Venus c'est l'histoire dramatique de Saartjie Baartman, jeune femme originaire de la province du Cap (Afrique du Sud), d'ethnie koisan. Domestique, elle est amenée par son patron Afrikaner en Europe pour être exposée dans des théâtres de foire. Elle va de Londres à Paris, appelée la Venus Hottentote elle devient un objet de curiosité, même des grands scientifiques, elle meurt à 26 ans alcoolique, abandonnée à la prostitution la plus sordide...
Abdellatif Kechiche aurait pu faire une hagiographie gentiment émouvante de Saartjie, un film qui donne bonne conscience dans la tradition d'Hollywood.. Son choix est beaucoup plus fort, il a préféré filmer le désespoir, les souffrances de Saartjie sans jamais rien nous révéler de ce qu'elle ressent de ce qu'elle pense ,elle reste un mystère mais elle est est la seule à garder sa dignité. Fidèle à son style, Abdellatif Kechiche film les visages les corps au plus prés, il ne prend jamais de distance avec son sujet, on oublie vite que c'est un film d'époque en costumes... Le seul regard bienveillant posé sur Saartjie est celui d'un peintre qui travaille pour Cuvier qui sait voir sa pudeur et son humanité, il lui offre son dessin.
Ce que filme aussi Abdellatif Kechiche c'est la naissance des thèses racistes en Europe, la scène ou l'on voit les scientifiques prendre les mesures de Saartjie nous renvoie à la scène d'introduction de M Klein de Joseph Losey, où des familles contraintes par les lois antisémites de Vichy subissent "l'examen ethno-racial" permettant d'établir ou non un certificat d'aryenneté.
Abdellatif réalise un film plein de force et de fureur, il est incontestablement un de nos plus grands cinéastes.
Pour information, le moulage réalisé par Cuvier après la mort de Saatjiea été exposé jusqu'en 1974 au musée de l'homme à Paris. Ce n'est qu'en 2002,après le vote d'une loi spéciale que les restes de la dépouille de Saatjie furent rendues à l'Afrique du Sud, une cérémonie conforme aux croyances de son peuple lui fut enfin rendue.