jeudi 25 avril 2013

Fragmente de Lars Noren Mise en scène Sofia Jupither

Dans la plaquette de présentation distribuée à l'entrée du spectacle, la première page est consacrée à des statistiques qui résument la situation sociale de la Suède et plus précisément de la ville de Göteborg et de ses évolutions sur ces dernières années qui révèlent une fracture toujours plus grande entre les classes aisées et les classes populaires. Ce constat peut être fait dans l'ensemble des pays européens, nous lisons:

Statistiquement parlant, un homme à  Hjälbbo (nord de Göteborg) a  une espérance de vie plus courte de neuf ans qu'un homme de la banlieue résidentielle à l'ouest de Göteborg.
Dans les années 80, les directeurs généraux les mieux payés du pays gagnaient neuf fois plus que les ouvriers. En 2007, ils étaient payés 56 fois plus, et depuis lors, l'écart n'a cessé d'augmenter.
70% des personnes nées à l'étranger qui résident dans le pays depuis 5 à 10 ans sont sur qualifiés pour le travail qu'ils effectuent actuellement.
La pauvreté chez les enfants de familles monoparentales est de 28,2%. La pauvreté chez les enfants  dont les parents vivent ensemble est de 9%...

Ainsi s’égrènent les statistiques qui définissent le contexte sociale de ce spectacle. Fragmente ou fragments sont des morceaux de vies de ces gens venus des classes populaires que la metteur en scène Sofia Jupither définit ainsi: "Noren décrit de proche en proche toute une société. Il s'intéresse d'abord aux bas-fonds, aux marges, à ce qu'on ne voit jamais: l' "autre" ville, la part cachée, la pauvreté excentrée, la laideur, le désespoir. (...) Les gens dont il est question chez Noren n'écrivent pas, ne montent pas de pièces, ne vont pas au théâtre. C'est un autre un monde, différent, un point c'est tout.Et moi, qui suis-je pour décrire leur réalité?"

Dans cette mosaïque de personnages, nous croisons un chauffeur de taxis qui cherche oublier ses souvenirs des Balkans, une infirmière est enceinte du mari d'une autre femme, un adolescent se peint le visage en noir accusant son père d'avoir causé la maladie de sa sœur hospitalisée dans un établissement psychiatrique...  Alcool, violence, misère sexuelle, chômage, dépression... sont les principaux maux de cette société décrite par Lars Noren, ils sont enfermés dans un ghetto sans aucune porte de sortie, ils errent dans un labyrinthe, il se cognent aux murs, il se croisent mais ils ne trouvent pas la lumière... Trente personnages, onze acteurs, nous passons de l'un à l'autre dans un long plan séquence. Nous naviguons dans cette mosaïque, sans jamais nous perdre c'est la principale réussite du metteur en scène.
Ce qui rend le spectacle plus difficile, c'est son coté étouffant, peu de variations de rythmes, cette succession de malheurs finit par nous étouffer. Une coupure salvatrice, une entracte de 20 minutes qui sous semble juste être là pour nous permettre de reprendre notre souffle, pas de changement de décor, nous reprenons la pièce là où elle s'était arrêtée. Une partie du public renonce.
Dans l'interview donnée dans le programme de présentation, Sofia Jupiter fait référence à La réunification des deux Corées , le dernier spectacle de Joel Pommerat, lui même inspiré par les scènes de la vie conjugale de Ingmar Bergman. Nous retrouvons le même principe de courtes scènes, qui s'enchainent les unes aux autres, mais chez Pommerat , la mise en scène par ses variations, ses courtes entractes où la salle est plongée dans le noir un court laps de temps afin de changer le décor et ses touches d'humour permettent au spectateur de respirer, il en était de même dans son précédent spectacle "ma chambre froide" au sujet plus social et donc plus proche par sa thématique de ce "Fragmente". Ici, nous nous sommes sentis prisonniers de ces personnages sombres et désespérés.

Ce fut pour nous une occasion unique de découvrir un spectacle 100% suédois, surtitré en français et peut être notre ignorance de cette langue ne nous pas permis de saisir toutes les nuances de ce spectacle monolithique.
Un spectacle oppressant, désespérant peut être tout simplement le reflet de notre époque.

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