jeudi 22 septembre 2011

L'anarchiste - Soth Polin

 Des deux cents écrivains cambodgiens avant l'arrivée de Pol Pot, il en n'en reste que quatre au moment de sa chute. Soth Polin fait partie des survivants, il dut quitter précipitamment son pays pour avoir dénoncé les pratiques du régime en place de Lon Nol dans son journal et cette fuite fut sa bouée de sauvetage.

L'anarchiste se compose de deux textes écrits à trente ans de différence, avant et après le génocide. 

La première nouvelle raconte l'histoire de deux garçons partant satisfaire leurs envies de sexe dans une maison close, c'est égrillard . Notre narrateur n'a pas vraiment le moral, la nouvelle s'ouvre:

"Ma vie s'écoulait comme une lente hémorragie. Elle se vidait de sa substance dans une espèce de fuite en avant. Chaque journée passée était pour moi un délabrement continu, une page envolée, une pièce perdue, un pétale perdu, emporté au hasard des vents, sans retour..."

Lors de son étreinte avec une prostituée il se surprend à lui serrer fortement le cou ... plus tard, avec sa cousine Sinuon, il ne réfrène plus ses désirs de meurtre et glisse dans la folie, prémonitoire assurément de celle qui va s'emparer de son Pays. Mais au delà de cette histoire surement inspirée par la littérature de Mishima (d'ailleurs cité en préambule d'un chapitre),c'est une nouvelle à clé qui règle son compte au Prince Sihanouk, le livre fut interdit mais il se vendit très bien sous le manteau en son temps.

Dans la deuxième partie, le narrateur chauffeur de Taxi à Paris perd le contrôle de sa voiture, il raconte sa vie à sa passagère anglaise tombée dans le coma. Il lui dit, ce qui est étonnant pour nous, comment il vécut dramatiquement  la chute de Nixon, qui allait modifier la donne en Asie et permettre l’émergence d'un pouvoir communiste à Phnom Penh. Il soutenait le régime des nationalistes  mais le meurtre de son ami Savouth Ministre de l'Education victime d'un règlement de compte va le conduire à dénoncer dans son journal la vérité sur l'état de corruption du régime et entraîner sa fuite finalement salvatrice vers Paris . Mais comment vivre en Exil quand votre famille et vos proches ont été massacrés par le régime de Pol Pot...
C'est assez déroutant, les scènes de sexes sont d'un ennui certain, elles sont un peu trop redondantes et n'ont pas grand intérêt. Nous comprenons que dans sa première nouvelle  elles peuvent apparaître comme subversives pour l'époque. Mais le plus intéressant reste ce cocktail d'influences venues d'Europe et d'Asie, c'est ici en quelque sorte la rencontre entre Nietzche et Bouddha et quand il raconte l'histoire de son pays, il devient vraiment passionnant et poignant. C'est le livre d'un auteur en plein désarroi qui eut dans sa jeunesse pour Professeur Saloth Sar le futur Pol Pot, il leur parla de Verlaine, Vigny, Rimbaud... avant de partir pour le maquis et devenir un des plus grands bourreaux de l'histoire. Il se retrouve seul en Exil,  un survivant ....Relisez "L'étranger" de Baudelaire, Soth Polin doit en comprendre très concrètement le sens des vers.
Editions de la table ronde

2 commentaires:

  1. Le titre me parle, même si je pense que toutes les nouvelles ne me plairont pas forcément. Le sexe en étendard, bof bof. Par contre ce qui touche à la politique de ce pays, oui. Mais je vais le trouver où celui ci ? Pas à l'Hyper U, c'est sûr...

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  2. Alors pour mieux comprendre il vaut mieux lire "le maître des aveux" de Thierry Cuvelier que nous avons chroniqué la semaine dernière.
    Mais celui-ci, malgré ses défauts vaut d'être lu si on désire connaître le ressentiment d'un écrivain directement confronté à cette barbarie.

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