jeudi 7 juillet 2011

Plonger - Bernard CHAMBAZ

Plonger c'est l'histoire du gardien de but allemand Robert Enke. Il devait être le titulaire de la nationalmannschaft lors de la dernière coupe du monde de Football mais il s'est suicidé le 10 novembre 2009. Dépressif depuis plusieurs années, le portier d'Hanovre ne s'est jamais remis du décès de sa fille Lara victime d'une malformation cardiaque. "Lara est morte le 17 septembre 2006 entre quatre et cinq heures, à l'institut médical de Hanovre. Elle avait deux ans et dix sept jours. C'était un dimanche".

Très vite Bernard Chambaz nous rappelle ce magnifique poème de Goethe "le roi des aulnes" qui se termine d'une manière funeste "dans ses bras l'enfant était mort". Ce poème tous les enfants allemands l'étudient, ce dernier vers terrible a dû résonner sans cesse dans la tête de Robert Enke: "In seinen Armen das Kind war tot". On ne se remet jamais de la perte d'un enfant, "d'emblée il a compris qu'on ne fait pas son deuil de la mort d'un enfant"

Etre gardien de but c'est découvrir la solitude dans un sport d'équipe, vous êtes à part, celui qui peut toucher le ballon de ses mains, l'entrainement est spécifique à l'écart des camarades. Il faut être très fort, la moindre erreur est fatale, vous êtes le responsable de la défaite, vous sentez le reproche dans le regard des coéquipiers, les huées ou les sarcasmes du public ne font que vous enfoncez....contrairement au titre de Peter Handke l'angoisse du gardien de but au moment du pénalty n'est pas une vérité puisque c'est peut être le seul moment où le gardien a la chance de pouvoir offrir la victoire à ses coéquipiers. L'angoisse du gardien de but est permanente.

La carrière de Robert est faite de haut et de bas, après des débuts convaincants à Mönchengladbach, Robert part au Portugal au Benfica de Lisbonne avant d'être recruté par le prestigieux club Catalan le FC Barcelone où il connait un échec retentissant perdant immédiatement sa place de titulaire, un départ pour la Turquie avant un retour dans un club de deuxième zone espagnole Tenerife. Puis, c'est le retour dans son pays et la reconnaissance de son incontestable talent qui le mène en équipe nationale. Mais ces années sont aussi des années de lutte contre la dépression nerveuse qu'il doit cacher à ses employeurs, le monde du sport de haut niveau est intraitable la moindre faiblesse est fatale...

Mais ce livre ne se résume pas uniquement à l'histoire de Robert Enke, c'est aussi l'histoire récente de l'Allemagne et de sa réunification. Né à Iena, il a grandi en RDA où l'éducation sportive était une priorité nationale. Né de parents sportifs de haut niveau , il ne peut pas échapper son destin. Ce n'est surement pas un hasard s'il a choisi pour mourir cette date du 10 novembre 2009 au moment même où on fête les 20 ans de la chute du mur....

"Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux: c'est le suicide" ainsi commence le mythe de Sisyphe d'Albert Camus, connu pour avoir été gardien de but d'une équipe d'Alger dans sa jeunesse. Le portrait de Bernard Chambaz est remarquable servi par une écriture de toute beauté, parfois proche de la poésie il essaye d'appréhender l'acte fatal: "Enke a l'impression de s'enfoncer sans fin, de plonger, c'est drôle, si on peut dire, car plonger pour lui a toujours eu le sens d'un envol et d'une forme supérieure de liberté . Longtemps il a cru qu'il trouverait le ressort nécessaire pour rebondir, il a espéré qu'il le trouverait en touchant le fond mais aujourd'hui il a conviction qu'il n'y a pas de fond. Et, il a beau savoir que c'est contraire à sa nature et aux usages, il a le sentiment que la seule liberté qui lui reste c'est le suicide."

Nous avons lu un livre sur un footballeur, un vrai livre de littérature contemporaine et nous avons beaucoup aimé!

Plonger - Bernard Chambaz - Gallimard (collection l'un et l'autre)

Pour découvrir le poème de Goethe, cliquez ici

2 commentaires:

  1. Je m'empresse de vous laisser un commentaire avant que l'orage ne m'obige à re-re-re-éteindre ma bécane qui a déjà été en réanimation la semaine dernière ! Effectivement le contenu du livre est à la hauteur du titre, et cette réflexion de Camus sur le suicide a tout pour me plaire, ainsi que Goethe d'ailleurs ! J'ai étudié le Roi des Aulnes et ne suis jamais revenue à Goethe par la suite, dommage. Belle découverte, j'avoue que la vie d'un footballeur n'aurait pas été un "premier choix" dans mon classement mais là... Très beau billet sur un livre émouvant. "On ne se remet jamais de la mort d'une enfant"...quoi de plus essentiel ? ;)

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  2. Attention cela parle un peu football quand même...mais il faut passer outre, ed'un autre coté le football fait partie intégrante de notre société, les écrivains ne peuvent pas rester silencieux

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