lundi 14 mai 2012

Représailles - Raymond Guerin

Nous ignorions tout de l’œuvre de Raymond Guérin mais lors d'une émission radiophonique, Jean-Paul Kauffmann biographe passionné de l'écrivain bordelais nous a convaincu de partir à sa rencontre .
Représailles est le court journal tenu durant la période de la libération qui fait suite au temps de la sottise, Raymond Guérin libéré depuis quelques mois du stalag suit en spectateur joyeux la fuite des "barbares" de Périgueux en aout 44.
Prisonnier, ayant une vraie sympathie pour les communistes il a détesté dés le premier jour le Maréchal qu'il nomme "le grand baveux" ,ce qui lui valut dans un premier temps la désapprobation de ses camarades d'infortune. Pour autant de retour au pays, il ne s'est pas engagé dans la résistance par manque de contact et par la nécessité de prendre un temps de repos pour se refaire une santé. Il partage sa vie avec Sonia son épouse.
Le temps de l'euphorie passée, le diariste voit  avec dégout les résistants de  dernière minute se multipliaient, il est aisé de mettre au tour de son bras un bandeau FFI. Puis, il assiste aux procès bâclés de l'épuration, les tribunaux  deviennent un lieu de spectacles des villes de province;  il y découvre avec effroi que l'on a plus de chance de s'attirer l'indulgence du Jury si on passe après deux condamnés à mort que deux acquittés, Il n'est pas surpris par la lâcheté des collabos, pas un seul n'assume son passé, son engagement dans la sinistre milice ...

Bordeaux libéré, il peut retourner dans sa ville et retrouver avec horreur sa maison qui a été occupée par les nazis. Cette ville qu'il considère comme "la plus collaborationniste" le met mal à l'aise. Il est temps pour Raymond Guérin de retrouver sa place dans le monde littéraire mais il a perdu tous ses contacts, son statut de prisonnier de guerre est presque un boulet pour lui qui est resté à l'écart des évènements. Seul Jean Paulhan, connaissant ses convictions pacifistes d'avant guerre lui écrit pour connaitre l'attitude qu'il aurait pu adopter s'il n'avait pas été fait prisonnier. Se serait-il compromis ? Mais Guérin n'est pas Jean Giono:
 
"Pacifiste et antimilitariste, je le suis, plus que jamais. C'est bien pourquoi, quoi qu'il ait pu arriver, je n'aurai que pu être contre la barbarie. La barbarie c'est avant tout et surtout, la soldatesque, la police. Le parti-pris en faveur de l'opprimé contre l'oppresseur me préservera toujours des confusions possibles. Jean Paulhan avait raison de tenir compte de mon autonomie. On ne m'entame facilement.Ma rigueur est suffisamment connue. J'ai l'air comme ça de faire des risettes. Mais je suis plutôt coriace, quant à l'essentiel. Avant 39, j'ai pu pécher par indulgence en faveur de la barbarie. Je ne voulus pas croire , qu'elle fut telle qu'on la dépeignait. Depuis, j'ai vu l'hydre. J'ai souffert dans ses griffes. Je n'oublierai pas son visage".
 
Le journal s'ouvre sur un homme exalté "Se peut-il que je sois là , à ma table, écrivant tranquillement les premiers mots depuis plus de quatre ans, écrits dans la liberté?",  il se referme sur un homme désabusé "Vais-je enfin rétablir l'équilibre? Je n'ai même plus de désirs... Dormir, oublier, oublier..."

Un document rare sur cette époque trouble, un texte à lire ! Nous continuerons à découvrir les écrits de Raymond Guérin.

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