L'adaptation du roman noir le grand sommeil de Raymond Chandler, que nous avons relu en début d'année par Howard Hawks est absolument géniale. Le cinéaste est plutôt fidèle au roman, nous retrouvons le détective Marlowe engagé par un vieux général victime d'un chantage. Un problème de plus pour le vieil homme qui doit subir depuis des années les désagréments causés par ses deux filles qui ne sont que source d'ennui...
Le détective est embarqué dans une histoire sans fin où les morts vont se multiplier...
Le film est un sommet indiscutable du film noir hollywoodien... Un roman adapté par William Faulkner, futur Prix Nobel de littérature avec pour acteurs principaux Humphrey Bogart et Lauren Bacall et avec à la baguette le génial Howard Hawks, c'est assurément la plus brillante adaptation d'un roman de Raymond Chandler. Nous avons retrouvé dans un livre de Patrick Brion, consacré aux films noirs un certain nombre d'anecdotes concernant ce chef d’œuvre:
Le scénario est plutôt fidèle au roman, mais des éléments ont du être adaptés pour passer à travers les mailles de la censure et le scrupuleux code Hays. Ainsi adieu la relation homosexuelle entre deux personnages, le trafic de photos pornographiques et la nymphomanie de Carmen la plus jeune fille du Général.
Après Le port de l'angoisse , ce film est le deuxième où nous retrouvons le couple Humphrey Bogart et Lauren Bacall. Humphrey Bogart lorsque commence le tournage est dans une situation difficile puisqu'il divorce de Mayo Methot pour s'installer en couple avec Lauren Bacall, ils font la une de l'actualité. La production va d'ailleurs exiger que soit développée dans le film la relation entre le détective Philippe Marlowe et Vivian interprétée par Lauren Bacall pour coller à l'actualité people . Cela donne une discussion savoureuse sur les courses hippiques, un dialogue à double sens dont la connotation sexuelle est évidente. Le créateur est toujours plus malin que le censeur qui n'a vu que du feu...
C'est d'ailleurs là le charme de ce film moins sombre que le roman, Howard Hawks ne pouvant résister à aller du coté de la comédie donnant une légèreté à son personnage de détective, Bogart révèle un vrai sens de l'humour. Ainsi ce moment où Marlowe se fait draguer ouvertement par une libraire interprétée par la ravissante Dorothy Malone, une scène que Howard Hawks reconnait totalement inutile à l'histoire mais il n'a pas pu résister de tourner celle-ci, écrite de main de maitre par William Faulkner, c'est un merveilleux moment de comédie.
Histoire complexe où les morts se multiplient. On retrouve ainsi Owen Taylor le chauffeur du général au fond du fleuve au volant de sa voiture. La thèse de l'accident est vite écartée, il est impossible de douter que la mort soit d'origine criminelle . Bogart demande sur le tournage à Hawks: "Qui a tué Taylor?". Incapable de répondre le cinéaste interroge à son tour Faulkner, mais le scénariste n'en sait pas plus. Chandler lui-même est finalement interrogé. Il répond par un câble que c'est George Machin Chose. Le cinéaste lui répond que ce ne peut pas être Georges, l’écrivain finit par admettre qu'il ne sait pas qui a tué Taylor.
Howard Hawks confesse: "En réalité ça nous était égal. c'était la première fois que je faisais un film en décidant une fois pour toutes que je n'allais pas expliquer les choses. J'allais juste essayer d'avoir de bonnes scènes." Des années plus tard, David Lynch aura retenu la leçon
Le Grand Sommeil est un film éblouissant qui n'a rien perdu de sa magie, malgré ses libertés il est parfaitement fidèle à l'esprit du roman de Raymond Chandler et à son personnage Philippe Marlowe. L'écrivain fit d'ailleurs l'éloge lors d'une correspondance à une amie de l'interprétation de Humphrey Bogart et de l'adaptation de Howard Hawks:
"Si un jour vous voyez ce film, The Big Sleep (au moins la première partie) vous verrez ce que peut faire de ce genre d'histoire un metteur en scène qui a le sens de l'atmosphère, et la touche voulue de sadisme secret. Bogart, bien sur est très supérieur à tous les autres durs du cinéma. Comme on dit ici, Bogart sait être dur sans révolver. De plus, il a ce sens de l'humour avec ce sous-entendu grinçant de mépris"
Source: Le film noir - Patrick Brion et Howard Hawks par Howard Hawks de Joseph Mc Bride.
Film vu dans le cadre du ciné club de Potzina consacré ce mois ci l'adaptation littéraire, mais aussi parce que nous avions décidé que 2015 serait une année noire. Sombre présage !
J'aime beaucoup ce film, vous en parlez admirablement bien. Par contre je n'ai pas lu le livre de Chandler alors je ne peux que vous faire confiance quant à la fidélité du film au roman.
RépondreSupprimerMerci pour cette très belle participation !