dimanche 27 mars 2011

Ce que j'appelle l'oubli - Laurent Mauvignier

Un homme est mort parce qu'il a bu une cannette de bière dans une grande surface, "il avait juste l'envie d'une bière, tu sais ce que c'est l'envie d'une bière, il voulait rafraichir sa gorge et enlever ce goût de poussière qu'elle avait et qui ne le lâchait pas". Repéré et embarqué dans les entrepôts par les quatre vigiles du service de sécurité, il vit ses derniers instants. La violence des coups a vite raison de sa résistance. La défense pathétique des vigiles tombe vite à l'eau au vu des premières constatations confirmées par le résultat de l'autopsie, les faits sont indiscutables.

Ce qui frappe en premier chez Laurent Mauvignier, c'est la langue, le choix précis des mots, la ponctuation qui donne le rythme, il faut un petit temps d'adaptation puis vous êtes embarqués dans une lecture très physique, on ressent toute la violence qu'il décrit cela prend aux tripes, c'est très très fort!
Ce qui est tout aussi impressionnant c'est manière de raconter la victime, de lui donner une dignité,une vie, de montrer cet espoir qui ne le quitte jamais malgré la violence des coups: "je vais retrouver mon souffle, ça ne peut pas finir ici, pas maintenant et pourtant il ne pouvait plus respirer ni sentir son corps ni rien entendre, ni voir non plus et il espérait malgré tout, quelque chose en lui répétant, la vie va tenir, encore, elle tient, elle tient toujours, ça va aller, encore, ils vont cesser parce qu'ils vont comprendre parce que ma vie est trop petite".

Aprés la foule où il racontait le drame du Heysel, des hommes où il racontait la tragédie de la guerre d'Algérie la torture, les soldats mutilés, Laurent Mauvignier avec ce court texte décrypte un fait divers monstrueux et continue son étude de la barbarie.
Pourquoi cette violence, ce besoin de détruire, les mécanismes en sont parfaitement décryptés. Mais si l'auteur se pose beaucoup de questions, il constate avec effroi mais il n'a pas toutes les réponses comme si cette violence était définitivement endogène à la société des hommes et pouvait surgir à tout moment à tout endroit.

Laurent Mauvignier impressionne et confirme ici qu'il fait partie des grands écrivains contemporains de langue française.

Laurent Mauvignier - Ce que j'appelle oubli - Les éditions de minuit

5 commentaires:

  1. Un texte puissant et totalement maîtrisé pour un auteur de ceux qui comptent dans la littérature francophone contemporaine. Je confirme !

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  2. Je note cet auteur "précieux". On a trop vite fait d'oublier l'inoubliable dans la volatilité et l'enfumage de l'info...;)

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  3. Il ne faut pas seulement le "noter", il faut le lire, c'est vraiment un auteur important et il serait dommage de passer à coté!

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  4. Je n'ai rien lu de cet auteur même pas "Des hommes". Ton article me donne envie de remédier à ce manque !!

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  5. Tout à fait d'accord. Il convient de plus de souligner l'apport de / les libertés prises par Laurent Mauvignier par rapport au fait réel, pour plus encore prendre la mesure du propos et des questions que soulève Ce que j'apelle oubli

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