samedi 17 août 2013

Le goût du Sake - Yasujiro Ozu

La caméra au ras du sol pour de magnifiques plans fixes, le cinéma de Yasujiro Ozu est unique, avec "le goût du saké" il signe une chronique familiale qui nous offre un portrait du Japon des années 60. On joue au Baseball, on boit du Whisky, les vêtements se sont occidentalisés, l'influence américaine est évidente pour autant il suffit de rentrer dans l’intimité des familles pour découvrir que les mœurs n'ont pas beaucoup évolué ne laissant aux femmes que peu de liberté.
Après avoir été capitaine dans la marine, Suhei Huryama est cadre supérieur dans une entreprise, son fils ainé est marié, il partage son domicile avec sa fille Michiko et son plus jeune fils depuis la mort de sa femme, il ne viendrait pas à l'idée de Suhei de  voir partir sa fille dont la présence est indispensable, c'est elle qui a pris en charge la tenue du foyer  . Michiko toujours attentive attend avec patience chaque soir le retour de son père à l'haleine chargée d'alcool après un détour par le bar pour retrouver ses amis sa journée de travail achevée. Avec ses amis, il organise une soirée de retrouvailles avec un vieux professeur, ce dernier veuf partage sa vie avec sa fille, Suhei réalise  alors que par son propre égoïsme comme le vieil homme il pourrait causer le malheur de sa fille. Cette rencontre le décide à organiser le mariage de Michiko avec un jeune homme recommandé par un de ses vieux amis...
Des souvenirs de la guerre qui ressortent dans des conversations de comptoir, une économie encore fragile, le Japon est encore marqué par sa défaite en ce début des années 60... Néanmoins nous pressentons le début d'un grand boom avec l'arrivée des biens électroménagers, le fils ainé de Suhei se rend notamment chez son père pour obtenir un prêt pour l'achat d'une réfrigérateur... Mais le plus effrayant reste le statut des femmes qui semblent accepter  avec fatalité leur situation sans révolte ni volonté d'émancipation. Michiko confiant même après avoir vu son frère céder à son épouse son espoir d'être un jour mariée à un homme autoritaire.
Film sombre d'une grande  tristesse, Ozu offre un regard sur la vieillesse, d'un grand pessimisme, tout tient dans cette réplique désabusée: "il est impossible d'échapper à sa propre solitude". Suhei et ses amis sombrent dans des beuveries sans fin...
Par son génie du cadrage et la beauté de ses plans, ses notes d'humour qui détendent l'atmosphère, le cinéaste protège le spectateur de ses noirs propos.  Les costumes trois pièces des hommes, les jupes des femmes ou leurs kimonos traditionnels, les chaussures à talons qui révèlent toute la beauté des jambes , les chignons millimétrés, ce film nous rappelle également que le début des années 60 étaient un sommet de l'élégance...

Le gout du saké est le dernier film de Yasujiro Ozu, c'est une pure merveille !

2 commentaires:

  1. Effectivement, j'aime beaucoup le cinéma d'Ozu, à hauteur de ses personnages accroupis, décrits avec le soin d'un entomologiste et le goût du saké est l'un des plus réussis. Il faut oser Ozu, prendre le risque de cette lenteur bienveillante et découvrir qu'on ne s'y ennuie pas du tout, tant les plans et les personnages sont intenses et chargés d'enjeux.

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  2. Nous sommes absolument d'accord avec vous, la lenteur n'est pas un problème chez Ozu elle n'entraîne jamais l'ennui... le terme d'entomologiste nous parait absolument juste pour décrire le travail du cinéaste.

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