lundi 8 juillet 2013

Voyage à Tokyo - Yasujiro Ozu

Un vieux couple décide de faire un voyage à Tokyo, occasion pour eux de retrouver leurs enfants partis vivre dans la capitale... Très rapidement, ils se rendent compte qu'ils dérangent leur fils pédiatre et leur fille qui tient un salon de coiffure, ceux-ci n'ont pas vraiment le temps de s'occuper d'eux c'est leur belle fille, veuve de  leur fils cadet mort à la guerre qui se montre la plus proche... Ils retournent avec un sentiment ambigu dans leur village.
De ce drame intime, Yasujiro fait le portrait du Japon de l'après guerre, où nous découvrons une rupture entre deux générations,  la plus jeune s'occidentalise alors que les anciens restent fidèles à leurs vieilles coutumes. Le film révèle également le problème du logement des années 50, les maisons sont petites, agglutinées les unes aux autres,  pas vraiment prévues pour recevoir des invités.
Par ses cadrages qui lui sont si particuliers avec une caméra au ras du sol, Yasujiro Ozu garde toujours une certaine distance avec ses personnages. Il les films avec pudeur, cette pudeur que nous retrouvons dans la relation entre enfants et parents. On ne s'embrasse pas, il n'y a pas de contacts physiques à l'exception de cette fin de journée où la belle fille masse les épaules de sa belle mère fatiguée.Pour autant les rapports sont remplis d'un grand respect.
Cette distance apparente ne doit pas être vue comme un signe de froideur, bien au contraire, elle permet au cinéaste de ne pas  sombrer dans le mélodrame familial mais de nous offrir un regard sans jugement sur les différents personnages, donnant ainsi à chacun son épaisseur, ses nuances... de filmer sans nostalgie une société en pleine mutation qui s'occidentalise sous l'influence de l'occupant américain totalement absent dans ce film. Ozu  pressent avec justesse l'implosion de la famille japonaise, le développement de l'individualisme où chacun doit faire face comme il peut à l'émergence de la société de production et de consommation de masse. C'est un bouleversement sociologique qu'il filme avec une grande acuité, sans que son propos soit celui d"un conservateur irréductible...
Les plans sur les paysages sont de véritables tableaux dans la lignée des paysages d'Hiroshige.
Ozu filme au ras des pâquerettes, pour autant son cinéma monte très haut, au firmament des chefs d’œuvre d'une septième art. Bouleversant !

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