jeudi 9 juin 2011

Exil - Histoire d'une photo




En janvier et février 1939, 100 000 républicains fuyant le franquisme passèrent le col d'Ares (à Prats-de-Mollo dans les Pyrénées orientales)

Sur cette photo on voit au deuxième plan Amadeo Gracia Bamala alors âgé de 4 ans, qui franchit la frontière du col d'Ares avec son père, Mariano, sa sœur, Alicia, unijambiste, et son frère ainé Antonio. Amadeo, mutilé, donne la main à un Pratéen amputé de la jambe gauche à la guerre 14-18. Cette photo célèbre a servi de modèle pour le monument de l'exil de la Vajol.
Après avoir lu plusieurs articles sur l'exil des républicains, Amadeo s'est décidé à raconter son passé. ("Historia de un foto" article de Lola Huete Machado - El Pais Semanal du 12 janvier 2003). Irène Suné, l'auteur de ce texte, a appris par Marguerite Planells, de Prats, le nom de celui qui l'a aidé en 1939, Thomas Coll.

"65 ans après, Amadeo Gracia Bamala est revenu sur les lieux qui l'ont vu franchir la frontière, Amadeo qui habite à Alacala de Henares (Madrid) n'avait jamais parlé de son histoire. Thomas Coll est mort en 1947 mais son fils Jean a tenu à rencontrer Amadeo, lors de sa venue du 27 au 30 novembre 2003. Il a montré à Amadeo " El cami d'espania". "Dans la bergerie proche, aujourd'hui en ruine, transis de froid et de peur, les exilés se reposaient, avant de continuer par le chemin de Saint Antoine., car la route du coté français n'était pas encore faîte. C'est là que mon père venait aider les réfugiés et t'avait pris en charge." Amadéo a beau fouiller dans sa mémoire, il ne se souvient de rien; il était trop jeune. Ses rares souvenirs proviennent de son frère.
"C'était en 1937, lors d'un bombardement fasciste sur Monzon (Huesca) où nous habitions. Quand les bombes tombèrent, ma mère s'est jetée sur moi pour me protéger, elle n'a pu épargner mon pied gauche. Une voisine s'est couchée sur ma sœur. Ainsi nous survécûmes au milieu de leurs corps. Mon frère fut miraculeusement sauvé: ma mère l'avait envoyé chercher le dé à coudre qu'elle avait oublié."
"Amadeo regarde, impassible cette photo. Après la mort de mon père, on nous renvoya à Monzon dans un wagon infesté de poux. Nous avons eu froid, faim; nous avons subi humiliations et outrages. Pourquoi ne m'a-t-on pas laissé en France plutôt que de me jeter dans la gueule de mes bourreaux? No perdono, ni olvido."
"Avant le départ, sur la tombe de Thomas Coll et sur la fosse commune des républicains. Et là, arrive Rosa Roda, 83 ans: " Je t'ai vu arriver avec ta sœur. J'avais 18 ans. Deux enfants si jeunes, mutilés, je m'en souviens. Je vous revois comme si c'était hier, fatigués, blessés..." Pour la première fois Amadeo pleure. "En quatre jours ici, j'en ai plus appris sur ma vie que durant soixante ans."

Jorge Semprun fut un exilé, en hommage nous avions le désir de rendre compte de cette terrible histoire tirée du remarquable livre:

Exil,
Témoignages sur la guerre d'Espagne
Les camps et la résistance au franquisme

de Progreso Marin.

Ed Loubatières.

2 commentaires:

  1. Il me semble avoir déjà vu cette photo !! Dans un film (ou un téléfilm) ?. Mais maintenant que je vais pouvoir aller dans une médiathèque, je note, le feuilleter serait déjà un grand moment.

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  2. Elle est célèbre cette photo elle rend compte d'une histoire plutôt terrible.

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