vendredi 15 août 2014

L'âge d'homme - Michel Leiris

"Je viens d'avoir trente quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de taille moyenne, plutôt petit. J'ai des cheveux châtains coupés court afin d'éviter qu'ils ondulent, par crainte aussi que se développe une calvitie menaçante. "

Ainsi commence l'autobiographie de Michel Leiris, il revient longuement sur ses épisodes de l'enfance vécus dans une famille bourgeoise du XVI° arrondissement. Un texte non linéaire, mais des fragments de vie collés les uns aux autres font de texte un objet singulier de l'histoire de la littérature. Ses compagnons de route furent les héros de l'antiquité et de la mythologie qui lui apprirent à ouvrir son regard sur le monde, la lecture plus qu'un simple loisir est un véritable voyage initiatique. 
Deux figures féminines Lucréce et Judith, découvertes notamment à travers les tableaux de Lucas Cranach, sont comme des totems auxquelles il rattache les femmes croisées, selon leur caractère. Les relations avec les femmes s'avèrent compliquées pour le jeune homme timide, qui perd facilement ses moyens dans les moments intimes
Elève sans génie, il suit des études de chimie, abandonnées définitivement à la fin de son service militaire.
Jeune homme tourmenté, enclin à la tristesse, il cherche par le biais de la psychanalyse à mettre de l'ordre dans sa vie. Il finit par trouver sa voie à travers la littérature, l'âge d'homme est atteint.

En avant propos est inséré un texte écrit en 1945 où Michel Leiris évoque une" littérature considérée comme une tauromachie", avec la nécessité pour l'écrivain de s'engager, d'affronter la vérité malgré tous les dangers qu'elle peut représenter.
"J'ai parlé plus haut de la règle fondamentale (dire toute la vérité et rien que la vérité) à laquelle est astreint le faiseur de confession et j'ai fait allusion également à l'étiquette précise à laquelle doit se conformer, dans son combat le torero. Pour ce dernier il appert que la règle , loin d'être une protection contribue à le mettre en danger: porter l'estocade dans les conditions requises implique, par exemple, qu'il mette son corps, durant un temps appréciable, à la portée des cornes; il y a donc là une liaison immédiate entre l'obédience à la règle et le danger couru. Or, toutes proportions gardées, n'est ce pas un danger directement proportionnel à la règle qu'il s'est choisie que se trouve exposé l'écrivain qui fait sa confession?"

C'est Anne Berest dans son remarquable ouvrage Sagan 1954 qui nous a rappelé l'urgence de lire Michel Leiris; elle y parlait avec passion de cet ouvrage autobiographique dont elle même faisait elle-même honteusement  la découverte grâce à Florence Malraux, bien tardivement. Cette lecture est effectivement passionnante, touchante, drôle parce que l'homme dans sa sincérité révèle une intelligence rare et précieuse. Un homme qui par son travail d'ethnologue,de critique littéraire, et tout simplement d'écrivain allait devenir un des esprits les plus brillants du siècle passé. Indispensable lecture !

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