samedi 4 juillet 2015

Chronique d'un été - Edgar Morin et Jean Rouch

Eté 1960, Edgar Morin et Jean Rouch décident de faire un film sur les Français, mais ils souhaitent également réfléchir sur le documentaire et savoir s'il peut exister un cinéma vérité en s'interrogeant sur la capacité des individus à garder leur sincérité face à la caméra. Ils passent de Paris à Saint-Tropez , sans oublier d'aller faire un tour à Saint Jean de Luz et les arènes voisines de San Sebastien, le temps d'une corrida...
Le film commence sur une séquence simple où les gens sont interrogés dans la rue : "Etes-vous heureux?" Puis le film se resserre sur des personnages venus de divers horizons, des étudiants dont Régis Debray, des ouvriers de chez Renault, de jeunes couples, une cover girl à Saint Tropez, un africain installé récemment en France. Les thèmes abordées sont variés:  l'amour, le travail, les loisirs, la culture, le racisme....
Une film passionnant qui n'a rien perdu de sa fraicheur, Jean Rouch est plutôt joyeux, Edgar Morin dans un style plus universitaire. Nous avons cette impression agréable que le film se fait devant nous, que rien n'est écrit. La France est alors dans une situation de plein emploi avec une classe ouvrière présente à la voix forte. Les usines ont une vraie présence sur le territoire comme les usines Renault à Boulogne Billancourt, elles sont aussi un lieu de réflexion. Cette période pourrait être totalement joyeuse et propice au bonheur, mais en arrière fond il reste la question algérienne qui pèse sur les épaules des jeunes gens peu enclins à vouloir rejoindre les rangs de l'armée française...
Inspirateur du cinéma de la nouvelle vague, Jean Rouch réinvente le cinéma documentaire, notamment par les procédés techniques et le développement de caméras légères qui permettent d'enregistrer en direct le son... Il y a dans ce film de merveilleuses séquences de cinéma et d'émotions, nous pensons notamment aux plans filmés dans les usines Renault montrant des ouvriers au travail ou encore le témoignage poignant de Marceline Loridan sur son expérience des camps d'extermination , filmée sur la place de la Concorde.
"Nuits et Brouillard" d'Alain Resnais avait révélé en 1956 la réalité de l'horreur des camps de concentration et d'extermination nazis. Pour autant le sujet reste sous silence, ce témoignage direct , le témoignage de Marceline Loridan est un des premiers à avoir été filmé.

Vu au cinéma l'Arlequin, Chronique d'un été est un film rare sur la jeunesse française du début des années 60, il renouvelle le cinéma documentaire, les réalisateurs ne sont pas dupes du jeu des intervenants devant la caméra, mais ce jeu n’empêche pas à la vérité d'une époque d'éclore et de laisser  pressentir les germes d'un mois de mai à venir. Superbe !

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