mercredi 22 octobre 2014

Le carnet d'or - Doris Lessing

"La composition de ce roman est la suivante:
Il y a tout d'abord un squelette, ou structure, qui s'appelle Femmes libres et constitue un court roman de type conventionnel, d'une longueur d'environ 60 000 mots, et qui pourrait se suffire à lui-même. Mais il se divise en cinq parties séparées par des sections de quatre carnets, le noir, le rouge, le jaune, et le bleu. Ces carnets appartiennent à Anna Wulf, personnage central de Femmes Libres. Elle en tient quatre au lieu d'un seul parce qu'elle éprouve le besoin de séparer les choses, par crainte du chaos et de l'informe - de l'effondrement. Des pressions intérieures et extérieurs mettent fin aux carnets; l'un après l'autre, ils s'achèvent sur un lourd trait noir tracé en fin de la page. Mais à présent qu'ils sont finis, de leurs fragments peut jaillir quelque chose de neuf, Le Carnet d'Or
Tout au long des carnets, des gens ont discuté, théorisé, dogmatisé, étiqueté, compartimenté - avec des voix parfois si générales et représentatives de l'époque qu'elle sont anonymes, et l'on pourrait leur attribuer des noms semblables à ceux des anciennes "pièces de moralité", M.Dogme et Mme Je-Suis-Libre-Car-Je-N'Ai-Nulle-Attache, Mme Je-Veux-L'Amour-Et-Le-Bonheur et Mme Je-Dois-Faire-Parfaitement-Tout-Ce-Que-Je-Fais, M.Où-Trouver-Une-Vraie-Femme? et Mlle Où-Trouver-Un-Vrai-Homme? M. Je-Suis-Fou-Parce-Qu'On-Le-Dit et Mlle Tout-Goûter-De-La-Vie, M.Je-Fais-La-Révolution-Donc-Je-Suis et M. et Mme Si-Nous-Réglons-Parfaitement-Ce-Petit-Problème-Peut-être-Pourrons-Nous-Oublier-Que-Nous-N'Osons-Pas-Regarder-En-Face-Les-Plus-Gros. "

Si nous avons repris in extenso l'introduction de la présentation écrite par Doris Lessing en 1971 ce n'est pas uniquement par fainéantise, mais parce qu'elle en parle avec une justesse rare.

Un livre monstrueux, car hors-norme, inclassable, assurément un monument de la littérature... Autofiction, fiction, ce roman glisse de l'intimité profonde des personnages à la Grande Histoire. Celle des années 50 vue à travers le  regard d'une militante communiste. La mort de Staline, les mouvements de décolonisation, le maccarthisme, puis l’avènement de Fidel Castro,  note d'espoir pour les militants communistes marqués par la révélation des crimes du dictateur soviétique.
Il serait injuste de parler d'un roman féministe, ce serait réduire ce roman Total. Certes nous suivons le parcours d'Anna et de Molly, deux femmes libres qui ont eu un enfant qu'elles élèvent seule sans renoncer à leur vie sexuelle, à leur liberté mais ce n'est qu'un thème parmi d'autres. C'est aussi le portrait d'une écrivain qui se retrouve confrontée à une panne créatrice après un premier roman à succès. Anna va glisser dans la dépression aller jusqu'à l'effondrement pour se reconstruire, retrouver la foi dans l'écriture... Un livre qui nous donne au détour d'une page , une définition de l'homme anglais et de son éducation, la conscience faite de correction et de non conformisme
Portrait rare de l'Angleterre de l’après guerre à travers des membres d'un parti communiste en pleine déliquescence; ce livre annonce aussi , notamment à travers le personnage de Richard militant de gauche dans ses jeunes années devenu un chef d'entreprise sans scrupules,  une Angleterre sans humanité de l'argent roi des années Thatcher...
Un livre énorme dont la lecture à peine achevée, nous avons la conviction qu'il  faudra nous y replonger...

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