Peu aventuriers, et finalement quelque peu casaniers, il nous faut bien reconnaitre qu'il existe une grand nombre d'endroits du globe où n'aurions pas idée de nous rendre tant ils nous semblent peu conviviaux voire hostiles. Nous sommes d'autant plus reconnaissants à des aventuriers de terres inconnues de nous rendre compte de leurs expéditions, leurs œuvres composant un des pans les plus passionnants de la littérature.
Et lorsque nous replongeons dans le livre de Nicolas Bouvier, "L'usage du monde", il nous est facile de constater que si les marchandises circulent à travers le monde sans difficultés, les déplacements humains sont devenus aujourd'hui plus risqués; le parcours réalisé au cœur des années 50 décrit par l'écrivain qui lui faisait notamment traverser l'Iran, l'Afghanistan, ou le Pakistan serait aujourd'hui impossible. Le monde est devenu hostile, chaque région se repliant tristement sur elle même.
Christian Garcin dans son dernier ouvrage partage une traversée de la Sibérie, sur le long du fleuve Ienissei, de Krasnoïark, ville natale de Andrei makine à son embouchure dans l'arctique. Une des plus grandes réussites de ce court récit de voyage est de rendre compte de l'immensité de la Russie dont il n'est pas toujours facile d'en prendre conscience même à la lecture d'un atlas. Une immensité hallucinante rendue à ce pays trop souvent réduit à son dictateur. .
Immensité des territoires mais aussi désastre écologique et humain, où de nombreuses ethnies se meurent dans la misère , dans une totale indifférence. Désastre naturel d'un pays dévasté par un récent incendie gigantesque et pillé de ses richesses naturelles sans aucune considération à l'image de la ville usine de Norilsk et ses mines de Nickel ,un des lieux les plus pollués du globe. Christian Garcin tente de faire contrepoint à cette folie humaine, vantant notamment les vertus de la lenteur, de la musique, il nous donne un écrit empli d'humanité.
Si son ouvrage s'ouvre sur un rappel de l'affaire des chanteuses du groupe punk féministe enfermées dans les geôles sibériennes, d'autres références de Tarkovski à Boulgakov rappellent la grandeur éternelle de ce pays.
Un deuxième texte "Russie Blanche" consacré à un séjour en Biélorussie, un pays méconnu, maltraité par les guides de voyages ce qui a eu le don d'attiser la curiosité de l'écrivain. Si le régime politique n'a rien à envier à celui de la voisine russe,il est ainsi interdit de photographier le palais présidentiel. Christian Garcin rend compte parfaitement de la complexité et de l' histoire tragique de ce pays .Très vite au contact de sa population , il nous rend ce bout de terre attachant.
Un livre court, passionnant qui nous offre un grand voyage !
Ienesseï - Christian Garcin (Editions Verdier)
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