Le professeur Isaac Borg doit recevoir une récompense pour honorer sa carrière exemplaire de médecin. Il doit se rendre à cette cérémonie par avion mais la veille , il fait un cauchemar où il se retrouve seul au moment de sa propre mort... Au réveil, il décide de traverser le pays au volant de sa voiture, pour retrouver les paysages de son passé et les souvenirs de sa jeunesse quand il se retrouvait avec ses cousines dans un coin de la maison familiale au milieu des fraises sauvages. Il accepte d'être accompagné de sa belle fille qui lui parle en toute sincérité sans épargner le vieil homme.. Il mesure alors combien son égoïsme a gâché sa vie et ses relations avec les autres notamment son fils unique !
Il suffit de prendre son ouvrage "Images" pour comprendre combien ce film a une place centrale dans la filmographie d'Ingmar Bergman, il est le premier évoqué par le cinéaste, il en révèle le caractère personnel du scénario: "C'est moi que je représentais dans le personnage de mon père et je cherchais une explication aux douloureux conflits avec ma mère. Il me semblait comprendre que j'étais un enfant non désiré, ayant grandi dans un giron froid et que j'étais né en un temps de crise - physique et psychique. "
(...)
"A travers toute cette histoire ne passe donc qu'un thème avec une d'infinies variations: les insuffisances, la pauvreté, le vide, l'absence de grâce. Je ne mesure pas encore et j'ignorais alors à quel point, à travers Les fraises sauvages, j'en appelais à mes parents:voyez ce que je suis, comprenez-moi et - si c'est possible - pardonnez moi."
Le film est un genre propre au cinéma ,le road movie, pas véritablement un voyage initiatique tant le vieil homme n'a plus rien à apprendre de la vie mais son retour sur les lieux de son passé, lui donne à comprendre sa vraie nature et prendre conscience de son insupportable égoïsme. Même gamin au milieu de sa nombreuse famille, il semblait toujours être seul, à l'écart de la communauté.Il peut désormais faire la paix avec son fils et sa belle fille. Dans un final éblouissant et sublimement fordien, le vieil homme récompensé peut s'endormir en sérénité loin de ses cauchemars.
Un vieil homme est incarné par un des premiers maitres du cinéma suédois, et notamment de la charrette fantôme qu' Ingmar Bergman revoyait chaque été . Avec affection et admiration, il nous raconte alors comment le grand homme s'est approprié son personnage, lui donnant toute son épaisseur:
"Toutes ces choses extérieures sont faciles à retrouver. mais ce que je viens seulement de comprendre, c'est que Victor Sjöström s'était emparé de mon texte, qu'il se l'était approprié, qu'il avait misé sur lui ses expériences: sa souffrance, sa misanthropie, ses refus, sa brutalité, son chagrin, sa peur, sa solitude, son froid et sa chaleur, sa dureté et son ennui. Empruntant la forme de mon père, il occupa mon âme, il s'appropria tout - et il ne me resta rien. Il fit ça avec la souveraineté et la passion d'un grand personnage. Je n'ai rien eu à ajouter, pas même un commentaire, raisonnable, ou irrationnel. Les fraises sauvages n'était plus mon film, c'était celui de Victor Sjöström."
Ce témoignage résonne comme un aveu d’admiration pour son acteur comme nous en avons rarement lu . Nous n'avions pas vu les fraises sauvages depuis fort longtemps et surtout nous ne l'avions pas vu dans une salle de cinéma nous avons pu en mesurer toute la beauté, tous les plans, comme dans tous les films de Bergman sont remarquables, d'une densité pleine, il n'y a jamais de banalité même dans les scènes les plus quotidiennes. C'est peut être là le film le plus bouleversant du cinéaste du 7eme sceau.
Vu dans le cadre du ciné Club de Claude Jean Philippe.
Citations extraites, de "Images" de Ingmar Bergman,(édition Gallimard), un livre indispensable pour revisiter ou découvrir la filmographie du cinéaste suédois.
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