lundi 28 novembre 2011

L'exercice de l'Etat - Pierre Scholler

Bertrand  Saint-Jean, Ministre des transports est réveillé en pleine nuit par son directeur de cabinet, un car est tombé dans un ravin au fin fond des Ardennes, il y a de nombreuses victimes notamment des enfants. Il doit se rendre immédiatement sur place. Ainsi commence cette chronique de la vie d'un cabinet ministériel dont  les deux principaux protagonistes avec le ministre sont le directeur de cabinet  et la chargée de communication toujours à la recherche de la petite phrase, la formule choc qui sera reprise en boucle dans les médias. 
Nous suivons  la vie de ce ministre toujours entouré des membres de son cabinet, il en oublie toute forme de pudeur, se déshabillant et se rhabillant sans gêne devant ses collaborateurs.  Il passe des lambris dorés des palais de la République au bord de routes hostiles où il doit se coltiner les représentants syndicaux remontés contre la politique gouvernementale mais finalement cette violence du peuple n'est rien à coté de celle que lui imposent  ces collègues de sa majorité....
Ce n'est pas un mauvais bougre pour autant ce ministre, il a même des convictions affichées mais il finit par avaler les couleuvres de son premier ministre qui lui impose de se renier et de défendre la privatisation des gares dont il a été l'adversaire. Seul son directeur de cabinet véritable républicain dans l'âme, nourri des discours de Malraux finit par quitter le navire. 
Une des scènes les plus intéressantes est le diner partagé par le directeur de cabinet  avec son collègue du budget. Ce dernier (joué par l'excellent Didier Bezace)  l'informe qu'il quitte son poste pour rejoindre le monde de l'entreprise privée, lui expliquant que l'Etat ne peut plus rien puisqu'il n'a plus d'argent, plus aucune marge de manœuvre, véritable réflexion sur notre monde en crise d'un cynisme effrayant...
C'est l'histoire d'un homme, membre du gouvernement qui découvre  la solitude du pouvoir, il en fait l'amer constat en faisant défiler le carnet d'adresse de  son portable: des milliers de contacts mais pas un ami.
Comme dans le cinéma des frères Dardennes producteurs de ce film, Pierre Scholler suit au plus près  ces personnages, il ne porte aucun jugement, il filme leur quotidien, il ne veut surtout pas être un moraliste. Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou, chacun dans leur registre sont toujours justes. Et que dire de ce personnage extraordinaire de chômeur longue durée, engagé comme chauffeur dans le cadre d'une opération de communication gouvernementale qui découvre les rouages de l'Etat , mais qui sagement préfère rester emmuré dans son silence...
C'est un très grand film sur le monde politique sans équivalent dans le paysage cinématographique, nous aurions presque eu le désir de voir le film se prolonger tant il est passionnant et qu'il nourrit nos réflexions sur notre époque.
Si on devait faire un rapprochement se serait avec la Bande dessinée Quay D'Orsay de Blain et Lanzac qui décrit également la vie d'un cabinet ministériel dont le deuxième opus doit sortir la semaine prochaine, que du bonheur!

4 commentaires:

  1. Entièrement d'accord mais vous le savez déjà.

    RépondreSupprimer
  2. Comme l'impression que ce film fait l'unanimité!

    RépondreSupprimer
  3. D'accord en tout point, y compris sur le chauffeur "emmuré dans son silence". J'attends également avec impationce Quai d'Orsay t.2 (j'en ai juste lu qelques pages pré-publiées en N&B dans Le Monde cet été).
    (s) Ta d loi du cine, "squatter" chez Dasola

    RépondreSupprimer
  4. Je l'ai vu (pour une fois !!!) et je l'ai trouvé très réaliste ! La "solitude" du pouvoir est criante , elle est hélas incontournable ! J'ai connu un homme politique qui m'a dit après avoir été ministre qu'il quantifiait ses amitiés au "dégraissage" de son carnet d'adresses...et qu'il ne restait pas grand-monde une fois quitté les ors de la République...

    RépondreSupprimer

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...