mercredi 28 août 2013

Les renards pâles - Yannick Haenel

Pour ne pas avoir lu "cercles" , nous ne connaissions pas Jean Deichel personnage récurrent dans l’œuvre de Yannick Haenel avant la lecture de son dernier roman "les renards pâles". Le roman s'ouvre au moment même où Jean Deichel se retrouve expulsé de son appartement meublé, il débarrasse le plancher pour s'installer dans une Renault 18 break confiée par un ami parti à l'étranger pour de longs mois. Cette mésaventure arrive le soir même où un nouveau président prônant la valeur travail est élu, nous sommes donc en 2007.
La valeur travail, cela n’émeut pas beaucoup Jean qui vit de ses allocations chômage de plus en plus congrues,  pour lui le monde du travail c'est définitivement terminé, hors de question pour lui de participer à cette société dans laquelle il ne se reconnait plus, il n'a d'ailleurs pas pris le temps de voter... Il installe un matelas à l’arrière de son véhicule, le matin il se rend à la piscine dont l’accès est gratuit pour les chômeurs, l'après midi il lit dans une médiathèque. Dans la boite à gant, il trouve un exemplaire de "en attendant Godot", un livre qui lui parle particulièrement.
Jean n'est pas un asocial, au contraire il a le contact plutôt facile, il sympathise avec les éboueurs africains de son quartier. Un soir, il retrouve un vieil ami Ferrandi, occasion pour lui d'une sévère saoulerie, mais ce qui va fasciner notre héros c'est la découverte dans l'impasse Satan dans le XX° arrondissement de cette inscription: LA SOCIETE N'EXISTE PAS, avec pour signature une sorte de totem qui peut faire penser à un poisson, puis il relèvera une autre inscription: LA FRANCE C'EST LE CRIME, avec la même signature. Jean qui a été témoin d'un drame insupportable, un SDF broyé par une benne à ordure alors qu'il s'y était endormi  ne peut que se sentir que solidaire des misères du monde.
C'est grâce à Anna, une amie récente, d'origine polonaise à la vie romanesque que Jean va pouvoir découvrir l'origine de ses inscriptions, elle va lui permettre de rencontrer celui que tous appellent "le griot" à Belleville membre du collectif  "les renards pâles" du nom d'un dieu Dogon anarchiste. Un groupe de soutien aux sans papiers, qui combat comme ils peuvent les expulsions. militant notamment pour la destruction des papiers d'identité...
Nous abandonnons Jean pour écouter le griot expliquer sa démarche, sa colère de voir deux gamins sans papiers harcelés par la police, préférer se jeter dans le canal Saint Martin alors qu'ils ne savent pas nager ... La volonté de réunir les différentes colères, celle des sans papiers, des jeunes des banlieues, avec  le groupe  de Tarnac pour provoquer le grand soir, c'est là que le livre nous tombe quelque peu des mains alors que nous avions suivi avec sympathie et entrain les aventures de Jean Deichel durant  la première partie.
Nous n'avons pas accroché, parce que cela nous a semblé factice, les gamins des banlieues ne sont pas dans un rapport de luttes des classes, ce ne sont pas des Mercedes ou des 4x4 qu'ils brûlent, mais tout simplement les voitures de leurs voisins, ils nous semblent être bien loin de Karl Marx ou de l'esprit de la Commune de Paris. La situation des sans-papiers est assurément scandaleuse, d'autant plus  que leur sort se traite de plus en plus dans un silence des consciences, et que cela ne semble plus révolter grand monde. Le tableau de leur situation fait par Yannick Haenel est édifiant, terrible, tragique, peut être a-t-il voulu comme Jan Karski en son temps casser le silence. Mais son fantasme d'un grand soir à la naïveté adolescente nous semble faire perdre la force de son propos.

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