dimanche 20 novembre 2011

Le jardin du Luxembourg et Gérard Philippe

Il faisait fort beau ce jour et étonnamment doux pour un mois de Novembre, nous avons profité de cette métèo particulièrement clémente pour aller nous promener dans les allées du Jardin du Luxembourg. Nous nous sommes assis sur un banc, et nous avons lu ce passage du livre hommage à Gérard Philippe "le temps d'un soupir"  d' Anne Philippe son épouse:

"Il était minuit. Nous étions sortis les  derniers du théâtre. Il neigeait. Nous marchions en nous tenant par la main. Nous n'avions ni envie, ni besoin de parler. Nous allions au hasard mais sans hésitation. Les rares voitures roulaient lentement et sans bruit. Les rues, me semble-t-il, étaient désertes mais peut être était ce notre amour, qui, ce soir-là, nous isolait. Nous étions proches de la nuit et du ciel, loin de Paris. Sortant de la rue Vavin, nous avons débouché sur le Luxembourg. Tu as dit " si nous entrions?"
Nous avons escaladé les grilles et pénétré dans un paysage parfait. Nos pas soulevaient la neige. Nous étions heureux et conscients de l'être. C'était une joie pure, calme, faite de la conviction que tout ne pouvait être que bien. Tu as enlevé ton manteau et nous nous sommes assis dessus. Nous nous regardions dans la nuit. Je voyais tes yeux clairs et tes cils mouillés de neige. La ville était à deux pas, au-delà des grilles, elle nous entourait. Trois heures sonnèrent. Pourquoi ai-je tout à coup pensé au malheur? Pas au notre, qui à cette minute là me paraissait impossible à imaginer, mais à celui des autres. A ce moment précis des gens mourraient, d'autres tuaient, des couples se déchiraient, des enfants pleuraient sur leur solitude, des hommes et des femmes étendus sur leur lit faisaient le compte de leurs misères. Très loin d'ici, en Indochine, des hommes agonisaient ou torturaient. Pas une seconde, depuis que la vie existe, le jeu de la joie et de la souffrance, de la naissance et de la mort ne s'était arrêté et il durerait aussi longtemps que le monde. Nous restions immobiles, nos bras enlacés, nos têtes proches. L'un de nous dit: " Nous essaierons d'être élégants si un jour nous sommes malheureux." L'autre répondit: "Je te le promets."
Nous sommes repartis avec les premiers bruits de la ville. En rentrant, nous n'avons pas cherché le sommeil. J'aimais cette nuit blanche, blanche comme neige et si belle que je ne voulais pas en perdre un instant."

Extrait de "le temps d'un soupir" Anne Philippe - Livre de poche - Une lecture indispensable!


4 commentaires:

  1. Très joli moment d'intimité que celui des Philippe et ...que celui des Carmadou. Une lecture indispensable vous dîtes? En tout cas j'aime ce que je lis.

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  2. Ce petit livre est une merveille, édité en livre de poche, il doit être à 4 euros. Indispensable, nous confirmons!

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  3. Curieux destin que celui de Gérard Philippe, fauché dans la force de l'âge et désormais oublié !

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  4. Merci de m'avoir fait découvrir ce beau texte, qui me donne envie de lire cet ouvrage que je ne connaissais pas.

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