorgio Bassani (Le roman de Ferrare - part II)

Histoire tragique du docteur Fadigati, otorhinolaryngologiste venu s'installer à Ferrare pour fuir sa ville Venise et ses mauvais souvenirs après la mort rapprochée de ses deux parents et de sa sœur bien-aimée. Il rencontre un grand succès auprès des habitants, son cabinet moderne rassure. Tous les gamins de la cité passent entre ses mains. Mais à force de le voir vivre en solitaire, les rumeurs circulent sur les mœurs du docteur que l'on soupçonne d'être un "inverti"...
Toute la bourgeoisie de Ferrare se retrouve l'été dans la station balnéaire de Riccione, le docteur y partage une chambre d'hôtel avec Delilliers, un jeune étudiant... C'est le scandale, le médecin est mis au ban de la société, seul le narrateur qui se retrouve confronté aux premières mesures anti-juives lui tend la main. Désespéré, le docteur Fadigati choisit de se laisser couler dans les flots du Pô...

Sombre histoire qui dénonce les hypocrisies de la bonne société bourgeoise avec pour toile de fond l'Italie fasciste. Sobriété de l'écriture, sens du récit, le roman captive. C'est une œuvre forte, universelle qui décrit une société bourgeoise remplie de certitudes, et foncièrement moraliste.... Rien n'a changé les opposants au mariage pour tous, l'augmentation des actes homophobes ne font que le confirmer.

Un très grand roman !

lundi 5 mai 2014

Pas son genre - Lucas Belvaux

C'est l'histoire d'un professeur de  philosophie Clément muté de Paris à Arras qui tombe amoureux d'une coiffeuse peroxydée Jennifer... Il aime Kant, la littérature, elle dévore les magazines people ,la littérature populaire et chante au karaoké dans les boites de nuit le samedi soir avec ses copines...
Une histoire d'amour, deux mondes différents, un océan culturel entre eux deux.... Elle est sincère, exprime ses sentiments, a besoin de se projeter dans l'avenir, elle rêve du grand amour, d'un monde coloré des comédies musicales... Il n'exprime pas grand chose, juste qu'elle est une coiffeuse kantienne, il refuse les sentiments... mais il ne peut finalement plus se passer d'elle, sans pour autant dire aux "siens" leur histoire, elle devient son secret d'Arras, Paris est un lieu interdit pour la jeune fille. Elle est son amour mais il ne peut pas l'assumer...
Jennifer révèle une vraie finesse d'esprit, un regard perspicace elle n'est pas moins intelligente que Clément  ...  elle comprend l'impasse de leur relation.
Un film qui tient à un fil, les clichés sont nombreux, le début sonne faux et pourtant nous finissons par  nous accrocher aux personnages. Emilie Dequenne et Loic Corbery par leurs interprétations  magistrales   rendent  cette histoire possible et crédible... Un film terrible, sombre qui nous révèle notre époque où les différences culturelles sont un clivage social qui ne peut plus être transcendé...

dimanche 4 mai 2014

Les amants crucifiés - Kenji Mizoguchi

Osan, une jeune fille a épousé le riche et puissant Ishun, grand imprimeur  du palais royal,  un homme plus âgé qu'elle, pour sauver sa famille de la faillite et du déshonneur. Mais son mari ne veut plus couvrir les dettes de son beau frère jetant son épouse dans le plus grand désarroi. Cette dernière est d'autant plus déprimée qu'elle apprend que son époux la trompe abusant d'une de ses ouvrières.
Pour obtenir les fonds nécessaires à sauver son frère et l'honneur de sa famille,Osan s'adresse alors à Mohei le fidèle serviteur. Ce dernier est découvert, il préfère s'échapper alors que son patron l'a séquestré, Osan le suit... Les deux jeunes gens s'avouent alors leurs sentiments , libérés de toutes contraintes sociales ils découvrent l'amour et le bonheur.  Poursuivis ils sont rattrapés, condamnés à être crucifiés pour adultère... Ils défilent dans la rue avant d'être éxécutés, le bonheur affiché sur leur visage surprend tous ceux qui les connaissaient.
Représentation du Japon féodal du XVII°siècle dont l'esprit chevaleresque  n'est en fait  qu'hypocrisie, celle des puissants corrompus. Une société où le sentiment n'a pas de place, c'est en se mettant hors du monde en se rapprochant de la nature que les deux jeunes gens découvrent la puissance du sentiment, créant  dans un  premier temps un sentiment de panique chez Mohei qui cherche à s'enfuir pour sauver la jeune femmes ...
Magistral, Mizoguchi filme un drame social qui a la puissance d'une tragédie... L'homme était parait il tyrannique jamais satisfait du résultat, il remettait sans cesse en question le travail effectué dans un véritable climat de peur... celui-ci n'apparait jamais à l'écran, chaque plan est empreint d'une grande poésie, aucun n'est gratuit, la nature joue un rôle essentiel en particulier les séquences aquatiques où les héros finissent par se retrouver et se révéler...

Sublime!

Vu dans le cadre de l'indispensable ciné club de Claude Jean-Philippe au cinéma l'Arlequin

Temples - Sun Structures


Il est écrit dans les inrockuptibles: "Douze morceaux comme douze pilules de LSD : Temples sera la meilleure drogue légale de l’année."

Alors nous tout de suite, nous avons voulu essayer... Il est vrai que ces jeunes anglais avec un retour aux rocks psychédéliques dépotent sérieusement, du LSD faut être pas exagérer. Mais c'est tout de même  fort réjouissant et plutôt planant et très rapidement addictif... une belle découverte!

Sun structures est notre album de la semaine !



La fête de l'insignifiance - Milan Kundera


"L’insignifiance , mon ami, c'est l'essence de l'existence. Elle est avec nous partout et toujours. Elle est avec nous partout et toujours. Elle est présente même là où personne ne veut la voir: dans les horreurs, dans les luttes sanglantes, dans les pires malheurs. Cela exige souvent du courage pour la reconnaitre dans des conditions aussi dramatiques et pour l'appeler par son nom. Mais il ne s'agit pas seulement de la reconnaitre, il faut l'aimer, l'insignifiance, il faut apprendre à l'aimer."

Il ne se passe pas grand chose dans le dernier ouvrage de Milan Kundera axé autour des conversations de quatre amis, Alain, Ramon,Charles et Caliban... pas d'intrigues, de fil conducteur, impossible de résumer ce texte. Mais derrière cette légèreté et superficialité apparente n'est que factice, l'auteur nous parle tout simplement de la vie et de son absurdité, de la mélancolie...
Le rire est au cœur de l’œuvre de Milan Kundera. Si l'esprit potache ou la plaisanterie pouvaient être source d'ennui pour leurs auteurs dans les anciens pays de l'Est, les dictateurs communistes n'ont jamais pu tuer le rire.Staline s'amusant lui même des membres du soviet suprême, ainsi la  savoureuse histoire tirée des mémoires de Khrouchtchev racontée par Charles...

Roman, ou plus exactement devrions nous parler de sotie, tant ce dernier ouvrage de Kundera nous renvoie aux textes de Gide ou encore aux comédies d'Alain Resnais.

C'est cocasse, léger, pétillant mais pour autant la distraction est prétexte , derrière le rire c'est aussi une réflexion profonde sur la condition humaine que mène l'auteur de la Plaisanterie.

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