Ingmar Bergman a eu des relations
compliquées avec les femmes et les impôts suédois. S’il se
contente dans son œuvre de quelques piques contre l’administration fiscale qui l'a contraint un certain temps à l'exil,
sa relation complexe aux femmes comme celle à Dieu sont au cœur de
son œuvre.
A la différence de l'illustre August Strindberg, il n'a pour autant jamais cédé à une phallocratie odieuse rejetant tous les maux sur la gente féminine pour justifier les échecs de sa vie conjugale, il se regarde sans concession et s'interroge sur l'amour, doutant même de sa réalité.
A la différence de l'illustre August Strindberg, il n'a pour autant jamais cédé à une phallocratie odieuse rejetant tous les maux sur la gente féminine pour justifier les échecs de sa vie conjugale, il se regarde sans concession et s'interroge sur l'amour, doutant même de sa réalité.
Chez Bergman les sentiments, la passion
sont omniprésents, on s'aime avant de se haïr. Dans ses couples
qui se déchirent , s’humilient il reste toujours une forme de tendresse entre deux êtres qui se sont aimés ;
l'impossibilité du couple laisse place à une complicité, certes un
peu vache, un peu cynique mais ce n'est pas une guerre totale.
Scènes de la vie conjugale est une
œuvre monumentale de Ingmar Bergman, construite autour d'un couple Johann et Marianne
dont nous allons suivre les
déchirements avec la précision d'un entomologiste... Il
nous fait part à travers six tableaux qui s'étendent sur 20 ans de son analyse du couple vu comme l’illusion
d'échapper à sa propre solitude suivie du dégout de se retrouver dans des
positions humiliantes pour tenter de sauver cette cellule sans avenir.
La colère impulsive de ses
personnages est à la mesure du ressentiment coupable éprouvé : le couple dénoncé comme un piège , les
enfants, entraves à la liberté, deviennent des parfaits étrangers... pour autant au moment de signer l'acte de divorce, la main tremble...
A chaque fois leur
rencontre balance entre tendresse et rancœur, on passe de l'étreinte à la colère en un clin d’œil, on révèle ses vieux
mensonges, nous suivons cette chronique dans toute son
intimité, les personnages sont mis à nus...
Au cœur des années 70, ce fut un succès
considérable : à travers sa propre expérience Bergman avait su parler à
tous, à partager sa souffrance alors qu'en Europe occidentale avec la
simplification des codes civils le
nombre de divorce explosait ...
Gageure qui peut apparaitre un peu folle de la part de Nicolas Liautard que de vouloir monter sur scène ce monument de la culture suédoise inscrit dans le marbre, dont Liv Ullman et Erland Josephson semblaient former à jamais le couple impossible , se retrouvant jusqu'à leurs derniers jours pour le magnifique Saraband. Défi un peu fou mais totalement réussi . La scénographie place le public de front, des deux côtés de la scène devenue un ring délimité par un parquet pour un combat épique, où chacun à son tour vient à poser genou à terre... nous ressentons toutes les vibrations.
Réussi parce que les deux acteurs
Anne Cantineau et Fabrice Pierre sont absolument extraordinaires
nous faisant oublier le duo mythique Liv Ullman et Erland Josephson .
Jamais nous n’avons cette impression qu'ils sont dans le jeu, ils
sont justes, naturels,
étonnamment vivants. Nous devenons les voyeurs d’une histoire
intime et universelle, nous plongeons dans l'intimité du couple.
Scènes de la vie conjugale
n'est pas une ballade tranquille mais c'est un objet fascinant,
perturbant où nous ressentons un large spectre d'émotions. Parfois entre les rencontres Marianne et Johan, moments de tension et de grâce, des coupures viennent donner une respiration. Nous pensons notamment à cette femme au foyer, Madame Jacobi, qui se présente chez l'avocate pour obtenir le divorce. Elle ne reproche rien à son mari mais elle ne l'a jamais aimé et souhaite abandonner ce monde factice, Nanou Garcia fait une apparition inspirée au cœur de ce spectacle, ou plus tard quand Marianne engage une conversation intime avec sa mére qui vient de perdre son mari , les deux femmes se découvrent c'est un moment d'apaisement..
Cela dure 3h50, c'est toujours beau, intense, c'est
sublimement masochiste ! Un très grand moment de théâtre !
Vu au Théâtre de la Colline
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