Lorsqu'il tourne
"passe ton bac d'abord",
Maurice Pialat est dans une situation d'urgence absolue. Il a obtenu une
avance sur recettes de 2 millions pour réaliser un projet écrit par
Arlette Langmann. Mais parce qu'il a n'a jamais trouvé l’actrice idéale,
il préfère abandonner provisoirement ce qui deviendra "A nos amours".
Il s'est alors engagé dans un autre film
"les meurtrières" mais au bout de cinq jours de tournage, il abandonne
encore une fois déçu par son actrice principale.
Il a claqué
ainsi 1.3 millions sur les 2 millions versés, il lui faut réaliser un
film en toute urgence pour ne pas avoir à rembourser le CNC, ce dont il
est parfaitement incapable alors qu'il vient tout juste de se relever de
l'échec retentissant de son précédent film "la gueule ouverte". Ainsi
est tourné en toute urgence "Passe ton bac d'abord" dans la ville de
Lens avec quasiment que des acteurs amateurs croisés dans le bar de la
ville "chez Caron" véritable centre névralgique de la jeunesse lensoise.
Sabine Haudepin et Philippe Marlaud sont les seuls acteurs
professionnels de la bande... Il convient aussi de signaler la présence
de Jean- François Adam incarnant professeur de philosophie sans
illusion qui s'ennuie tout autant que les gamins depuis que sa femme l'a
quitté, il essaye bien de créer un contact avec la plus jolie de ses
élèves mais cette dernière ne lui trouve aucun intérêt, lui renvoyant
cruellement son image pathétique de "vieille personne".
Portrait
d'une jeunesse désœuvrée, qui tue son ennui en se retrouvant dans le
bar chez Caron,puis pendant les vacances sur les bords de mer. L'amour et les relations amoureuses sont au centre de
leurs préoccupations alors qu'ils n'affichent pas une grande passion pour
leurs études, ils n'y voient pas la promesse d'un avenir radieux. D'ailleurs une seule parvient à décrocher le bac, se retrouvant
aussitôt à une caisse de supermarché, déjà mariée elle n'a pas pas
souhaité continuer ses études...
Les relations sont tendus avec
leurs parents qui n'arrivent pas à accepter leur journée "glandouille"
alors qu'eux n'ont pas eu dans leur temps beaucoup d'alternatives. Il
fallait bosser pour ramener un salaire même lorsque les résultats
scolaires étaient bons comme le rappelle un père racontant à son fils
avoir obtenu le certificat d'études avec une mention bien.
Mais
du boulot, il n'y en a plus pour cette jeunesse, les mines se meurent
c'est le début du chômage de masse. Ils ont encore quelques illusions,
voyant Paris comme un eldorado où il suffit de se rendre pour trouver
un métier, notamment dans les banques. A travers cette fiction, Pialat filme une
vérité sociale ,celle d'une région, le nord au bord du sinistre. L'unique dérivatif
où se retrouvent toutes les générations est le club de football local
le RC Lens le seul à pouvoir donner des moments de joies collectives
inter générationnelles.
Si Pialat capte la vérité sociale du
moment, il fantasme la vérité sexuelle de cette jeunesse, semblant dans
son film s'aimer librement et plutôt joyeusement. Le témoignage récent de deux acteurs, notamment
celui du séducteur, Don Juan de la bande révèle une réalité tout autre
de leurs jeunes années où les relations n'étaient pas aussi libres que
le
laisse croire le film. Ils rappellent d'ailleurs que Pialat avait
fait sensation en débarquant pour le tournage, avec son ancienne épouse,
une ancienne maitresse ainsi que sa maitresse du moment; une
situation inimaginable...
Maurice Pialat filme la vie dans
toute
sa crudité, il montre un talent rare à montrer cet age rempli de
certitudes que chacun a tendance à magnifier avec les années qui passent
mais qui n'est pas fait que de moments heureux.
Le dvd vaut
aussi largement le détour par ses suppléments et notamment les
entretiens de Serge Toubiana qui font un portrait de Maurice Pialat,
personnage hors norme, insupportable, coléreux, mais dans le même temps
attachant. Il a toujours su trouver des compagnons de route fidèles
capables de tout supporter, conscients du talent du cinéaste.
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