Tout cela commence sur un ton souriant et tendre, un homme avec un mètre pliant à la main, se rappelle comment il aimait s'amuser gamin avec cet objet appartenant à son grand père. Il le pliait, le dépliait, créant des formes diverses: une télé, un dinosaure, un saxophone.... mais son grand père finissait toujours par reprendre cet objet qui n'était pas un jouet mais son instrument de travail.
Son grand-père était croquemort, avec son mètre il mesurait les cadavres pour préparer le cercueil. Parfois, l'orphelinat voisin l’appelait pour venir mesurer un enfant décédé... Des appels fréquents, les jeunes corps sans vie , couvert de bleus le hantaient mais il s'est tu.. . Comme tout le monde en Irlande, un silence complice d'un des drames les plus épouvantables de la seconde moitié du siècle dernier en Europe occidentale !
Lorsqu'elle obtient son indépendance en 1922, l’Irlande est un pays pauvre. L'Eglise qui aussi mené le combat contre le colonisateur anglais est la seule à avoir une structure et une véritable organisation , elle prendre en charge les questions d'éducation et de santé. Elle reçoit dans ses établissements d'éducations, les orphelins, mais aussi les enfants des unions considérées illégitimes et ceux des filles mères... Ces enfants découvrent alors l'horreur d'un monde fermé, un enfer qui va bien au delà de l'univers carcéral.
"The blue boy" est la légende du fantôme d 'un enfant couvert de bleus, mort de maltraitance qui vient hanter les habitants du quartier voisin de l'orphelinat. C'est le nom de ce spectacle documentaire, qui repose sur des témoignages diffusés en voix off et des vidéos d'époque au fil des souvenirs du narrateur accompagné par une musicienne...En contrepoint derrière un rideau transparent des comédiens sans identité, le visage recouvert d'un masque de papier recréent à travers la danse, le théâtre, l'ambiance froide et terrible de ces lieux de torture, le bruit cinglant des coups, des portes qui claquent ... Coups, violences sexuelles, malnutrition, travail forcé, c'est la description minutieuse d'un crime contre l'humanité, la honte pour l'Eglise Catholique qui nous rappelle que chaque fois que les religieux ont le pouvoir c'est la tyrannie qui s'installe.
The Blue Boy de la compagnie les Brokentalkers est un spectacle magistral, puissant, qui vous cloue d'effroi sur votre fauteuil et qui ne cesse de vous poursuivre mais qui rend visible le crime caché, le début d'une justice pour les victimes, celle de voir enfin une reconnaissance de leurs souffrances... Il nous faudra vivre avec le fantôme de l'enfant bleu.
C'est un très grand spectacle !
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