Ouverture du film sur une suite d'images, des numéros défilent 9 , 8, 7 , un sexe en érection, un mouton égorgé, des viscères, une araignée, une main crucifiée sur la croix, puis une morgue, des cadavres et un enfant étendu sur un lit, mort semble t-il. Il se réveille, lit, puis se lève et se rapproche d'un écran où apparait le visage d'une femme. Le générique démarre ...
Nous avons surement oublié de nombreuses images qui ont défilé devant nos yeux, n'ayant retenu que les plus marquantes; elles sont venues au cinéaste alors malade, victime d'une double pneumonie qui allait le plonger dans une dépression, il confesse que ce film allait le sauver:
"J'ai dit un jour que Persona m'avait sauvé. Ce
n'était pas une exagération. Si je n'avais pas trouvé la force de faire ce
film là, j'aurai sans doute été un homme fini... Pour tenter de trouver l'inspiration,
j'ai joué au petit garçon qui est mort, mais malheureusement il ne peut pas
être tout à fait mort, car il est tout le temps réveillé par des coups de
téléphone. Le début est un poème sur la situation qui a donné naissance à
ce film. J'ai donc dégagé les éléments essentiels. Il y a un liseré blanc
tout autour. Les personnages n'occupent pas tout l'écran, ils sont inscrits
dans la blancheur."
Elizabeth Vogler, une actrice de théâtre, cesse de parler au milieu d'une représentation d'Electre. Placée dans une clinique, elle se maintient dans le silence, restant immobile dans son lit. On lui adjoint une infirmière Alma pour accompagner ces journées. En l'absence de toute pathologie, le médecin qui est aussi une amie l'envoie se reposer dans sa maison sur l'ile de Faro accompagnée de la fidèle infirmière...
Elizabeth retrouve un peu de vie, elle ne refuse pas de prendre l'air et de se promener sur les bords de mer, mais elle reste cloitrée dans le silence... Face à lui, Alma raconte sa vie, sa liaison avec un homme marié, sa vocation pour son métier, puis le vin aidant, dévoile comment un après midi où elle était nue sur la plage bronzant avec une amie, elles firent l'amour avec deux hommes qui les avaient observées , avant de rejoindre son fiancé .
Elizabeht confie à sa garde malade le soin de poster son courrier, cette dernière ne résiste pas à la tentation de lire la missive adressée au médecin alors que l'enveloppe n'est pas fermée ... Elle découvre sidérée que l’actrice la considère comme un sujet d'étude où elle confie au praticien des détails de la confession de la jeune femme.
La relation entre les deux femmes cloitrées sur l'ile s'en trouve fortement modifiée basculant dans une tension de plus en plus violente ....
Il y a peu, nous avons écouté une émission de Michel Ciment sur France Culture consacrée à John Ford, il rappelait à cette occasion que lorsqu'on avait demandé à Ingmar Bergman ses trois cinéastes préférés. Il avait alors répondu: John Ford, John Ford, John Ford...
A la vision de Persona que nous n'avions jamais vu et qui nous parait être un des films les plus radical du cinéaste suédois mais surement un des plus personnels, où il exprime toute sa fascination pour ses deux actrices dont Liv Ulman choisie pour sa ressemblance avec Bibi Anderson qui pour la première fois apparait dans un de ses films, on peut sembler bien loin de l'univers du maître américain. On retrouve en commun un art du cadrage, l'art du plan fixe où l'image a une intensité rare, un cinéma sans fioriture.C'est aussi celui de capter à travers un visage, un regard, les tourments de l'âme et de conter simplement une histoire même si elle nous mène ici, aux tréfonds de l’inconscient mais sans jamais perdre le spectateur. Tel John Ford, Ingmar Bergman inspiré ici par les théories de Jung est un merveilleux conteur, nous sommes transportés par la beauté de ces plans et nous le suivons jusqu'au bout du chaos quand les visages des deux actrices sublimes se confondent. Un film fascinant et terrifiant où pour Bergman l'art apparaît comme un refuge face à la réalité, ainsi Elisabeth horrifiée par des images d'actualité ou d'archive , un moine tibétain s’immolant par le feu, la photographie d'un enfant du ghetto Varsovie sous la menace d'un soldat nazi. Ces images terribles et obsessionnelles de la réalité dont l'horreur dépasse celle de l'illusion du cauchemar...
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